Initiatives de pairs aidants pour les jeunes par Doris Lavoie, avril 1998

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION p. 1

1. Les objectifs p. 2

2. La méthodologie p. 3

  1. La démarche p. 3
  2. Quelques notions de base p. 3
    1. Le continuum de l'aide p. 3
    2. Les définitions p. 4
3. L'aspect historique p. 5
  1. L’apparition du phénomène p. 5
  2. Raisons actuelles p. 8
4. Les formes de PPA p. 9
  1. Selon les types de services offerts p. 9
  2. Selon les modèles d'aide p. 10
5. Buts visés par les PPA p. 12

6. Typologie des retombées des PPA p. 13

  1. Avantages généraux p. 13
  2. Au niveau des participants (PA) p. 13
  3. Au niveau des aidés (jeunes en contact avec les PA) p. 15
  4. Au niveau du milieu scolaire p. 15
  5. Autres domaines p. 15
7. Élaboration d'un cadre conceptuel schématisé p. 17
  1. Conditions contribuant au succès des PPA p. 17
  2. Le réseau social des jeunes p. 18
  3. Type de relation p. 19
8. La pertinence de ce travail par rapport à la pratique sociale et à mon sujet de mémoire p. 21

CONCLUSION p. 22

BIBLIOGRAPHIE p. 23

 


LES PROGRAMMES DE PAIRS AIDANTS POUR LES JEUNES

Introduction

En choisissant ce sujet comme objet de ce travail, une de mes préoccupations était de pouvoir faire le lien avec le sujet actuel de mes recherches pour mon mémoire. J'ai donc trouvé particulièrement intéressant de retrouver parmi les caractéristiques des pairs aidants (PA) oeuvrant auprès des jeunes en milieu scolaire, plusieurs similitudes avec que ceux je connais mieux, soit les pairs aidants évoluant en milieu de travail.

Cet exposé se veut donc un survol des nombreux Programmes de Pairs Aidants (PPA) qu'on peut retrouver dans les différentes institutions scolaires américaines, canadiennes et québécoise. Il est à noter que pour qualifier ce type d'aide, on ne parle pas de counselling dans le sens thérapeutique communément accepté du mot. Il s'agit en fait de former des étudiants à devenir de meilleurs communicateurs, pas des psychologues ou des thérapeutes amateurs. D'ailleurs dans ce contexte, lorsque la situation l'exige, l'aide de ressources professionnelles aura toujours sa place (Diver-Stammes, 1991 ; Morgan, 1994)

Ainsi, après avoir indiqué mes objectifs de recherche et expliqué ma méthodologie de travail, je ferai le tour de l'aspect historique de l'avènement des PPA ainsi que des principales formes qu'ils peuvent prendre. Je me pencherai ensuite sur les buts et retombées de tels programmes pour compléter par quelques considérations conceptuelles et par une réflexion sur la pertinence d'un tel travail dans l'ensemble de ma recherche en travail social.



1. Les objectifs

Puisque les premiers PPA sont apparus au niveau des institutions scolaire, il était important dans le cadre de mes intérêts de recherche d'aller explorer plus à fond ce phénomène, à ses origines. Mes objectifs dans ce travail sont donc de relever les diverses formes existantes de PPA pour les jeunes et d'aller examiner ce que la littérature révèle comme principaux effets produits par l'implantation d'un PPA en milieu scolaire.

Je regarderai donc les conclusions des études ayant évalué ces programmes, en prêtant une attention particulière aux retombées pour les pairs aidants (PA), les aidés (les étudiants des écoles visées et le milieu scolaire ambiant

Enfin, mon dernier objectif est de me pencher plus à fond sur les retombées pour les PA eux-mêmes, afin de solidifier les bases de ma réflexion qui pourra me permettre de tenter de dresser des parallèles avec le milieu du travail dans le cadre de mes recherches ultérieures.


2. La méthodologie
 
2.1 La démarche

Puisque l'objet de cette étude est d'examiner l'utilisation de programmes de pairs aidants en milieu scolaire, ce travail a donc comporté une exhaustive revue de la littérature disponible afin de faire le tour de ce que les principaux chercheurs dans ce domaine avaient observé au cours des quelques quinze dernières années. Cette recherche m'a donc permis de bien définir certains concepts fondamentaux puis de retracer l'historique de l'évolution du phénomène de l'aide par les pairs depuis ses origines.

