LES PAIRS AIDANTS EN MILIEU DE TRAVAIL. ÉTUDE DES EFFETS
DE LEUR IMPLICATION SUR
LEUR VIE PERSONNELLE, FAMILIALE ET SOCIALE. LE CAS DU PROGRAMME
D’AIDE AUX EMPLOYÉS
DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE.
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE I
DÉFINITION DE LA PROBLÉMATIQUE
1.1 La situation
1.2 Bref
historique de l'intervention en milieu de travail
1.3 Bref historique
de l'intervention par les pairs
1.4 Formes d’intervention
1.5 Les origines du PAE au
MDN
1.6 Quelques statistiques
pour le MDN
1.7 Pertinence
sociale et organisationnelle de l'utilisation des pairs aidants en milieu
de travail
1.8 Les
effets sur les générés par cette forme de relation
d'aide
CHAPITRE II
LE CADRE THÉORIQUE
2.1 Le continuum de l'aide
2.2 Les réseaux
2.3 Caractéristiques
des réseaux
2.4 Caractéristiques
de l'intervention utilisant des pairs aidants en milieu de travail
2.5 Type de relation
CHAPITRE III
LE CADRE OPÉRATOIRE
3.1 À propos
de définitions concernant l’intervention en milieu de travail
3.2 À propos
de définitions concernant l’intervention de réseaux
CHAPITRE IV
L’ASPECT MÉTHODOLOGIQUE ET LE CHEMINEMENT
EXPLIQUÉ
4.1 Le contexte de l'étude
4.2 Notre hypothèse
de travail
4.3 Les instruments
de collecte des données
4.3.1 Le groupe
nominal
4.3.1.1
La description du groupe nominal
4.3.1.2
Le déroulement de l'activité du groupe nominal
4.3.1.2.1 La production
4.3.1.2.2 La collecte à
la ronde
4.3.1.2.3 La clarification
4.3.1.2.4 Le vote préliminaire
4.3.1.2.5 Le vote final
4.3.2
Les entrevues semi-dirigées
4.3.2.1
La grille d'entrevue
4.3.2.2
Les informateurs et l'échantillonnage
4.3.3
Le déroulement de l'étude
4.4 L'éthique
4.5 Les limites
4.6 La validité interne
CHAPITRE V
UNE LECTURE DES DONNÉES AUTOUR D'AXES
INTÉGRATEURS
5.1 Motivations
5.2 Facteurs
personnels - Éléments contribuant au développement
de soi
5.2.1
Effets sur soi-même de l’ordre de l’épanouissement personnel
ou de la croissance personnelle
5.2.2
Développement de nouvelles habiletés
5.2.3
Acquisition de nouvelles connaissances
5.2.4
Impact sur le plan professionnel
5.2.5 Gestion
du stress
5.3 Facteurs
sociaux - L'influence sur les autres
5.3.1 Perception
des autres
5.3.2
Relation avec les proches
5.3.3
Implication communautaire
CHAPITRE VI
ÉLÉMENTS D’ANALYSE ET DE RÉFLEXION
6.1 Les résultats
de notre recherche
6.1.1 L’aspect
motivation
6.1.2
Les retombées d’ordre personnel
6.1.3
Les retombées affectant le milieu social des PA
6.2 La
portée possible de cette recherche
6.3 Les questions
qui demeurent à explorer
6.4 Le sens
de notre recherche par rapport au travail social
6.5 Des recommandations
possibles
APPENDICE A ORDRE DU JOUR DU GROUPE NOMINAL
APPENDICE B CLASSIFICATION NON-PRIORISÉE
DU GROUPE NOMINAL
APPENDICE C GROUPE NOMINAL - LISTE ORDONNANCÉE
EN ORDRE DÉCROISSANT DE PRÉFÉRENCE
APPENDICE D LA GRILLE D'ENTREVUE
APPENDICE E LETTRE D'ENTENTE AVEC LES PARTICIPANTS
AUX ENTREVUES
1.1 Comparaison
entre le nombre d'employés ayant consulté le PAE de 1986/87
à 1996/97
1.2 Comparaison
des raisons pour lesquelles les employés ont consulté le
PAE de 1986/87 à 1996/97
2.1 Continuum de l'aide
4.1 Éléments contextuels de notre
étude
4.2 Composition du groupe
nominal
4.3 Grille pour les entrevues semi-dirigées
4.4 Liste des participants aux entrevues semi-dirigées
6.1 Effets sur la croissance personnelle
6.2 Effets sur les interactions sociales
6.3 Effets sur les interactions communautaires
AA | Alcooliques anonymes |
AS | Administrative Support (niveau de classification) |
AITQ | Association des intervenants en toxicomanie du Québec |
AQPRAI | Association des personnes-ressources en programme d'aide dans l'industrie |
CQPRAI | Chapitre québécois des programmes d'aide |
CT | Conseil du Trésor |
FTQ | Fédération des travailleurs du Québec |
IHMS | Integrated Health Management System |
MDN | Ministère de la Défense nationale |
OAPC | Ordre Administratif du Personnel Civil |
PA | Pair aidant |
PAE | Programme d'aide aux employés |
PPA | Programme de pairs aidants |
RCN | Région de la capitale nationale |
Dans la plupart des entreprises modernes d'envergure, l'intervention sociale en milieu de travail s'exerce à travers le Programme d'Aide aux Employés (PAE) en place. Ces programmes peuvent cependant revêtir diverses formes (professionnel sur place, agence externe, pairs aidants). Cette recherche s'est penchée plus particulièrement sur le type de PAE en place au ministère de la Défense nationale (MDN) soit celle utilisant des pairs aidants (PA).
La littérature scientifique fait état de recherches ayant
étudié les PAE quant à leurs effets chez les aidés
ou dans l'entreprise même. Nous faisons l'hypothèse
que certains effets sont également présents chez les aidants
eux-mêmes. En nous appuyant sur une méthode de recherche
qualitative, nous avons étudié la perception de pairs aidants
quant aux effets de leur implication au PAE et si ces effets se retrouvent
également dans diverses sphères de leur vie. Les conclusions
de notre recherche démontrent effectivement que le fait de s'impliquer
en tant que pair aidant amène des retombées importantes dans
la vie des PA et dans leurs relations avec différents acteurs de
leur réseau familial et professionnel. Cette recherche met
également en lumière la nature même de ces retombées,
tant en ce qui concerne la croissance personnelle et l'acquisition de nouvelles
connaissances chez les PA, que l'amélioration de leurs relations
interpersonnelles avec leurs proches et leur implication accrue auprès
de leur communauté.
