Joachim du Bellay (1522-1560)
Regrets
EXTRAIT : (L'extrait repris ici vient de : Pour tout l’amour des hommes : Anthologie de l’homosexualité dans la littérature : III – XVIe siècle de Michel Larivière.)
Le texte en bleu est le passage repris dans l'anthologie de de Saintonge
Sonnet 139
Si tu veuls vivre en court (*Dilliers) souvienne-toy
De
t'accoster tousjours des mignons de ton maistre,
Si tu n'es favori, faire
semblant de l'estre,
Et de t'accommoder aux passetemps du Roy,
Souvienne-toy encor' de ne prester ta foy
Au parler d'un
chacun, mais sur tout sois adextre
A t'aider de la gauche, autant que de la
dextre,
Et par les moeurs d'autruy à tes moeurs donne loy,
N'avance rien du tien (*Dilliers) que ton service,
Ne
monstre que tu sois trop ennemy du vice,
Et sois souvent encor' muet,
aveugle, & sourd.
Ne fay que pour autruy importun on te nomme,
Faisant ce
que je dy, tu seras galland homme :
T'en souvienne (*Dilliers) si tu veuls vivre en
court .
Regrets (Sonnet 139)
Edition
Gallimard
Poche
Sonnet 73
Gordes, j’ai en horreur un vieillard vicieux
Qui
l’aveugle appétit de la jeunesse imite,
Et jà froid par les ans de soi-même
s'incite
A vivre délicat en repos odieux.
Mais je ne crains rien tant
qu’un jeune ambitieux
Qui pour se faire grand contrefait de l’hermite,
Et voilant sa trahison d’un masque d’hypocrite,
Couve sous beau semblant
un cœur malicieux.
Il n’est rien (ce dit-on en
proverbe vulgaire)
Si sale qu’un vieux bouc, ni si prompt à mal faire
Comme est un jeune loup : et, pour le dire mieux,
Quand bien au naturel
de tous deux je regarde,
Comme un fangeux pourceau l’un déplaît à mes yeux,
Comme d'un fin renard de l’autre je me garde.
Sonnet 138
De voir mignon du roi un
courtisan honnête,
Voir un pauvre cadet l’ordre au col soutenir,
Un
petit compagnon aux états parvenir,
Ce n’est chose, Morel, digne d’en faire
fête.
Mais voir un estafier, un enfant, une bête,
Un forfant, un poltron
cardinal devenir,
Et pour avoir bien su un singe entretenir
Un Ganymède
avoir le rouge sur la tête :
S’être vu par les mains d’un soldat espagnol
Bien haut sur une échelle avoir la corde au col
Celui que par le nom de
Saint-Père l’on nomme :
Un bélître en trois jours aux princes s’égaler,
Et puis le voir de là en trois jours dévaler :
Ces miracles, Morel, ne
se font point qu’à Rome. (Sonnet 138)
Sonnet 139
Si tu veuls vivre en court (*Dilliers) souvienne-toy
De t'accoster
tousjours des mignons de ton maistre,
Si tu n'es favori, faire semblant de
l'estre,
Et de t'accommoder aux passetemps du Roy,
Souvienne-toy encor' de ne prester ta foy
Au parler
d'un chacun, mais sur tout sois adextre
A t'aider de la gauche, autant que de
la dextre,
Et par les moeurs d'autruy à tes moeurs donne
loy,
N'avance rien du tien (*Dilliers) que ton service,
Ne
monstre que tu sois trop ennemy du vice,
Et sois souvent encor' muet, aveugle, &
sourd.
Ne fay que pour autruy importun on te nomme,
Faisant
ce que je dy, tu seras galland homme :
T'en souvienne (*Dilliers) si
tu veuls vivre en court
.