TABLE DES MATIÈRES
1 L'ASSOCIATION DES BÉNÉVOLES DE LA VALLÉE DE LA LIÈVRE
Afin de bien cerner toute la portée de l'intervention communautaire, il est important d'en comprendre la dynamique ainsi que les aspects méthodologiques inhérents. D'ailleurs, comme le soulignent Lavoie et Panet-Raymond (1993) : "L'intervention communautaire est un processus où les différentes étapes servent à illustrer l'évolution et le développement d'une action collective planifiée." (p.1)
Afin de bien illustrer les trois grandes catégories de projet d'intervention communautaire (planification sociale, développement local et action sociale), les trois textes suivants ont donc servi de toile de fond et d'objet d'analyse :
1o L'association des bénévoles de la Vallée de la Lièvre
Ce récit est en fait le verbatim d'une entrevue accordée par M. Marc Sarrazin, organisateur communautaire au CLSC Vallée-de-la-Lièvre. (M. Sarrazin et J.P. Deslauriers, 1994) Celui-ci relate ainsi son vécu et son implication au sein d'un projet relevant du domaine du maintien à domicile, réalisé à travers la mise sur pied de l'Association de bénévoles de la Vallée de la Lièvre. Pour fins d'analyse, même si l'auteur parle plus spécifiquement de planification sociale, (voir partie 2o p.6 de ce travail, pour la définition du terme) on peut également constater que cette intervention pourrait tout aussi bien se classer parmi la catégorie développement local, c'est-à-dire : "projet visant la résolution de problèmes sociaux en misant sur une auto-organisation et un auto-développement des membres d'une communauté économiquement défavorisée" (Lavoie, Panet-Raymond, 1993, p.36). Puisqu'il semble que ce soit grâce à l'initiative des Filles d'Isabelle de Notre-Dame-du-Laus que l'idée du projet se soit réalisée, c'est donc l'angle d'analyse que j'ai choisi de privilégier.
La Préparation de l'Intervention 1
1ère étape : L'analyse de la base de travail
On niveau de la connaissance de l'organisme, on peut constater que l'intervenant était bien préparé quand il a débuté comme stagiaire, car il était lui-même originaire de Notre-Dame-du-Laus. Ainsi, le fait qu'il connaissait déjà très bien la région et qu'il provenait lui-même de ce milieu rural a grandement facilité son intégration tant au sein de l'organisme où il est intervenu qu'au coeur même de la communauté.
Si on se penche maintenant sur la précision de son rôle et des tâches qui lui ont été confié, on constate que l'intervenant avait reçu un mandat clair du CLSC et qu'il a su respecter ses limites et ses engagements, même si son implication a évolué avec le temps.
2e étape : L'analyse du milieu
Même si selon les dires de l'auteur "il n'y a pas eu d'analyse des besoins réalisée d'une façon formelle", (M. Sarrazin et J.P. Deslauriers, 1994, p. 4) le fait d'avoir, dès les débuts, bien su cerner le vécu du milieu et les besoins de la communauté, représente sans contredit une très grande force pour le projet. On peut dès lors constater que c'est le fait que les Filles d'Isabelle ait été bien à l'écoute des gens de leur milieu qui a entraîné la mise sur pied de l'Association des bénévoles. Ce geste a ainsi assuré la mise en oeuvre d'un désir concret des gens du milieu d'intervenir dans des domaines d'action où les besoins étaient criants. Il appert de plus évident que le succès d'un tel projet n'aurait pu être réalisé sans le leadership des Filles d'Isabelle de Notre-Dame-du-Laus qui se sont impliquées dès le début en formant de solides bases pour l'Organisation.
Par contre, on doit également relever le fait que l'intervenant communautaire a bien su repérer ces leaders et ces bénévoles des différentes petites communautés et s'assurer de leur appui lorsque le projet a pris de l'expansion, et ce, tout en respectant leur rythme et leurs désirs.