Ce mémoire est l'aboutissement de la démarche de recherche entreprise dans le cadre de l'obtention d'une maîtrise en travail social. La recherche consistait en fait à étudier la perception de pairs aidants en milieu de travail, quant aux effets de leur implication dans un Programme d'Aide aux Employés, sur leur vie personnelle, familiale et sociale. Pour ce faire nous avons choisi d'examiner de plus près le cas du PAE du ministère de la Défense nationale (MDN).
Après avoir défini la problématique en exposant les origines de l'intervention sociale en milieu de travail et en expliquant la pertinence d'un modèle de PAE basé sur le concept de pairs aidants, nous nous sommes appliqués à bien ancrer ce modèle d'intervention, en explorant plus à fond d'autres milieux l'on fait appel à des pairs aidants. Nos recherches dans la littérature scientifique nous ont alors amené à prêter une attention particulière au milieu scolaire où cette forme d'intervention sociale est beaucoup plus répandue. L‘examen de la littérature traitant de ce type d'intervention en milieu scolaire, nous a également permis d'établir d'intéressants parallèles par rapport à la situation vécue en milieu de travail et de tenter d’expliquer ce modèle d'intervention à travers le paradigme des réseaux sociaux.
Nous avons ensuite conduit notre recherche sur le terrain auprès de pairs aidants oeuvrant au sein du PAE du MDN dans la région de la capitale nationale (RCN). Ainsi, dans un premier temps, nous avons fait appel à neuf (9) PA dans le cadre d'un exercice exploratoire utilisant la technique du groupe nominal, afin de faire ressortir les principaux thèmes pertinents, de façon à bien camper notre grille pour des entrevues individuelles subséquentes. Cette grille d'entrevue nous a ensuite amené à rencontrer, dans le cadre d'entrevues semi-dirigées, un autre échantillonnage de six (6) pairs aidants oeuvrant au sein du PAE du MDN dans la RCN. Cet exercice nous a permis d'aller vérifier les motivations et les perceptions de ces pairs aidants, tout en explorant ce qui les avait conduits à s'impliquer dans le programme d'aide, quelle avait été leur trajectoire à l'intérieur du PAE. Nous avons également exploré quelles avaient été les retombées personnelles les affectant, de même que celles affectant deux milieux de leur réseau social primaire, soit la famille et le milieu de travail proche. Ces retombées, selon leur point de vue, sont manifestes tant en ce qui concerne la croissance personnelle et l'acquisition de nouvelles connaissances chez les PA, que l'amélioration de leurs relations interpersonnelles avec leurs proches et leur implication accrue auprès de leur communauté.
Les résultats de cette recherche à caractère qualitatif
permettent de mieux comprendre la portée des programmes d'aide utilisant
des pairs aidants en milieu de travail, en démontrant qu'en plus
d'offrir un service d'aide efficace auprès d'autres employés
aux prises avec des difficultées d'ordre psychosocial (les aidés),
les pairs aidants du PAE sortent de leur expérience de bénévolat,
grandis et mieux équipés pour faire face aux difficultés
qu'ils sont eux-mêmes susceptibles de rencontrer dans leur vie quotidienne.
Comme Beaudoin (1987, p. 16) le précise, « on parlera de problème social s'il y a prévision collective que la dégradation d'une situation va se poursuivre selon le processus enclenché et produire des conséquences inacceptables ou de moins en moins acceptables ». Ce chapitre s'avisera donc de mettre en perspective la situation des programmes d'aide en milieu de travail en expliquant leurs origines et leur développement, tout en exposant quelques caractéristiques particulières au PAE du MDN.
Les problèmes de santé ou de comportement sont de plus en plus présents en milieu de travail. Celui-ci n'est d'ailleurs qu'un reflet de la société dans laquelle évoluent les employés. En milieu de travail on retrouve donc trois situations causales pouvant engendrer des situations problématiques :
Le PAE fournit de l'aide confidentielle aux employés qui demandent volontairement cette aide ou à ceux qui en ont besoin et qui l'acceptent volontairement à la suite d'une recommandation de la direction. Ceci peut se produire dans le cas où le rendement au travail fléchirait en raison d'un problème personnel, d'un problème de santé ou de comportement ou de tout à la fois. Le programme suppose au départ que le milieu de travail se prête bien à une intervention rapide auprès de ces employés et favorise chez eux le désir de demander de l'aide ou de suivre un traitement.
Bernard et al. (1986) abondent d'ailleurs dans le même sens en précisant que le milieu de travail représente un milieu d'intervention privilégié. En fait, ce terrain est très propice à l'intervention sociale car l'employé perturbé possède plusieurs acquis auxquels il tient (réseau social, travail, reconnaissance sociale, ...) et pour lesquels il est prêt à accepter de l'aide afin de s'en sortir.
Plusieurs études intéressantes, examinant l'impact sur
les organisations en ce qui concerne le rapport coûts/bénéfices,
les changements organisationnels ou de conditions de travail, sont disponibles
(Blum et Roman, 1995 ; Bureau
of National Affairs, 1987 ; Amaral, 1988 ; Morin,
1996). Ces études démontrent indéniablement
que l'intervention sociale en milieu de travail rapporte des bénéfices
évidents pour les entreprises (taux de roulement moindre, meilleur
climat de travail, productivité accrue, loyauté, etc.).
Navran Associates (1996) ont d'ailleurs
mené une importante étude auprès de plusieurs compagnies
s'étant classées sur la liste du magazine « Fortunes
». Ils rapportent ainsi que 80% des 1000 entreprises recensées
avaient en place un PAE, sous une forme ou une autre. En examinant
certaines des motivations poussant ces compagnies à « investir
» dans un PAE, ils ont conclu que celui-ci ne représentait
pas une activité qui saignait à blanc les ressources financières
des entreprises mais, qu'au contraire, il avait un effet très positif
sur les ressources de l'entreprise autant sur l'aspect financier en termes
de retour sur « l'investissement », que sur l'aspect «
humanitaire et social ».
C'est avec les « Occupational Alcohol Programs », au début des années 1940, que les premiers PAE ont fait leur apparition aux États-Unis. À l'époque, ils étaient basés sur le modèle AA et s'occupaient essentiellement de problèmes liés à l’abus d'alcool. Ce n'est que vers les années 70, que le « counselling industriel » a commencé à élargir l'éventail de ses domaines d'intervention (problèmes maritaux, financiers, stress, légaux, psychosociaux, etc.). (Madore, 1987 ; EAP Directory, 1996 ; Rhéaume, 1993)
Au Québec, ce n'est qu'au début des années 80 que les PAE ont commencé à se développer et à se regrouper dans des organisations telles que l'AITQ (Association des intervenants en toxicomanie du Québec), l'AQPRAI (Association des personnes ressources en programme d'aide dans l'industrie), pour enfin en arriver au CQPRAI (Chapitre québécois des programmes d'aide).
