par Doris Lavoie, octobre 1995
TABLE DES MATIÈRES
En se basant sur le livre intitulé "Why Conservative Churches Are Growing"(Dean Kelly, 1986), l'auteur de l'article que j'ai étudié, L. R. Iannaccone (1994), soutient que le fait que certaines églises ou sectes connaissent plus de succès que d'autres, dépend directement du degré fermeté et de sévérité (strictness) qu'elles adoptent. Il définit le succès comme étant l'habileté d'attirer et de retenir de nouveaux membres impliqués. Cette implication se traduit par ailleurs par des demandes strictes, une loyauté complète, une croyance inébranlable et une adhésion scrupuleuse à un mode de vie distinct. Sa recherche est appuyée par une étude empirique des habitudes et de la participation des fidèles de diverses confessions nord-américaines. Il pousse ensuite son argumentation en formulant l'hypothèse que la plus grande plaie observable pour les diverses Églises ou Sectes est le problème des opportunistes du laisser-aller (free-riders). Ainsi toute sa thèse repose sur l'élimination des free-riders comme façon d'optimiser le succès des diverses confessions. Enfin l'article se termine par un appendice des plus intéressants servant à appuyer cette théorie.
L'auteur affirme que le succès des religions dites fermes et sévères n'est aucunement attribuable à des coïncidences historiques ou à des facteurs contextuels tels le taux de naissance ou les conditions socio-économiques. Il maintient que la seule explication valable pour leur succès est leur capacité d'éliminer les free-riders. Sa prémisse de base peut d'ailleurs se résumer à :
# | Idéal-type | Traits Caractéristiques | Traits Descriptifs |
1 | églises fermes et sévères (sectes) | absolutisme, conformité et fanatisme | membership très impliqué, volontaire et converti, orientation séparatiste, structure sociale exclusive, esprit de régénération, attitude austérité morale et ascétisme demandant |
2 | églises plus permissives | relativisme, diversité et dialogue | membership basé sur la démographie, ouverture et universalité, structures hiérarchiques, une approche adaptative et acceptant les compromis vis-à-vis la société |
En plus de l'usuelle revue de littérature reprenant entre autres une étude par Hoge et Roozen (1979), la recherche de l'auteur est appuyée par sa propre étude empirique des habitudes et de la participation des fidèles de diverses confessions nord-américaines. Cette étude se veut d'ailleurs un mélange de qualitatif et de quantitatif car elle fut conduite auprès de seize "experts" que l'auteur connaissait (religieux, historiens et sociologues spécialisés en religion, etc...) et non auprès des "fidèles" des différentes confessions étudiées. Les tableaux produits n'en sont pas moins statistiquement significatifs, surtout lorsqu'ils sont comparés à l'étude de Hoge et Roozen, et dressent un portrait adéquat de la position des diverses églises ou sectes sur la question.
Approche rationnelle-utilitaire : (rational choice theory) En basant son argumentation sur le fait que la fermeté/sévérité vient à bout des free-riders, l'auteur professe que ces derniers quitteront s'ils n'y trouvent pas leur profit. Toute son argumentation est d'ailleurs basée sur ce paradigme. L'auteur reconnaît par contre qu'il n'est pas usuel de retrouver ce paradigme dans l'étude des religions. Il soulève de plus un paradoxe important entre l'augmentation évidente des coûts associés, et donc du prix à payer, en adhérant à une église ou secte stricte et sévère; et la facilité d'adhérer à une autre qui se veut beaucoup plus "normale" ou "permissive" à un "coût" beaucoup moindre. Encore une fois cet apparent paradoxe est expliqué par le fait que ces coûts élevés éliminent ceux qui de toute façon s'impliqueraient peu et faforisent la participation de ceux qui sont vraiment intéressés. Les schémas de l'appendice A expliquent bien cette rationalisation :
Utilisation des axiomes de base
Il est évident que bien qu'il n'y ait aucune référence directe dans le texte, l'auteur respecte les trois axiomes de la sociologie. Il démontre d'ailleurs par ses nombreux tableaux que le succès ou les difficultés rencontrées par les églises ou sectes ne sont pas directement attribuables aux individus eux-mêmes mais aux exigences et modes de vie adoptés par ceux-ci s'ils veulent se joindre à ce groupe (ou à cette sous-culture dans plusieurs cas). De plus, par sa démarche scientifique et structurée il confirme que ces faits sociaux peuvent être mis en évidence par l'étude sociologique.
Autre Paradigme non abordé par l'auteur
Bien que l'auteur n'y fasse aucune référence dans son texte, Durkheim (1912) dans son livre sur "les formes élémentaires de la vie religieuse", avait déjà soulevé l'importance du social dans la religion en expliquant que :
Bien que cet article ouvre des pistes des plus intéressantes en expliquant le lien étroit entre la dynamique de groupe et l'appartenance religieuse, il m'a quand même quelque peu laissé sur mon appétit en n'élaborant pas sur une question que je considère assez fondamentale soit : pourquoi la religion plutôt qu'un club social tels les Lions ou les Optimistes ?
J'imagine qu'il faut donc croire que l'auteur a adopté d'emblée l'hypothèse que l'Homme moyen possède intrinsèquement une certaine dose de spiritualité et de foi religieuse et qu'il a tendance à l'exprimer par sa participation au sein d'une religion. Ou encore faut-il souscrire à la thèse de Durkheim quand il écrit :