3e étape : L'analyse de la situation-problème
Comme mentionné précédemment, les problèmes auxquels il a été décidé de s'attaquer ont évolué avec le temps. Par contre dès les tout débuts, l'approche à préconiser s'est dessinée très rapidement. Ainsi, puisqu'on avait affaire à un milieu essentiellement rural où on retrouvait plusieurs personnes âgées et plusieurs familles provenant d'ailleurs et ayant peu de contact avec leur entourage, combattre l'isolement s'est rapidement avéré comme un des domaines où il fallait intervenir. À travers cette démarche, l'aide de l'organisateur communautaire fut précieuse afin de structurer les demandes financières ainsi que les exigences administratives et organisationnelles de l'Association de bénévoles.
4e étape : Le choix d'un projet d'action
Les fondatrices du début ont eu la main heureuse en pouvant profiter d'un climat social où le gouvernement avait décidé de mettre sur pied des organisations de bénévoles s'apparentant déjà à ce que les Filles d'Isabelle de Notre-Dame-du-Laus voulaient développer. Ces dernières ont donc pu profiter de l'encadrement de M. Sarrazin en orientant leur projet en conséquence au moment où elles ont fait appel au CLSC.
5e étape : L'élaboration d'un plan d'action
Il appert que le plan d'action fut élaboré en regroupant une équipe de sept à huit bénévoles sous la coordination de l'animateur communautaire. Deux volets d'intervention précis ont donc été identifiés dès le début :
La Réalisation de l'Intervention 1
6e étape : La mobilisation
Vu le type de projet étudié et le fait que ce fut les bénévoles elles-mêmes qui sont venues contracter les services d'un organisateur communautaire du CLSC afin de structurer leur projet, on peut affirmer qu'elles étaient déjà suffisamment sensibilisées car elles avaient bien pris conscience de la situation à changer. Au moyen de beaucoup de tact et de compréhension, l'organisateur communautaire a su respecter leurs intérêts et leurs affinités afin de les amener à contribuer à la création de l'organisation et de les mobiliser à oeuvrer au sein de la nouvelle Association de Bénévoles.
L'effort de mobilisation a cependant eut à s'intensifier plus tard car, après le succès remporté à Notre-Dame-du-Laus, M. Sarrazin a eu à faire face à plusieurs résistances lorsque est venu le temps de donner de l'expansion à l'organisation en développant des services dans les autres communautés de la vallée de la Lièvre. Une approche de planning social fut alors privilégiée. Encore une fois il a fallu respecter le rythme des gens en place et, tout en prenant le temps de répondre à toutes leurs questions et leurs craintes, attendre que les leaders et les bénévoles des autres communautés se joignent à l'organisation de leur propre chef.
7e et 8e étapes : La réalisation de l'action et la création d'une organisation
Dans la réalité, ces deux étapes ont été entreprises de façon concourante et on peut même affirmer que la création de l'organisation est apparue comme une des premières étapes du plan d'action à réaliser. En effet, afin de pouvoir profiter de la subvention du CRSSSO, l'Association des bénévoles devait être créée et incorporée en bonne et due forme.
Par la suite, après avoir fait ses preuves à Notre-Dame-du-Laus, l'Association a pris de l'expansion et un conseil d'administration représentatif des cinq principales communautés (Notre-Dame-du-Laus, Notre-Dame-de-la-Salette, Val-des-Bois, Thurso et Buckingham-Masson) fut instauré. L'auteur décrit bien l'organisation en place (pp 10-12) et les activités réalisées (pp. 17-18) mais demeure quand même assez vague quant à la dynamique et à la mécanique derrière la réalisation même de ces actions. (préparation, déroulement, mise en oeuvre, moyens ressources, etc.)