Pour ce qui est de la fonction publique fédérale, le Conseil du Trésor a adopté le concept de PAE en octobre 1977, en exigeant que les différents ministères se dotent d'un programme dans un délai de cinq ans. Pour les membres de la fonction publique à l'emploi du MDN, après plusieurs recherches, négociations et discussions, un modèle d'intervention basé sur le concept de pairs aidants fut élaboré et le PAE a été « officiellement » lancé à l'automne 1982, avec la formation des premiers employés choisis/bénévoles et l'implantation d'une structure organisationnelle pour les appuyer. Il est intéressant de noter qu'au sein du MDN, les pairs aidants sont aussi appelés « orienteurs » ou « referral agents » (en anglais) car l'essentiel de leurs fonctions consiste à « orienter » ou à « diriger » leurs clients vers les ressources externes appropriées.
Enfin, pour ce qui est de la fonction publique québécoise,
c'est en 1986 que le gouvernement du Québec a décrété
que chaque ministère ou organisme gouvernemental devait se doter
d'un PAE (Rhéaume, 1993, p. 45)
Le concept même d'aide entre pairs ne date pas d'hier. Wright (1965, dans Kehayan, 1992) rapporte qu'au siècle premier, l'instituteur romain Quintillianus écrivait dans son Oratoriarum Institutionum que les jeunes étudiants apprenaient des plus vieux dans un contexte éducationnel. De la même façon, aux 18e, 19e et début 20e siècles, ce concept de tutorat a continué à se développer car il y avait un manque évident d'instituteurs et plusieurs étudiants de différents niveaux se retrouvaient souvent dans la même classe (Kehayan, 1992). À ce titre, on peut constater que cette réalité n'est guère différente de notre propre histoire car si on se rapporte à nos écoles de campagne d'autrefois , on y observe le même phénomène.
Deux influences principales ont favorisé l'éclosion des programmes de pairs aidants (PPA) : 1) l'apparition des premiers groupes d'entraide (self-help) et 2) l'avènement des premiers paraprofessionnels en milieu social et éducationnel. C'est en effet aux États-Unis, que les premiers groupes d'entraide ont commencé en 1935, avec la fondation des alcooliques anonymes (AA). Cette forme d'entraide a pavé le chemin à plusieurs groupes du même genre, tout en légitimant le concept de prise en charge dans un contexte naturel, par le milieu. Parallèlement, à la même époque, de nouvelles lois américaines notamment la Work's Progress Administration, la Social Security Act of 1935 et la National Youth Administration encourageaient le recrutement de chômeurs et de jeunes décrocheurs à qui on offrait une formation sommaire pour ensuite les employer comme « paraprofessionnels » (Giddan et Austin, 1982). Ces premières initiatives ont été suivies, quelques années plus tard, durant la « guerre contre la pauvreté » des années 60, par des nouveaux programmes d'accès à l'emploi qui avaient pour but de promouvoir la formation et l'utilisation des paraprofessionnels au niveau des services publics. (Giddan et Austin, 1982 ; Wagenfeld, 1981 dans Poulin et Vigneault, 1986)
Certains professionnels en place dans les écoles étaient également intéressés à l'idée d'utiliser des individus à titre paraprofessionnel, cependant, vu la précarité de leur propre statut au sein de l'école pendant cette période, ils trouvaient moins « menaçant » d'avoir recours à des étudiants bénévoles qu'ils formaient eux-mêmes pour assurer le soutien des services de counselling en place (Wagenfeld, 1981, dans Poulin et Vigneault, 1986) . Leur réticence face aux paraprofessionnels n'était pas sans fondement, étant donné les importantes restrictions budgétaires qui étaient imposées aux services professionnels à ce moment-là. Ce climat a donc contribué à l'émergence des PPA, afin de continuer à offrir un niveau de service comparable dans ces milieux.
Parallèlement à ces initiatives, certains étudiants travaillaient comme aidants paraprofessionnels à Harvard, où ils étaient accompagnateurs dans des hôpitaux psychiatriques. Leur rôle a par la suite été étendu à d'autres domaines, don’t celui d'aide entre pairs sur le campus. (Giddan et Austin, 1982)
Pour ce qui est de l'emploi de pairs aidants (PA) dans un contexte d'aide psychosociale, Carkhuff et ses acolytes ont vraiment été les pionniers dans ce domaine, dès le début des années 60 (Carkhuff, Kratchovil et Friel, 1963 ; Carkhuff, 1968, 1969A ; Carkhuff, Piaget et Pierce, 1968 cités dans Kehayan, 1992). Ce même Carkhuff (1969B) a d'ailleurs développé un guide de formation à l'intention des pairs aidants qui demeure encore aujourd'hui l'Ouvrage de référence dans le domaine (Kehayan, 1992). C'est cependant à Zunker et Brown (1966, dans Lawson, 1989), que revient en 1963, la paternité de la première étude scientifique du phénomène de l'aide par les pairs en milieu éducationnel. De nos jours, selon Wuthnow, (1994, dans Gibbs, Potter et Goldstein, 1995) il existe environ 500 000 groupes de pairs ou d'entraide, impliquant quelques 12 millions de personnes aux États-Unis.
Du côté francophone c'est Limoges (1991) qui, en 1982, a fait figure de pionnier avec la publication de son livre S'entraider. Il faut comprendre que l'aide par les pairs est essentiellement un concept anglo-saxon et qu'à part une percée des groupes AA, il était à peu près inexistant, à l'époque, en milieu francophone. En fait, l'entraide au Québec tire ses origines dans la tradition catholique qui était sensiblement plus hiérarchisée (sous la direction du curé) et structurée (un jour donné) avec les corvées d'autrefois et la mobilisation paroissiale. Ces temps sont cependant révolus et, dès 1984, Guay écrivait qu'avec la réforme des services sociaux, on incitait les gens à ne plus compter que sur leurs propres ressources mais à se tourner vers les services offerts et surtout à coopérer entre eux. Ce climat a donc également contribué à l'émergence de PPA chez nous.
Même si au Québec encore peu de PPA ont fait l'objet d'études
sérieuses (sauf Limoges, 1991 et Poulin
et Vigneault, 1986), au Canada anglais et aux États-Unis, des
réseaux nationaux de PA sont en place depuis plus de 15 ans.
Ils jouissent d'un excellent membership, tiennent des conférences
annuelles, gèrent un programme de formation très développé
et publient leurs propres bulletins régulièrement : The Peer
Counsellor au Canada et Peer Facilitator Quarterly aux ÉU (de
Rosenroll, 1990).