Vu la diversité des programmes en place dans les différents milieux éducationnels, j'ai cru important d'en dresser une typologie sous forme synoptique. Cet exercice m'a parallèlement amené à examiner les objectifs et les buts visés par les différents PPA avant d'enfin m'arrêter à examiner de plus près les retombées de ces PPA pour les différents acteurs impliqués. Je me suis ensuite penché sur un cadre conceptuel possible afin de faire ressortir certains aspects fondamentaux à la mise en place et au succès des PPA.

Finalement, je me suis permis une courte réflexion sur la pertinence de cette étude par rapport au travail social et à mes propres préoccupations de recherche.

2.2 Quelques notions de base

2.2.1 Le continuum de l'aide

Avant de faire état des définitions de base, il m'apparaît important et avantageux de reprendre le modèle conceptuel de Caputo, Weiler et Green (1996) ainsi que De Rosenroll (1990) qui situent l'aide par les pairs au centre de ce qu'ils appellent le continuum de l'aide.
 
Amis
Groupes d'entraide
Bénévoles
Pairs aidants
Groupes de soutien
Para-professionnels
Professionnels
 

Ainsi, si on situe les intervenants en relation d'aide sur ce continuum, on retrouve à une extrémité l'aide professionnelle qui représente la forme la plus "formelle" d'aide et qui est souvent appelée à intervenir en situation de crise. Cette aide est structurée, sur rendez-vous et souvent prodiguée dans un lieu donné. À l'autre extrémité de ce spectre, on retrouve les amis qui apportent une aide personnelle gratuite, naturelle et non structurée. Au milieu se situent les PA qui interviendront souvent à un stage précoce avant que la situation ne dégénère en crise et qui servent souvent de pont au cas où une intervention professionnelle s'avérerait nécessaire (de Rosenroll, 1990). Les autres éléments du continuum sont définis dans la partie qui suit.

2.2.2 Les définitions

Afin de bien camper l'objet de cette étude, certaines définitions préalables s'imposent :
 
Aide Action d'intervenir en faveur d'une personne en joignant ses efforts aux siens (Nouveau Petit Robert, 1995)
Counselling ou Aide par les pairs Une variété de comportements aidants prodigués par des non-professionnels qui s'engagent dans une relation d'aide, de soutien et de recherche de solution avec leurs semblables, tout en évitant d'imposer leur avis ou de prendre la décision à la place de ceux visés par cette aide (Tindall, 1995 ; Tindall et Gray, 1985 ; Edge 1984). Il est à noter que certains auteurs dont Peavy (1977 dans de Rosenroll, 1990) préfèrent le terme "Aide" à "Counselling" car ce dernier terme peut prêter à confusion et insinuer une forme "d'aide psychologique quasi-professionnelle".
Relation d'aide Manière de procéder dans le cadre d'une relation interpersonnelle qui cherche à libérer la capacité de la personne aidée de vivre plus pleinement qu'elle ne le faisait au moment du contact (Auger, 1972 dans Poulin & Vigneault, 1986)
Relation d'entraide Relation humaine caractérisée par le fait qu'elle soit symétrique et réciproque, où personne n'exerce d'autorité ou d'influence indue sur l'autre et que l'influence s'exerce également dans les deux sens (Bédard & Brault, 1985 dans Poulin & Vigneault, 1986)
Groupes d'entraide (self-help) et groupes de soutien Ces deux formes de groupe regroupent justement des individus partageant un même vécu ou une même préoccupation. La principale différence entre les deux formes est que les premiers regroupent des entraidants fonctionnant de façon autonome. Les groupes de soutien sont par contre formés et animés par une personne ressource (souvent un professionnel) et leurs objectifs sont de discuter de considérations précises selon une problématique ou une préoccupation commune aux membres du groupe (Heap, 1994)
Bénévolat Guay (1984) le définit comme un travail régulier, sans recherche immédiate du gain financier, et dans lequel les rôles d’aidant et d’aidé sont établis nettement. Il est caractérisé par le fait qu’il se situe en dehors des rôles ou des obligations familiales, qu’il n’est l’objet d’aucune contrainte sociale et qu’il exprime une conscience humanitaire et communautaire de même qu’un sens de responsabilité sociale. De Rosenroll (1990) identifie quatre sortes de bénévoles : 
  1. Ceux qui ont déjà un vécu similaire à la situation pour laquelle ils sont bénévoles
  2. Ceux qui ont besoin de l'expérience de travail afin de pénétrer le marché de l'emploi
  3. Ceux qui aiment se sentir utiles
  4. Ceux qui ne sont pas encore actifs dans la communauté ou dans le monde du travail 
Para-professionnel Personne formée en relation d'aide qui effectue des fonctions rémunérées, en support et sous la supervision d'un professionnel (Tindall & Gray, 1985).
Processus de socialisation Action d'une société sur ses membres les plus jeunes pour que ceux-ci intègrent ses valeurs et ses comportements et en deviennent membres à part entière (aussi appelé acculturation) (Pain, 1990, p. 121)
Effet éducatif Les changements de comportements durables chez les individus et les groupes qui sont la conséquence de la stabilisation de comportements ponctuels, de l'acquisition de connaissances dans l'action et de la capitalisation de l'expérience individuelle et collective. (Pain, 1990, p. 130)
Groupe à risque Groupe présentant des caractéristiques communes qui a, sur la base d'une évidence épidémiologique, une plus grande probabilité que le reste de la population de souffrir de détresse psychologique ou d'un trouble mental (Chamberland et al. 1996)

