INTRODUCTION p. 1
1. Les objectifs p. 2
2. La méthodologie p. 3
6. Typologie des retombées des PPA p. 13
CONCLUSION p. 22
BIBLIOGRAPHIE p. 23
LES PROGRAMMES DE PAIRS AIDANTS POUR LES JEUNES
En choisissant ce sujet comme objet de ce travail, une de mes préoccupations était de pouvoir faire le lien avec le sujet actuel de mes recherches pour mon mémoire. J'ai donc trouvé particulièrement intéressant de retrouver parmi les caractéristiques des pairs aidants (PA) oeuvrant auprès des jeunes en milieu scolaire, plusieurs similitudes avec que ceux je connais mieux, soit les pairs aidants évoluant en milieu de travail.
Cet exposé se veut donc un survol des nombreux Programmes de Pairs Aidants (PPA) qu'on peut retrouver dans les différentes institutions scolaires américaines, canadiennes et québécoise. Il est à noter que pour qualifier ce type d'aide, on ne parle pas de counselling dans le sens thérapeutique communément accepté du mot. Il s'agit en fait de former des étudiants à devenir de meilleurs communicateurs, pas des psychologues ou des thérapeutes amateurs. D'ailleurs dans ce contexte, lorsque la situation l'exige, l'aide de ressources professionnelles aura toujours sa place (Diver-Stammes, 1991 ; Morgan, 1994)
Ainsi, après avoir indiqué mes objectifs de recherche
et expliqué ma méthodologie de travail, je ferai le tour
de l'aspect historique de l'avènement des PPA ainsi que des principales
formes qu'ils peuvent prendre. Je me pencherai ensuite sur les buts et
retombées de tels programmes pour compléter par quelques
considérations conceptuelles et par une réflexion sur la
pertinence d'un tel travail dans l'ensemble de ma recherche en travail
social.
Puisque les premiers PPA sont apparus au niveau des institutions scolaire, il était important dans le cadre de mes intérêts de recherche d'aller explorer plus à fond ce phénomène, à ses origines. Mes objectifs dans ce travail sont donc de relever les diverses formes existantes de PPA pour les jeunes et d'aller examiner ce que la littérature révèle comme principaux effets produits par l'implantation d'un PPA en milieu scolaire.
Je regarderai donc les conclusions des études ayant évalué ces programmes, en prêtant une attention particulière aux retombées pour les pairs aidants (PA), les aidés (les étudiants des écoles visées et le milieu scolaire ambiant
Enfin, mon dernier objectif est de me pencher plus à fond sur les retombées pour les PA eux-mêmes, afin de solidifier les bases de ma réflexion qui pourra me permettre de tenter de dresser des parallèles avec le milieu du travail dans le cadre de mes recherches ultérieures.
2.
La méthodologie
2.1 La démarche
Puisque l'objet de cette étude est d'examiner l'utilisation de programmes de pairs aidants en milieu scolaire, ce travail a donc comporté une exhaustive revue de la littérature disponible afin de faire le tour de ce que les principaux chercheurs dans ce domaine avaient observé au cours des quelques quinze dernières années. Cette recherche m'a donc permis de bien définir certains concepts fondamentaux puis de retracer l'historique de l'évolution du phénomène de l'aide par les pairs depuis ses origines.
Vu la diversité des programmes en place dans les différents milieux éducationnels, j'ai cru important d'en dresser une typologie sous forme synoptique. Cet exercice m'a parallèlement amené à examiner les objectifs et les buts visés par les différents PPA avant d'enfin m'arrêter à examiner de plus près les retombées de ces PPA pour les différents acteurs impliqués. Je me suis ensuite penché sur un cadre conceptuel possible afin de faire ressortir certains aspects fondamentaux à la mise en place et au succès des PPA.
Finalement, je me suis permis une courte réflexion sur la pertinence de cette étude par rapport au travail social et à mes propres préoccupations de recherche.