9e étape : La vérification du plan
Tel que précisé par Lavoie et Panet-Raymond (1993), "cette étape de l'intervention aurait fort bien pu se retrouver ailleurs dans le processus, puisque la vérification du plan de travail en fonction des résultats obtenus est quelque chose qui doit se faire de façon continue." (p. 45) D'ailleurs, "tout groupe doit périodiquement prendre le temps de s'évaluer, sinon il s'enferme dans la routine, risque de s'éloigner de ses objectifs, répète les mêmes erreurs sans en connaître les causes et ne parvient pas à dégager les acquis de ses expériences." (Marcotte, 1986, p.81)
On peut ainsi remarquer que l'Association de bénévoles a eu à réajuster ses façons de faire à mesure qu'elle évoluait. Un premier exemple de réajustement est celui des bénévoles de Thurso qui ont décidé, après avoir réévalué leur situation, que l'essence coûtait cher et qu'il serait intéressant de se faire rembourser certains frais par l'Association. Caillouette (1991) a d'ailleurs relevé cette ambivalence : "les femmes, de même que d'autres catégories sociales discriminées sur le marché de l'emploi, courent le risque que leur implication communautaire, sous forme d'engagement social ou politique, vidée de son sens, n'occulte en fait qu'une exploitation non avouée de leur force de travail." (P.122) Un autre exemple de réajustement est la formation d'un conseil d'administration afin de mieux adapter leur façon de gérer une Association devenue plus grosse, au besoin de représentativité régionale. Enfin, plusieurs nouvelles activités sont également venues se greffer au mandat initial. (popote roulante, comité de funérailles, gardiennage, travaux à domicile et volet jeunesse)
L'Évaluation de l'Intervention 1
10e étape : Le bilan de l'intervention
Dans le cas qui nous préoccupe, cette partie est assez bien identifiée par l'auteur car un chapitre complet y est consacré. De plus le fait d'avoir pris le temps de rédiger tout le texte en objet constitue en soit une forme de bilan. Si on s'attarde à la définition du bilan telle que précisée par le Centre de formation populaire (1979) :
L'Association a également vécu quelques anicroches avec certaines intervenantes du CLSC qui ont essayé de profiter de leurs services en tentant de faire du dumping de cas. Les bénévoles ont cependant résisté ; d'ailleurs Caillouette (1991) sert une mise en garde dans ce même sens :
Au tout début de son mandat, l'organisateur communautaire était beaucoup plus impliqué dans le quotidien de l'Association des bénévoles, faisant la tournée des groupes, donnant de la formation et appuyant directement les comités locaux. Puis, au milieu des années 80, il a ensuite joué un rôle plus apparenté à celui de personne-ressource et de conciliateur auprès du CLSC. Dernièrement l'intervenant a commencé à se détacher de plus en plus, encourageant l'Association à diversifier ses sources de financement et les conseillant d'embaucher une permanente pouvant aider à l'administration et faire également office de personne-ressource.
De par ses fonctions au CLSC l'organisateur communautaire demeure quand même en contact avec l'Association qui continue à évoluer mais qui ne requiert maintenant que des interventions ponctuelles.
2o Les cuisines collectives dans le quartier Jean-Dallaire
Ce récit est en fait le verbatim d'une entrevue accordée par Mme Micheline Mallette, intervenante au CLSC de Hull. (M. Mallette et J.P. Deslauriers, 1994) Il relate ainsi son vécu et son implication au sein d'un projet de cuisine collective implanté dans le quartier Jean-Dallaire, dans le vieux Hull. Pour fins d'analyse, on peut constater que cette intervention se classe parmi la catégorie planification sociale, c'est-à-dire : "projet visant la résolution de problèmes sociaux et l'amélioration de l'état de la santé et des conditions de vie en faisant surtout appel à une expertise professionnelle, habituellement dans un établissement public." (Lavoie, Panet-Raymond, 1993, p.36) En effet, cette intervention fait suite à l'initiative de l'équipe du CLSC de Hull. Par contre on peut constater qu'à certains égards on peut parler de développement local (voir partie 1o p.1 de ce travail, pour la définition du terme), car cette intervention repose également sur une participation active des gens du milieu.
La Préparation de l'Intervention 2
1ère étape : L'analyse de la base de travail
L'équipe d'intervenante semble avoir bien fait ses classes en allant chercher tout ce qu'elle pouvait sur le concept des cuisines collectives tant au niveau de l'expérience-pilote vécue à Montréal qu'à travers l'association des diététistes du Québec. De plus les intervenantes sont également allées chercher de la formation spécifique sur la culture de la pauvreté.
Dans ce champ d'intervention, il était définitivement opportun pour l'équipe du CLSC de s'adjoindre la participation de quelqu'un qui avait vécu dans ce quartier (l'auxiliaire familiale), afin d'être mieux perçues par leur population-cible. Enfin il était important d'obtenir, dès les tout débuts, un mandat clair du CLSC, ce qui s'est d'ailleurs concrétisé au dépôt puis à l'acceptation du projet d'intervention.