Même si certains auteurs dont Limoges (1984) ont tendance à mêler les notions d'entraidant et de pair aidant, il est important de noter que les premiers s'appliquent surtout au niveau des groupes de "self-help" et que les pairs aidants oeuvrent évidemment au sein de PPA. Ainsi, pour le "self-help", on mise généralement sur le fait d'avoir vécu la situation problématique et d'avoir réussi à la contrôler ou à la solutionner. Pour les PA il n'y a pas nécessairement de similarité au niveau du vécu, ils reçoivent par contre une formation correspondante. (Poulin & Vigneault, 1986)

3. L'aspect historique

3.1 L’apparition du phénomène

Le concept d'aide entre pairs ne date pas d'hier. Wright (1965, dans Kehayan, 1992) rapporte qu'au premier siècle, l'instituteur romain Quintillian écrivait dans son Institutio Oratorio que les étudiants plus jeunes apprenaient des plus vieux dans un contexte éducationnel. De la même façon, aux 18e, 19e et début 20e siècles, ce concept de tutorat a continué à se développer car il y avait un manque évident d'instituteurs et plusieurs étudiants de différents niveaux se retrouvaient souvent dans la même classe (Kehayan, 1992). À ce titre, on peut constater que cette réalité n'est pas bien loin de notre propre histoire car on n'a qu'à se rapporter aux écoles de campagne d'autrefois pour retrouver chez nous le même phénomène.

Deux influences principales préparent le terrain favorisant l'éclosion des PPA : 1) L'apparition des premiers groupes d'entraide (self-help) et 2) L'avènement des premiers para-professionnels en milieu social et éducationnel. En effet, aux États-Unis, les groupes d'entraide ont débuté en 1935 avec la fondation des AA. Cette forme d'entraide a pavé le chemin à plusieurs autres groupes du même genre, tout en légitimant le concept de prise en charge dans un contexte naturel, par le milieu. Parallèlement, à la même époque, de nouvelles lois américaines comme la Work's Progress Administration, la Social Security Act of 1935 et la National Youth Administration encourageaient le recrutement de chômeurs et de jeunes décrocheurs à qui on prodiguait une formation sommaire pour ensuite les employer comme "para-professionnels" (Giddan & Austin, 1982). Ces premières initiatives ont été suivies quelques années plus tard, pendant la "guerre contre la pauvreté" des années 60, de nouveaux programmes d'accès à l'emploi qui furent créés afin de promouvoir la formation et l'utilisation des para-professionnels au niveau des services publics. (Giddan & Austin, 1982 ; Wagenfeld, 1981 dans Poulin et Vigneault, 1986)

Cependant, selon Wagenfeld (1981, dans Poulin et Vigneault, 1986), en Californie certains professionnels en place dans les écoles étaient intéressés par l'idée d'utiliser des para-professionnels mais trouvaient moins "menaçant", vu la précarité de leur propre statut au sein de l'école à l'époque, d'avoir recours à des étudiants bénévoles qu'ils formaient pour assumer des services de soutien auprès des services de counselling en place. Leur réticence n'était pas sans fondement, d'autant plus qu'en même temps, d'importantes restrictions budgétaires étaient imposées aux services professionnels, ce qui a également contribué à l'émergence des PPA afin de continuer à offrir un niveau de service comparable.

