Marcel Jouhandeau (1888-1979)

Que la vie est une f�te

 

EXTRAITS

(�) Sans doute, le corps a-t-il droit � ses f�tes, comme l'�me. La volupt� n'est pas autre chose et comment serait-elle un mal, si la nature l'a pr�vue, permise et en abandonne l'usage � la discr�tion de nos membres ; du moment qu'une d�licatesse inlassable les pr�serve de toute vulgarit� et que le c�ur temp�re la violence de nos �lans par un afflux de tendresse.

(�) C'est m�me moi qui dois r�sister � leurs invites, moins parce que la rigueur de mes principes s'y oppose que parce que j'ai une vue juste des choses, " de ce qui convient ". Non, je ne pense pas qu'il soit si mal de se livrer � de certaines caresses, � de certains �bats que l'on me propose, que je suppose. Je ne regarde pas comme un p�ch� de satisfaire un d�sir qui est dans mon c�ur, de donner libre cours � une fonction qui est dans la nature (�) Mais l'id�e que je me fais de la passion, m�me de la volupt�, me rend suspect tout ce qui n'en serait que la parade ou la caricature. Le plaisir surtout, abandonn� � lui-m�me, exige toutes sortes de d�licatesse, faute de quoi il n'est plus qu'une d�bauche d�gradante, une mimique, une grimace grotesque.

(�) Je suis devenu � peu pr�s tranquille, au moins sur ce qui m'a si longtemps tourment�, pr�occup� : la sexualit�, la sensualit�. Voil� un aspect de ma vie qui s'impose, qu'on l'agr�e ou non, n�cessairement. Il s'agit d'une fonction qui doit s'accomplir, comme elle peut, d'app�tits qui doivent se satisfaire, en occasionnant le moins de d�g�ts possible ; normalement, s'il est permis anormalement, s'il n'y a ni moyen ni envie de s'en tirer autrement. On ne choisit pas sa nature ; on a seulement le devoir d'en r�gler l'usage, en �vitant d'en faire �tat plus qu'il ne convient � la sagesse, � la raison.

(�) Un g�n�ral de grand avenir est d�nonc� par sa femme comme coupable d'homosexualit�. Bien qu'elle ait mis au monde un gar�on qui a dix-sept ans aujourd'hui, elle pr�tend que les rapports qu'elle a eus avec son mari ne lui laissent aucun souvenirs, qu'elle ne s'est jamais aper�ue qu'il e�t un sexe diff�rent du sien. Bien plus, la grand-m�re maternelle t�moigne qu'elle a surpris le suspect au moment o� il se livrait � des man�uvres �tranges sur son propre fils encore enfant.
(�) L'amour des gar�ons r�pond � un culte de la force. Qui s'y d�bilite n'y a rien compris.

Que la vie est une f�te.
Ed. Gallimard, 1966
(p. 56, 78, 107, 161, 241)