Louis Aragon (1897-1982)
Les Po�tes
Je me
souviens. Je regardais innocemment par la fen�tre.
En ce temps-l� n'�tais-je
pas libre de donner mon c�ur � ce passant
Il l'a pris sans rien me demander
laissant
Dans ma poitrine ce grand vide.
Non je ne maudirai pas le soir
de sa venue
Je ne maudirai pas sa l�vre Ni ses bras
O mon Dieu vous qui savez tout, savez-vous bien
Ses bras, sa force et son �treinte,
Vous a-t-il tenu contre son ventre �
mon Dieu dans ses jambes dures
L'homme l'homme pour la premi�re fois tout au
long de vous
(�)
Parfois m�me aujourd'hui dans cette chambre il entre
Et me prend par la main.
Je suis une ceinture � jamais d�nou�e.
Il
fait de moi tout ce qu'il veut
Il m'abandonne.
Je l'entends longuement
marcher dans le jardin
Il a des pas de primev�res
Et ses �paules sont le
parfum de la nuit
Jusqu'au matin qui tarde � la tempe des vitres
C'est
son haleine son haleine que je vois
Il arrive mon dieu qu'� vous je le
pr�f�re
Pardonnez-moi cela.