Parallèlement à ces initiatives, certains étudiants étaient déjà utilisés comme aidants para-professionnels à Harvard, où ils étaient appelés à oeuvrer comme accompagnateurs dans des hôpitaux psychiatriques. Leur rôle a depuis été étendu à d'autres domaines incluant l'aide entre pairs sur le campus. (Giddan & Austin, 1982)

Pour ce qui est de l'utilisation des PA dans un contexte d'aide psychosociale, Carkhuff et ses acolytes ont vraiment été les pionniers et ce dès le début des années 60 (Carkhuff, Kratchovil & Friel, 1963 ; Carkhuff, 1968, 1969A ; Carkhuff, Piaget & Pierce, 1968 cités dans Kehayan, 1992). Carkhuff a d'ailleurs développé un modèle de guide de formation à l'intention des pairs aidants (1969B) qui demeure encore aujourd'hui l'Ouvrage de référence dans le domaine (Kehayan, 1992). C'est cependant à Zunker and Brown (1966, dans Lawson, 1989), que revient en 1963, la paternité de la première étude scientifique du phénomène de l'aide par les pairs en milieu éducationnel.

De nos jours, selon Wuthnow, (1994, dans Gibbs, Potter et Goldstein, 1995) il existe environ 500,000 groupes de pairs ou d'entraide, impliquant quelques 12 millions de personnes aux USA.

Du côté francophone c'est Limoges qui, en 1982, fait figure de pionnier avec la publication de son livre S'entraider (Limoges, 1982 révisé en 1991). Il faut expliquer que ce concept d'aide par les pairs est essentiellement anglo-saxon et, à part une percée des AA, n'existait pas à l'époque en milieu francophone. En fait, l'entraide au Québec trouve ses origines de la tradition catholique qui était sensiblement plus hiérarchisée (sous la direction du curé) et structurée (un jour donné) avec les corvées d'autrefois et la mobilisation paroissiale. Ces temps sont cependant révolus et, dès 1984, Guay écrivait qu'avec la réforme des services sociaux, on incitait les gens à ne plus compter que sur leurs propres ressources mais à se tourner vers les services offerts et surtout à coopérer entre eux. Ce nouveau climat a donc également contribué à l'émergence de PPA chez nous.

Même si au Québec encore peu de PPA ont fait l'objet d'études sérieuses (sauf Limoges, 1982 révisé en 1991et Poulin & Vigneault, 1986), au Canada et aux ÉU, des réseaux nationaux de PA sont en place depuis plus de 15 ans. Ils jouissent d'un nombreux membership, tiennent une conférence annuelle, opèrent un programme de formation très développé et publient leurs propres bulletins réguliers : The Peer Counsellor au Canada et Peer Facilitator Quarterly aux ÉU (de Rosenroll, 1990).

3.2 Raisons actuelles

Plusieurs raisons continuent de motiver le maintien des PPA actuels et la mise en place de nouveaux en milieu scolaire :

Plusieurs auteurs, dont Thompson (1986) et Edge (1984), soutiennent que comme institution de la société contemporaine, l'école doit jouer un plus grand rôle en tant qu'agent de socialisation et de prévention, en facilitant le développement d'attitudes, de croyances, de valeurs, d'idées et de comportements qui sont le reflet de la culture dominante adulte. Cependant Carr (1984) souligne que les jeunes sont aussi des agents de changement et que l'attention que l'on porte aujourd'hui aux comportements sensationnalistes et spectaculaires des adolescents masque les millions d'interactions positives et saines qui se produisent chaque jour entre amis. À ce titre les PPA représentent une alternative intéressante favorisant le développement émotionnel et social des étudiants. (Thompson, 1986 ; Poulin et Vigneault 1986)

4. Les formes de PPA

On peut examiner les différentes formes de PPA selon deux angles : premièrement en examinant les types de services offerts et deuxièmement en regardant les formes d'aide préconisées.

4.1 Selon les types de services offerts

Même si Chamberland et al. (1996) soulignent qu'il peut être très difficile pour un PPA de développer une vision globale quand l'action est découpée en champs d'actions spécialisés, après une revue de la littérature pertinente, il appert qu'en milieu scolaire, les PPA peuvent vraiment prendre une très grande variété de formes et/ou couvrir plusieurs sortes de services. Le tableau suivant fait l'inventaire des diverses formes répertoriées :

