Christopher Marlowe (1564 - 1593)

 

BIOGRAPHIE

"Le ciel lui prêta l'intelligence, l'enfer le vice".

Telle était la réputation de Marlowe que Swinburne considère comme étant le plus audacieux et le plus inspiré des auteurs anglais.

En fait, on connaît fort peu de détails sur sa vie si ce n'est qu'il fit des études à l'Université de Cambridge, qu'il obtint grâce à des protections le grade de docteur. Quoique très jeune, il aurait appartenu au service secret de la Reine. Il quitta Cambridge et renonça à la prêtrise pour devenir acteur et écrire des pièces de théâtre. Il eut une existence brillante et aventureuse et fut assassiné au cours d'une rixe au sujet d'une prostituée. Après sa mort, son ami Thomas Kyd avec qui il vivait fut arrêté et inculpé d'athéisme. Celui-ci pour se disculper, prétendit que tous les papiers compromettants trouvés chez lui appartenaient à Marlowe, que ce dernier proclamait : "Quiconque n'aime pas le tabac ou les garçons est un imbécile", ou encore que "Saint Jean l'Evangéliste était compagnon de lit du Christ et qu'il reposait toujours sur son sein et que Jésus usait de lui comme les pécheurs de Sodome".

En fait, on n'a jamais pu prouver que Marlowe était homosexuel mais certains de ses vers le laissent à penser. Dans la pièce Edouard II, Gaveston le mignon du roi décrit avec complaisance les divertissements favoris du malheureux souverain qui mourut embroché sur une tige de fer rougie au feu: 

"Tout autour de la chambre cette fausse aurore
Fit lever le jour avant que le jour ne fut né"

Dans le poème Héro et Léandre, ne voit-on pas Neptune enlacer amoureusement Héro, et dans Didon Jupiter dorloter Ganymède sur ses genoux? En 1950 dans son journal, Julien Green écrit : "Relu avec délices Héro et Léandre. Cette sensualité élisabéthaine est la seule qui m'ait jamais paru authentique. Les écrivains érotiques d'aujourd'hui sont froids et plats en comparaison".

 


 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 Dido, Queen of Carthage (texte en anglais)

Didon : (Scène I)  

 

JUPITER, dorlotant Ganymède sur ses genoux
Viens, charmant Ganymède, viens jouer avec moi.
Je raffole de toi, en dépit de Junon;

GANYMEDE Je suis bien avancé avec votre amour indigne.
Qui ne me protège pas des coups de la mégère.
Aujourd'hui, pendant que je remplissais vos coupes
Et que je préparais votre manteau d'apparat,
Elle me donna une telle gifle que je renversai le broc
Et que le sang m'en coula des oreilles.

JUPITER Quoi! elle ose frapper le chéri de mon cœur?
Par l'âme de Saturne et par ma barbe,
Qui trois fois secouée, fait trembler la terre,
Je jure, si elle te fait la tête encore une fois,
De la pendre, comme un météore, entre ciel et la terre,
Pieds et mains liés avec des cordes d'or,
Comme j'ai fait autrefois pour punir Hercule.

GANYMEDE Si je pouvais assister à ce charmant spectacle,
Comme je rirais avec le frère d'Hélène,
Comme j'amènerais les dieux pour s'en ébahir!
Doux Jupiter, si jamais je t'ai plu,
Si je t'ai semblé beau, enfermé dans tes ailes d'aigle,
Accorde cette faveur à mon charme immortel
Et je ne quitterai plus tes bras resplendissants.

