par Doris Lavoie, décembre 1996
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
Afin de bien cerner toute la portée de l'intervention communautaire, il est important d'en comprendre la dynamique ainsi que les aspects méthodologiques inhérents. D'ailleurs, comme le soulignent Lavoie et Panet-Raymond (1993) : "L'intervention communautaire est un processus où les différentes étapes servent à illustrer l'évolution et le développement d'une action collective planifiée." (p. 1)
Cette étude de cas est inspirée de mon expérience personnelle de trois années comme membre du CA du Centre de ressources des familles militaires de la région de la capitale nationale (CRFM/RCN), de différents écrits consultés et d'entrevues réalisées avec Mme Linda Gunning, la directrice du Centre et Mme Lorraine Martineau, la responsable de bénévoles. Sans pour autant négliger le fait que le CRFM/RCN représente essentiellement une initiative de planification sociale, pour fins d'analyse, j'ai voulu regarder cette intervention sous l'angle du développement local. De cette façon, je me suis donc appliqué à faire ressortir les éléments d'intervention qui s'inscrivent justement à l'intérieur d'une perspective d'économie sociale.
Cette étude saura ainsi situer le lecteur en campant le CRFM/RCN dans son environnement social élargi, tout expliquant ses origines en tant qu'organisme sans but lucratif. Je poursuivrai ensuite par une analyse de son fonctionnement en décrivant ses caractéristiques et sa mécanique interne, pour finalement concentrer la majorité de mes observations sur la mise en perspective de son impact sur le milieu représenté par les familles de militaires et sur son potentiel de réalisations à venir.
Les premiers efforts concrets pour se pencher sur le sort réservé aux familles de militaires ont débuté vers la fin des années soixante-dix lors d'un congrès sur ce thème réunissant les travailleurs sociaux des Forces canadiennes. Par contre, ce n'est qu'en 1982 qu'est apparu le premier Centre de ressources à l'intention des familles de militaires, à Cold Lake en Alberta (Medley Family and Community Support Services), financé par la province.
Celui-ci a grandi et le concept a été envisagé sur d'autres bases. Il était cependant très difficile pour les familles de s'organiser car les règlements militaires interdisaient toute activité qui pouvait être jugée comme de nature politique, sur les bases. Cette restriction s'étendait également aux «personnes à charge» ou «dépendants», termes à consonance très péjorative, employés à l'époque pour désigner les membres «civils» des familles militaires.
L'OSSOMM (Organizational Society of Spouses of Military Members) a cependant défié ce règlement et à travers la force de son organisation, a commencé à exposer des revendications. C'est donc suite aux représentations que ses membres ont faites auprès des audiences sénatoriales tenues en 1985-86 (Débats du Sénat, nov 85 à mars 86) et à leurs revendications auprès de Mme Mary Collins, alors sous ministre de la Défense nationale, qu'une étude exhaustive sur le soutien social aux familles militaires fut entreprise (QGDN-Service du Personnel, 1989) et que le concept actuel des CRFM a pris forme.
Le programme de soutien aux familles militaires fut donc développé car les moyens de pression et les recherches avaient démontré que les familles militaires présentaient des besoins et des caractéristiques uniques qui ne pouvaient être comblés par la communauté en général. En décembre 1992, le CRFM/RCN recevait son incorporation. Un premier CA/comité de démarrage ayant été mis en place 18 mois auparavant, les premiers employés furent donc embauchés pour mettre sur pied le Centre.