2.2 Quelques notions de base
2.2.1 Le continuum de l'aide
Avant de faire état des définitions de base, il m'apparaît
important et avantageux de reprendre le modèle conceptuel de Caputo,
Weiler et Green (1996) ainsi que De
Rosenroll (1990) qui situent l'aide par les pairs au centre
de ce qu'ils appellent le continuum de l'aide.
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Ainsi, si on situe les intervenants en relation d'aide sur ce continuum, on retrouve à une extrémité l'aide professionnelle qui représente la forme la plus "formelle" d'aide et qui est souvent appelée à intervenir en situation de crise. Cette aide est structurée, sur rendez-vous et souvent prodiguée dans un lieu donné. À l'autre extrémité de ce spectre, on retrouve les amis qui apportent une aide personnelle gratuite, naturelle et non structurée. Au milieu se situent les PA qui interviendront souvent à un stage précoce avant que la situation ne dégénère en crise et qui servent souvent de pont au cas où une intervention professionnelle s'avérerait nécessaire (de Rosenroll, 1990). Les autres éléments du continuum sont définis dans la partie qui suit.
2.2.2 Les définitions
Afin de bien camper l'objet de cette étude, certaines définitions
préalables s'imposent :
Aide | Action d'intervenir en faveur d'une personne en joignant ses efforts aux siens (Nouveau Petit Robert, 1995) |
Counselling ou Aide par les pairs | Une variété de comportements aidants prodigués par des non-professionnels qui s'engagent dans une relation d'aide, de soutien et de recherche de solution avec leurs semblables, tout en évitant d'imposer leur avis ou de prendre la décision à la place de ceux visés par cette aide (Tindall, 1995 ; Tindall et Gray, 1985 ; Edge 1984). Il est à noter que certains auteurs dont Peavy (1977 dans de Rosenroll, 1990) préfèrent le terme "Aide" à "Counselling" car ce dernier terme peut prêter à confusion et insinuer une forme "d'aide psychologique quasi-professionnelle". |
Relation d'aide | Manière de procéder dans le cadre d'une relation interpersonnelle qui cherche à libérer la capacité de la personne aidée de vivre plus pleinement qu'elle ne le faisait au moment du contact (Auger, 1972 dans Poulin & Vigneault, 1986) |
Relation d'entraide | Relation humaine caractérisée par le fait qu'elle soit symétrique et réciproque, où personne n'exerce d'autorité ou d'influence indue sur l'autre et que l'influence s'exerce également dans les deux sens (Bédard & Brault, 1985 dans Poulin & Vigneault, 1986) |
Groupes d'entraide (self-help) et groupes de soutien | Ces deux formes de groupe regroupent justement des individus partageant un même vécu ou une même préoccupation. La principale différence entre les deux formes est que les premiers regroupent des entraidants fonctionnant de façon autonome. Les groupes de soutien sont par contre formés et animés par une personne ressource (souvent un professionnel) et leurs objectifs sont de discuter de considérations précises selon une problématique ou une préoccupation commune aux membres du groupe (Heap, 1994) |
Bénévolat | Guay (1984) le
définit comme un travail régulier, sans recherche immédiate
du gain financier, et dans lequel les rôles d’aidant et d’aidé
sont établis nettement. Il est caractérisé par le
fait qu’il se situe en dehors des rôles ou des obligations familiales,
qu’il n’est l’objet d’aucune contrainte sociale et qu’il exprime une conscience
humanitaire et communautaire de même qu’un sens de responsabilité
sociale. De Rosenroll (1990) identifie
quatre sortes de bénévoles :
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Para-professionnel | Personne formée en relation d'aide qui effectue des fonctions rémunérées, en support et sous la supervision d'un professionnel (Tindall & Gray, 1985). |
Processus de socialisation | Action d'une société sur ses membres les plus jeunes pour que ceux-ci intègrent ses valeurs et ses comportements et en deviennent membres à part entière (aussi appelé acculturation) (Pain, 1990, p. 121) |
