Initiatives de pairs aidants pour les jeunes marginaux : Recension critique du rapport et de l=abrégé.
par Doris Lavoie, mars 1998

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

  1. La méthodologie
  2. Le survol des initiatives de pairs aidants
  3. Aspect critique
  4. La pertinence de ce texte par rapport à la pratique sociale et à mon sujet de mémoire
CONCLUSION

BIBLIOGRAPHIE



INTRODUCTION

Même si je souscris à une approche refusant de victimiser les jeunes d'aujourd'hui, force est d'admettre que ceux faisant l'objet du rapport de Santé Canada sur les "Initiatives de pairs aidants pour les jeunes marginaux" (Caputo et al.1996), font partie d=un segment de jeunes considérés à haut risque, qui sont souvent dépeints comme victimes de la société et irrécupérables par le "système" actuel.

En choisissant ce texte comme objet de cette recension critique, une de mes préoccupations était de pouvoir en faire le lien avec le sujet actuel de mes recherches pour mon mémoire. J'ai donc trouvé particulièrement intéressant de retrouver parmi les caractéristiques des pairs aidants oeuvrant auprès des jeunes marginaux, plusieurs similitudes avec les pairs aidants que je connais mieux, soit ceux évoluant en milieu de travail.

Ainsi, ce rapport est en fait un abrégé de celui plus complet déposé par les auteurs auprès de Santé Canada et il est divisé en deux parties. Mon analyse portera surtout sur la première partie qui résume la méthodologie employée ainsi que le cadre conceptuel utilisé pour cette étude. Cette première partie catégorise également les initiatives de pairs aidants pour les jeunes marginaux, tout en relevant leurs principaux facteurs de réussite. La deuxième partie est quant à elle présentée de façon plus fonctionnaliste car elle est composée de courts tableaux des différentes initiatives répertoriées, regroupés selon les catégories présentées plus tôt.



1. La méthodologie

Santé Canada a financé ce rapport à travers sa "Stratégie canadienne antidrogue". Les auteurs ont donc accordé une attention spéciale vers la délinquence chez les jeunes marginaux exprimée à travers des comportements d'abus de substance. Ils ont cependant bien fait le tour du vécu des jeunes étudiés en relevant avec justesse qu'il était très difficile de tous les traiter de la même façon car l'expression de la marginalité chez ces derniers peut prendre diverses formes et s'exprimer selon divers degrés. Cette hétérogénéité est d=ailleurs bien étayée par une description qualitative du phénomène étudié, que je trouve beaucoup plus riche de sens que si les auteurs avaient fait le choix de nous dresser qu=un tableau démographique de la marginalité chez les jeunes.

Du point de vue méthodologique, ce rapport a suivi un parcours rigoureux en passant à travers toutes les étapes d'une recherche scientifique bien équilibrée. Les auteurs font ainsi état d'une revue de littérature exhaustive, de plusieurs consultations téléphoniques, de visites de sites, d'entrevues individuelles, de groupes de discussions et de l'utilisation très efficace des réseaux informels et semi-formels pour identifier les nombreuses initiatives de pairs aidants qui n'étaient pas nécessairement dénombrées parmi les ressources normalement considérées. À cet égard il est également important de relever que le choix des informateurs-clefs fut fait avec beaucoup de soin. Les auteurs ont ainsi réalisé avec justesse qu'il était primordial d'aller examiner le terrain selon plusieurs perpectives pour qu'une telle recherche soit crédible et aspire à bien faire le tour de la problématique étudiée. C=est ainsi que les informateurs-clefs, en plus de comprendre des jeunes pairs aidants, des consommateurs de services et des intervenants en milieu naturel, comprenaient des chercheurs, des académiciens, des représentants d'organismes et d'instituts choisis ainsi que des experts en aide personnelle, en aide par les pairs et dans d'autres domaines connexes.

J=ai de plus apprécié l=importance accordée à la pré-validation du modèle conceptuel au moyen d=une consultation des membres du réseau, suite à l=accumulation des premiers résultats recueillis. Par cette initiative, les auteurs ont démontré qu=ils voulaient effectivement refléter avec le plus d=exactitude possible ce qui est vécu sur le terrain, en étant prêts à réajuster leur tir à temps, s=il s=avérait qu=ils faisaient fausse route en choisissant un tel cadre conceptuel.

