Coupe Memorial: la région s'est fait passer un beau... poisson!
Par Normand Boivin
Chicoutimi (NB) - Les gens de Montréal sont des "p'tits vites". Ils n'ont pas mis beaucoup de temps à comprendre que si le Saguenay-Lac-Saint-Jean est le paradis de la pêche, c'est avant tout parce qu'on y trouve beaucoup de poissons.
Il y en a tellement, qu'ils marchent dans les rues... il y en a même qui s'occupent de hockey. Et ceux-là, ils mordent vite à l'appât.
C'est sans doute ce qu'ont pensé certains gouverneurs de la Ligue junior majeur du Québec et leur porte-parole Gilles Courteau, quand les organisateurs de la Coupe Memorial ont accepté de signer le contrat qui les obligeait à verser une somme de $100,000 minimum à la ligue, profits ou pas.
Et comme tout bon pêcheur, les gouverneurs ont refusé de remettre le poisson à l'eau, quand il s'est retrouvé dans la chaloupe: "fallait pas mordre à l'hamecon", qu'ils lui ont dit.
Ca frise le mépris
Vendredi, Jean-Guy Maltais et Me Eric Brisson, respectivement président et aviseur légal du comité d'organisation de la Coupe, ont rencontré la presse régionale pour lui dévoiler les résultats de la rencontre qu'ils avaient eu la veille avec la ligue, rencontre qui avait deux buts: présenter le rapport et les recommandations du comité d'organisation de la Coupe Memorial 88, et demander aux gouverneurs d'accepter les $17,000 de profits réalisés par le tournoi à Chicoutimi, sans demander le solde des $100,000 que devaient verser les quatre fidéjusseurs.
La réponse, nous la connaissions déjà. Or, Maltais et Brisson voulaient nous dire comment ca c'était passé: rien de bien édifiant pour la ligue, rien pour enlever à notre région son complexe du rejet par le reste de la province, rien pour se consoler.
S'il faut se fier aux propos de Jean-Guy Maltais et Éric Brisson (et j'ai tendance à les croire), Gilles Courteau et ses gouverneurs, à l'exception de ceux de Hull (absents), de Granby, du Collège Francais, de Verdun et, bien sûr, de Chicoutimi, ont eu autant de respect pour eux qu'ils en auraient eu pour un plat de truites.
Un petit trémolo dans la voix, lequel trahissait la colère et la frustration refoulées, Jean-Guy Maltais a déploré la facon cavalière avec laquelle on l'avait remercié des mois et des mois de travail pour donner à la LHJMQ une "Coupe Memorial mémorable". "La Ligue a démontré encore hier ce qu'elle avait dans le corps... et dans le coeur", a-t-il dit laconiquement, en guise d'introduction.
Maltais admet qu'il ne s'attendait pas à des miracles de cette visite à Montréal: la ligue avait le chèque en poche, et rien ne l'obligeait à réduite la caution de Chicoutimi. Mais en revanche, il ne s'attendait pas à se faire dire que son volumineux rapport était bourré de recommandations connues de tout le monde.
En gros, les propos des gouverneurs, tels que rapportés par Maltais et Brisson, voulaient dire à peu près ceci: Tout le monde savait que sans la garantie que l'équipe hôtesse serait du tournoi, il était pratiquement impossible de réaliser un profit de $100,000. Vous le saviez et vous avez accepté nos conditions, vous n'aviez qu'à ne pas vous engager. Et vlan! Merci pour votre beau tournoi, félicitations, on vous aime, vous êtes formidables, mais vos excuses c'est de la m... il faut maintenant passer à la caisse.
"M. Courteau, et c'est malheureux, s'est même permis de rejeter toute la faute sur le dos d'un gars qui a fait son possible dans le temps et qui n'est même plus là pour se défendre: le gouverneur de l'époque, Gratien Maltais", a repris Jean-Guy.
Plaidoyer
L'avocat Éric Brisson, qui était chargé de plaider la cause des fidéjusseurs devant les gouverneurs, a renchéri ces propos en reprenant, pour la presse régionale, l'argumentation développée devant les bonzes de la ligue.
Me Brisson n'a pas tenté de contester l'aspect légal du contrat liant l'organisation de la Coupe pour une somme de $100,000. Il a plaidé l'esprit sportif: "La grande famille qu'est la Ligue junior majeur du Québec a appris beaucoup de choses à Chicoutimi", a dit Éric Brisson. "Des erreurs ont été commises, quand les gouverneurs ont décidé d'exiger une caution de $100,000, et quand ils ont décidé de ne pas donner de passe gratuite à l'équipe Hôtesse. Ces erreurs vont servir dans le futur. Alors pourquoi faire payer la note à Chicoutimi seulement?".
Son idée n'était pas bête, mais il a eu à faire face à des hommes impassibles, qui se sont réfugiés derrière les clauses du contrat.
Du côté de la ligue, le dossier est clos. L'organisation de Jean-Guy Maltais va maintenant se tourner vers la ville, pour tenter d'alléger le fardeau des fidéjusseurs.
En bout de ligne, on peut dire que chicoutimi aura payé un beau party de hockey au reste du Québec. On passe pour de beaux poissons.
Progrès-Dimanche, 7 Août 1988.