1.1.2 Données socio-économiques
Ottawa est une ville plus dispendieuse que les autres endroits où des bases militaires sont normalement localisées. De plus, puisqu'il y une bonne disponibilité de logements civils, très peu de logements militaires y ont été construits. Lors de récents articles de journaux sur les forces armées, il fut révélé que des familles de militaires (celle de certains soldats ou caporaux) devaient parfois avoir recours aux banques d'alimentation pour boucler leurs fins du mois. Ces familles ne disposent souvent que du salaire du militaire car vue la fréquence des déménagements, il est très difficile pour l'épouse de se trouver de l'emploi et lorsqu'elle en trouve un, elle doit toujours recommencer au pied de l'échelle dans chaque nouvelle ville. À ce titre,
"plusieurs voient encore comme un simple choix des femmes leur retour ou leur maintien au foyer à l'occasion de la naissance d'un enfant, du soin à des parents âgés ou, encore, lors de la perte de leur emploi. Pourtant, la participation relativement faible des femmes à la main-d'oeuvre est trop souvent le signe d'une dépendance économique ou d'une pauvreté cachée." (Lavigne, 1995, citée dans Conseil du statut de la femme, 1996)
1.1.3 Données socio-politiques
Plusieurs facteurs systémiques jouent un rôle déterminant sur les orientations des programmes sociaux fournis par le CRFM. Ce dernier doit donc fonctionner à l'intérieur de différents facteurs socio-culturels distincts et s'adapter à ces réalités en reconnaissant la spécificité de chacune :
Un autre événement très éprouvant pour les familles militaires qui vivaient dans les logements sur la base d'Ottawa fut la fermeture «officielle», au printemps 1995, de ses deux principaux sites, qui avaient leur propre CRFM, à Uplands et Rockcliffe. Le CRFM/RCN a donc hérité d'une clientèle additionnelle car les logements familiaux des deux sites de la base sont restés. La communauté a cependant perdu plusieurs services importants qui ont tous fermé : le magasin général, le dépanneur/station d'essence, le poste de police, l'église, les clubs sociaux (mess), la cafétéria, les écoles, l'aréna, etc. Le Centre a donc fait de son mieux pour répondre aux besoins existants en reprenant à sa charge les principaux programmes mis en place à ces endroits par l'ancien CRFM. Cette prise en charge fut très importante afin que les résidents aient au moins accès aux ressources du CRFM pendant que tout le reste fermait autour d'eux.
1.1.4 Tendances démographiques
Selon les données obtenues en septembre/octobre 1995 :
Les familles militaires représentent une clientèle qui, sans être bien nantie, n'est cependant pas considérée comme pauvre. Elle est par contre assez hétéroclite car on y retrouve des membres provenant de tous les milieux sociaux. À ce sujet on peut préciser "un important élargissement du «communautaire» : plus pragmatique, moins axé sur «un projet de société» ou sur les conditions de vie des «défavorisés». Il intègre même des préoccupations des couches moyennes de la population". (Mathieu et al., 1996, p. 20) Cette diversité permet cependant d'y retrouver des éléments qui ont plus à donner sous forme de bénévolat et d'autres qui pour l'instant sont surtout des utilisateurs des services. De ce fait :
1.2 La genèse de l'organisation
Les CRFM sont issus de l'effort des épouses de militaires pour être reconnues et considérées lorsque des décisions impliquant toute la famille sont prises. Les débuts des démarches en ce sens avaient donc un caractère très activiste. Celui de la RCN n'a cependant pas vraiment cet héritage activiste car sa mise sur pied a été le résultat de l'adoption d'un programme pan-canadien. La pratique sociale en place au Centre peut ainsi être qualifiée d'intervention en planning social, car la communauté des familles militaires dépend encore beaucoup de la présence et de l'animation apportée par les professionnels du CRFM/RCN. Cette institutionnalisation peut également s'avérer problématique car le milieu peut percevoir ce processus comme une solution administrative imposée, l'organisme devant alors faire la preuve de sa pertinence. (Favreau et Lévesque, 1996, p. 180)
1.2.2 Ses buts, ses objectifs et ses priorités
Le but premier du CRFM/RCN est de fournir le soutien requis afin d'améliorer les forces existantes des familles militaires en offrant ainsi une ressource stable et professionnelle à l'écoute du milieu.
Les objectifs formels du Centre quant à eux, tel que précisés dans le plan triennal, se résument à :
Le CRFM/RCN est un organisme sans but lucratif, incorporé au fédéral, mis en place pour répondre aux besoins de la communauté militaire travaillant au QGDN. Sa mission est de fournir des services sur une base communautaire en développant des ressources visant à améliorer la qualité de vie des familles militaires. Son mandat est d'aider ces familles à identifier, développer et utiliser efficacement leurs habiletés naturelles afin d'atteindre des aspirations saines, de donner aux enfants une opportunité de succès et de croissance personnelle, et de bâtir ou de rebâtir des liens et des réseaux entre les familles au sein de la communauté militaire.