Effet éducatif | Les changements de comportements durables chez les individus et les groupes qui sont la conséquence de la stabilisation de comportements ponctuels, de l'acquisition de connaissances dans l'action et de la capitalisation de l'expérience individuelle et collective. (Pain, 1990, p. 130) |
Groupe à risque | Groupe présentant des caractéristiques communes qui a, sur la base d'une évidence épidémiologique, une plus grande probabilité que le reste de la population de souffrir de détresse psychologique ou d'un trouble mental (Chamberland et al. 1996) |
Même si certains auteurs dont Limoges (1984) ont tendance à mêler les notions d'entraidant et de pair aidant, il est important de noter que les premiers s'appliquent surtout au niveau des groupes de "self-help" et que les pairs aidants oeuvrent évidemment au sein de PPA. Ainsi, pour le "self-help", on mise généralement sur le fait d'avoir vécu la situation problématique et d'avoir réussi à la contrôler ou à la solutionner. Pour les PA il n'y a pas nécessairement de similarité au niveau du vécu, ils reçoivent par contre une formation correspondante. (Poulin & Vigneault, 1986)
3.1 L’apparition du phénomène
Le concept d'aide entre pairs ne date pas d'hier. Wright (1965, dans Kehayan, 1992) rapporte qu'au premier siècle, l'instituteur romain Quintillian écrivait dans son Institutio Oratorio que les étudiants plus jeunes apprenaient des plus vieux dans un contexte éducationnel. De la même façon, aux 18e, 19e et début 20e siècles, ce concept de tutorat a continué à se développer car il y avait un manque évident d'instituteurs et plusieurs étudiants de différents niveaux se retrouvaient souvent dans la même classe (Kehayan, 1992). À ce titre, on peut constater que cette réalité n'est pas bien loin de notre propre histoire car on n'a qu'à se rapporter aux écoles de campagne d'autrefois pour retrouver chez nous le même phénomène.
Deux influences principales préparent le terrain favorisant l'éclosion des PPA : 1) L'apparition des premiers groupes d'entraide (self-help) et 2) L'avènement des premiers para-professionnels en milieu social et éducationnel. En effet, aux États-Unis, les groupes d'entraide ont débuté en 1935 avec la fondation des AA. Cette forme d'entraide a pavé le chemin à plusieurs autres groupes du même genre, tout en légitimant le concept de prise en charge dans un contexte naturel, par le milieu. Parallèlement, à la même époque, de nouvelles lois américaines comme la Work's Progress Administration, la Social Security Act of 1935 et la National Youth Administration encourageaient le recrutement de chômeurs et de jeunes décrocheurs à qui on prodiguait une formation sommaire pour ensuite les employer comme "para-professionnels" (Giddan & Austin, 1982). Ces premières initiatives ont été suivies quelques années plus tard, pendant la "guerre contre la pauvreté" des années 60, de nouveaux programmes d'accès à l'emploi qui furent créés afin de promouvoir la formation et l'utilisation des para-professionnels au niveau des services publics. (Giddan & Austin, 1982 ; Wagenfeld, 1981 dans Poulin et Vigneault, 1986)
Cependant, selon Wagenfeld (1981, dans Poulin et Vigneault, 1986), en Californie certains professionnels en place dans les écoles étaient intéressés par l'idée d'utiliser des para-professionnels mais trouvaient moins "menaçant", vu la précarité de leur propre statut au sein de l'école à l'époque, d'avoir recours à des étudiants bénévoles qu'ils formaient pour assumer des services de soutien auprès des services de counselling en place. Leur réticence n'était pas sans fondement, d'autant plus qu'en même temps, d'importantes restrictions budgétaires étaient imposées aux services professionnels, ce qui a également contribué à l'émergence des PPA afin de continuer à offrir un niveau de service comparable.