Les PPA s’inscrivent dans une dynamique de soutien. Cameron (1990) identifie quatre types de soutien apporté par le réseau social : le soutien concret (aide matérielle ou instrumentale), le soutien éducationnel (amélioration des habiletés et des connaissances), le soutien émotionnel (encouragement, écoute, etc.) et le soutien axé sur l'intégration sociale (contacts, appartenance, etc.). L'intervention par le biais de l'implantation d'un programme de pairs aidants visera donc à agir à ces quatre niveaux.
De façon générale, il est cependant important de préciser qu'il existe trois principaux types de services de PAE (Beaudoin, 1986) :
Comme on l'a vu plus tôt, la politique du Conseil du Trésor (CT) d'octobre 1977 est à l'origine de la mise en place des PAE du côté de la Fonction publique fédérale. Cette dernière obligeait donc tous les ministères et les organismes relevant d'elle, à offrir un PAE volontaire et confidentiel à tous leurs employés. Cette politique renfermait essentiellement trois exigences :
Qu'entend-on par problèmes sociaux en milieu de travail ? Il est sans doute indiqué de relever quelques données statistiques sur la nature des problèmes rencontrés en comparant, dans le cas du MDN, les données disponibles d'avril 86 à mars 87 avec celles colligées 10 ans plus tard, soit d'avril 96 à mars 97 :
Tableau
1.1 Comparaison entre le nombre d'employés civils du MDN ayant consulté
le PAE en 86-87 et en 96-97
Nombres | 86-87 | 96-97 | Delta |
Total d'employés civils | 38 720 | 22 436 | (16 284) |
Employés civils ayant consulté | 1 868 | 1 957 | 89 |
% ayant consulté vs population totale | 4,82% | 8,72% | 3,90% |
Tableau 1.2
Comparaison des raisons pour lesquelles les employés civils du MDN
ont consulté le PAE en 86-87 et en 96-97
Nature des problèmes | 86-87 | 96-97 * | Delta |
Abus de substance | 17,00% | 8,81% | -8,19% |
Reliés au travail | 19,00% | 24,42% | 5,42% |
Conjugaux/familiaux | 20,00% | 23,73% | 3,73% |
Émotifs/santé mentale | 20,00% | 15,57% | -4,43% |
Reliés à la retraite | 4,00% | 2,75% | -1,25% |
Autres (finances, jeu, légaux, santé physique, info, etc.) | 20,00% | 24,72% | 4,72% |
Il est intéressant de mettre en relief l'effet des « coupures de personnel » au cours des dernières années et le fait que le pourcentage d'utilisation a presque doublé entre 86/87 et 96/97. Cette augmentation du taux peut être attribuable à plusieurs facteurs : les employés ont davantage confiance dans le programme, le programme est mieux connu, etc. Il est également permis de postuler que le climat de travail au MDN y est pour quelque chose car le concept de sécurité d'emploi a pris un dur coup au cours des dernières années, au MDN comme dans le reste de la fonction publique, engendrant ainsi des incertitudes, des tensions et du surmenage.
De plus, il est intéressant de remarquer, au deuxième tableau, que les motifs de demandes de consultation entre les deux périodes ont peu varié sauf dans le cas de l'abus de substance et des problèmes liés au travail. Les circonstances exprimées plus tôt peuvent sans doute expliquer en partie cette augmentation des problèmes liés au travail. De plus, la baisse des problèmes d'abus de substance peut certainement être expliquée en partie par le fait qu'au tout début du programme, plusieurs employés croyaient encore que les PAE n'étaient destinés qu' aux gens aux prises avec des problèmes d'alcool. Grâce à l'éducation et à la promotion, il semble que ces perceptions ont changé 10 ans plus tard et que le PAE reçoit aujourd'hui plus de clients avec des problématiques plus variées.
Au niveau du Canada, en parcourant Snider (1997), il est intéressant de découvrir d'autres statistiques à caractère plus financier :
Selon Rhéaume (1993), l'attention accordée à la santé mentale en milieu de travail est directement liée à plusieurs changements sociaux où la promotion de la Santé (autant physique que psychologique) prend une place de plus en plus importante. Les PAE s'inscrivent donc implicitement dans cette tendance. Pour le type de PAE qui nous préoccupe, la formule de pairs aidants en milieu de travail est très originale mais jusqu'à présent, peu d'entreprises l'utilisent. En fait, pour ce qui est de la fonction publique fédérale, Rockhurst Consulting Group Inc. (1993) signale que les Services correctionnels canadiens et Transport Canada sont les seuls à adopter un modèle de PAE semblable à celui du MDN, c'est-à-dire fondé sur le concept « d'orienteurs ». Cette formule offre par contre beaucoup de potentiel car elle mise sur les forces internes de l'entreprise et fait d'une pierre deux coups en amenant ces entreprises à investir dans la formation de leurs propres employés qui se portent volontaires pour aider leurs collègues. La capacité d'intervention est ainsi partagée parmi les employés, au lieu d'être concentrée dans un service médical ou de ressources humaines bureaucratiques ou encore d'être donnée à contrat auprès d'une firme externe spécialisée. De cette façon, cette approche tente de recréer une certaine socialisation interne en favorisant le développement de réseaux secondaires « non formels » au sein des employés en difficulté afin qu'ils y fassent appel pour améliorer leur santé mentale et par le fait même redevenir ensuite plus productifs. Ayotte et Roy (1986, p. 13) abondent d'ailleurs dans ce sens :
L'utilisation des ressources non professionnelles et l'action sur l'environnement ont aussi été retenues comme des avenues à exploiter du côté de l'intervention en santé mentale. L'action bénéfique des non professionnels n'est certes pas nouvelle. Cependant la reconnaissance de ces ressources par les professionnels à titre de collaborateurs potentiels des services traditionnels (organisationnels) est relativement nouvelle et s'est appuyée sur divers rationnels. Les arguments en faveur des ressources non professionnelles font valoir à la fois leur potentiel préventif, thérapeutique et protecteur pour l'individu, son milieu et la communauté.Tourigny et al (1989) soulignent quant à eux, plusieurs avantages des programmes de pairs aidants : moindre coût, amélioration des réseaux de soutien et d'entraide, possibilité d'élargir les services offerts en rejoignant plus de clientèle, une grande disponibilité, une meilleure connaissance du milieu et du contexte social et culturel de l'organisation, l'aspect préventif du développement social des aidants et des aidés, etc.
