Ma fille, va prier!--Vois, la nuit est venue.
Une planète d'or là-bas perce la nue;
La brume des coteaux fait trembler le contour;
A peine un char lointain glisse dans l'ombre... Écoute!
Tout rentre et se repose; et l'arbre de la route
Secoue au vent du soir la poussière du jour.
Le crépuscule, ouvrant la nuit qui les recèle,
Fait jaillir chaque étoile en ardente étincelle;
L'occident amincit sa frange de carmin;
La nuit de l'eau dans l'ombre argente la surface;
Sillions, sentiers, buissons, tout se mêle et s'efface;
Le passant inquiet doute de son chemin.
Le jour est pour le mal, la fatigue et la haine.
Prions, voici la nuit! La nuit grave et sereine!
Le vieuz pâtre, le vent auz brèches de la tour,
Les étangs, les troupeauz avec leur voix cassée
Tout souffre et tout se plaint. La nature lassée
A besoin de sommeil, de prière et d'amour.
C'est l'heure où les enfants parlent avec les anges.
Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges,
Tous les petits enfants, les yeuz levés au ciel,
Mains jointes et pieds nus, à genouz sur la pierre,
Disant à la même heure une même prière,
Demandent pour nous grâce au père universel.