Séminaire «
Culture, Communication and Power
»
Le CSH et le
Centre for Cooperative
Research in Social Sciences
(CCRSS, Pune) ont
organisé un séminaire intitulé «
Culture, Communication
and Power
» sur le
campus de
Jamia Hamdard
du 21 au 23 avril 1997.
Ce séminaire était le second volet d'une série de
rencontres dont la première («
Communication processes
and social transformations
») avait
rassemblé une cinquantaine de participants, en janvier 1996 à
Pune, à l'initiative du CCRSS et de la Fondation Charles Léopold
Meyer pour le Progrès de l'Homme (FPH, Lausanne-Paris).
L'objet de ces
manifestations est d'engager une réflexion sur les problématiques
de développement, ainsi que sur l'impact culturel, social et politique
des nouvelles technologies de la communication dans le sous-continent indien.
(La participation de plusieurs latino-américains au séminaire précédent
avait permis une étude comparative.)
Le séminaire
d'avril 1997 a poursuivi le même objectif en appelant la participation de
chercheurs de diverses disciplines (sociologie, anthropologie culturelle,
sciences politiques) intéressés par une articulation effective
entre la recherche et l'animation socioculturelle. Il a rassemblé environ
80 participants : universitaires, travailleurs sociaux, représentants
d'ONG et professionnels de divers médias (cinéma, vidéo,
presse, communication électronique...), dont une trentaine originaires
d'autres états de l'Inde, et quelques étrangers avertis par une
annonce largement diffusée et relayée sur Internet. Il n'est pas
anodin de constater qu'une trentaine de participants indiens disposaient cette
année d'une boîte aux lettres électronique récente de
quelques mois. Malgré cela, les tentatives de circulation électronique
des contributions se sont en partie heurtées aux limitations techniques
des fournisseurs de services.
Les contacts
avec les universitaires de Delhi ont été assurés pour
l'essentiel par deux enseignants chercheurs du département de sociologie
de
Jamia Millia Islamia
, Biswajit Das et
Neshat Quaiser. Le comité d'organisation comprenait par ailleurs Bernard
Bel (CSH), Marie Delpech (CSH), Guy Poitevin (CCRSS), Stéphanie Tawa-Lama
(CSH) et Denis Vidal (ORSTOM-CSH).
La FPH a
contribué au séminaire en fournissant, à notre demande, une
cinquantaine d'exemplaires de l'ouvrage «
Communication and
multimedia for people
» publié
sous la direction d'Alain His en juin 1996. Elle a par ailleurs assuré la
participation de Ricardo Gómez, doctorant en sciences de la communication
à l'Université de Cornell (USA).
Tous les
auteurs ayant remis à l'avance leur communication écrite (plus de
350 pages au total), les textes ont été distribués aux
participants à l'ouverture du séminaire. Les interventions se sont
donc limitées à des exposés de dix à quinze minutes
suivis de débats. Bien que contraignante pour les universitaires, cette
discipline de communication a permis le recueil d'un riche corpus de questions,
commentaires et arguments qui seront en partie repris dans la publication. A cet
effet, les sessions ont été enregistrées dans leur intégralité.
Les principaux
thèmes du séminaire étaient :
1. Le rôle de la communication dans les programmes de développement
Le séminaire
a été ouvert par une
perspective lecture
de Dipankar Gupta (président
du
Centre for the Study of
Social Systems
, JNU) :
State - civil society
relationship : conflicting modes of communication.
La session
Addressing paradigms of
development
a été
consacrée à l'évolution des concepts de « Tiers-monde »
et de « développement » dans la mouvance des
relations Nord-Sud. Les deux présentations de la session
Case studies and
experiments
s'intéressaient à
l'éducation primaire des classes défavorisées (Eric Calpas)
et aux facteurs de réussite de projets de développement dans
diverses communautés d'artisans du sud de l'Inde (Jan Brouwer). La
session
NGOs in search of
participation
a été
l'occasion, pour les animateurs sociaux et les chercheurs, de se livrer à
une évaluation critique de l'approche « participative »
prônée par diverses instances chargées de la mise en place
de projets de développement. Sur le terrain, ces techniques de
consultation sont souvent perçues comme une parodie de communication
reproduisant des schémas de domination culturelle imprimés par une
longue pratique de « communication » à sens unique.
Les intervenants ont par contre souligné l'importance et démontré
la faisabilité de méthodes « coopératives »
dynamisées par un processus d'auto apprentissage où les « experts »
s'exercent à travailler sur un pied d'égalité avec les « bénéficiaires »
des programmes de développement. Dans un exposé de synthèse
sur ce thème, Guy Poitevin a fait le lien entre ce débat et une
critique de l'observation participante en anthropologie culturelle et sociale.