2e étape : L'analyse du milieu
On retrouve dans le récit (M. Mallette et J.P. Deslauriers, 1994, p. 30), une excellente description des principaux éléments considérés lors de l'analyse du milieu. De plus, il est intéressant de constater que les intervenantes ne s'en sont pas tenues qu'à ces considérations macro-sociologiques. En effet, elles ont bonifié leur étude du milieu en allant rencontrer la majorité des résident(e)s et en faisant du porte-à-porte, afin de bien cerner le vécu du milieu et les besoins de la communauté. Ce porte-à-porte leur a également permis de réaliser un sondage maison afin d'explorer la possibilité d'implanter dans le quartier visité leur projet de cuisine collective.
3e étape : L'analyse de la situation-problème
Comme l'analyse du milieu l'avait révélé, les problèmes étaient relativement nombreux et diversifiés dans le quartier Jean-Dallaire. Ainsi le taux élevé de gens vivant de l'aide sociale, les gangs d'adolescents, la mono-parentalité, la criminalité, la violence, les abus sexuels ou de drogue et la prostitution en faisaient un milieu très dur. (ibid. p. 30)
Par contre une certaine constante s'est dessinée très rapidement ; bien que certaines initiatives de développement social avaient déjà été tentées par le passé, (carnaval, café-rencontre, moi-j'embellis, etc.) beaucoup de méfiance existait. Les gens hésitaient à s'impliquer ou à participer à quelque activité que ce soit. La culture de la pauvreté était bien implantée et un effort de mobilisation important était par conséquent nécessaire. Il s'agissait donc pour les intervenantes d'aller chercher les résidentes dans leur quotidien, par un projet pouvant les intéresser, tout en les amenant à se prendre en charge elles-mêmes.
4e étape : Le choix d'un projet d'action
Depuis les tout débuts de son intervention, l'équipe du CLSC avait arrêté son choix de moyens d'intervention privilégiés sur un projet de cuisine collective. Comme on l'a vu lors de la réflexion sur la 1ère étape, de tels projets avaient bien fonctionné ailleurs et un milieu tel que celui représenté par le quartier Jean-Dallaire s'y prêtait bien. De plus, les intervenantes croyaient au projet, n'avaient pas peur de mettre la main à la pâte et étaient prêtes à relever ce défi avec les gens sur place. Encore une fois, un effort de mobilisation au sein du milieu était cependant requis. Par contre (et heureusement), suite à l'approche porte-à-porte préconisée lors de leur analyse du milieu, où "les intervieweuses posaient des questions pour savoir qui serait intéressé à cuisiner avec d'autres et à partager les plats pour que cela leur coûte moins cher, plusieurs familles se montrèrent intéressées par cette idée-là." (ibid, p. 32)
5e étape : L'élaboration d'un plan d'action
Quatre personnes s'étaient initialement déclarées intéressées à s'inscrire à un projet de cuisine collective. Cependant, rien n'indique qu'elles aient été invitées à participer à l'élaboration du plan d'action. Cette démarche fut plutôt l'oeuvre de l'équipe d'intervention composée d'une organisatrice communautaire, d'une éducatrice, d'une diététiste et d'une auxiliaire familiale. C'est en avril 1991 que l'équipe a présenté son projet en bonne et due forme au CLSC de Hull.
Ce choix de ne pas impliquer les bénéficiaires éventuelles à ce moment peut peut-être expliquer en partie les difficultés ultérieures rencontrées par l'équipe professionnelle, à se dégager de leur engagement quotidien et à favoriser l'autonomie des participantes. (Voir 11e étape)
Néanmoins, le plan d'action développé semble avoir été des plus complets. On n'a qu'à se fier par exemple à la description détaillée des principaux ustensiles requis rapportée dans le texte. (C. Alain, 1991, citée par Mallette et Deslauriers, p. 36) On peut donc présumer qu'un plan d'action détaillé et structuré fut produit et suivi.