TABLEAU DES RÔLES ET RESPONSABILITÉS DES ÉTUDIANTS IMPLIQUÉS COMME PA
 
TYPE DE PROGRAMME/SERVICE
RÉFÉRENCE
Tutorat d'adolescents plus jeunes ou en éducation spécialisée (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Diver-Stammes, 1991; Lawson, 1989 )
Orientation professionnelle et de carrière par les pairs (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Lawson, 1989)
Service d'accueil et d'orientation des nouveaux étudiants (Diver-Stammes, 1991)
Croissance personnelle, affirmation de soi (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Lawson, 1989)
Ateliers de prévention (racisme, gangs, gestion de conflit, sexisme, suicide, deuil, toxicomanies, abandon scolaire, etc.) (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Tindall et Gray, 1985 ; Diver-Stammes, 1991 ; Caisse, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Lawson, 1989)
Problèmes de violence (leur présenter de nouvelles "habiletés sociales" et les encourager à contrôler leur tempérament) (Gibbs, Potter et Goldstein, 1995 ; Tindall et Gray, 1985)
Jeunes marginaux  (Tindall et Gray, 1985 ; Caputo, Weiler et Green, 1996)
Médiation et résolution de conflit (Tindall et Gray, 1985 ; Schrumpf, Crawford et Bodine,1997 ; Diver-Stammes, 1991)
Rapprochement ethnique et socio-économique (Tindall et Gray, 1985)
Éducation sexuelle, MTS, Sida, grossesses (Tindall et Gray, 1985 ; Caisse, 1992)
Counselling à propos de problèmes personnels (familial, isolement, etc.) et référence si nécessaire vers d'autres ressources (Tindall et Gray, 1985 ; Diver-Stammes, 1991; Lawson, 1989)
Animation de kiosque de promotion/prévention (Caisse, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Lawson, 1989)
Rencontres d'étudiants qui ont été vus par le directeur pour des problèmes disciplinaires (Diver-Stammes, 1991)
Bénévolat à la clinique de santé (Diver-Stammes, 1991 ; Lawson, 1989)
Confection de repas pour des personnes âgées (Diver-Stammes, 1991)
Aide aux handicapés (Lawson, 1989)
Développement communautaire (Lawson, 1989)
Facilitation de l'entraide (self-help) (Lawson, 1989)
Counselling téléphonique (Lawson, 1989)
Même si certains PPA offrent des services spécifiques, il arrive souvent que la relation qui se développe entre l'aidant et l'aidé se prolonge au-delà du mandat initial et s'étend vers d'autres domaines d'aide. On peut soulever l'exemple de programmes axés vers le tutorat académique qui peuvent entraîner une relation d'aide psychosociale lorsque la relation de confiance progresse (Caisse, 1992).

 

4.2 Selon les modèles d'aide

Selon Tourigny et al. (1987), bien que certaines façons d'intervenir soient mieux adaptées à certains types de service offerts, les PPA peuvent en fait fonctionner selon trois modes d'aide :

  1. aide formelle
  1. aide informelle
  1. groupe d'entraide
Diver-Stammes (1991) quant à elle, mentionne que quelle que soit la forme d'aide officiellement préconisée par un PPA donné, la cueillette de données peut être difficile lors de l'évaluation d'un tel programme car plusieurs des interventions entre aidants et aidés ne prennent pas place suite à une référence formelle mais arrivent souvent tout naturellement entre amis et connaissances. Caisse (1992) corrobore ce fait en relevant que certains élèves sont perplexes lorsqu'on leur demande s'ils ont déjà rencontré un PA car ils disent souvent qu'ils se confient d'abord à un ami et ne font pas de distinction s'il s'avère être également un PA. En fait c'est précisément le genre de relation que les PPA essaient d'encourager.

5. Buts visés par les PPA

Les programmes de soutien entre pairs visent à développer les aptitudes naturelles des adolescents à communiquer et à s'entraider dans un contexte structuré, où la démarche des jeunes est encadrée par un ou plusieurs adultes de leur entourage. Limoges (1991) parle même d'un curriculum non dit à travers une structure volontairement rigide. On vise donc à encadrer le jeune à travers son apprentissage de meilleures relations interpersonnelles.

En consultant la littérature, on remarque que la plupart des études de PPA ont relevé les buts et objectifs spécifiques des différents programmes qu'ils ont examinés. On peut d'ailleurs remarquer une omniprésence des objectifs de croissance personnelle pour les PA. Ainsi, pour plusieurs programmes, il s'agit :

6. Typologie des retombées des PPA

6.1 Avantages généraux

De façon générale, les PPA présentent des avantages évidents pour les institutions où ils sont en place. À ce titre :

6.2 Au niveau des participants (PA)

En milieu scolaire, plusieurs études semblent confirmer que ce sont surtout les PA eux-mêmes qui profitent le plus des PPA jusqu'à maintenant (Poulin et Vigneault, 1986). Ces retombées sont:

