Introduction

Cette anthologie est le premier florilège des citations érotiques d'auteurs renommés épris de jeunes garçons.

Toute civilisation qui a exprimé une image totale de l'homme a nécessairement, parmi ses grands écrivains, des hommes qui ont chanté l'amour des adultes pour les adolescents. Ces derniers, enfants compris, n'ont jamais cessé de provoquer une attirance, parfois charnelle, parfois chevaleresque, chez certains hommes d'âge mûr. Aussi la pédophilie est-elle de tous les temps et de toutes les latitudes.

Contrairement aux convictions bien ancrées, le sexe n'est pas toujours le plus important dans la psychologie pédérastique. Le plus essentiel, souvent, est le refus de la normalité et le choix délibéré de la marginalité teinté même d'un certain mysticisme.
" MORT à VENISE " de THOMAS MANN illustre fort bien ce comportement : le professeur âgé est en admiration devant son charmant élève TADZIO, non pour obtenir ses faveurs sensuelles - il sent qu'il s'agit pour lui d'un amour impossible - mais pour dépasser la simple passion physique et s'élever à la sphère des exaltations fiévreuses.

Pierre de Saintonge s'est refusé à exploiter une mode. Il écarte délibérément les textes pornographiques ne présentant aucun intérêt littéraire. Son choix se porte sur des œuvres qui constituent un levain de civilisation et parviennent à l'universalité.
" Autant bailler aux corneilles que de se nourrir de toutes les turpitudes qui sont la pâture des imbéciles ", écrit FLAUBERT.

Ce " LIVRE D'OR " ne baille pas aux corneilles. Il a surtout pour but de déculpabiliser les adolescents qui, jusqu'à ces dernières années, en trouvaient, face à leur inquiétude, que le silence abyssal de leur famille et de leurs proches - seuls des enseignants compréhensifs et les littérateurs libérés des tabous leur apportaient quelque lumière sur leurs troubles. Mais beaucoup d'élèves ignoraient que leur préférence charnelle avait été partagée, avant eux, par les plus grands : de VERLAINE et RIMBAUD, à LOTI, WILDE, GIDE, PROUST, MANN, MONTHERLANT, COVTEAU, YOURCENAR et tant d'autres, sans oublier - bien avant - l'immense MICHE ANGE et son très cher TOMASO DEI CAVALIERI, ni HENRI III et ses mignons efféminés.
Certes, loin de moi l'idée de recommander l'étude de cette anthologie aux potaches ; néanmoins, n'est-il pas déplorable de limiter leur connaissance des grands auteurs précités aux " morceaux choisis " des manuels scolaires - prison ou musée - qui s'ingénient à les rendre fades, assommants et inoffensifs ? Il suffit de parcourir le dernier LAGARDE et MICHARD pour s'en convaincre.
Que ce livre d'or soit pour les lecteurs - tout en les rassurant - un ferment de progrès spirituel. C'est ainsi, et ainsi seulement, qu'il atteindra son but.

P. de Saintonge