Franck Varjac

 

BIOGRAPHIE

 

BIBLIOGRAPHIE

 

L'agneau chaste : Roman  Biblio / Résumé / Première page / Extrait

 

BIBLIO

ed. de la différence, 2000

Résumé  

L'Agneau chaste est une histoire d'amour, de celles qui sont le plus difficile à écrire car rien ne s'y passe... sinon l'éveil et la prise de pouvoir insidieuse et violente du corps dans un monde organisé pour le nier. Trente ans après, l'homme adulte se souvient de l'amour de ses treize ans. Par notations brèves, dans une langue presque enfantine, celle d'un jeune garçon aux prises avec des sensations et des sentiments qui le submergent, Franck Varjac a écrit le récit de cette passion.

La Différence (source : catalogue de la librarie "Les Mots à la bouche" )

 

Première Page

 

EXTRAIT

Morceaux choisis par Kovz 

Aujourd’hui tout particulièrement, je devine qu’il faut profiter pleinement de ces jambes, douces et tendres. Je sais que la jeunesse ne dure pas, quelques mois, quelques années qui passent vite, on n’y pense pas, on n’a pas le temps, et puis viennent les métamorphoses. Peut-être que je penserai à tout cela dans très longtemps et que je comprendrai plus fort encore que j’avais raison de le rouler dans le sable, mon corps d’enfant...


Cela sent bon l’été les vacances, mais moi j’ai envie de silence. D’ailleurs, si je ne trouve pas un endroit tranquille pour me ressaisir, je crois que je vais me mettre à pleurer. Je me fous du feu d’artifice, « du ciel immense et des milliards d’étoiles tellement proches, qu’on pourrait les toucher de la main ». Je me fous des rires, du bonheur de chacun. C’est pour cela que je me sens si mal ce soir : il me semble que tout m’est devenu indifférent...


A mon tour je quitte mes vêtements pour plonger sous son regard. Je l’ai vu de dos, il me voit venir de face. Les flots sont si purs que j’aperçois les galets sous mes pieds et nos deux corps nus. J’ai vingt ans, trente ans, cent ans... Je ne sais plus et cela n’a aucune importance. Je ferme les yeux et me concentre avec force sur chaque centimètre carré de ma peau. Je n‘ai ni chaud ni froid. Le silence serait total sans cette cigale solitaire qui chante quelque part au-dessus de nos têtes, dans un arbre lointain...


Le supplice dure toute la nuit. Dans la maison silencieuse et endormie je lutte contre des images qui me submergent, contre un visage et un prénom qui me harcèlent : Fabrice. Je me lève pour faire quelques pas jusqu’à la fenêtre entrouverte. Une mobylette passe dans la rue. Le bruit du moteur se prolonge longtemps dans l’obscurité. Jusqu’au lever du jour, pendant cette longue traversée nocturne, je regarde en face mon trouble, mon désir et ma peur. A travers les volets filtre une douce lumière rose. C’est l’aube. Epuisé, je trouve enfin le sommeil...


Ce sont les images de mon rêve qui reviennent. Mon regard se disperse sur son corps qui me semble immense. Fabrice cherche une réponse sur mon visage. Comme je reste là, sans bouger, il tend une main tremblante vers ma joue. Oui, tremblante. Fabrice a peur. Moi, je suis pétrifié par un désir que je sens grandir lentement. Sa main chaude et douce est sur ma nuque, parcourt mes épaules, redescend le long de mon bras et s’accroche à ma main pour l’étreindre...


Je revois sans cesse la même image : ma main d’enfant sur son épaule d’adulte. La disproportion insolite. J’entends nos cris, les gémissements de deux garçons. Puis-je m’avouer ce que j’ai osé faire ? Puis-je nommer ce que je suis devenu ? Je suis incapable de retenir mes larmes plus longtemps. La honte, le dégoût, mêlés au désir de recommencer, m’étourdissent. Le silence sera ma force, ne rien dire, ni trahir, jamais. En face de moi une famille dort profondément, quatre étrangers, déjà...


Il a planté ses yeux bleus dans les miens et dans ce regard-là il y a de l’appréhension. Il redoute ma réponse. Fabrice se demande si j’ai bien compris ses plans. Je laisse planer le silence. De moi dépend maintenant son bonheur ou son malheur. Je mesure soudain mon pouvoir mais mon coeur s’attendrit. Je ne veux pas le faire souffrir...


Pendant une heure, une heure seulement, le monde n’existe plus. Seuls demeurent deux êtres, Fabrice et moi, protégés par les murs du gymnase, nos corps et nos têtes sur des coussins, et nos caresses, nos chuchotements à l’oreille, nos souffles mêlés et nos baisers. Mon sentiment de liberté est violent, avoir attendu si longtemps et contenu tant de désirs, douloureusement, me bouleverse à chaque fois et je pleure. Fabrice ne dit rien. Il comprend. Je vois les mêmes larmes couler de ses yeux bleus...


Pour l’instant je ne peux pas contrôler en même temps le bonheur et la terreur. Je ne peux pas, c’est au-dessus de mes forces. Fabrice me dit toujours : « Personne ne te fera jamais de mal, parce que je suis là. » Quand il me dit cela, des larmes troublent le bleu de son regard et une telle force m’entoure ! Je sais que dans ses bras, rien ne peut m’atteindre. Rien, ni personne. Fabrice c’est le prénom qui coule dans mes veines nuit et jour. Je ne savais pas qu’on pouvait aimer aussi fort...


- « Fabrice, Pourquoi m’aimes-tu ? Pourquoi moi, alors que tu es marié et que... »
Fabrice me regarde avec toute la tendresse du monde, me sourit doucement, cherche au plus profond de lui les mots pour me dire sa vérité. Je le vois scruter l’horizon du côté de la mer qui se reflète dans ses yeux avant d’exprimer ce qui semble si difficile.
- « Ta jeunesse, ta fragilité... Mon plus grand bonheur est de te voir heureux, de te protéger. Tu sais, on pourrait rester comme ça sans jamais faire l’amour. Je suis fou de joie quand tu te blottis contre moi, comme maintenant. C’est comme si je te donnais tout ce que je n’ai pas eu à ton âge. Tout ce que j’ai attendu. Auprès de toi je suis une grande personne et aussi un petit garçon. »...


 

VIRTUEL