Le parallèle entre les méthodologies de l'action sociale et l'épistémologie
des sciences sociales, fréquemment illustré au cours du séminaire,
montre l'intérêt scientifique d'échanges interdisciplinaires
dans une perspective de « recherche-action ».
2. Les technologies de la communication
La session
The political economy
of communication
a fait le point sur l'évolution
des technologies de la communication et des médias en Inde depuis le
Telegraph Act
de 1855, notamment en
ce qui concerne la presse, la radio et les télévisions publique et
privées. Cette réflexion a donné lieu à une réflexion
actuelle sur le thème
The new technology of communication :
collective issues
. Partant du constat
d'une progression très rapide de l'accès à Internet pour
les institutions indiennes, les intervenants ont montré le potentiel et
les limitations de cette forme de communication pour ce qui est du
fonctionnement démocratique des sociétés modernes. Les
exemples de l'utilisation d'Internet comme « contre-pouvoir »
par les ONG d'Amérique du Sud (Ricardo Gómez), ainsi que pour la résolution
de conflits ethniques en ex-Yougoslavie (Nils Zurawski) ont été
mis en contraste avec les utopies du
cyberspacevéhiculées par les médias
(Bernard Bel, CSH). La même session a porté par ailleurs sur la réalisation
et le suivi de campagnes de sensibilisation sur des problèmes de société
(Munira Sen).
3. Le geste, la parole et l'image : leur statut hier et aujourd'hui
La session
History, popular memory
and myths
a souligné l'intérêt
d'une étude des mythes axée, non plus sur des modèles
statiques véhiculés par une certaine tradition d'érudition,
mais sur la compréhension du rôle de ces représentations
dans les affirmations identitaires et les « négociations de
pouvoir » entre différentes communautés. La session
suivante,
Popular culture
revisited
, a contribué à
clarifier le concept de culture « populaire » en Inde, évitant
l'amalgame habituel avec les formes d'expression orales traditionnelles par
opposition aux traditions savantes ou à la « créativité »
moderne. D'un point de vue socio-politique, les (multiples) cultures populaires,
qui évoluent avec l'accès aux nouvelles technologies, seraient
caractérisées par leur capacité à donner une
signification aux rapports intra et intercommunautaires. L'intervention de Marie
Delpech (CSH) a posé le problème de l'appropriation ou de la
cooptation des savoirs populaires par certains artistes contemporains. Au cours
de la dernière session,
Discourses and images
of power
, divers « objets
culturels » (de l'iconographie des calendriers aux langues hybrides de
la radio, en passant par les pratiques alimentaires et les affirmations
identitaires d'une communauté de réfugiés) ont été
revus sous l'angle des discours politiques qu'ils véhiculent
implicitement. Le débat très dense qui a suivi ces communications était
en particulier révélateur de la revendication par l'anthropologie
et les sciences politiques d'un « territoire disputé »
qui pourrait constituer le terrain d'une articulation interdisciplinaire de
leurs approches. La dernière session était précédée
d'un exposé par Kumkum Sangari (historienne au
Nehru Memorial Museum
and Library
) :
Culture, ideology and
contemporary contour
.
Deux séances
de projection ont été organisées au cours du séminaire
et ont fait l'objet de débats : la vidéo
Unfettered Voices
réalisée
par une équipe CSH-CCRSS (Cf. 342) et le documentaire
Main hijra hoon
(« je suis un
transsexuel ») produit par
TVI International
. Le deuxième débat
a révélé de profondes divergences entre « gens de
terrain » issus de classes pauvres et représentants de « l'élite »
urbaine, au sujet des finalités et modalités de réalisation
de documentaires sur les communautés défavorisées ou
marginalisées.
D'autres
clivages significatifs ont été analysés, par exemple entre
les perceptions urbaines et rurales des revendications féminines. Ces
divergences expliquent l'inefficacité de certaines interventions d'ONG
calquées sur un modèle universel d'émancipation (voir la
communication de Stéphanie Tawa-Lama sur les ONG népalaises). Le débat
s'est poursuivi au cours d'un entretien sur « l'après Beijing »
enregistré par Ricardo Gómez avec quelques femmes participant au séminaire,
entretien qui sera diffusé par l'AMARC (association mondiale des radios
communautaires).
Le comité
de pilotage formé à l'issue du séminaire précédent
s'est étoffé de nouveaux membres cooptés parmi les
participants à ce séminaire. Il s'est réuni pour commencer à
préparer le troisième volet des rencontres sur le thème de
la communication. Prévu pour janvier 1998, ce séminaire portera
sur les « cultures populaires » dans leurs rapports avec
différentes formes d'action culturelle pratiquées en Inde.
Ce séminaire
a largement contribué à renouveler et élargir le réseau
de contacts institutionnels du CSH dans la communauté scientifique
indienne.