Il est cependant intéressant de souligner l'étude de Simard et Ouellette (1989) réalisée au Nouveau-Brunswick auprès de pairs aidants, en mesurant les habilités de communication de ces derniers, au moyen de la forme abrégée de l'inventaire de communication interpersonnelle (ICI) développé par Carkhuff (1969), et l'estime de soi au moyen de l'Échelle d'identité personnelle (EIP) développée par Rasmussen (1961). Les résultats qu'ils ont obtenus confirment ceux rapportés dans plusieurs études antérieures, c'est-à-dire une amélioration dans les domaines exposés plus haut. Il est cependant très intéressant de relever que même au pré-test, les étudiants appelés à devenir des PA ont obtenu un score substantiellement plus élevé que ceux du groupe témoin pour ce qui est de l'ICI. Une différence aussi marquée au pré-test entre le groupe expérimental et le groupe témoin sur les habiletés de communication interpersonnelle témoigne peut-être des prédispositions personnelles des individus qui désirent s'adonner à l'entraide. Un tel écart illustre peut-être à quel point les gens qui acceptent de suivre une formation à l'entraide ont déjà des qualités interpersonnelles importantes. (Simard et Ouellette 1989, p. 64) Au niveau de l'EIP il appert, toujours selon Simard et Ouellette, que la formation elle-même a eu peu d'effet sur les résultats au post-test des deux groupes mais qu'il y a eu augmentation significative pour le groupe de PA après huit semaines de supervision et d'expérience pratique. Ils en concluent donc que le développement personnel est un processus qui se réalise lentement.

6.3 Au niveau des aidés (jeunes en contact avec les PA)

Contrairement aux programmes en milieu de travail (Rockhurst Consulting Group Inc, 1993 ; Sylvestre et Caron, 1987 ; Domnick-Pierre, 1985 ; Rapport d’étude du PAE, 1997), peu de recherches sont disponibles sur l'impact d'un PPA, auprès des étudiants aidés. Même si Légaré et coll. (1987, cité dans Tourigny et al. 1987) rapportent peu d'effets sur les aidés d'un programme implanté à Rimouski, Evoy (1983, cité dans Tourigny et al. 1987) quant à lui a relevé des améliorations significatives pour les PPA visant le tutorat académique. Morgan (1994) souligne cependant que les PPA offrent l'opportunité aux aidés de partager un problème avec un membre du même groupe, qui lui, fonctionne généralement bien et qui peut les aider à y voir clair. À ce titre, les PA représentent des "role models" pour les autres étudiants (Edge, 1984).

6.4 Au niveau du milieu scolaire

Le personnel adulte de l'école, interrogé par Caisse (1992), est d'accord pour dire que le PPA en place a eu un effet visible sur tous les élèves de l'école. Les PPA peuvent créer un environnement communautaire plus positif (Varenhorst, 1984, cité dans de Rosenroll, 1989) et favoriser l'implantation de réseaux de soutien et de groupes d'entraide parmi les étudiants, ce qui tend à briser l'isolement que plusieurs pourraient ressentir (Kehayan, 1992 ; Poulin & Vigneault, 1986 ; Varenhorst, 1983)

Ayotte et Roy (1986), Grady (1980), Besecker et Aug (1985), Evoy (1983), Buck (1977), Vriend (1969, dans Tourigny et al. 1987) et Kehayan (1992) s'entendent pour identifier les retombées suivantes sur le milieu scolaire:

Les professionnels du milieu y trouvent également leur compte car les résultats sont tangibles et ce programme est énergisant pour eux (Kehayan, 1992). Il est par contre évident que les PPA ne sont pas une panacée et que plusieurs autres facteurs tels, la taille de l'établissement et les réseaux de communication en place jouent également un très grand rôle sur la qualité des rapports entre étudiants et avec le corps professoral. Par contre les PPA, intégrés à un programme de prévention, peuvent peut-être apporter un élément de solution et surtout une alternative à l'anonymat et au climat de compétitivité qui existent souvent dans les institutions scolaires (Poulin & Vigneault, 1986).

À cet égard Bouchard (1983) résume bien la portée de tels efforts : "Prévenir c'est possible sans que l'on ait besoin de changer l'environnement, mais la prévention devient alors une autre opération de sauvetage curatif magnifiquement déguisée" (p. 220).

6.5 Autres domaines

Bien que certains auteurs (Varenhorst, 1983 ; Evoy, 1983) soulignent que les PA ont également un effet positif sur leur entourage autre que scolaire, peu d'études sont disponibles à ce sujet. On peut cependant rapporter les travaux de Diver-Stammes (1991), sur les types de problèmes rencontrés par les PA en milieu scolaire urbain défavorisé. Elle y relevait en effet que sur 506 interventions répertoriées suite à l'évaluation du PPA qu'elle a étudié, 136 d'entre elles (près de 27%) avaient eu lieu dans un contexte autre qu'à l'école (parents, amis, voisins, etc.). Ce service peut donc également avoir un effet sur la communauté dans laquelle vivent les PA.

