Jean Cocteau  (1889 - 1963)

 

BIOGRAPHIE

Sur ce site très bien fait : http://perso.wanadoo.fr/cl/cocteau.htm 

Ou par Bernard Rapp pour l'émision de France3 : UN SIECLE D'ECRIVAINS

aussi à lire :  Jean Cocteau : LA GENESE DU "SURREALISTE" par Eric Dumont

 

BIBLIOGRAPHIE Sélective :

 

Le Livre Blanc : Roman  Biblio / Extrait / Texte Intégral

 

BIBLIO

[Illustrations de Jean Cocteau.]
Paris (3, rue Crébillon, 75006) : B. Laville, 1970
 17 cm, 127 p., ill. 6 F
(Erotika biblion. 5. _ Attribué à Jean Cocteau)

[Précédé d'un frontispice et accompagné de 17 dessins de Jean Cocteau (entièrement coloriés à la main par M. B. Armington, artiste peintre.)] 
Paris : éditions du ?Signe?, 1930. (5 mars 1921.)
In-4, 72 p. et planches.

[ précédé d'un frontispice et accompagné de 17 dessins de Jean Cocteau]
Paris, Éditions du signe 1930. 
In-4° (295 x 240), 75 p. et pl. en coul., fac-similé. [Acq. 293895] -XcE-

[Texte et bois de Jean Cocteau.]
(Paris,) P. Morihien(1953). 
Petit in-4 °, 89 p., fig. et couv. en coul. [D. L. 3294-53] -Xb-

Paris (21 rue Pergolèse, 75116) : Ed. de Messine, 1983
123 p. : ill., couv. ill. en coul. ; 25 cm
(Collection Pierre Bergé)
[La couv. porte en plus : "avec 43 dessins érotiques de l'auteur"]

Paris : P. Morihien [19--?]
86 p. : ill. ; 24 cm.

[précédé d'un frontispice et accompagné de dix-sept dessins de l'auteur]
Paris  : Passage du Marais, 1992
85 p.-[17] f. de pl. en coul. ; 24 cm
ISBN 2-84075-001-5 (br.)

[préf. de Dominique Fernandez ; choix des textes et présentation par Bernard Benech]
Paris : Librairie générale française, 1999
248 p. : ill., couv. ill. ; 18 cm
(Le livre de poche. Biblio ; 3305)
ISBN 2-253-93305-8 (br.)

[suivi de quatorze textes érotiques inédits / [texte et dessins de] Jean Cocteau... ; introduction par Milorad]
Paris (35, rue Simart, 75018) : Persona, 1981
172 p. : ill., couv. ill. ; 22 cm
ISBN 2-903669-01-5 (Br.)

EXTRAITS

Le texte en bleu est le passage repris dans l'anthologie de de Saintonge

Extrait 1

(…) le corps d'Alfred était pour moi davantage le corps pris par mes rêves que le jeune corps puissamment armé d'un adolescent quelconque. Corps parfait, gréé de muscles comme un navire de cordages et dont les membres paraissent s'épanouir en étoile autour d'une toison où se soulève, alors que la femme est construite pour feindre, la seule chose qui ne sache pas mentir chez l'homme (…)

Le Livre blanc
Ed. Persona - 1981
p.49 (…)

 

Extrait 2

(...) On s'installe dans une cabine obscure et on écarte un volet. Ce volet découvre une toile métallique à travers laquelle l'œil embrasse une petite salle de bains. De l'autre côté, la toile était une glace si réfléchissante et si lisse qu'il était impossible de deviner qu'elle était pleine de regards.
Moyennant finances il m'arrivait d'y passer le dimanche. Sur les douze glaces des douze salles de bains, c'était la seule de cette sorte. Le patron l'avait payée fort cher et fait venir d'Allemagne. Son personnel ignorait l'observatoire. La jeunesse ouvrière servait de spectacle.
Tous suivaient le même programme. Ils se déshabillaient et accrochaient avec soin les costumes neufs. Désendimanchés, on devinait leur emploi aux charmantes déformations professionnelles. Debout dans la baignoire, ils se regardaient (me regardaient) et commençaient par une grimace parisienne qui découvre les gencives. Ensuite ils se frottaient une épaule, prenaient le savon et le faisaient mousser. Le savonnage se changeait en caresse. Soudain leurs yeux quittaient le monde, leur tête se renversait en arrière et leur corps crachait comme un animal furieux.
Les uns, exténués, se laissaient fondre dans l'eau fumante, les autres recommençaient la manœuvre ; on reconnaissait les plus jeunes à ce qu'ils enjambaient la baignoire et, loin, essuyaient sur les dalles la sève que leur tige aveugle avait étourdiment lancée vers l'amour.
Une fois, un Narcisse qui se plaisait approcha sa bouche de la glace, l'y colla et poussa jusqu'au bout l'aventure avec lui-même. Invisible comme les dieux grecs, j'appuyai mes lèvres contre les siennes et j'imitai ses gestes. Jamais il ne sut qu'au lieu de réfléchir, la glace agissait, qu'elle était vivante et qu'elle l'avait aimé.