Parallèlement à ces initiatives, certains étudiants étaient déjà utilisés comme aidants para-professionnels à Harvard, où ils étaient appelés à oeuvrer comme accompagnateurs dans des hôpitaux psychiatriques. Leur rôle a depuis été étendu à d'autres domaines incluant l'aide entre pairs sur le campus. (Giddan & Austin, 1982)
Pour ce qui est de l'utilisation des PA dans un contexte d'aide psychosociale, Carkhuff et ses acolytes ont vraiment été les pionniers et ce dès le début des années 60 (Carkhuff, Kratchovil & Friel, 1963 ; Carkhuff, 1968, 1969A ; Carkhuff, Piaget & Pierce, 1968 cités dans Kehayan, 1992). Carkhuff a d'ailleurs développé un modèle de guide de formation à l'intention des pairs aidants (1969B) qui demeure encore aujourd'hui l'Ouvrage de référence dans le domaine (Kehayan, 1992). C'est cependant à Zunker and Brown (1966, dans Lawson, 1989), que revient en 1963, la paternité de la première étude scientifique du phénomène de l'aide par les pairs en milieu éducationnel.
De nos jours, selon Wuthnow, (1994, dans Gibbs, Potter et Goldstein, 1995) il existe environ 500,000 groupes de pairs ou d'entraide, impliquant quelques 12 millions de personnes aux USA.
Du côté francophone c'est Limoges qui, en 1982, fait figure de pionnier avec la publication de son livre S'entraider (Limoges, 1982 révisé en 1991). Il faut expliquer que ce concept d'aide par les pairs est essentiellement anglo-saxon et, à part une percée des AA, n'existait pas à l'époque en milieu francophone. En fait, l'entraide au Québec trouve ses origines de la tradition catholique qui était sensiblement plus hiérarchisée (sous la direction du curé) et structurée (un jour donné) avec les corvées d'autrefois et la mobilisation paroissiale. Ces temps sont cependant révolus et, dès 1984, Guay écrivait qu'avec la réforme des services sociaux, on incitait les gens à ne plus compter que sur leurs propres ressources mais à se tourner vers les services offerts et surtout à coopérer entre eux. Ce nouveau climat a donc également contribué à l'émergence de PPA chez nous.
Même si au Québec encore peu de PPA ont fait l'objet d'études sérieuses (sauf Limoges, 1982 révisé en 1991et Poulin & Vigneault, 1986), au Canada et aux ÉU, des réseaux nationaux de PA sont en place depuis plus de 15 ans. Ils jouissent d'un nombreux membership, tiennent une conférence annuelle, opèrent un programme de formation très développé et publient leurs propres bulletins réguliers : The Peer Counsellor au Canada et Peer Facilitator Quarterly aux ÉU (de Rosenroll, 1990).
3.2 Raisons actuelles
Plusieurs raisons continuent de motiver le maintien des PPA actuels et la mise en place de nouveaux en milieu scolaire :
On peut examiner les différentes formes de PPA selon deux angles : premièrement en examinant les types de services offerts et deuxièmement en regardant les formes d'aide préconisées.