Enfin, il est de plus intéressant de rapporter qu'à l'implantation d'un PPA dans certaines écoles, il est arrivé que des parents aient été inquiets du mandat que l'on confiait à leur enfant, le trouvant trop lourd. Ils ont généralement accepté rapidement de laisser leur enfant participer, en comprenant qu'il aurait plus de soutien pour assumer un rôle qu'il jouait déjà de façon naturelle. (Caisse, 1992)

7. Élaboration d'un cadre conceptuel

7.1 Conditions contribuant au succès des PPA

On doit accorder une grande importance à la planification et à l'élaboration d'un cadre conceptuel bien structuré si on veut faciliter l'acceptation d'un PPA en milieu scolaire avec un certain succès. Les éléments suivants sont donc à considérer :

Lawson (1989), Giddan & Austin (1982) et de Rosenroll (1990) ont également identifié certaines difficultés qui peuvent survenir en ce qui concerne : 7.1.1 Le réseau social des jeunes

Selon l'étude de Tourigny et al. (1987), les jeunes de niveau secondaire ayant participé au programme qu'ils ont évalué, ont identifié les personnes suivantes comme celles qu'ils vont voir s'ils ont des difficultés :
 
78% ami(e) du même sexe
59% parents
41% frères et soeurs
38% ami(e)s de coeur
35% ami(e)s du sexe opposé
32% autres jeunes
17% n'en parlent à personne
9% les professeurs
6% les autres adultes de l'école

Toujours selon Tourigny, l'âge et le sexe influencent la composition du réseau. Ainsi plus les adolescents vieillissent moins ils font appel aux parents et plus à leurs amis du même sexe ou leur ami de coeur. Ces derniers deviennent la principale source d'aide spontanée et s'intègrent à leur réseau naturel d'entraide. L'aide informelle apparaît donc comme une façon "acceptable" pour les jeunes de demander de l'aide pour des problèmes personnels en même temps qu'un moyen de rejoindre un plus grand nombre de jeunes. (Tourigny et al. 1987 ; Carr, 1984 ; Poulin & Vigneault, 1986, Varenhorst, 1983)

De plus, plusieurs études relèvent que la proportion d'aidants "filles" dépasse largement celle des garçons (72% filles et 28% garçons selon Diver-Stammes, 1991 ; 3 filles pour 1 garçon selon Caisse, 1992 ; Carr, 1981). D'ailleurs, Burke et Weir (1978 dans Poulin & Vigneault) soulignent que les filles discutent davantage de leurs difficultés avec leurs pairs du même sexe que les garçons.

7.3 Type de relation

Contrairement aux approches traditionnelles où le thérapeute est l'expert et le client est catégorisé selon un diagnostic donné (McGraw Schuchman, 1997), l'utilisation de pairs aidants élimine l'existence de la relation "dominant-dominé" qu'engendre souvent le contact avec ces experts. Les PA aident régulièrement leurs pairs en établissant avec eux une relation d'égal à égal (Peavy, 1981, dans Losier et Ouellette, 1989 ; Giddan & Austin, 1982). De Rosenroll (1990) quant à lui parle de relation "horizontale", telle que préconisée par les PPA, versus une relation "verticale" entre un client et un professionnel. De plus, une relation "pair-pair" a moins de chance de créer une dépendance que l'habituelle relation "client-professionnel" (Morgan, 1982)

Il est particulièrement intéressant de relever les commentaires de plusieurs PA dans l'étude de Diver-Stammes (1991), qui indiquent qu'ils parlaient souvent du PPA comme étant pour eux une "famille". Cette étude a d'ailleurs porté sur un programme en place dans une école en milieu urbain défavorisé (ghetto où 34% des étudiants sont noirs et 66% sont hispaniques), où le phénomène de gangs est très répandu et où le soutien familial est souvent absent. Il appert donc que dans ce contexte, le PPA a comblé un besoin naturel dans la vie des PA y participant. On peut par ailleurs faire le lien entre ce contexte et celui présenté par l'étude sur les jeunes marginaux de Caputo, Weiler & Green (1996) dont j'ai déjà parlé dans un premier travail (Lavoie, 1998) et où des commentaires semblables avaient été soulevés.

