Agota Kristof

 

BIOGRAPHIE

 

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Le Grand Cahier : Roman  Biblio / Résumé / Première page / Extraits

 

BIBLIO

Résumé:

Source : http://www.biling.de/clf/fiches/kristof/clf_kri.htm 

    Victimes des malheurs et des horreurs de la guerre, les jumeaux se montrent, à leur tour, capables de toutes les bassesses. Ils sont témoins d'un passage de Juifs déportés, de la découverte d'un charnier, de la mort de leur mère. A la fin, ils font la connaissance de leur père qu'ils envoient dans un champ de mines où il trouve la mort, ce qui permettra à l'un de passer la frontière.

    A la manière du Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen et de La Mère Courage de Brecht, Le Grand Cahier brosse, en une suite d'épisodes, un tableau tranquillement horrible de la guerre et du totalitarisme vus à travers les yeux naïfs de deux garçons. C'est, en outre, un véritable roman d'apprentissage plein d'humour noir.

 

EXTRAIT 1

La langue étrangère

L’officier nous apporte un dictionnaire dans lequel on peut apprendre sa langue. Nous apprenons les mots ; l’ordonnance corrige notre prononciation. Quelques semaines plus tard, nous parlons couramment cette langue nouvelle. Nous ne cessons de faire des progrès. L’ordonnance n’est plus obligé de traduire. L’officier est très content de nous. Il nous offre un harmonica. Il nous donne aussi une clé de sa chambre pour que nous puissions y entrer quand nous voulons (nous y allions déjà avec notre clé, mais en cachette). Maintenant, nous n’avons plus besoin de nous cacher et nous pouvons y faire tout ce qui nous plaît : manger des biscuits et du chocolat, fumer des cigarettes.

Nous allons souvent dans cette chambre, car tout y est propre, et nous y sommes plus tranquilles qu’à la cuisine. C’est là que nous faisons nos devoirs, le plus souvent.

L’officier possède un gramophone et des disques. Couchés sur le lit, nous écoutons de la musique. Une fois, pour faire plaisir à l’officier, nous mettons l’hymne natioanl de son pays. Mais il se fâche et brise le disque d’un coup de poing.

Parfois, nous nous endormons sur le lit qui est très large. Un matin, l’ordonnace nous trouve là ; il n’est pas content :

-C’est imprudent ! Vous plus faire bêtise comme ça. Quoi arriver une fois, si l’officier rentrer le soir ?

-Que pourrait-il arriver ? Il y a assez de place pour lui aussi.

L’ordonnance dit :

-Vous, très bêtes. Une fois, vous payer la bêtise. Si l’officier vous faire mal, moi je tuer lui.

-Il ne nous fera pas de mal. Ne vous en faites pas pour nous.

 

Une nuit, l’officier rentre et nous trouve endormis sur son lit. La lumière de la lampe à pétrole nous réveille. Nous demandons :

-Vous voulez que nous allions à la cuisine ?

L’officier nous caresse la tête et dit :

-Restez. Restez seulement.

Il se déshabille et se couche entre nous deux. Il nous entoure de ses bras, il nous chuchote dans l’oreille :

-Dormez. Je vous aime. Dormez tranquillement.

Nous nous rendormons. Plus tard, vers le matin, nous voulons nous lever, mais l’officier nous retient :

-ne bougez pas. Dormez encore.

-Nous avons besoin d’uriner. Nous devons sortir.

-Ne sortez pas. Faites-le ici.

Nous demandons :

-Où ?

Il dit :

-Sur moi. Oui. N’ayez pas peur. Pissez ! Sur mon visage.

Nous le faisons, puis nous sortons dans le jardin, car le lit est tout mouillé. Le soleil se lève déjà ; nous commençons nos travaux du matin.