Tous les membres des familles militaires de la RCN sont des membres potentiels. Évidemment tous ne participent pas aux activités ou ne font appel aux services du Centre. On dénombre cependant 148 bénévoles répertoriés, aidant à différentes tâches. Le CRFM vise donc à projeter une image positive, impartiale et accueillante. Il doit donc maintenir le cap et mettre en oeuvre les projets approuvés par son CA de façon constructive afin de répondre aux besoins de l'ensemble de la communauté.
1.2.5 Ses activités et ses réalisations
Les programmes suivants furent offerts durant l'année fiscale
95/96. Ils sont classés selon leurs champs d'intervention spécifiques
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Programmes visant à réduire le stress pour les familles, engendré par les besoins spécifiques de la vie militaire |
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Programmes s'adressant aux individus qui parlent peu la langue locale ou qui ont de la difficulté à s'intégrer à l'économie locale |
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Programmes s'adressant aux individus ou aux familles aux prises avec des besoins particuliers |
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Programmes s'adressant aux familles mono-parentales ou à celles où un des parents est parti en mission de paix pour une période prolongée |
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Programmes favorisant l'entraide et le développement socio-économique des familles (Note) |
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En 1995/96, à part quelques activités de levée de fonds, le CRFM était financé presque en totalité par des fonds publics alloués par le QGDN. Le budget total annuel se situait autour de $900,000 et on y employait onze personnes à temps plein et une à temps partiel. Ces individus occupaient les postes suivants : directrice, assistante à l'administration, préposé à l'information, secrétaire/commis, responsable des programmes, recherche/éducation, responsable des bénévoles, développement des secteurs francophones, gestion de crise (2), programmes pour enfants (2).
Les différents programmes mis sur pied, en plus d'être partiellement subventionnés, exigent cependant une contribution financière des participants. De ce fait, tous les coordonnateurs de programme sont tenus d'opérer à l'intérieur des budgets qui leur sont alloués. Ils doivent ainsi estimer le coût de toutes les ressources requises pour chaque programme spécifique, à part le salaire de l'intervenant, établir un nombre minimal de participation et évaluer la contribution qu'ils doivent demander aux utilisateurs afin que chaque programme fasse ses frais.
1.2.7 Son fonctionnement démocratique
Le CRFM/RCN est dûment incorporé et est contrôlé par un Conseil d'Administration composé d'entre 10 et 12 conseillers, en plus de la directrice générale et d'un représentant des autorités militaires comme membres «ex-officio». Les membres du CA sont élus lors de l'assemblée générale annuelle, où tous les membres des familles militaires de la RCN sont invités à participer/voter. Afin de s'assurer que le contrôle du Centre reflète effectivement les besoins des familles, 51% ou plus des membres du CA doivent obligatoirement être des époux(ses) civil(e)s de militaires. De plus, dans un souci d'équité dans la représentation, le CA essaiera également d'attirer des représentants des communautés anglophones et francophones de même que des chefs de familles monoparentales. Cependant aucun employé du Centre, mis à part la DG, ne siège au CA.
Lors de l'entrevue, la directrice précisait qu'il était important que les intérêts des participants et du personnel soient considérés lors de la mise en place de programmes, mais qu'ils doivent être mis en perspective avec ceux du CA et des bailleurs de fonds. Néanmoins l'effort d'empowerment auprès des usagers et de tous les autres acteurs ne peut qu'aider à assurer que les activités du Centre répondent autant aux besoins des participants qu'à ceux de l'organisation. Cependant,
Cette étude de cas est basée en grande partie sur mon expérience personnelle de trois années comme membre du CA du CRFM/RCN, soit de 1993 à 1996. Pendant cette période d'implication bénévole, j'ai fait partie de divers comités et j'ai participé à plusieurs activités et groupes de discussion. J'ai donc réussi à développer de très bons contacts avec la DG, le personnel et les usagers. Cette connaissance de l'organisation m'a grandement facilité les choses au niveau de la cueillette de données.