Idem, p.62 à 67

 

Extrait 3

(…)
L'élève Dargelos est un mythe
De mon enfance d'écolier.
Je le revois dans l'escalier,
En train de nous montrer sa bite.

Vraiment des choses qu'il faut
Faire il n'avait aucune idée,
Mais son sexe sans défaut
Effraye comme l'orchidée.

Ce sexe mou, sombres et lourd,
Il le relevait sur son ventre,
Ecartait les cuisses. Entre
Montrait son cul de velours.

Nuit et velours, velours et herbe,
S'entrouvrait un trou rosé,
Entre les cuisses superbes
Qu'il écartait d'un geste osé.

Puis il remballait sa bite
Dans le pantalon trop court
Où tant de beauté habite,
Et reluquait le tambour.

C'était un garçon de campagne
Chez lequel il aimait aller.
Il voulait que je l'accompagne
Pour se voir faire enculer.

On s'enfermait dans une chambre,
On s'appuyait contre le mur,
Et Dargelos faisait son membre
Devenir énorme et dur.

Il le mouillait de sa bouche
Lentement, amoureusement,
Puis il lui criait : " Va, bouche
Le trou du cul de ton amant. "

Il disait des cochonneries,
Trouvant pour jouir, qu'il fallait
Qu'on en dise et que l'on crie
Jusqu'aux écluses de lait.

Idem

Extraits 4

J'entrai au lycée Condorcet en troisième. Les sens s'y éveillaient sans contrôle en poussant comme une mauvaise herbe. Ce n'étaient que poches trouées et mouchoirs sales. La classe de dessin surtout enhardissait les élèves, dissimulés par la muraille de cartons. Parfois, en classe ordinaire, un professeur ironique interrogeait brusquement un élève au bord du spasme. L'élève se levait, les joues en feu, et, bredouillant n'importe quoi, essayait de transformer un dictionnaire en feuille de vigne. Nos rires augmentaient sa gêne. La classe sentait le gaz, la craie , le sperme. Ce mélange m’écœurait. Il faut dire que ce qui était un vice aux yeux de tous les élèves n'en étant pas un pour moi ou, pour être plus exact, parodiant bassement une forme d'amour que respectait mon instinct, j'étais le seul qui semblais réprouver cet état de choses. Il en résultait de perpétuels sarcasmes et des attentas contre ce que mes camarades prenaient pour de la pudeur. Mais Condorcet était un lycée d'externes. Ces pratiques n'allaient pas jusqu'à l'amourette; elles ne dépassaient guère les limites d'un jeu clandestin. Un des élèves, nommé Dargelos, jouissait d'un grand prestige à cause d'une virilité très au-dessus de son âge. Il exhibait avec cynisme et faisait commerce d'un spectacle qu'il donnait même à des élèves d'une autre classe en échange de timbres rares ou de tabac. Les places qui entouraient son pupitre étaient des places de faveur. Je revois sa peau brune. A ses culottes très courtes et à ses chaussettes retombant sur ses chevilles, on le devinait fier de ses jambes. Nous portions tous des culottes courtes, mais à cause de jambes d'homme, seul Dargelos avait les jambes nues. Sa chemise ouverte dégageait un cou large. Une boucle puissante se tordait sur son front. Sa figure aux lèvres un peu grosse, aux yeux un peu bridés, au nez un peu camus, présentait les moindres caractéristiques du type qui devait me devenir néfaste. Astuce de la fatalité qui se déguise, nous donne l'illusion d'être libres et, en fin de compte, nous fait tomber toujours dans le même panneau. La présence de Dargelos me rendait malade. Je l'évitais. Je le guettais. Je rêvais d'un miracle qui attirerait son attention sur moi, le débarrasserait de sa morgue, lui révélerait le sens de mon attitude qu'il devait prendre pour une pruderie ridicule et qui n'était qu'un désir fou de lui plaire. Mon sentiment était vague. Je ne parvenais pas à le préciser. Je n'en ressentais que gêne ou délices. La seule chose dont j'étais sûr, c'est qu'il ne ressemblait d'aucune sorte à celui de mes camarades. Un jour, n'y tenant plus, je m'en ouvris à un élève dont la famille connaissait mon père et que je fréquentais en dehors de Condorcet. "Que tu es bête, me dit-il, c'est simple. Invite Dargelos un dimanche, emmène-le derrière les massifs et le tour et joué." Quel tour? Il n'y avait pas de our. Je bredouillai qu'il ne s'agissait pas d'un plaisir facile à prendre en classe et j'essayai vainement par le langage de donner une forme à mon rêve. Mon camarade haussa les épaules. "Pourquoi, dit-il, chercher midi à quatorze heures? Dargelos est plus fort que nous (il employait d'autres termes). Dès qu'on le flatte il marche. S'il te plaît, tu n'as qu'à te l'envoyer." La crudité de cette apostrophe me bouleversa. Je me rendis compte qu'il était impossible de me faire comprendre. En admettant, pensai-je, que Dargelos accepte un rendez-vous, que lui dirais-je, que ferais-je? Mon goût ne serait pas de m'amuser cinq minutes, mais de vivre toujours avec lui. Bref, je l'adorais, et je me résignai à souffrir en silence, car, sans donner à mon mal le nom d'amour, je sentais bien qu'il était le contraire des exercices de la classe et qu'il n'y trouverait aucune réponse. Cette aventure qui n'avait pas eu de commencement eut une fin.

