Pierre Herbart (1904-1974)

L'âge d'or

 

EXTRAIT

(…) J'étendis le bras et rencontrais la laine de son chandail. Puis nos joues encore mouillées se touchèrent. Le désir rendait Pétrole tremblant comme une feuille. J'oubliais, il oubliait que sa bouche était blessée. Un gémissement de douleur me le rappelait, et le goût de son sang. A la fin, de colère il me mordit cruellement et nous nous mîmes à lutter sur l'étroite couchette. " Attention ! On va les réveiller ! " balbutia-t-il à demi dressé sur un coude. Je l'attirai doucement contre moi. " Je tremble, je tremble ", murmurait-il. Délivré de son angoisse par le plaisir, il devenait tendre et gai. " Je suis un chien, annonçait-il, et je te lèche la jambe ". Il ne renonçait à son entreprise qu'épuisé, la bouche sèche et la langue comme un morceau de cuir. Ou bien, il soufflait sur mon dos en partant des épaules, jusqu'aux reins ; ou bien il dessinait avec un doigt, sur mon corps, une femme grandeur nature, chacun de ses membres épousant chacun des miens. Pétrole prenait ensuite lui-même sur moi, la place qu'occupait la femme : " Tu vois, sa tête est là, contre ton épaule.. Tu sens ma bouche ? (Il me mordait doucement pour que je la sente). Forcément ses bras son sur tes bras, mais comme ils sont un peu plus courts, ses mains arrivent là (il me serrait les deux poignets) ; ses jambes aussi sont un peu plus courtes et ses pieds sont comme ça (il appuyait la plante de ses pieds sur le dessus des miens). Voilà, tu peux remuer, écarter tes jambes, elle te suit ; elle est collée à ta peau, quoi.

L'âge d'or
Ed. Gallimard
p. 59, 60