L=objet premier de cette recherche exploratoire était d=identifier des pistes d=intervention alternatives auprès des jeunes marginaux. Les auteurs ont ainsi bien su relever divers éléments clefs qui semblent favoriser la mise en place et le succès des programmes de pairs aidants. Je trouve de plus très pertinente leur remarque de la p. 6 qui vise à expliquer la pertinence de ces initiatives en relevant que :

on ne s=attend pas à ce que les jeunes gens à *faible risque+ passent de l=adolescence à l=âge adulte sans un soutien continu et constant, pourquoi devrait-on s=attendre à ce qu=il en soit ainsi avec les marginaux qui, de leur côté, font face à des défis beaucoup plus grands ? Enfin, j=ai bien aimé que les auteurs situent au centre de ce qu=ils appelent Ale continuum de l=aide personnelle/professionnelle@ l=intervention par les pairs, car c=est exactement l=endroit où elle appartient, c=est-à-dire à mi-chemin entre les réseaux naturels et ceux à caractère plus formel, qui sont à la portée des clients.

2. Le survol des initiatives de pairs aidants

En exhorde à la deuxième partie, qui est en fait un tableau détaillé des initiatives de pairs aidants répertoriées par l=équipe de chercheurs à l=intérieur des organismes sociaux approchés, les auteurs expliquent bien le choix des différentes catégories sous lesquelles ces initiatives sont regroupées (Services de contact/soutien, de transition/réinsertion et de prévention/éducation). Ces catégories, sans être mutuellement exclusives, sont en effet le reflet de la diversité des clientèles desservies et des différences au niveau des approches nécessaires pour aller les rejoindre.

Bien que présenté de façon synoptique, il est également très intéressant d=y retrouver le précis de chacune des initiatives, par le biais de l=identification des personnes responsables du programme concerné, de la description de celui-ci, des objectifs poursuivis et de la clientèle desservie. Chaque tableau est de plus complété par une description de l=activité spécifique impliquant des pairs aidants à travers le processus de sélection de ces derniers, la formation et la supervision qu=ils reçoivent et la présence ou non d=un quelconque processus d=évaluation de l=activité même.

Ces tableaux sont clairs, précis et offrent un portrait concis mais bien campé de chaque initiative impliquant des pairs aidants, au sein des organismes d=aide approchés. Ils permettent également aux intervenants du milieu, de mieux apprécier la diversité de ces initiatives tout en servant de guide Aà ceux qui travaillent auprès des jeunes marginaux et qui essaient de créer, d=améliorer ou de maintenir des initiatives de pairs aidants@.

3. Aspect critique

Au tout début de leur rapport, lorsqu=ils décrivent leur recherche bibliographique, les auteurs expliquent qu'ils ont fait le choix délibéré de ne pas se pencher sérieusement sur le contenu des études américaines en arguant que la réalité sociale canadienne est très différente de celle vécue chez les jeunes marginaux américains. Je ne suis pas tout à fait d=accord avec ce point de vue car je suis d=avis qu=il peut être très intéressant d=examiner ce qui se fait chez nos voisins du Sud car il y a fort à parier que le Canada connaîtra sensiblement les mêmes phénomènes de 10 à 20 ans plus tard. Plusieurs exemples dans divers domaines tendent d=ailleurs à confirmer cette hypothèse (violence, ethnocentrisme, immigration, drogues, etc.)

Un autre point que j=ai relevé est que, bien que les entrevues téléphoniques aient couvert une plus grande diversité de villes, les visites de sites n=ont été effectuées que dans des grandes villes (Toronto, Montréal, Calgary, Halifax et Vancouver). Il aurait été intéressant d=aller examiner plus à fond si la marginalité chez les jeunes était vécue de la même façon dans les milieux moins urbanisés. Les auteurs n=avancent aucune explication sur ce choix, bien que des soucis de coûts soient dans doute à l=origine de cette décision. Le lecteur peut également supposer que le phénomène des jeunes de la rue (pour la plupart des fugueurs) se retrouve presque exclusivement dans les villes d=importance.

Enfin, bien que je comprenne que les auteurs aient fait le choix délibéré d=offrir une définition plus qualitative que classique des jeunes marginaux, je trouve qu=il sont demeurés assez vagues sur ce qu=est le concept de marginalité car dans notre société actuelle il représente beaucoup plus que ceux qui n=adhèrent pas à la routine Amétro - boulot - dodo@.

4. La pertinence de ce texte par rapport à la pratique sociale et à mon sujet de mémoire

J=ai pu observer plusieurs points communs entre les facteurs de succès dénotés au niveau des initiatives de pairs aidants s=adressant aux jeunes marginaux et ceux nécessaires à la pérénité des programmes en milieu de travail, basés sur ce concept d=aide. Parmi ceux-ci, à la page 63 du texte il est relevé que les étudiants (les aidés dans ce cas) apprenaient plus et comprenaient davantage la matière lorsqu=elle était présentée par les pairs aidants. Cette observation est également applicable en milieu de travail où les employés sont souvent plus portés à se confier à un collègue pair aidant, lorsqu=ils ont des problèmes personnels, que de se tourner vers le système plus formel des ressources humaines. Un autre exemple commun est l=emphase mise, à l=intérieur des deux programmes, sur la=importance de bien connaître ses propres limites personnelles en relation d=aide, lorsqu=on agit à titre de pair aidant.