 

 

EXTRAIT 2

(Source : http://www.biling.de/clf/fiches/kristof/clf_kri.htm )

 

L'hiver

    Il fait de plus en plus froid. Nous fouillons dans nos valises et nous mettons sur nous presque tout ce que nous y trouvons: plusieurs pull-overs, plusieurs pantalons. Mais nous ne pouvons pas mettre une seconde paire de chaussures sur nos souliers de ville usés et troués. Nous n'en avons d'ailleurs pas d'autres. Nous n'avons ni gants ni bonnet non plus. Nos mains et nos pieds sont couverts d'engelures.
    Le ciel est gris-foncé, les rues de la ville sont vides, la rivière est gelée, la forêt est couverte de neige. Nous ne pouvons plus y aller. Or nous allons bientôt manquer de bois.
    Nous disons à Grand-Mère :
 - Il nous faudrait deux paires de bottes en caoutchouc.
    Elle répond:
- Et quoi encore? Où voulez-vous que je trouve l'argent?
- Grand-Mère, il n'y a presque plus de bois.
- Il n'y a qu'à l'économiser.
    Nous ne sortons plus. Nous faisons toutes sortes d'exercices, nous taillons des objets dans du bois, des cuillers, des planches à pain et nous étudions tard dans la nuit. Grand-Mère reste presque tout le temps dans son lit. Elle ne vient que rarement à la cuisine. Nous sommes tranquilles.
    Nous mangeons mal, il n'y a plus ni légumes ni fruits, les poules ne pondent plus. Grand-Mère monte tous les jours un peu de haricots secs et quelques pommes de terre de la cave qui est pourtant remplie de viandes fumées et de bocaux de confitures.
    Le facteur vient parfois. Il vient tinter la sonnette de sa bicyclette jusqu'à ce que Grand-Mère sorte de la maison. Alors le facteur mouille son crayon, écrit quelque chose sur un bout de papier, tend le crayon et le papier à Grand-Mère qui trace une croix au bas du papier. Le facteur lui donne l'argent, un paquet ou une lettre, et il repart vers la ville en sifflotant.
    Grand-Mère s'enferme dans sa chambre avec le paquet ou avec l'argent. S'il y a une lettre, elle la jette dans le feu.
    Nous demandons:
- Grand-Mère, pourquoi jetez-vous la lettre sans la lire?
    Elle répond:
- Je ne sais pas lire. Je ne suis jamais allée à l'école, je n'ai rien fait d'autre que travailler. Je n'ai pas été gâtée comme vous.
- Nous pourrions vous lire les lettres que vous recevez.
- Personne ne doit lire les lettres que je reçois.
    Nous demandons:
- Qui envoie de l'argent? Qui envoie des paquets? Qui envoie des lettres?
    Elle ne répond pas.
    Le lendemain, pendant qu'elle est à la cave, nous fouillons sa chambre. Sous son lit, nous trouvons un paquet ouvert. Il y a là des pull-overs, des écharpes, des bonnets, des gants. Nous ne disons rien à Grand-Mère, car elle comprendrait que nous avons une clé ouvrant sa chambre.
Après le repas du soir, nous attendons. Grand-Mère boit son eau de vie puis, titubante, va ouvrir la porte de sa chambre avec la clé accrochée à sa ceinture. Nous la suivons, la poussons dans le dos. Elle tombe sur le lit. Nous faisons semblant de chercher et de trouver le paquet.
    Nous disons:
- Ce n'est pas gentil, ça, Grand-Mère. Nous avons froid, nous manquons d'habits chauds, nous ne pouvons plus sortir et vous voulez vendre tout ce que notre mère a tricoté et envoyé pour nous.
    Grand-Mère ne répond pas, elle pleure.
    Nous disons encore :
- C'est notre mère qui envoie de l'argent, c'est notre mère qui vous écrit des lettres.
    Grand-Mère dit :
- Ce n'est pas à moi qu'elle écrit. Elle sait bien que je ne sais pas lire. Elle ne m'avait jamais écrit auparavant. Maintenant que vous êtes là, elle écrit. Mais je n'ai pas besoin de ses lettres! Je n'ai besoin de rien qui vienne d'elle!

 

VIRTUEL

http://www.biling.de/clf/fiches/kristof/clf_kri.htm