Poussé par l'élève auquel je m'étais ouvert, je demandai à Dargelos un rendez-vous dans une classe vide après l'étude de cinq heures. Il vint. J'avais compté sur un prodige qui me dicterait ma conduite. En sa présence je perdis la tête. Je ne voyais plus que ses jambes robustes et ses genoux blessés, blasonnés de croûtes et d'encre. -Que veux-tu? me demanda-t-il, avec un sourire cruel. Je devinai ce qu'il supposait et que ma requête n'avait pas d'autre signification à ses yeux. J'inventai n'importe quoi. -Je voulais te dire, bredouillai-je, que le censeur te guette. C'était un mensonge absurde, car le charme de Dargelos avait ensorcelé nos maîtres. Les privilèges de la beauté sont immenses. Elle agit même sur ceux qui paraissent s'en soucier le moins. Dargelos penchait la tête avec une grimace : -Le censeur? -Oui, continuai-je, puisant des forces dans l'épouvante, le censeur. Je l'ai entendu qui disait au proviseur : "Je guette Dargelos. Il exagère. Je l'ai à l’œil!" -Ah! j'exagère, dit-il, eh bien, mon vieux, je la lui montrerai au censeur. Je la lui montrerai au port d'armes; et quant à toi, si c'est pour me rapporter des conneries pareilles que tu me déranges, je te préviens qu"à la première récidive je te botterai les fesses.Il Disparut.Pendant une semaine je prétextai des crampes pour ne pas venir en classe et ne pas rencontrer le regard de Dargelos. A mon retour j'appris qu'il était malade et gardait la chambre. Je n'osai prendre de ses nouvelles. On chuchotait. Il était boy-scout. On parlait d'une baignade imprudente dans la Seine glacée, d'une angine de poitrine, un soir, en classe de géographie, nous apprîmes sa mort. Les larmes m'obligèrent à quitter la classe. La jeunesse n'est pas tendre. Pour beaucoup d'élèves, cette nouvelle, que le professeur annonça debout, ne fût que l'autorisation tacite de ne rien faire. Le lendemain les habitudes se refermèrent sur ce deuil.Malgré tout, l'érotisme venait de recevoir le coup de grâce. Trop de petits plaisirs furent troublés par le fantôme du bel animal aux délices duquel la mort elle-même n'était pas restée insensible. En seconde, après les vacances, un changement radical s'était produit chez mes camarades. Ils muaient; ils fumaient. Ils rasaient une ombre de barbe, ils affectaient de sortir tête nue, portaient des culottes anglaises ou des pantalons longs. L'onanisme cédait la place aux vantardises. Des cartes postales circulaient. Toute cette jeunesse se tournait vers la femme comme les plantes vers le soleil. C'est alors que pour suivre les autres, je commençai de fausser ma nature. En se ruant vers leur vérité, ils m'entraînaient vers le mensonge. Je mettais ma répulsion sur le compte de mon ignorance. J'admirais leur désinvolture. Je me forçais de suivre leur exemple et de partager leurs enthousiasmes. Il me fallait continuellement vaincre mes hontes. Cette discipline finit par me rendre la tâche assez facile. Tout au plus me répétai-je que la débauche n'était drôle pour personne, mais que les autres y apportaient une meilleure volonté que moi.

(...)

J'avais découvert pour mes baignades une petite plage déserte. J'y tirais ma barque sur les cailloux et me séchais dans le varech. Un matin, j'y trouvai un jeune homme qui s'y baignait sans costume et me demanda s'il me choquait. Ma réponse était d'une franchise qui l'éclaira sur mes goûts. Bientôt nous nous étendîmes côte à côte. J'appris qu'il habitait le village voisin et qu'il se soignait à la suite d'une légère menace de tuberculose. Le soleil hâte la croissance des sentiments. Nous brûlâmes les étapes et, grâce à de nombreuses rencontres en pleine nature, loin des objets qui distraient le cœur, nous en vînmes à nous aimer sans avoir jamais parlé d'amour.

(...)

Je vais t'avouer mon secret, me dit-il, lorsque nous fûmes seuls. Il y avait en moi une femme et un homme. La femme t'était soumise ; l'homme se révoltait contre cette soumission. Les femmes me déplaisent, je les recherchais pour me donner le change et me prouver que j'étais libre. L'homme fat, stupide, était en moi l'ennemi de notre amour. Je le regrette. Je n'aime que toi. Après ma convalescence je serai neuf. Je t'obéirai sans révolte et je m'emploierai à réparer le mal que j'ai fait.

Idem
p.33 et 34
72,73,86

 

VIRTUEL

Gay History and Literature : Essays by Rictor Norton : http://www.infopt.demon.co.uk/cocteau.htm