La Réalisation de l'Intervention 2
6e étape : La mobilisation
Tel qu'indiqué précédemment, mobiliser les gens s'est avéré une étape importante dans tout le processus de changement. L'approche porte-à-porte et le concours d'une auxiliaire familiale ayant déjà habité le quartier ont grandement contribué à faciliter le recrutement. Les intervenantes sont également allées chercher l'appui de la collectivité. Outre le CLSC qui a contribué financièrement au démarrage ($500), elles ont obtenu la collaboration de l'Office municipal d'habitation (OMH) qui leur ont prêté un local avec cuisinière et réfrigérateur. Ce local fut ensuite déplacé dans ce qui est éventuellement devenu la Maison de quartier, où d'autres projets à caractère communautaires se sont greffés. Enfin, la Société Saint-Vincent-de-Paul de L'Ile de Hull a octroyé une subvention de $80 par mois.
On peut également constater que le noyau de quatre femmes (plus une cinquième quelques mois plus tard) intéressées à participer depuis les tout débuts a beaucoup contribué à légitimer le projet. Il y a eu très peu de démissions, leur succès a d'ailleurs amené la formation de deux autres cuisines dans les mêmes locaux et il existe présentement une liste d'attente de femmes désirant se joindre au projet.
7e étape : La réalisation de l'action
Les intervenantes ont mis en oeuvre leur projet aussitôt qu'elles ont reçu l'approbation et l'appui du CLSC de Hull (avril 1991). Plusieurs obstacles ont dû être surmontés (méfiance, local initial mal situé, vol et vandalisme, etc.) De plus, le partage des tâches et l'apprentissage au travail de groupe a nécessité une certaine période d'adaptation. La cuisine collective a dû se donner des règlements précis qui ont d'ailleurs évolué à mesure qu'on faisait face à de nouveaux problèmes. Les intervenantes du CLSC sont toutefois demeurées très présentes dans la planification et même dans la conduite des activités de tous les jours. Le processus de transfert des tâches et des responsabilités s'est effectué à un rythme plus lent que prévu mais semble être maintenant sur la bonne voie. L'auteur décrit d'ailleurs bien les tâches à réaliser (pp. 41-44) et explique la façon dont l'équipe a réussi à résoudre les difficultés rencontrées.
8e étape : La création d'une organisation
Il n'est pas clair à la lecture du récit, si l'organisation a demandé et obtenu son statut de corporation. Par contre elle possède son propre compte en banque au nom de la cuisine collective Jean-Dallaire. Il appert toutefois que la Maison de quartier, qui a ouvert ses portes en 1994, est incorporée car il est spécifiquement mentionné que plusieurs des femmes ayant participé aux activités de la cuisine font actuellement partie de son conseil d'administration. (ibid. p. 49)
9e étape : La vérification du plan
Cette étape de l'intervention semble avoir été omniprésente dans tout le processus. Les intervenantes ont d'ailleurs organisé des rencontres trimestrielles en dehors des heures de cuisine afin de faire le point de façon régulière. De plus, afin de favoriser la participation et l'échange, ces rencontres coïncidaient avec une occasion de fête ou de célébration. Plusieurs ajustements internes ont ensuite été le résultat direct de ces rencontres régulières (modifications au règlement, augmentation de la quote-part, redistribution des tâches, etc.) Ces réajustements sont d'ailleurs absolument essentiels à toute organisation qui évolue. Enfin, il est bon de citer Marcotte qui explique que "tout groupe doit périodiquement prendre le temps de s'évaluer, sinon il s'enferme dans la routine, risque de s'éloigner de ses objectifs, répète les mêmes erreurs sans en connaître les causes et ne parvient pas à dégager les acquis de ses expériences." (1986, p.81)
L'Évaluation de l'Intervention 2
10e étape : Le bilan de l'intervention
Encore une fois, dans le cas qui nous préoccupe, cette partie est bien identifiée par l'auteur car un chapitre complet y est consacré. De plus le fait d'avoir pris le temps de rédiger tout le texte en objet constitue en soit une forme de bilan.
