Jean Genet (1910-1986)

Pompes funèbres

EXTRAIT

La vénération qui la porte à cet endroit du corps et l'immense tendresse que j'ai accordée aux enfants qui me permirent d'y pénétrer, la grâce et la gentillesse du don de ces gosses, m'obligent à parler de tout cela avec respect. Ce n'est pas profaner le mort le mieux aimé que de dire, sous l'apparence d'un poème encore imprévisible de ton, le bonheur qu'il m'offrit quand mon visage était enfoui dans la toison que ma sueur et ma salive rendaient moite ; se collant en de petites mèches qui séchaient après l'amour et restaient rigides. Quand ma langue s'activait au plus profond, une main, l'autre approchée au membre écrasé entre le ventre et le matelas, écartait les fesses. Mes dents, désespérément, y allaient parfois, et mes prunelles étaient pleines d'images.

Pompes funèbres, Gallimard 1982, p.17