4.1 Selon les types de services offerts
Même si Chamberland et al. (1996) soulignent qu'il peut être très difficile pour un PPA de développer une vision globale quand l'action est découpée en champs d'actions spécialisés, après une revue de la littérature pertinente, il appert qu'en milieu scolaire, les PPA peuvent vraiment prendre une très grande variété de formes et/ou couvrir plusieurs sortes de services. Le tableau suivant fait l'inventaire des diverses formes répertoriées :
TABLEAU DES RÔLES ET RESPONSABILITÉS DES ÉTUDIANTS
IMPLIQUÉS COMME PA
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Tutorat d'adolescents plus jeunes ou en éducation spécialisée | (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Diver-Stammes, 1991; Lawson, 1989 ) |
Orientation professionnelle et de carrière par les pairs | (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Lawson, 1989) |
Service d'accueil et d'orientation des nouveaux étudiants | (Diver-Stammes, 1991) |
Croissance personnelle, affirmation de soi | (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Lawson, 1989) |
Ateliers de prévention (racisme, gangs, gestion de conflit, sexisme, suicide, deuil, toxicomanies, abandon scolaire, etc.) | (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Tindall et Gray, 1985 ; Diver-Stammes, 1991 ; Caisse, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Lawson, 1989) |
Problèmes de violence (leur présenter de nouvelles "habiletés sociales" et les encourager à contrôler leur tempérament) | (Gibbs, Potter et Goldstein, 1995 ; Tindall et Gray, 1985) |
Jeunes marginaux | (Tindall et Gray, 1985 ; Caputo, Weiler et Green, 1996) |
Médiation et résolution de conflit | (Tindall et Gray, 1985 ; Schrumpf, Crawford et Bodine,1997 ; Diver-Stammes, 1991) |
Rapprochement ethnique et socio-économique | (Tindall et Gray, 1985) |
Éducation sexuelle, MTS, Sida, grossesses | (Tindall et Gray, 1985 ; Caisse, 1992) |
Counselling à propos de problèmes personnels (familial, isolement, etc.) et référence si nécessaire vers d'autres ressources | (Tindall et Gray, 1985 ; Diver-Stammes, 1991; Lawson, 1989) |
Animation de kiosque de promotion/prévention | (Caisse, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Lawson, 1989) |
Rencontres d'étudiants qui ont été vus par le directeur pour des problèmes disciplinaires | (Diver-Stammes, 1991) |
Bénévolat à la clinique de santé | (Diver-Stammes, 1991 ; Lawson, 1989) |
Confection de repas pour des personnes âgées | (Diver-Stammes, 1991) |
Aide aux handicapés | (Lawson, 1989) |
Développement communautaire | (Lawson, 1989) |
Facilitation de l'entraide (self-help) | (Lawson, 1989) |
Counselling téléphonique | (Lawson, 1989) |
4.2 Selon les modèles d'aide
Selon Tourigny et al. (1987), bien que certaines façons d'intervenir soient mieux adaptées à certains types de service offerts, les PPA peuvent en fait fonctionner selon trois modes d'aide :
Les programmes de soutien entre pairs visent à développer les aptitudes naturelles des adolescents à communiquer et à s'entraider dans un contexte structuré, où la démarche des jeunes est encadrée par un ou plusieurs adultes de leur entourage. Limoges (1991) parle même d'un curriculum non dit à travers une structure volontairement rigide. On vise donc à encadrer le jeune à travers son apprentissage de meilleures relations interpersonnelles.
En consultant la littérature, on remarque que la plupart des études de PPA ont relevé les buts et objectifs spécifiques des différents programmes qu'ils ont examinés. On peut d'ailleurs remarquer une omniprésence des objectifs de croissance personnelle pour les PA. Ainsi, pour plusieurs programmes, il s'agit :
6.1 Avantages généraux
De façon générale, les PPA présentent des avantages évidents pour les institutions où ils sont en place. À ce titre :
En milieu scolaire, plusieurs études semblent confirmer que ce sont surtout les PA eux-mêmes qui profitent le plus des PPA jusqu'à maintenant (Poulin et Vigneault, 1986). Ces retombées sont:
6.3 Au niveau des aidés (jeunes en contact avec les PA)
Contrairement aux programmes en milieu de travail (Rockhurst Consulting Group Inc, 1993 ; Sylvestre et Caron, 1987 ; Domnick-Pierre, 1985 ; Rapport d’étude du PAE, 1997), peu de recherches sont disponibles sur l'impact d'un PPA, auprès des étudiants aidés. Même si Légaré et coll. (1987, cité dans Tourigny et al. 1987) rapportent peu d'effets sur les aidés d'un programme implanté à Rimouski, Evoy (1983, cité dans Tourigny et al. 1987) quant à lui a relevé des améliorations significatives pour les PPA visant le tutorat académique. Morgan (1994) souligne cependant que les PPA offrent l'opportunité aux aidés de partager un problème avec un membre du même groupe, qui lui, fonctionne généralement bien et qui peut les aider à y voir clair. À ce titre, les PA représentent des "role models" pour les autres étudiants (Edge, 1984).