De plus, comme le précisent Tousignant et al. (1987, p. 120), l'intervention par les pairs vise l'amélioration de la quantité et/ou de la qualité du soutien dans un groupe. En milieu de travail, on enseigne ainsi des techniques de relation d'aide, d'écoute active et d'empathie à des individus soigneusement sélectionnés par un comité conjoint patronal-syndical pour devenir PA. Ceux-ci, en plus de rencontrer les employés en difficulté, font également la promotion du programme, fournissent et distribuent de l'information et font de la prévention dans leur milieu de travail.
De façon générale, les différents acteurs en cause trouvent leur compte à l'intérieur de ce modèle d'intervention en milieu de travail :
1) L'organisation retrouve un employé plus productif ;
2) Le coordonnateur peut s'appuyer sur le réseau de pairs aidants qu'il aura développé pour l'assister dans son intervention ;
3) L'employé en difficulté retrouve une oreille attentive et est dirigé vers une ressource appropriée à ses besoins ;
4) Les pairs aidants (orienteurs ou délégués sociaux) sont revalorisés et mieux équilibrés suivant chaque intervention.
D'ailleurs la plupart des organisations syndicales, dont la FTQ, voient d'un très bon oeil ce concept de programme en milieu de travail :
L'objectif du programme [de délégué(e) social(e)] vise à développer des réseaux d'entraide dans les milieux de travail. [...] [La formation donnée] ne vise nullement à former des spécialistes ou des thérapeutes, mais plutôt des personnes à l'écoute des besoins du milieu, capables de référer les personnes aux ressources existantes dans la région. [...] Ceux et celles qui s'engagent dans le programme de délégué(e) social(e) sont déjà identifié(e)s dans leur milieu comme des aidant(e)s naturel(e)s. Dès lors le programme permet de structurer, d'étendre, d'élargir cette action. [...] Nous privilégions une intervention qui se fait entre pairs, d'égal à égal, ce qui favorise l'émergence d'un climat de confiance. D'ailleurs, le but de l'intervention n'est pas d'amorcer une thérapie mais plutôt d'assurer un accompagnement, un suivi sur les lieux de travail. En somme, ce que nous privilégions c'est la multiplication de réseaux d'entraide auxquels les personnes puissent avoir recours au besoin. (Sylvestre et Caron, 1987, p.10-11)Enfin, Froland et al. (1981) identifient également trois raisons principales pouvant favoriser l'implantation de programmes de pairs aidants en milieu de travail :
Domnick-Pierre (1985, p. 171) a dénoté qu'une approche utilisant avec succès le concept de pairs aidants comme forme d'entraide, favorise la création de réseaux solides à l'intérieur de l'organisation et que les individus aidant en tirent autant de bénéfices que les aidés:
Le lieu de travail est un environnement social et une occasion d'interaction sociale qui représente pour plusieurs une source de satisfaction. Par contre, la qualité des relations varie et peut devenir une source d'anxiété, de stress et de mécontentement au travail. Il est nécessaire de développer le bien-être de l'employé et d'améliorer les relations sociales en favorisant les occasions de support social en milieu de travail. [...] La qualité des relations sociales est un déterminant majeur du bien-être et la possibilité d'interaction positive peut devenir une importante source de satisfaction en milieu de travail.C'est d'ailleurs autour de cette thématique que nous avons approfondi notre recherche. Nous sommes donc allés vérifier auprès des pairs aidants, leurs perceptions quant aux effets tirés de leur participation au PAE à titre de PA.
Nous sommes ainsi partis du principe que les pairs aidants font partie de ce « support social en milieu de travail ». Leur engagement dans les PAE s'inscrit donc dans une dynamique de création et d'entretien d'un milieu de travail préoccupé par la qualité de vie de ses membres. Les PA s'avèrent des intermédiaires favorisant la résolution de problèmes chez les « aidés » qui sont également des collègues.
Aux fins de comparaison, nous avons examiné la littérature sur les PA en milieu scolaire. Les recherches disponibles sur ce milieu démontrent que les retombées des programmes de pairs aidants ne concernent pas seulement les bénéficiaires de ces programmes mais les pairs aidants eux-mêmes (Poulin et Vigneault, 1986 ; Ayotte et Roy, 1986 ; Besecker et Aug, 1985 ; Edge, 1984 ; Delworth et coll., 1974 ; Evoy, 1983 ; McWilliams, 1979).
Par contre, bien que certains auteurs (Varenhorst, 1983 ; Evoy, 1983) soulignent que les PA ont également un effet positif sur leur entourage autre que scolaire, peu d'études sont disponibles à ce sujet. On peut cependant rapporter les travaux de Diver-Stammes (1991), sur les types de problèmes rencontrés par les PA en milieu scolaire urbain défavorisé. Elle y relevait en effet que sur les 506 interventions répertoriées dans le cadre de l'évaluation du PPA étudié, 136 d'entre elles (près de 27%) avaient eu lieu dans un contexte autre qu'à l'école (parents, amis, voisins, etc.). Ce service peut donc également avoir un effet sur la communauté dans laquelle vivent les PA.
En est-il de même en milieu de travail ? Voilà une des questions à l'origine de cette recherche qui pose les programmes de pairs aidants comme moyen de renforcer les facteurs de robustesse chez ces derniers.
En fait, si des individus s'engagent comme aidants dans ce genre de programmes en milieu de travail et surtout s'ils y poursuivent leur engagement, c'est qu'ils estiment en tirer quelque chose. Cette recherche nous permet donc d'examiner par le biais des pairs aidants eux-mêmes, ce que leur implication au sein du PAE leur apportait. Il est donc intéressant de mettre en parallèle au moyen de l'analyse des données recueillies, certains éléments observés par Guay (1984, p. 149) lors d'une enquête de motivation auprès de « bénévoles » où un consensus a été établi, à savoir que c'est d'abord pour eux-mêmes que les gens font du bénévolat (désir de vivre des expériences nouvelles, accroître son champ de connaissance, faire des apprentissages, acquérir de nouvelles habiletés et se sentir utile, important et valable). Abdennur (1987, p. 93) abonde d'ailleurs dans le même sens en faisant la distinction entre « l'ancien bénévolat » qui était plutôt motivé par la « charité » et le « nouveau bénévolat » qui reconnaît que « l'intérêt personnel » est la principale raison qui pousse les gens vers le bénévolat.
À partir de l'hypothèse voulant que les effets se retrouvent dans diverses sphères de la vie des pairs aidants, notre étude exploratoire a donc examiné si le fait de s'impliquer en tant que PA amenait des retombées qui sont perçues comme importantes dans la vie de ces individus, tout en explorant la nature de ces retombées. Pour ce faire, nous avons demandé aux pairs aidants, dans le cadre d'entrevues semi-dirigées, si leur participation au sein du PAE avait eu un impact sur leurs relations avec différents acteurs de leur réseau familial et professionnel (collègues de travail, superviseur, famille).
