Pier Paolo Pasolini ( 1922-1975)
Les Ragazzi
EXTRAITS :
Extrait 1
(�) Il se trouvaient sur le parapet du quai entre le
Ponte Sisto et le Ponte Garibaldi.
"T'es compl�tement fou mon gar�on ! fit
le P�doque scandalis�.
-Vite ! insistait Alduccio, on va descendre par ce
petit escalier, puis on va sous le pont : un petit truc en gros, quoi !
-Non, non, non disait la tapette en secouant la main et la t�te d'un air
r�solument n�gatif.
-Comment ? continuait Alducio en s'�chauffant. O� qu'on
trouverait un meilleur endroit ? On n'a pas besoin d'une demi-heure : deux
minutes quoi !
(�)
Les Ragazzi
Ed.
Buchet-Chastel, p.232
1982
Extrait 2
Le sourire en coin de la tapette s'accentua, plissant de
mille plis en �ventail sa bouille fig�e. Et tout �moustill�, il se posta de
profil � la fa�on d'une chanteuse qui poserait, les �paules nues, pour une
affiche de beuglant. En effet, il eut le geste des femmes pour rejeter leurs
cheveux en arri�re, puis il se pencha en avant, un peu vrill� sur lui-m�me, pr�t
� suivre le Fris� (�)
" Nous y v'l�, fit le Fris�, vous n'avez qu'�
descendre et � prendre � droite. " Et il montra entre les ronces un v�ritable
sentier � ch�vres qui longeait l'ar�te de la petite hauteur.
" Vous tomberez
dans une grotte, vous pouvez pas la rater. Qui voulez-vous qui vienne vous
casser les couilles l� en bas ? Salut ! A la revoyure !
" Qu'est-ce que tu
fabriques ? Tu t'en vas ? fit la tapette qui faisait une t�te longue d'une aune
et haussait les �paules.
-De quoi tu t'm�les ? C'est pas tes oignons !
r�pondit Alduccio qui n'�tait pas f�ch� de voir le Fris� s'en aller.
-Mais,
comment, fit la tapette, tu nous plaques ?
-Bon ! fit le Fris�, magnanime,
j'vais avec vous jusqu'� la grotte. "
S'accrochant aux broussailles, ils
d�gringol�rent le sentier, qui d�valait maintenant, et parvinrent � un
terre-plein vert et glaiseux, car une rigole d'eau noire sortait de la grotte,
tout � c�t�.
" Tiens, c'est l�, " fit le Fris�. Pour la tapette, pas
question que le Fris� s'en all�t ; il le prit donc par le bras, une invite dans
le sourire, puis pencha la t�te contre son �paule en minaudant de fa�on � lui
lancer un petit sourire de bas en haut. Patiemment, le Fris� rit � son tour.
Depuis qu'il �tait sorti de la maison de correction, il avait grossi et l'envie
de jouer les truands ne le d�mangeait plus du tout. On ne lui en racontait plus
maintenant. " Zut, alors, qu'il fit, deux, �a t'suffit pas ?
-N�non, fit la
tapette pliant un peu les genoux comme une petite fille qui fait la moue pour
obtenir ce qu'elle veut.
-Zut alors ! r�p�ta le Fris�, t'es un dr�le de
zigue ! ".
Idem, pages 234 et 235