6.4 Au niveau du milieu scolaire
Le personnel adulte de l'école, interrogé par Caisse (1992), est d'accord pour dire que le PPA en place a eu un effet visible sur tous les élèves de l'école. Les PPA peuvent créer un environnement communautaire plus positif (Varenhorst, 1984, cité dans de Rosenroll, 1989) et favoriser l'implantation de réseaux de soutien et de groupes d'entraide parmi les étudiants, ce qui tend à briser l'isolement que plusieurs pourraient ressentir (Kehayan, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Varenhorst, 1983)
Ayotte et Roy (1986), Grady (1980), Besecker et Aug (1985), Evoy (1983), Buck (1977), Vriend (1969, dans Tourigny et al. 1987) et Kehayan (1992) s'entendent pour identifier les retombées suivantes sur le milieu scolaire:
À cet égard Bouchard (1983) résume bien la portée de tels efforts : "Prévenir c'est possible sans que l'on ait besoin de changer l'environnement, mais la prévention devient alors une autre opération de sauvetage curatif magnifiquement déguisée" (p. 220).
6.5 Autres domaines
Bien que certains auteurs (Varenhorst, 1983 ; Evoy, 1983) soulignent que les PA ont également un effet positif sur leur entourage autre que scolaire, peu d'études sont disponibles à ce sujet. On peut cependant rapporter les travaux de Diver-Stammes (1991), sur les types de problèmes rencontrés par les PA en milieu scolaire urbain défavorisé. Elle y relevait en effet que sur 506 interventions répertoriées suite à l'évaluation du PPA qu'elle a étudié, 136 d'entre elles (près de 27%) avaient eu lieu dans un contexte autre qu'à l'école (parents, amis, voisins, etc.). Ce service peut donc également avoir un effet sur la communauté dans laquelle vivent les PA.
Enfin, il est de plus intéressant de rapporter qu'à l'implantation d'un PPA dans certaines écoles, il est arrivé que des parents aient été inquiets du mandat que l'on confiait à leur enfant, le trouvant trop lourd. Ils ont généralement accepté rapidement de laisser leur enfant participer, en comprenant qu'il aurait plus de soutien pour assumer un rôle qu'il jouait déjà de façon naturelle. (Caisse, 1992)
7. Élaboration d'un cadre conceptuel
7.1 Conditions contribuant au succès des PPA
On doit accorder une grande importance à la planification et à l'élaboration d'un cadre conceptuel bien structuré si on veut faciliter l'acceptation d'un PPA en milieu scolaire avec un certain succès. Les éléments suivants sont donc à considérer :
Selon l'étude de Tourigny
et al. (1987), les jeunes de niveau secondaire ayant participé
au programme qu'ils ont évalué, ont identifié les
personnes suivantes comme celles qu'ils vont voir s'ils ont des difficultés
:
78% | ami(e) du même sexe |
59% | parents |
41% | frères et soeurs |
38% | ami(e)s de coeur |
35% | ami(e)s du sexe opposé |
32% | autres jeunes |
17% | n'en parlent à personne |
9% | les professeurs |
6% | les autres adultes de l'école |
Toujours selon Tourigny, l'âge et le sexe influencent la composition du réseau. Ainsi plus les adolescents vieillissent moins ils font appel aux parents et plus à leurs amis du même sexe ou leur ami de coeur. Ces derniers deviennent la principale source d'aide spontanée et s'intègrent à leur réseau naturel d'entraide. L'aide informelle apparaît donc comme une façon "acceptable" pour les jeunes de demander de l'aide pour des problèmes personnels en même temps qu'un moyen de rejoindre un plus grand nombre de jeunes. (Tourigny et al. 1987 ; Carr, 1984 ; Poulin & Vigneault, 1986, Varenhorst, 1983)
De plus, plusieurs études relèvent que la proportion d'aidants "filles" dépasse largement celle des garçons (72% filles et 28% garçons selon Diver-Stammes, 1991 ; 3 filles pour 1 garçon selon Caisse, 1992 ; Carr, 1981). D'ailleurs, Burke et Weir (1978 dans Poulin & Vigneault) soulignent que les filles discutent davantage de leurs difficultés avec leurs pairs du même sexe que les garçons.
