Michel-Ange Buonarroti dit Michel-Ange (1475-1564)

Sonnets

EXTRAIT  : (L'extrait repris ici vient de : Pour tout l�amour des hommes : Anthologie de l�homosexualit� dans la litt�rature :II � Moyen-�ge de Michel Larivi�re.)

Le texte en bleu est le passage repris dans l'anthologie de de Saintonge

 

Sonnet 25

Tu sais bien que je sais, mon seigneur,
que tu sais que je m�en suis venu jouir de toi de plus pr�s ;
et tu sais que je sais que tu sais qui je suis :
alors, pourquoi tarder � nous f�ter l�un l�autre ?

Si l�espoir dont tu m�as berc� n�est pas trompeur,
s�il est vrai que tu vas combler mon grand d�sir,
que s�abatte le mur qui les s�pare encore,
car le tourment qu�on c�le est un double martyre.
Je n�aime en toi, mon cher seigneur, que cela m�me
que tu prises le plus : en vas-tu prendre ombrage ?
Mais c�est un esprit qui s'�prend d�un autre esprit !
Ce dont je suis en qu�te dans ton beau visage,
ce qu�il m�enseigne, autrui ne peut pas le saisir,
et qui le veut apprendre doit d�abord mourir.

 

Sonnet 32

Je per�ois sur ton beau visage, mon seigneur,
ce qu�on ne saurait bien narrer en cette vie :
mon �me, rev�tue encore d�une chair,
avec lui, maintes fois, jusqu'en Dieu fut ravie.
Bien que la foule b�te, envieuse et cruelle
d�nonce chez autrui ce qu�elle �prouve en soi,
ne m�en sont pas moins chers mon intense ferveur
mon honn�te d�sir, mon amour et ma foi.

A cette source de merci dont vient notre �tre
nous adresse premi�rement toute beaut�,
comme le savent bien les esprits avis�s.

Nous n�avons du Ciel ici-bas nul autre fruit
ni gage, et si l�on t�aime avec foi, l�on s��l�ve
en Dieu : mourir, alors, para�t une douceur,

Mon intense d�sir, � quoi bon le clamer
toujours avec des pleurs m�l�s d�am�res
plaintes si le Ciel, qui d�un pareil sort habille l��me,
n�a garde ensuite de jamais l�en d�pouiller ?

A quoi bon, pauvre c�ur, m�exhorter � languir
encore, quand d�autres meurent ? Qu�elle soit donc
moins importune pour ces yeux, la derni�re heure :
c�est le seul bien qui vaille devant ma douleur.

Mais si dans cette �preuve, il est in�vitable
que j�endure les coups qui me sont destin�s,
entre douceur et dol qui fera son entr�e ?

Si c�est vaincu, captif, que la f�licit� m�attend,
point de merveille alors que, seul et nu,
je reste prisonnier d�un chevalier arm�

Ce n�est pas toujours faute grave ni mortelle
Que de br�ler pour un prodige de beaut�
Si le c�ur en est attendri de telle sorte
Qu�un trait divin y puisse ais�ment p�n�trer.

L�amour s��veille : il dresse, il empenne ses ailes
et ne fait point obstacle au vol des passions vaines;
c'est le premier degr� d'o�, vers son Cr�ateur
dont elle a toujours faim, l'�me prend son essor.

L'amour auquel je songe tend vers les hauteurs,
Mais tout autre est celui des femmes: un coeur sage
et viril ne doit pas se consumer pour elles.

L'un vous attire au Ciel, et l'autre vers la Terre;
l'un dans l'�me est log�, l'autre habite les sens
et d�coche sa fl�che � vil et bas objet.

Sonnets
(XLII p.96 et XLVIII p.104)
Editions Mazarine