J'ai aussi consulté différents écrits officiels sur le Centre tel : le Plan triennal, les rapports financiers, une étude indépendante, etc. Puisque je connaissais très bien les intervenants, j'ai aussi pu avoir accès à beaucoup d'éléments de la littérature dite «grise» tel : les procès-verbaux du CA, le rapport d'évaluation interne, des éléments de correspondances entre le CRFM et ses bailleurs de fonds, etc. (CRFM, 1995 ; Barrette-Mozes, 1996 ; QGDN, 1989 ; etc.)
J'ai de plus entrepris une revue de littérature assez diversifiée touchant des domaines comme la nouvelle économie sociale, le développement économique communautaire, l'économie solidaire, etc. Ces écrits sous forme de livres (Favreau et Lévesque, 1996 ; Marcotte, 1986), cahiers (Boucher et Favreau, 1995 ; Favreau, 1995) ou documents disponibles sur l'Internet (Beauchamp, 1995 ; Bédard, 1995 ; Caillé, 1996 ; etc.), m'ont permis de mettre en perspective mes observations.
Enfin, j'ai réalisé deux entrevues : la première en personne avec la DG, Mme Linda Gunning, et la deuxième par téléphone avec la responsable des bénévoles, Mme Lorraine Martineau. Ces entrevues m'ont permis de compléter certains éléments d'information ou d'apporter des précisions à certains endroits de mon travail.
2.2 Analyse des acteurs et des projets
Comme indiqué plus tôt, le CRFM/RCN emploie 12 personnes. Plusieurs bénévoles viennent également ajouter la main à la pâte et il semble que tous fonctionnent de façon bien intégrée. Bien qu'il soit évident que la responsable du Centre soit la directrice générale, Mme Linda Gunning, le style de gestion en place favorise une approche «équipe». Tous les membres du personnel ont d'ailleurs une rencontre de groupe hebdomadaire afin de discuter des différentes questions touchant le Centre ou son fonctionnement.
Des rencontres entre le personnel et les membres du CA sont également tenues afin de discuter des orientations du Centre ou pour se concerter sur des points importants. De plus, annuellement, une fête pour remercier tous les bénévoles est organisée où on fait tirer quelques prix et on distribue des certificats d'appréciation.
2.2.2 Ses conditions d'émergences et ses difficultés
Les débuts du Centre ont été assez modestes et une période d'adaptation d'environ 2 ans fut nécessaire afin qu'un noyau de 7 employés soit embauché et qu'un local permanent soit trouvé. Ce n'est en fait que depuis l'été dernier que le nombre d'employés est finalement passé à 12. Il faut aussi noter que les relations avec les autorités militaires étaient passablement tendues au cours des 3 dernières années. Trois points majeurs amenaient cette tension :
De façon à remplir son mandat, qui est de desservir toute la communauté militaire de la région de la capitale nationale, le CRFM/RCN a adopté une approche selon un «Regional Outreach Model», qu'on peut traduire par un modèle décentralisé régional. Ainsi le Centre a ses bureaux principaux au 107 rue Sparks au centre-ville d'Ottawa, mais il utilise également certains locaux prêtés, pour des activités à Hull, Gatineau, Kanata, Orléans et les bases de Rockcliffe et d'Uplands. Ces lieux offrent ainsi un espace de vie associative important où les familles militaires peuvent retrouver un esprit de communauté et une certaine solidarité.
Les contacts et les partenariats avec les communautés «civiles» environnantes sont aussi importants afin que les familles militaires puissent connaître les ressources à leur disposition et retrouver un peu de l'esprit communautaire qu'on retrouve habituellement sur les bases ordinaires ailleurs au pays. Cette approche décentralisée permet de plus de s'assurer que les services fournis par le Centre évitent le dédoublement avec ceux disponibles dans les communautés et qu'ils se concentrent sur des domaines uniques à la situation des familles militaires.