Si on reprend encore les principaux éléments de la définition du CFP (voir critique du 1er texte) :
Cette étape représente sans doute la partie où le projet des intervenantes a le plus "dévié". Ces dernières avaient prévu que le groupe serait autonome au bout de 1½ ans, mais en 1994, trois ans après, les intervenantes sont encore très impliquées. Elles ne sont pas non plus au bout de leur peine car "lorsqu'elles ont évoqué leur retrait éventuel, elles ont tout de suite observé une chute dans l'engagement des femmes." (Mallette et Deslauriers, p. 51) Il est heureux que les dirigeants du CLSC de Hull aient fait preuve de beaucoup de patience envers le projet car ils auraient pu exiger le retrait prématuré des intervenantes en leur demandant simplement de respecter les échéanciers qu'elles avaient elles-mêmes proposés dans leur plan d'action.
On peut tout de même constater que le processus de sevrage est engagé car les intervenantes ont apporté des mesures amenant progressivement la prise en charge de la cuisine collective par les participantes (choix de menu, tenue de livre, achats, etc.)
3o Le regroupement des organismes communautaires de l'Outaouais (ROCO)
Ce récit est le compte rendu d'une entrevue accordée par Mme Marie-Claude Desjardins, du Programme Intervention-femmes, qui est elle-même membre du comité provisoire du ROCO. (M.-C. Desjardins et J.-P. Deslauriers, 1994) Il relate les étapes qui ont marqué la formation du ROCO, une organisation qui vise le regroupement sur une base régionale des différents organismes communautaires de l'Outaouais. Pour fins d'analyse, on peut constater que cette intervention se classe parmi la catégorie action sociale, c'est-à-dire : "projet visant la transformation de rapports de pouvoir et le changement social en misant sur une large participation des personnes touchées par le problème." (Lavoie et Panet-Raymond, 1993, p.36)
Il est important de noter qu'au moment où ce récit fut écrit, le ROCO en était encore à ses premiers pas. Je me suis d'ailleurs permis d'inverser l'ordre habituel des étapes 7 et 8 du guide de Lavoie et Panet-Raymond (1993), car cela me semblait mieux respecter la démarche sur le terrain. L'analyse complète de toutes les étapes de l'intervention s'en trouve également assez ardue car bien qu'il soit important de vérifier constamment le plan d'action (étape 9), je crois qu'il est un peu prématuré dans le cas de cette intervention d'en faire le bilan systématique en bonne et due forme (étape 10) quand l'action sociale même ne fait que débuter.
La Préparation de l'Intervention 3
1ère étape : L'analyse de la base de travail
Paradoxalement, c'est suite à l'initiative d'une agente de liaison du CRSSS que les organismes communautaires ont décidé de tenter de créer un front commun afin que leurs besoins soient reconnus et considérés suite à la réforme Côté. À l'occasion d'une réunion d'exploration, une personne-ressource de Montréal avait exposé aux participants convoqués ce qui s'en venait au niveau provincial. On peut dès lors considérer que le comité provisoire formé à la suite de la première assemblée d'information est en fait devenu l'équipe d'intervention pour le projet ROCO.
Le comité provisoire a donc rapidement pris le leadership de l'action sociale et ses membres ont débuté en se familiarisant avec ce qui se faisait dans les autres régions. Ils ont ensuite signifié au CRSSS qu'ils se voulaient les porte-parole du mouvement communautaire de l'Outaouais et qu'ils pouvaient être consultés selon le besoin.