7.3 Type de relation
Contrairement aux approches traditionnelles où le thérapeute est l'expert et le client est catégorisé selon un diagnostic donné (McGraw Schuchman, 1997), l'utilisation de pairs aidants élimine l'existence de la relation "dominant-dominé" qu'engendre souvent le contact avec ces experts. Les PA aident régulièrement leurs pairs en établissant avec eux une relation d'égal à égal (Peavy, 1981, dans Losier et Ouellette, 1989 ; Giddan & Austin, 1982). De Rosenroll (1990) quant à lui parle de relation "horizontale", telle que préconisée par les PPA, versus une relation "verticale" entre un client et un professionnel. De plus, une relation "pair-pair" a moins de chance de créer une dépendance que l'habituelle relation "client-professionnel" (Morgan, 1982)
Il est particulièrement intéressant de relever les commentaires de plusieurs PA dans l'étude de Diver-Stammes (1991), qui indiquent qu'ils parlaient souvent du PPA comme étant pour eux une "famille". Cette étude a d'ailleurs porté sur un programme en place dans une école en milieu urbain défavorisé (ghetto où 34% des étudiants sont noirs et 66% sont hispaniques), où le phénomène de gangs est très répandu et où le soutien familial est souvent absent. Il appert donc que dans ce contexte, le PPA a comblé un besoin naturel dans la vie des PA y participant. On peut par ailleurs faire le lien entre ce contexte et celui présenté par l'étude sur les jeunes marginaux de Caputo, Weiler & Green (1996) dont j'ai déjà parlé dans un premier travail (Lavoie, 1998) et où des commentaires semblables avaient été soulevés.
McGraw Schuchman (1997) apporte de plus une juste appréciation d'une dimension souvent négligée dans la conception de l'adolescence, celle de l'empowerment :
Enfin, Poulin et Vigneault (1986) soulignent que solliciter un conseil auprès d'un pair n'implique pas nécessairement de se "dévoiler" ou de remettre en question ses mécanismes et ses modes de fonctionnement, ce qui est au départ semble moins stigmatisant et beaucoup plus sécurisant pour le jeune.
8. La pertinence de ce travail par rapport à la pratique sociale et à mon sujet de mémoire
Dans la majorité des recherches en milieu scolaire, "on s'est intéressé aux progrès manifestés ou mesurés chez les formés eux-mêmes. Beaucoup moins de travaux ont porté sur les gains réalisés par les aidés suite à des interventions de pairs aidants ayant suivi une formation." (Poulin & Vigneault, 1986, p. 104) De plus, la majorité de la littérature traite d'études américaines avec quelques expériences au Canada anglais.
Le phénomène est cependant appelé à faire sa place au Québec car avec le désengagement social de nos gouvernements et le fameux virage ambulatoire, les conditions sont en place pour favoriser l'éclosion de plusieurs initiatives du genre où la communauté est appelée à jouer un rôle de plus en plus important.