Les résultats de cette recherche permettront de mieux comprendre la portée des programmes d'aide utilisant des pairs aidants en milieu de travail, non seulement sur les aidés mais également sur les aidants, en documentant l'apport de leur implication chez les pairs aidants eux-mêmes. Ainsi, l'intervention utilisant les réseaux sociaux en milieu de travail sera mieux comprise dans son aspect préventif, non seulement auprès des personnes à risque, mais également dans sa contribution à renforcer chez les aidants, certains facteurs de robustesse appréciables (estime de soi, appartenance, débrouillardise, entregent, etc.).
Ce travail a nécessité l'examen de la littérature disponible afin de voir ce que les principaux chercheurs du domaine ont observé au cours des quelque quinze dernières années. Or, il nous est rapidement apparu que la littérature se rapportant au concept de pairs aidants portait principalement sur le milieu scolaire. L’étude des ouvrages sur ce milieu nous a permis de bien définir certains concepts fondamentaux puis de compléter l'historique de l'évolution du phénomène de l'aide par les pairs, depuis ses origines. En fait, « la recension des écrits en recherche qualitative ne vise pas tant l'opérationnalisation des concepts permettant un démarrage de la recherche que la définition progressive de l'objet » (Grinnell et Williams, 1990, dans Deslauriers et Kérisit, 1997).
Enfin, dans la perspective qualitative qui nous préoccupe, nous
avons tenu compte d’éléments d’ordre systémique et
écologique afin d'étudier le plus adéquatement le
sujet traité. De fait, ce modèle nous a également
servi à vérifier si effectivement, l'engagement comme pair
aidant, la formation reçue à ce titre et l'expérience
de relation d'aide qui s'ensuit amenaient des retombées sur différents
systèmes entourant ces pairs aidants, à savoir la famille
et le milieu de travail. Il nous a de plus permis de vérifier
quels systèmes étaient affectés et de quelle façon.
D’emblée, il nous est apparu important et pertinent de reprendre une combinaison du modèle conceptuel de Caputo, Weiler et Green (1996) ainsi que celui de De Rosenroll (1990) qui situent l'aide par les pairs au centre de ce qu'ils appellent le continuum de l'aide.
Tableau 2.1 Continuum
de l'aide
Amis | Groupes d'entraide | Bénévoles | Pairs aidants | Groupes de soutien | Para-professionnels | Professionnels |
Ainsi, si on situe les intervenants en relation d'aide sur ce continuum,
on retrouve à une extrémité l'aide professionnelle
qui représente la forme la plus « formelle » d'aide
et qui est souvent appelée à intervenir en situation de crise.
Cette aide est structurée, sur rendez-vous et souvent prodiguée
dans un lieu donné. À l'autre extrémité
de ce spectre, on retrouve les amis qui apportent une aide personnelle
gratuite, naturelle et non structurée. Enfin, comme on l’a
vu, au milieu se situent les PA qui interviendront habituellement à
un stage précoce, avant que la situation ne dégénère
en crise, et qui servent souvent de pont au cas où une intervention
professionnelle s'avérerait nécessaire (de
Rosenroll, 1990). Pour une définition plus précise
des autres éléments du continuum, on peut se référer
à la partie traitant du cadre opératoire (chapitre 3).
La littérature consultée indique que, selon le modèle écologique, les environnements proches et même ceux éloignés, influencent l'individu et sont influencés par celui-ci. Dans notre recherche, nous avons plutôt abordé ces environnements sous l'angle de «réseaux» auxquels appartiennent les pairs aidants.
Selon Guédon (1984), les premiers modèles théoriques de réseaux sociaux remontent au milieu des années 70 avec des auteurs comme Fisher (1977), Lorrain (1975) et Boissevain (1974). Leurs travaux ont ainsi amené les professionnels de l'aide psychosociale à reconnaître que l'être humain est un être social et qu'il est inapproprié de ne le traiter qu'en individu isolé.
Pourquoi utiliser le paradigme des réseaux ? Tout d'abord, l'analyse des réseaux permet de mettre en rapport les différents niveaux de la réalité, sans perdre de vue l'encastrement de petits groupes et d'individus dans la structure sociale qui les entoure. De plus,
L'analyse des réseaux n'offre pas uniquement un cadre théorique intéressant, elle met à notre disposition des instruments permettant une approche structurelle de l'étude. D'ailleurs, la littérature propose à ce sujet des stratégies de description de modèles de relations sociales. Enfin, entre autres dans le domaine de l'aide sociale, les réflexions courantes concernant les réseaux ne sont pas trop ancrées dans une vision théorique ou dans des expériences empiriques. (Vranken et al., 1996)À ce titre, on peut poser l'hypothèse que les employés qui s'engagent comme pairs aidants ont un effet direct sur les autres employés en difficulté qui les consultent dans le cadre du PAE. Par contre, et c’est précisément là la portée de notre recherche, il est possible que cet effet puisse être également ressenti à travers les rapports de ces pairs aidants avec leur propre réseau social primaire (famille, amis, collègues et/ou voisins) ou même secondaire (institutions, personnes ressources, collectivité).
Chaque analyse des réseaux part du fait que la structure sociale
de toute société est elle-même construite en réseaux
de relations sociales. Comprendre cette structure de relations est
plus important pour comprendre la réalité, que de se concentrer
sur les caractéristiques individuelles des acteurs. L'analyse
des réseaux est basée sur des données relationnelles,
c'est-à-dire les liaisons créées entre un acteur et
au moins un autre. Les relations sont donc des caractéristiques
de systèmes relationnels. C'est pourquoi Vranken
et al. (1996) emploient le terme « flux de biens sociaux ».
Il s'agit ici de biens qui sont appréciés par des membres
d'un système social et qui sont également pertinents pour
la mobilité sociale. Il peut s'agir de biens matériels ou
de prestations de services, mais il est également possible qu'on
confère un soutien moral ou qu'on transmette de l'information.
En étudiant l'influence du réseau sur le flux des biens,
ses caractéristiques se révèlent alors comme une source
d'information sur le flux de biens sociaux potentiel. La force de
l'analyse des réseaux consiste justement en ce qu'on puisse évaluer
non seulement les caractéristiques du flux réel mais également
celles du flux potentiel des biens sociaux.