2.2.4 Son approche théorique et méthodologique
Le CRFM/RCN fonctionne selon un modèle d'intervention basé sur le planning social car les professionnels interviennent beaucoup pour identifier, organiser et conduire les diverses activités dans les communautés. Ainsi, tel que précisé dans le rapport d'évaluation préparé par Mme Barrett-Moses (1996) :
2.3.2 Son impact dans un milieu donné
Le rapport d'évaluation pour l'année 95/96, fait état des chiffres suivants en ce qui a trait au nombre de «contacts» avec les usagers :
Les autres impacts reliés à des interventions/initiatives à caractère socio-économique seront discutés plus en détail à la rubrique 3.2.
3.1.1 Les enjeux de la pratique sociale
Comme discuté plus tôt, à prime abord il n'est pas évident que l'apparatus militaris soit prédisposé à parler le même langage que le personnel du CRFM lorsque sont abordés des sujets comme : développement social, «empowerment» des familles, participation des épouses au processus décisionnel, etc. C'est sans doute une des plus importantes raisons pourquoi le concept d'un centre de ressources consacré aux familles a eu certaines difficultés à s'implanter et à gagner sa crédibilité au début.
Je crois par contre que la DG a été particulièrement brillante lorsqu'elle a décidé de tenter un rapprochement philosophique avec les autorités militaires en mettant l'emphase sur l'amélioration de la capacité opérationnelle au lieu du développement social des familles. En effet elle semble avoir réussi à faire comprendre aux autorités militaires que le CRFM/RCN était probablement le meilleur moyen d'assurer la paix d'esprit aux militaires en mission de paix, en s'occupant de leur famille.
Dans la réalité, si on regarde de près l'évolution des programmes depuis, on s'aperçoit que l'orientation sociale du Centre n'a que très peu changée. On continue à tenir un discours s'appliquant à remettre du pouvoir entre les mains des familles, à devenir moins dépendantes du système fermé qu'est la vie militaire et à s'intégrer au sein de la communauté où elles habitent en participant à des activités de leur quartier, en se créant un réseau d'amis dans leur voisinage et en s'impliquant plus. Cependant, comme discuté plus tôt, la prochaine étape serait sans doute pour le Centre, de remettre en question son approche socio-institutionnelle centralisée et d'évoluer vers des initiatives s'apparentant plus à des activités orientées vers la nouvelle économie sociale (NÉS) telle que définie par Boucher et Favreau (1995) : "ensemble des activités économiques d'animation, de formation, de production et de développement local qui accordent priorité à l'«utilité sociale» des biens et services fournis tout en assurant la «vitalité économique» de l'activité réalisée." (p. 6)
Comme on l'a vu plus tôt, le concept «CRFM» fut implanté dans la région suite à l'adoption d'un programme pan-canadien. Pour le CRFM/RCN, au cours de l'année qui vient de se terminer, plus de 20 activités/programmes ont dû être annulés par manque de participation. Même si dans plusieurs cas, on peut affirmer qu'une cause importante de ce problème fut le manque de publicité, on peut se poser certaines questions sur la pertinence du concept. Il faut noter que ce problème découlait souvent du fait que les événements/activités étaient annoncés trop tard (souvent moins de 3 semaines avant la date prévue), parce que les communiqués étaient livrés en retard et ne pouvaient être publiés à temps ou encore il avait été impossible de rejoindre un certain groupe ciblé car leurs coordonnées n'étaient pas disponibles. Cependant, à ce titre, "un autre enjeu fondamental n'est-il pas de favoriser les expériences locales, adaptées à leur milieu, sans politique mur à mur, sans chercher à exporter un modèle parfait pour un milieu donné, mais inapproprié dans un autre, comme les fameux Carrefour-Jeunesse-Emploi." (Bédard, 1995)
La mise sur pied récente d'un journal communautaire, sous le parrainage du CRFM/RCN, saura sans doute améliorer au moins une partie cette situation car ce journal sera distribué, de façon trimestrielle, à la résidence de tous ceux dont l'adresse est connue. Le calendrier des événements planifiés y trouvera alors une place de choix.
Au cours de la dernière année, le Centre a commencé à s'attarder à des types d'intervention favorisant le DÉC (développement économique communautaire). Ainsi, afin de répondre à des besoins spécifiques identifiés par la communauté militaire, de nouveaux programmes/services ont vu le jour cette année.