J=ai cependant noté certaines différences marquantes entre les deux programmes. Il ressort clairement, dans le cas des initiatives de pairs aidants s=adressant aux jeunes marginaux, qu=un effort explicite est axé vers le développement de nouvelles habiletés sociales pour les jeunes pairs aidants eux-mêmes. En fait il est maintes fois relevé que les jeunes pairs aidants retirent plusieurs bénéfices tangibles de leur participation au programme tout en fournissant des services d=aide appréciés de la clientèle desservie. À titre d=exemple on peut se référer à la page 17 qui énumère plusieurs avantages pour les aidants ou à la page 53, où il est précisé que suite à leur engagement comme pair aidant, à titre de tuteur, pour un programme d=alphabétisation des jeunes marginaux, ces pairs aidants se prenaient en main et retournaient souvent à l=école d=eux-mêmes. Cette situation est particulièrement observable en ce qui concerne les organismes de réinsertion sociale où le cheminement des pairs aidants se poursuit à travers le développement de l=estime de soi, suite à leur implication à l=intérieur des activités parrainées par le programme de pairs aidants. Cette perspective est également applicable aux programmes visant l=éducation, qui utilisent souvent une approche de Aprésentation@ par des pairs aidants qui, pour la plupart, sont d=ailleurs eux-mêmes d=ex-marginaux. Ce volet est moins présent en milieu adulte car la personnalité des pairs aidants est déjà plus établie qu=à l=adolescence.

Il est de plus intéressant de relever l=importance accordée à l=aspect Asupervision@ des pairs aidants par les professionnels de l=organisme, oeuvrant auprès des jeunes marginaux. Cet aspect diffère également du milieu de travail où les responsables des programmes d=aide aux employés (PAE) utilisant des pairs aidants, mettent plus d=emphase sur la formation (initiale et continue) et moins sur la supervision directe. Il faut cependant reconnaître qu=à ce sens, encore une fois, les adultes pairs aidants possèdent probablement plus de capacité de recul face aux différentes situations, que les jeunes qui sont dans plusieurs cas encore en cheminement tout en étant souvent eux-mêmes assez fragilisés. D=ailleurs en ce qui concerne le recrutement des pairs aidants, des différences notables sont observables entre les deux types de programmes. Ainsi, contrairement au début des années 80 où plusieurs PAE étaient souvent le prolongement des programmes AA, les PAE actuels ont tendance à recruter des pairs aidants n=ayant pas nécessairement connu de difficultés personnelles significatives et qui sont déjà socialement impliqués dans leur milieu naturel. À ce titre, on retrouve souvent chez les programmes s=adressant aux jeunes marginaux des pairs aidants qui sont eux-mêmes d=ex-consommateurs de services, qui s=en sont sortis et qui ressortent du groupe en continuant de militer à l=intérieur de l=organisme parrain.

CONCLUSION

Pour les besoins de ce travail, le texte choisi représentait en fait un abrégé du rapport remis à Santé Canada. L'information y était ainsi présentée de façon synchrétique et sous forme de tableaux synoptiques concis. Je crois cependant que, dans le cadre de mes recherches rattachées à mon mémoire, il serait intéressant d'aller consulter le rapport complet afin d'examiner de plus près le questionnaire utilisé ainsi que les démarches menant à l=élaboration de leur cadre conceptuel et de scruter plus à fonds certains verbatims recueillis.

J=ai donc trouvé stimulant d=avoir l=opportunité d=être exposé à plusieurs initiatives impliquant de jeunes pairs aidants dans des milieux qui m=étaient très peu familiers. J=ai été agréablement surpris d=y découvrir plusieurs parallèles avec la réalité du monde du travail qui sauront sans doute me fournir d=intéressantes pistes de recherche.

BIBLIOGRAPHIE

Caputo, T. Weiler, R. et Green, L. 1996. Initiatives de pairs aidants pour les jeunes marginaux : Rapport et condensé, Stratégie canadienne antidrogue, Ottawa : Santé Canada

Santé Canada, 1998. Ressources jeunesse, publié sur leur site internet : http://www.hc-sc.gc.ca/main/hppb/cny/jeunes_ressources.htm, Ottawa 


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