Le paradigme des réseaux permet d'étudier l'intervention dans une perspective structuro-fonctionnaliste sans négliger le monde concret qu'est le milieu du travail. Guédon (1984, p. 18) résume bien cette question en observant que :
Le recours à la notion de réseau social semble avoir enrichi considérablement plusieurs secteurs des sciences humaines. [...] Le principal apport de cette notion réside dans le fait qu'elle réconcilie les approches macro-sociologiques et micro-sociologiques, ou même psychologiques, en considérant l'individu dans sa dimension d'acteur social, en permettant d'incorporer les actions des individus aux processus sociaux.Dans le cadre d'une recherche à caractère scientifique, on peut discerner trois sortes de caractéristiques des réseaux : les caractéristiques interactionnelles, celles liées à la composition et les caractéristiques morphologiques.
Puisque les intervenants du PAE se présentent comme des acteurs centraux dans le réseau de l'employé en difficulté, ils constituent une plaque tournante d'un nombre de flux de biens et peuvent influencer l'accès aux biens sociaux. Tousignant (1987, p. 4) souligne d'ailleurs que ce sont les significations symboliques attribuées aux personnes du réseau qui peuvent être importantes même si elles peuvent quelquefois dépasser la réalité. Ce rôle symbolique signifie alors que certains employés peuvent en venir à dépendre de ces «acteurs» qui ont un certain pouvoir sur eux. La formation des orienteurs (pairs aidants) comprend donc une mise en garde face à ce potentiel de dépendance. Il devient alors intéressant d'aller vérifier si, d'un aspect systémique, ce rôle de « plaque tournante » peut être transposé en partie dans les autres réseaux des pairs aidants.
La pertinence sociale d'un PAE basé sur une telle approche et utilisant avec succès le concept de pairs aidants est évidente si on postule que cette forme d'entraide favorise la création de réseaux solides à l'intérieur de l'organisation et que les individus aidants en tirent autant de bénéfices que les aidés :
Le lieu de travail est un environnement social et une occasion d'interaction sociale qui représente pour plusieurs une source de satisfaction. Par contre, la qualité des relations varie et peut devenir une source d'anxiété, de stress et de mécontentement au travail. Il est nécessaire de développer le bien-être de l'employé et d'améliorer les relations sociales en favorisant les occasions de support social en milieu de travail. [...] La qualité des relations sociales est un déterminant majeur du bien-être et la possibilité d'interaction positive peut devenir une importante source de satisfaction en milieu de travail. (Domnick-Pierre, 1985, p. 171)On peut cependant déplorer que la plupart des études antérieures, en milieu de travail, ne se soient penchées que sur les rapports coûts/bénéfices pour les entreprises et sur les bienfaits pour les aidés. Elles ont ainsi souvent ignoré les retombées pour les « orienteurs », c'est à dire ceux qui sont formés pour offrir les services du PAE. Par contre, comme nous l'avons déjà souligné, l'impact sur les pairs aidants a particulièrement été examiné pour les programmes de jeunes (dans les écoles par exemple). Plusieurs études traitent ainsi de ce sujet (Poulin et Vigneault, 1986; Ayotte et Roy, 1986; Varenhorst, 1983; Besecker et Aug, 1985; Bowman et Myrick 1980; Edge, 1984; Delworth et coll., 1974; Evoy, 1983; McWilliams, 1979; Caputo, Weiler et Green, 1996). Les résultats de ces recherches démontrent que la participation aux programmes de pairs aidants :
En consultant la littérature propre au domaine scolaire, on remarque que la plupart des études de PPA ont relevé les buts et objectifs spécifiques des différents programmes qu'ils ont examinés. On peut d'ailleurs remarquer l'omniprésence des objectifs de croissance personnelle pour les jeunes pairs aidants oeuvrant en milieu scolaire. Ainsi, on pourrait résumer les effets de la plupart de ces programmes par les plus importants, c'est-à-dire :
Contrairement aux approches traditionnelles où le thérapeute est l'expert et le client est catégorisé selon un diagnostic donné (McGraw Schuchman, 1997), l'utilisation de pairs aidants réduit considérablement l'existence de la relation « dominant-dominé » qu'engendre souvent le contact avec ces experts. Les PA aident régulièrement leurs pairs en établissant avec eux une relation d'égal à égal (Peavy, 1981, dans Losier et Ouellette, 1989 ; Giddan et Austin, 1982). De Rosenroll (1990) quant à lui parle de relation « horizontale », telle que préconisée par les PPA, par opposition à une relation « verticale » entre un client et un professionnel. De plus, une relation « pair-pair » a moins de chance de créer une dépendance que l'habituelle relation « client-professionnel » (Morgan, 1982)
McGraw Schuchman (1997) soulève également le fait qu'une relation d'aide peut se développer tout naturellement en une relation d'entraide où l'aidé d'hier peut devenir l'aidant de demain. Ce concept démystifie donc ce type de relation et le rend plus accessible car il renforce le rapport informel d'égal à égal. Enfin, Poulin et Vigneault (1986) soulignent que solliciter un conseil auprès d'un pair ne signifie pas nécessairement se « dévoiler » ou remettre en question ses mécanismes et ses modes de fonctionnement, ce qui au départ, semble moins stigmatisant et beaucoup plus sécurisant pour celui qui demande de l'aide.
Finalement, il faut souligner que la nature de la relation d’aide exercée par le pair aidant en milieu de travail peut varier du simple aiguillage, à l’écoute active et à l’intervention permettant de désamorcer une situation qui pourrait générer une « situation de crise ».
Le travail de recherche sur l'intervention en milieu de travail que nous avons effectué nous a permis, entre autres, de voir qu'il était possible de tracer des liens entre l'essentiel des conclusions des études en milieu scolaire et le vécu des pairs aidants dans un contexte de PAE en milieu de travail.