3.2.1 Le Journal communautaire
Comme indiqué plus tôt, le CRFM/RCN a mis sur pied un nouveau journal en mai 96 désigné sous le nom de «CONTACT». En plus de publiciser la programmation à venir, ce journal servira de forum pour toute la communauté militaire et on y retrouvera également plusieurs articles à caractère préventif. Son tirage actuel de 5,000 exemplaires, est appelé à grossir à mesure qu'il sera connu. Bien que distribué gratuitement, il est espéré qu'il pourra éventuellement s'auto-financer au moyen de publicités.
3.2.2 Le Programme d'employabilité pour les conjoint(e)s
Le CRFM/RCN s'affaire présentement à développer un tel programme afin de répondre au besoin grandissant des familles qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts avec un seul salaire. À cause des nombreux déménagements, se trouver du travail est un éternel recommencement pour les conjointes. Dans une région comme Ottawa, l'apport d'un deuxième salaire devient presque une nécessité pour la plupart des familles. À ce titre, le Centre est à mettre en place deux initiatives pour répondre à ce besoin :
Le CRFM a récemment engagé à temps partiel, une spécialiste qui a monté une page d'accueil accessible sur le «freenet». Par ce médium, le Centre parraine des groupes de discussion (news groups) permettant à tous les militaires et à leur famille de créer des contacts avec des amis/voisins/confrères déménagés ailleurs. Les familles peuvent également communiquer par courrier électronique (E-Mail) avec leur conjoint/parent déployé en mission de paix à l'étranger. Le Centre a ainsi compilé l'adresse électronique de tous les endroits connus où des militaires canadiens sont cantonnés. Les familles qui n'ont pas l'équipement informatique à la maison peuvent venir au Centre pour communiquer électroniquement sans frais. Les possibilités offertes par l'Internet sont illimitées (achats directs, recherche d'emploi, télé-travail, communication, recettes, recherches scolaires, etc.) et des cours de familiarisation sont également offerts.
4. Son inscription dans une dynamique plus large
Il est intéressant de constater que ce qui fait la force d'un organisme, constitue également souvent son talon d'Achille. Pour le CRFM/RCN, la richesse de son financement représente sans contredit son atout majeur. Par contre si le QGDN en venait à cesser son appui financier ou à le réduire de façon significative, le Centre serait vraiment dans le pétrin car cette source représente plus de 95% du total de ses entrées de fonds.
Un autre élément qui est difficile à évaluer quand à sa portée (force ou faiblesse) est que le Centre n'est pas localisé sur la base militaire, mais au centre-ville. Vu sa vocation régionale, sa localisation centrale signifie qu'il n'est pas identifié à aucune communauté en particulier mais est habileté à les desservir toutes car il opère de façon ponctuelle, depuis plusieurs points de service. Par contre, pour certaines familles, elles n'aiment pas se déplacer au centre-ville et ne sont pas très familières avec le système de transport en commun. Pour pallier à certaines difficultés évidentes, le Centre rembourse le billet d'autobus et peut même selon les circonstances rembourser les frais de stationnement.
Une force évidente pour le Centre est la qualité de son personnel. Évidemment, puisque qu'il offre des salaires bien au dessus de ceux offerts dans les autres milieux communautaires, le CRFM/RCN a réussi à attirer des intervenantes compétentes et professionnellement très qualifiées.
En ce qui concerne les faiblesses, comme souligné plus tôt dans le travail, l'approche actuelle du Centre est très «classique» et socio-institutionnalisée. Afin de répondre aux nouvelles exigences de développement communautaire, les orientations et même les pratiques sociales du Centre devront s'ajuster. Le milieu au sein duquel il opère est, pour le moment, protégé par la bureaucratie militaire. Je doute fort que cette situation privilégiée perdure et le Centre devra être en mesure d'être prêt à réagir rapidement.