2e étape : L'analyse du milieu
Mis à part l'organisation par le CRSSS de la première réunion d'information en décembre 1989, le ROCO n'a reçu aucune aide du CRSSS ou d'un CLSC de la région. Le manque d'appui et d'encadrement est peut-être d'ailleurs la raison pour laquelle l'analyse du milieu fut passablement escamotée. En fait, il est vrai que bien peu de regroupements régionaux existaient dans ce domaine à l'époque. Cependant, bien que les membres du comité provisoire venaient du milieu communautaire et que chacun connaissait bien son domaine, le territoire à couvrir était très grand et diversifié (mélange de clientèle, différents intérêts, disparité régionale, etc.) On peut d'ores et déjà supposer que le comité aurait eut intérêt à mieux cerner l'identité et les besoins de sa clientèle-cible. Simplement au niveau du dénombrement de cette clientèle-cible, la liste variait de 80 à 240 organismes selon les critères considérés. Puisque tout ce processus était tout nouveau, beaucoup plus d'efforts auraient dû être déployés sur toutes ces considérations de base. Marcotte est d'ailleurs assez clair dans ce sens :
Comme l'analyse du milieu avait été déficiente, il semble que le comité provisoire n'a pas su cerner les besoins des organismes communautaires ou tout au moins n'a pas su créer chez ces derniers un besoin de se regrouper afin d'être plus solidaires. (voir 6e étape) "Dans le cadre d'une stratégie d'action sociale, la démarche diffère ... parce que tout s'articule autour de l'importance de construire un rapport de forces qui permettra, à une communauté locale ou à un groupe donné, d'obtenir des autorités en place une réponse à ses revendications." (Favreau L., 1991, p. 440)
4e étape : Le choix d'un projet d'action
Pour le comité provisoire du ROCO, tout semblait cependant évident : la réforme Côté l'obligeant presque, les groupes communautaires se voyaient forcés de se doter d'une organisation régionale s'ils voulaient se poser comme l'interlocuteur principal du CRSSS. D'ailleurs, "la sortie de la crise de l'État-providence, loin d'exiger plus de marché, demande au contraire l'émergence de dynamiques communautaires autonomes au sein de la population ; donc reconnaissance, mais non contrôle, du communautaire par l'État." (Caillouette J., 1992, p.117) La difficulté du ROCO était alors de sensibiliser les gens à cette réalité et de se voir ainsi légitimés dans leur statut de porte-parole. C'est ce travail de sensibilisation qu'ils ont bien tenté de faire rapidement mais qui a pris (et qui prend encore) beaucoup de temps et d'énergie. (voir 6e étape)
5e étape : L'élaboration d'un plan d'action
Pour le comité provisoire du ROCO, cette étape a également été difficile : "en même temps qu'il fallait s'organiser, il fallait éteindre les feux car aussitôt fondé, le ROCO devait répondre au besoin de consultation que le CRSSS adressait aux membres du comité provisoire." (M.-C. Desjardins et J.-P. Deslauriers, 1994, p.58) Le comité provisoire a donc oeuvré, tant bien que mal à travers les différents dossiers qui lui étaient imposés, à s'organiser et à jeter les bases des grandes orientations et de l'identité du regroupement.
Puisque l'organisme est encore jeune, son plan d'action se résume toujours à tenter de sensibiliser et de mobiliser les gens, à trouver du financement et à être le porte-étendard des groupes communautaires de la région dans la mesure du possible. Il n'est cependant pas fait mention de l'existence d'un plan d'action structuré en bonne et due forme. Tout au plus, il est expliqué que la distribution des tâches est maintenant mieux partagée et qu'on compte beaucoup sur l'embauche prochaine d'une permanence afin de pouvoir souffler un peu et faire le point.
La Réalisation de l'Intervention 3
6e et 7e étapes : La mobilisation et la création d'une organisation
"Prendre conscience d'un problème et de sa complexité, développer et atteindre un degré (souvent indéterminable) de compréhension, d'engagement face à une réalité x constituent les objectifs d'une opération de sensibilisation : il s'agit là du résultat d'un travail spécifique d'animation." (J. Fernandez, 1991, p.171)
Dans le cas qui nous préoccupe, la mobilisation des effectifs devait se faire par un travail de sensibilisation assidu en présentant avec véhémence les avantages du regroupement, pour les organismes communautaires. On peut cependant comprendre les difficultés de mobilisation rencontrées par le comité provisoire du ROCO car les organismes communautaires demeuraient sceptiques et partagaient probablement l'opinion de Caillouette lorsqu'il avance : "On peut présumer que la loi 120 a subi l'influence de la critique socio-communaitaire de l'État, mais que ce désir de faire place à un communautaire autonome s'est estompé devant une volonté beaucoup plus forte de maintenir et de raffiner le contrôle étatique sur le social." (1991, p. 125)