J’ai pu observer plusieurs points communs entre les facteurs de succès dénotés au niveau des initiatives de pairs aidants s’adressant aux jeunes en milieu scolaire et ceux nécessaires à la pérennité des programmes en milieu de travail, basés sur ce concept d’aide. Il est particulièrement intéressant d'examiner les retombées répertoriées au niveau des jeunes PA et de dresser un parallèle avec mon sujet de mémoire qui s'applique justement à aller examiner si de semblables retombées existent en ce qui concerne les PA adultes en milieu de travail. En fait, la principale différence entre les deux formes de PPA se situe probablement au niveau des buts et objectifs visés par chacun. En effet, comme indiqué plus tôt, on peut remarquer que le développement psychosocial des jeunes PA eux-mêmes représente un objectif central en milieu scolaire. Par contre, ces considérations sont tout à fait secondaires avec les PA adultes car ceux-ci sont considérés comme ayant atteint une certaine maturité. De toute façon, plusieurs dirigeants d'entreprise argueront que le développement psychosocial de leur personnel ne relève pas vraiment de la responsabilité de l'employeur. À cet égard ils seront beaucoup plus intéressés par le fait que les programmes d'aide aux employés utilisant des PA sont moins coûteux que l'emploi de professionnels, en autant que les employés aux prises avec des difficultés d'ordre personnel reçoivent l'aide dont ils ont besoin afin de redevenir aussi productifs que possible.
Je crois que cet exercice m'a permis de juger adéquatement de la pertinence sociale de l’intervention basée sur la formation et l’utilisation de pairs aidants en milieu scolaire. La littérature consultée prouve d'ailleurs d'elle-même que cette question est très innovatrice en ce qui concerne la pratique sociale dans ce domaine. Le phénomène est bien lancé et il est aussi appelé à prendre une importante expansion.
En guise de conclusion, je me permets donc de reprendre trois citations que je trouve très pertinentes et qui résument très bien l'importance des programmes de pairs aidants comme appui en ce qui concerne le développement psychosocial et la santé mentale en général, des jeunes d'aujourd'hui :
Ayotte, V. & Roy, M.-R. 1986. Protocole d’évaluation des programmes de pairs aidants, Québec : Centre hospitalier de l’Université Laval, Département de Santé communautaire.
Bédard, J. & Brault, L. 1985. La relation d'aide, une relation naturelle, positive et créative. Rimouski : DSC du Centre hospitalier régional de Rimouski.
Besecker, K. et Aug, T. 1985. "Peer counselling : A school heals itself", The guidance clinic, Jan. pp. 1-4
Bouchard, C. 1983. "Non à la prévention" in J. Arseneau et al. Psychothérapies Attention ! Québec : Québec Science
Bowman, R.P. & Myrick, R.D. 1980. "I'm a junior counsellor having lots of fun". The School Counsellor. Vol 28, no 1, pp. 31-38
Buck, M.R. 1977. "Peer counselling in an urban high school setting", Journal of School Psychology. Vol 15, no 4, pp. 362-366
Burke, R.J. & Weir, T. 1978. "Benefits to adolescents of informal helping relationship with their parents and peers." Psychological Reports. Vol 42, pp. 1175-1184.
Caisse, C. 1992. "Pour des problèmes différents, une même action : l'entraide des camarades". Vie pédagogique. Vol 80, pp. 31-34
Caputo, T. Weiler, R. et Green, L. 1996. Initiatives de pairs aidants pour les jeunes marginaux : Rapport et condensé, Stratégie canadienne antidrogue, Ottawa : Santé Canada, http://www.hc-sc.gc.ca/main/hppb/cny/jeunes_ressources.htm
Carkhuff, R.R. Kratchovil, D. & Friel, T. 1963. "The effects of professionnal training and discrimination of facilitative conditions." Journal of Counseling Psychology. Vol 15 pp. 68-74
Carkhuff, R.R. 1968. "Differential functionning of lay and professionnal counselors." Journal of Counseling Psychology. Vol 15 pp. 117-126.
Carkhuff, R.R. Piaget, G. & Pierce, R. 1968. "The development of skills in interpersonal functioning." Counselor Education and Supervision. Vol 7, pp. 102-106
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