Enfin, le CRFM/RCN est encore à mieux se faire connaître de la communauté militaire. Le fait qu'au niveau local le Centre fut implanté suite à l'adoption d'un «programme» représente un faiblesse et rend le processus d'acceptation et de mise en valeur plus ardu que s'il avait résulté d'un mouvement de mobilisation et d'action sociale.
4.2.1 Le rapport avec les pouvoirs publics
Au niveau local, les rapports avec les autorités du QGDN sont depuis quelques temps beaucoup plus harmonieux mais le Centre demeure sur le qui-vive en ce qui concerne son financement. Au niveau local, tous les CRFM au pays (une trentaine) sont regroupés sous l'égide d'une organisation faisant partie de la division des services au personnel : la direction des services aux familles de militaires (DSFM), située à Ottawa. Cette organisation chapeaute également un colloque national, où les directrices générales et les présidentes du CA de tous les CRFM se rencontrent pendant une semaine chaque année pour discuter de difficultés communes, d'orientation, de réseautage, etc. DSFM recommande également les niveaux de financement que les autorités locales devraient consacrer aux CRFM.
4.2.2 Le rapport avec les autres organismes
Le CRFM/RCN est inscrit auprès du Centre de bénévoles d'Ottawa-Carleton et est membre de «Service aux familles Canada», de la «Fédération canadienne des soins à l'enfance», de «l'Association canadienne des programmes de ressources pour les familles» et de «l'Association ontarienne des programmes de ressources pour les familles». Le CRFM a également réussi à s'adjoindre la collaboration des boutiques «Body shop» comme membre bénévole corporatif (nouveau concept de bénévolat des entreprises dans la communauté). De plus, le Centre opère selon un modèle de développement communautaire qui favorise le réseautage et préconise plusieurs liens avec les ressources environnantes. De ce fait, il est présentement à développer un site Web pour relier en réseau tous les CRFM au pays et parraine également un groupe de discussion, ayant pour thème principal la communauté militaire, sur le National Capital Freenet.
En plus des nouvelles activités déjà proposées, il y aurait certainement possibilité d'organiser des groupes de pression pour revendiquer des garanties d'emploi pour les épouses lors de la mutation du militaire ou pour au moins faire reconnaître comme réalité par les autorités militaires que les conjointes ont également droit d'aspirer à se réaliser à travers un travail intéressant. Ces mêmes groupes de pression pourraient alors exiger que le MDN finance une agence de placement ou contribue financièrement lorsque l'épouse doit quitter un emploi lors de la mutation du militaire.
Un volet qui a été très peu exploré jusqu'à date est l'appui à la création de petites entreprises à la maison. Une «mini-foire» d'entreprises appartenant à des membres de familles de militaires fut tentée l'an passé mais elle a connu peu de succès par manque de visibilité et de publicité. Par contre il serait intéressant que le Centre s'implique à fond dans cette initiative de NÉS afin de promouvoir ce concept au moyen du nouveau journal communautaire, de créer des réseaux et d'organiser des séminaires et de l'aide aux entreprises en développement.
Bien que le CRFM/RCN parraine deux centres pour adolescents aux sites d'Uplands et de Rockcliffe, les services offerts sont plutôt du type loisir, où il arrive ponctuellement qu'une intervenante anime des ateliers à caractère préventif. Si le CRFM est intéressé à développer un meilleur volet de DÉC, il serait intéressant pour lui de faciliter la création de CJS avec les jeunes fréquentant les centres d'ado. Cette initiative permettrait d'initier les adolescents intéressés à la gestion et aux valeurs coopératives, de leur montrer la pertinence et la satisfaction procurées par le travail et de les impliquer dans un projet valorisant pendant la période estivale surtout. De ce fait,
Est-ce que le CRFM/RCN saura prendre un peu de recul par rapport au modèle socio-institutionnel classique de pratique sociale mis en place lors de sa création (création pan-canadienne basée sur un «modèle type» avec ratio intervenant/client précis)? Saura-t-il s'investir dans de nouvelles pratiques sociales plus transformatrices et plus impliquées dans le devenir socio-économique des familles militaires sur son territoire, dans des avenues plus hétérodoxes tels la création d'emploi, la formation populaire, la NÉS, les CJS, etc. ? À ce titre,