William Shakespeare (1564-1616)
Sonnets
EXTRAIT : (L'extrait repris ici vient de : Pour tout l�amour des hommes : Anthologie de l�homosexualit� dans la litt�rature :II � Moyen-�ge de Michel Larivi�re.)
Le texte en bleu est le passage repris dans l'anthologie de de Saintonge
(Sonnet XLVII, 36).
Laisse-moi confesser qu�il nous faut rester deux,
Bien qu�unis en un seul
d�une amour indivise
Ainsi je porterai mes stigmates f�cheux
Seul, sans
ton aide, afin que seul les coups me visent.
Ils ont, nos deux amours, la
m�me intensit�,
Encor que s�par�s de volont�s fatales
Qui, sans changer
en rien leur aimante unit�,
D�pouillent leur bonheur des minutes vitales.
Il ne m�est plus permis de te conna�tre au jour,
Que mon p�ch� pleur� ne
te soit un m�compte ;
Cesse en public aussi d�honorer ton amour,
Que cet
honneur ne soit pour ta gloire une honte.
Garde t�en bien, Ami, pr�serve ta
m�moire :
Tout ton �tre �tant mien, mienne est aussi ta gloire.
(Sonnet XXVIII, 144)
J�ai deux amours qui font mon heur et mon tourment !
Deux esprits qui
toujours me soufflent leur haleine :
Le bon ange est un homme aux cheveux
blonds charmants,
L�ange mauvais, maitresse brune, �me vilaine.
Afin de
me plonger vite en l�enfer profond
Mon diable-femme vient courtiser mon bon
ange,
Et corrompre mon saint, le muer en d�mon :
Ainsi l�impur
orgueil,de l�amour pur se venge !
Que d�j� l�ange ait succomb� sous
l�ennemi,
Je ne puis l�affirmer ; mais j�en ai doute amer :
Tous les
deux sont au loin, tous les deux bons amis :
Le Mauvais, j�imagine, est pour
l�autre un enfer !
Je vivrai dans le doute et sans savoir jamais, -
Sauf
quand le Bon fuira les brandons du Mauvais.
(Sonnet XXXIX 42)
Qu�elle soit tienne, Ami, n�est pas tout mon chagrin,
Et pourtant je
l�aimais d�un c�ur tendre et farouche ;
Mais qu�Elle te poss�de est le pire
destin
Et la perte d�amour qui de plus pr�s me touche.
� mes chers
offenseurs, je veux vous excuser !
Toi, si tu l�aimes tant, c�est parce que
je l�aime ;
C�est par amour aussi qu�Elle a pu m�abuser
En te laissant
l�aimer par amour de moi-m�me.
Te perdre, c�est un gain pour son c�ur
amoureux ;
La perdre, c�est un gain pour l�Ami qui s�en loue ;
Si je les
perds tous deux, ils se trouvent tous deux,
Et tous deux par amour sur cette
croix me clouent.
Mais nous ne faisons qu�un, � flatterie extr�me :
En
aimant mon Ami c�est toujours moi qu�Elle aime.
(Sonnet XXXVIII, 20)
La Nature t�a peint un visage mignard
De femme, Ami, mon ma�tre et ma
ma�tresse aim�e ;
Un c�ur de femme aussi, mais inapte au grand art
Des
mobiles humeurs de mensonge embrum�es ;
Un �il plus lumineux mais sans �moi
trompeurs,
Et qui dore l�objet qu�il baigne de ses flammes ;
Pour la
couleur, homme tu es, roi des couleurs,
Roi qui sais ravir l�homme et
fasciner la femme.
Femme au premier projet de Nature en travail,
S��prenant de son �uvre, elle te voulut prince :
Elle t�enl�ve � moi,
t�ornant d�un m�le �mail,
Et le trait, qui parfait son chef-d��uvre,
m��vince.
Puisqu�elle t�a moul� pour le plaisir des femmes,
De ton amour
j�ai la lumi�re, elles les flammes. .