Ce processus de mobilisation fut donc ardu et le demeure toujours d'ailleurs. Depuis la première réunion d'information en décembre 1989 (le comité provisoire fut d'ailleurs formé peu de temps après), en passant par une première tentative de forum avortée en 1991 (ce qui a amené le comité provisoire à connaître un creux) , l'adoption de la loi 120 a amené une autre convocation vers la fin de 1992 (où le comité provisoire fut ranimé). Ce n'est finalement qu'à l'automne 1993 que le ROCO a réussi à convoquer une assemblée générale (bien que seulement 40 personnes étaient présentes) pour se doter d'une charte, de statuts et règlements et d'une structure. Cette structure se concrétisa ensuite par la nomination de délégués de secteurs (7 personnes) qui ont ainsi formé le comité de coordination. Fort de ce succès le ROCO a obtenu de la Régie, à l'automne 1993, une subvention de démarrage et une autre de fonctionnement un peu plus tard. 8e étape : La réalisation de l'action
Force est de constater que les premiers pas du ROCO peuvent être qualifiés de très hésitants. On ne peut blâmer les membres du comité provisoire car ils ont dû se débattre avec les moyens de bord tout en faisant face à une apathie presque généralisée des acteurs des milieux communautaires. Comme on l'a relevé plus tôt, ils ont quand même réussi à traiter divers dossiers et à jouer tant bien que mal un rôle d'interlocuteur privilégié du secteur communautaire face aux demandes de la Régie régionale et du réseau des affaires sociales. Certaines questions de fond ne sont pas encore réglées ; Quels sont les critères d'admission ? Qui doit payer des cotisations ? Qui veut-on représenter ? etc... Cependant le ROCO est de plus en plus structuré et a réussi à faire élire des représentants au conseil d'administration de la Régie régionale.
9e étape : La vérification du plan
Cette étape de l'intervention était difficile à réaliser de façon structurée car le ROCO ne semblait pas avoir de plan d'action formel lors du démarrage et au cours de ses premières années de fonctionnement à travers son comité provisoire. La lecture du récit ne me convainc pas que cette situation a été corrigée car même si à quelques endroits on traite de structure on ne fait aucunement mention d'un plan d'action en bonne et due forme.
Ceci dit, il est évident que les membres du ROCO ont eu à réajuster leur cheminement à travers le cours de leur intervention. Qu'on parle de "changement de stratégie" (p. 63), de "demandes pour ralentir afin de mieux prendre connaissance des dossiers" (p.68) ou de "réorganisation interne en se répartissant les dossiers" (p.69), le ROCO s'est maintes fois remis en question tout en s'adaptant.
L'Évaluation de l'Intervention 3
10e étape : Le bilan de l'intervention
Encore une fois, dans le cas qui nous préoccupe, cette partie est bien identifiée par l'auteur car tout un chapitre y est consacré. De plus le fait d'avoir pris le temps de rédiger tout le texte en objet constitue en soit une forme de bilan. Mais comme relevé dans l'introduction de ce troisième texte, ce bilan se veut plutôt une occasion de faire le point qu'un regard systématique sur une intervention mûrie.
Néanmoins il peut être intéressant de reprendre les principaux éléments de la définition du CFP (voir critique du 1er texte) :
Dans ce cas-ci, on ne peut vraiment parler d'intervenant externe car ni la Régie, ni aucun CLSC n'a cru bon d'en fournir un pour au moins aider au démarrage du ROCO. En fait, on peut même parler de retrait extrêmement prématuré de l'intervenant, si on considère la très brève intervention de l'agent de liaison de la Régie, au tout début lors de la réunion d'information en 1989 (p.55).
Ces trois textes ont bien su démontrer les différents aspects de l'intervention communautaire. Les résultats de chacune des interventions n'ont pas toujours été faciles à venir, mais on peut constater à la lecture des récits que les trois interviewés étaient animés d'une grande passion pour leur travail. J'ai également bien apprécié l'opportunité d'utiliser l'outil de travail proposé par Lavoie et Panet-Raymond comme base d'analyse. Je crois qu'il est beaucoup plus complet et détaillé que celui de Favreau et propose une méthode ordonnée et simple afin de bien respecter toutes les exigences d'une intervention structurée.
Ceci dit, j'ai trouvé qu'il était difficile de pouvoir proposer une critique plus étoffée sans pouvoir avoir accès à la proposition de projet ou au plan d'action qui ont certainement été préparés à l'occasion de ces trois interventions. Si le lecteur avait pu les retrouver en annexe à chacun des textes je crois qu'ils auraient pu servir d'excellent outil pédagogique lors d'éventuels efforts d'intervention futurs.