JUPITER Que puis-je, charmant espiègle, refuser à ta jeunesse
Ton visage me procure une telle extase
Qu'affolé par son éclat brûlant qui me perce comme une flèche
J'ai souvent arrêté les chevaux de la Nuit
Qui t'auraient dérobé de ma vue.
Viens sur mes genoux et agis à ta guise,
Maîtrise le fier destin, coupe le fil du temps.
Est-ce que tous les dieux ne sont pas à tes ordres,
Et la terre et le ciel, les seules bornes de ton plaisir?
Vulcain dansera pour que tu te moques de lui.
Mes neuf filles chanteront quand tu seras triste.
A l'oiseau de Junon j'arracherai ses plumes orgueilleuses
Pour te faire un éventail qui te rafraîchira.
Les cygnes de Vénus se dépouilleront de leur duvet d'argent
Pour rendre plus doux dans ton lit le sommeil.
Mercure ne montrera plus ses ailes au monde
Si ton caprice veut l'en dépouiller
Et, comme celle-ci, je les lui arracherai toutes,
      Il arrache une plume aux ailes de Mercure.
Pourvu que tu dises : "Leur couleur ma plaît."
Tiens, mon petit chéri, prends ces bijoux.
Junon les portait le jour de son mariage.
Mets celui-ci autour de ton cou, mon amour à moi tout seul,
Et de mon larcin pare tes bras et tes épaules.
GANYMEDE Je voudrais avoir des boucles d'oreille
Et une belle broche pour mettre à mon chapeau
Et alors je t'embrasserai cent fois

JUPITER Tout ce que tu voudras, Ganymède, pourvu que tu m'aimes


 


 Hero and Leander (texte en anglais)

Héro et Léandre

[…]

"O Héro, Héro" allait-il répétant;
puis il gravit une roche élevée
d'où, découvrant sa tour, il la fixa longtemps des yeux,
et supplia l'Hellespont qui s'agitait à l'étroit dans ses rives,
de s'ouvrir en deux, afin qu'il puisse aller et revenir;
mais les flots bondissants répondaient toujours : "non".
Alors, il mit à nu son corps blanc comme ivoire,
et criant : "Amour, me voici!", il plongea brusquement.
Ce que voyant, le dieu au visage de saphir, s'échauffa
et fit sonner la conque à son Triton folâtre,
s'imaginant que Ganymède, mécontent,
avait quitté les cieux; et il se jeta sur lui.
Léandre eut beau lutter, les vagues l'enlacèrent,
et l'attirèrent au fond de la mer, où le sol
était jonché de perles, et où , dans des bosquets de corail,
de mélodieuse sirène jouaient avec leurs amants
sur de lourds amas d'or, et prenaient grand plaisir
à se moquer dédaigneusement des trésors naufragés.
C'est là que se dressait le beau palais d'azur
où demeurait le roi Neptune avec sa cour.
Le dieu lascif l'étreignit; l'appela "mon amour",
jura de ne jamais le rendre à Jupiter.
Mais lorsqu'il s'aperçu que ce n'était pas Ganymède,
car Léandre, sous l'eau, était presque mort,
il le souleva jusqu'à la surface, et, ayant vu son visage,
de son trident, rabattit les vague trop hardies
qui se dressaient dans l'espoir de l'embrasser,
et retombèrent en pluie de larmes, pleurant de l'avoir manqué.
Léandre, remonté, commença de nager,
et, tournant la tête, vit que Neptune le suivait.
Le pauvre, consterné, se prit à s'écrier :
"Oh! Laissez-moi la voir avant que je ne meure!"
Le dieu mit à son bras le bracelet d'Hellé,
et jura que la mer ne lui ferait jamais de mal.
Il tapotait ses joues pleines, jouaient avec ses longues boucles,
et, souriant d'un air lascif, trahit son désir amoureux.
Il guettait les bras du nageur, et lorsqu'ils s'ouvraient tout grands,
à chaque brasse, il se glissait entre eux,
dérobait un baiser, puis s'échappait, dansait,
et, se retournant, lui jetait des oeillades passionnées,
lançait pour l'amuser mille riens colorés,
puis il plongeait, et venait regarder de tout près
sa poitrine, ses cuisses, et tous ses membres,
remontait à nouveau, et nageait contre lui,
et lui parlait d'amour. Léandre répliqua :

"Vous êtes dans l'erreur, je ne suis point une femme, moi"

 


Edward II (Texte en anglais)

 

 

BIBLIO

 

VIRTUEL

The Complete Works of Christopher Marlowe: An Electronic Edition