McGraw Schuchman (1997) apporte de plus une juste appréciation d'une dimension souvent négligée dans la conception de l'adolescence, celle de l'empowerment :

An additional principle important to fostering the power of teens is the recognition of youth as competent. Adults and professionals are not the only people perceived as skilled or competent. The program recognizes that everyone has something of value to give. Moreover, the social, cognitive, and emotional growth that occurs during adolescence further equips teens to offer things of value to others. (p. 105) Elle soulève également le fait qu'une relation d'aide peut se développer tout naturellement en une relation d'entraide où l'aidé d'hier peut devenir l'aidant de demain. Ce concept démystifie donc ce type de relation et le rend plus accessible car il renforce le rapport informel d'égal à égal.

Enfin, Poulin et Vigneault (1986) soulignent que solliciter un conseil auprès d'un pair n'implique pas nécessairement de se "dévoiler" ou de remettre en question ses mécanismes et ses modes de fonctionnement, ce qui est au départ semble moins stigmatisant et beaucoup plus sécurisant pour le jeune.

8. La pertinence de ce travail par rapport à la pratique sociale et à mon sujet de mémoire

Dans la majorité des recherches en milieu scolaire, "on s'est intéressé aux progrès manifestés ou mesurés chez les formés eux-mêmes. Beaucoup moins de travaux ont porté sur les gains réalisés par les aidés suite à des interventions de pairs aidants ayant suivi une formation." (Poulin & Vigneault, 1986, p. 104) De plus, la majorité de la littérature traite d'études américaines avec quelques expériences au Canada anglais.

Le phénomène est cependant appelé à faire sa place au Québec car avec le désengagement social de nos gouvernements et le fameux virage ambulatoire, les conditions sont en place pour favoriser l'éclosion de plusieurs initiatives du genre où la communauté est appelée à jouer un rôle de plus en plus important.

J’ai pu observer plusieurs points communs entre les facteurs de succès dénotés au niveau des initiatives de pairs aidants s’adressant aux jeunes en milieu scolaire et ceux nécessaires à la pérennité des programmes en milieu de travail, basés sur ce concept d’aide. Il est particulièrement intéressant d'examiner les retombées répertoriées au niveau des jeunes PA et de dresser un parallèle avec mon sujet de mémoire qui s'applique justement à aller examiner si de semblables retombées existent en ce qui concerne les PA adultes en milieu de travail. En fait, la principale différence entre les deux formes de PPA se situe probablement au niveau des buts et objectifs visés par chacun. En effet, comme indiqué plus tôt, on peut remarquer que le développement psychosocial des jeunes PA eux-mêmes représente un objectif central en milieu scolaire. Par contre, ces considérations sont tout à fait secondaires avec les PA adultes car ceux-ci sont considérés comme ayant atteint une certaine maturité. De toute façon, plusieurs dirigeants d'entreprise argueront que le développement psychosocial de leur personnel ne relève pas vraiment de la responsabilité de l'employeur. À cet égard ils seront beaucoup plus intéressés par le fait que les programmes d'aide aux employés utilisant des PA sont moins coûteux que l'emploi de professionnels, en autant que les employés aux prises avec des difficultés d'ordre personnel reçoivent l'aide dont ils ont besoin afin de redevenir aussi productifs que possible.

Conclusion

Je crois que cet exercice m'a permis de juger adéquatement de la pertinence sociale de l’intervention basée sur la formation et l’utilisation de pairs aidants en milieu scolaire. La littérature consultée prouve d'ailleurs d'elle-même que cette question est très innovatrice en ce qui concerne la pratique sociale dans ce domaine. Le phénomène est bien lancé et il est aussi appelé à prendre une importante expansion.

En guise de conclusion, je me permets donc de reprendre trois citations que je trouve très pertinentes et qui résument très bien l'importance des programmes de pairs aidants comme appui en ce qui concerne le développement psychosocial et la santé mentale en général, des jeunes d'aujourd'hui :

L'entraide par les camarades, c'est compter sur les forces des jeunes, les aider à se prendre en main, leur insuffler un peu de dynamisme. C'est utiliser leurs ressources aux possibilités infinies (Caisse, 1992, p. 34).   Through fostering these types of interventions, society affirms these youth. This intervention is one way to appreciate the adolescent period of development and to provide validation for the needs of teens and their customs. They learn that they are important and are not forgotten (McGraw Schuchman, 1997, p.109).   Peer helpers are to some an inexpensive cosmetic solution. However, to others, they represent giving more power back to individuals so that they can realize greater independence in their own growth. To these advocates, peer helping represents a preventive intervention rather than a crisis intervention (de Rosenroll, 1990, p. 30). BIBLIOGRAPHIE
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