3.1 À propos de définitions concernant l’intervention en milieu de travail
Guay (1984), dans le contexte de la relation d'aide activée par des aidants naturels, définit le bénévolat comme un travail régulier, sans recherche immédiate du gain financier, et dans lequel les rôles d'aidant et d'aidé sont établis nettement. Il est caractérisé par le fait qu'il se situe en dehors des rôles ou des obligations familiales, qu'il n'est l'objet d'aucune contrainte sociale et qu'il exprime une conscience humanitaire et communautaire, de même qu'un sens de responsabilité sociale. De Rosenroll (1990), quant à lui, identifie quatre sortes de bénévoles :
D'autres éléments importants à définir comprennent
:
Counselling ou Aide par les pairs | Une variété de comportements aidants prodigués par des non-professionnels qui s'engagent dans une relation d'aide, de soutien et de recherche de solution avec leurs semblables, tout en évitant d'imposer leur avis ou de prendre la décision à la place de ceux visés par cette aide (Tindall, 1995 ; Tindall et Gray, 1985 ; Edge 1984). Il est à noter que certains auteurs dont Peavy (1977 dans de Rosenroll, 1990) préfèrent le terme « Aide » à « Counselling » car ce dernier terme peut prêter à confusion et sous-entendre une forme « d'aide psychologique quasi-professionnelle ». |
Relation d'aide | Manière de procéder dans le cadre d'une relation interpersonnelle qui cherche à libérer la capacité de la personne aidée de vivre plus pleinement qu'elle ne le faisait au moment du contact (Auger, 1972 dans Poulin et Vigneault, 1986) |
Relation d'entraide | Relation humaine caractérisée par le fait qu'elle soit symétrique et réciproque, où personne n'exerce d'autorité ou d'influence indue sur l'autre et que l'influence s'exerce également dans les deux sens (Bédard et Brault, 1985 dans Poulin et Vigneault, 1986) |
Groupes d'entraide (self-help) et groupes de soutien | Ces deux formes de groupe rassemblent des individus partageant un même vécu ou une même préoccupation. La principale différence entre les deux formes est que les premiers regroupent des entraidants fonctionnant de façon autonome. Les groupes de soutien sont par contre formés et animés par une personne ressource (souvent un professionnel) et ont pour objectif d'examiner des éléments précis selon une problématique ou une préoccupation commune aux membres du groupe (Heap, 1994) |
L’emploi de paraprofessionnels, qui sont des personnes formées
en relation d'aide qui effectuent des fonctions rémunérées,
en support et sous la supervision d'un professionnel (Tindall
et Gray, 1985), représente également une autre forme
d’intervention assez répandue. À ce titre, il faut
cependant noter que les PA ne sont pas des paraprofessionnels car ils ne
sont pas rémunérés selon leurs fonctions au sein du
PAE. Ils obtiennent plutôt une libération de leur travail
principal pour les périodes de temps où ils ont à
remplir leur rôle de PA.
Il existe plusieurs définitions du terme réseau social. Maguire (1983) le définit comme l'ensemble des contacts interindividuels qui permettent à l'individu de garder son identité sociale et lui assurent un soutien affectif, des aides matérielles, des services et des informations, de façon à rendre possible le développement de relations sociales ultérieures. Sanicola (1994, p. 29) quant à elle, précise que, dans une perspective sociale (et non clinique), l'intervention de réseau visera à favoriser la reconnaissance d'appartenance au réseau existant et entre différents réseaux, plus encore qu'elle ne cherche à produire des liens. Brodeur et Rousseau (1984) font également la distinction entre réseaux primaires, où on retrouve les proches, la famille, les amis, les voisins, les collègues, etc. et les réseaux secondaires qui peuvent comprendre les associations, les institutions, les services publics, etc. À ce titre, Guédon (1984) appelle réseau primaire un ensemble naturel d'individus en interaction les uns avec les autres possédant les caractéristiques suivantes :
1) tous les membres d'un même réseau forment une entité
collective et se connaissent les uns les autres ;
2) c'est un regroupement naturel d'individus unis par des liens affectifs
(positifs ou négatifs) plutôt que fonctionnels ;
3) ces réseaux changent avec le temps selon le contexte de vie
de ces individus, les contraintes sociales et les choix personnels de chacun.
Les réseaux secondaires, quant à eux, peuvent être qualifiés de formels s'ils sont structurés de façon précise, remplissent des fonctions spécifiques ou fournissent des services particuliers. Ils peuvent aussi être appelés non formels s'ils sont plutôt mis sur pied sur l'initiative de certains membres de réseaux primaires pour répondre à leurs propres besoins afin de trouver des solutions à des difficultés communes sans qu'ils acquièrent un statut véritablement institutionnel (Sanicola, 1994).
Comme précisé plus tôt, cette recherche a examiné le cas du PAE tel qu'il existe au MDN. À la lumière des définitions précédentes, on pourrait donc qualifier l'intervention PAE par les pairs aidants comme faisant partie du réseau secondaire non formel des individus. Notre objet d'étude nous a donc amené à nous pencher plus précisément sur ces pairs aidants, tout en nous poussant à aller vérifier certaines hypothèses de recherche énoncées plus tôt et rattachées à deux systèmes importants du réseau social de ces pairs aidants, soit le milieu de travail « proche » et la famille. De fait, nous entendons par milieu de travail « proche », le milieu habituel où les pairs aidants travaillent tous les jours, soit leur emploi régulier dans un service donné. Ce milieu diffère du milieu de travail « élargi », où ces pairs aidants sont appelés à intervenir dans le cadre de leur tâche secondaire ou « bénévole », en tant qu'intervenant du PAE, c'est-à-dire, d'autres points de service desservis par le PAE mais étrangers aux fonctions habituelles des employés oeuvrant en tant que PA. Dans le cadre de notre recherche, les perceptions des acteurs du réseau social formé par ce milieu de travail « proche » ont donc été examinées sous deux angles : celui des collègues de travail et celui des autorités hiérarchiques en place. Enfin, aux fins de cette recherche, en ce qui a trait au réseau familial des pairs aidants, nous nous sommes limités au noyau familial immédiat (conjoint et enfants), à celui des frères et soeurs, de même qu'à la belle-famille.
Ce qui compte, ce n'est pas le type de données qu'on utilise, mais comment on construit la recherche : les recherches bien construites ont une vie longue ou contribuent à faire avancer nos connaissances ; les autres, quantitatives ou qualitatives, ajoutent plutôt des obstacles à une meilleure façon de voir ou d'intervenir (Bourdieu, 1982 dans Pires, 1997)Comme le souligne Pires (1997, p. 1), « en sciences sociales, on découvre souvent ce qui est devenu invisible par excès de visibilité ». Il était donc important de bien situer l'objet de notre recherche en le replaçant dans son contexte propre.
Puisque cette étude fut conduite auprès de pairs aidants oeuvrant au sein du programme d’aide aux employés du ministère de la Défense nationale, plus particulièrement dans la région de la capitale nationale, certains éléments contextuels méritaient ainsi d'être relevés. Il est à noter que le tableau qui suit comporte en même temps plusieurs hypothèses de recherche que notre étude s'est appliquée à vérifier.
Tableau 4.1 Éléments contextuels de notre étude
1. Dimensions individuelles et collectives | i. climat de travail difficile au MDN à cause :
- des coupures de postes (30% de diminution d'effectifs au cours des 10 dernières années) - du concept de « sécurité d'emploi » qui n'existe pratiquement plus - des nombreux réaménagements de tâches qui signifient souvent « faire plus avec moins ». ii. tous les PA sont avant tout des bénévoles. Leur rôle au PAE se fait pendant les heures de travail et devient donc une « tâche secondaire » qui n'est pas valorisée par l'organisation. iii. les PA forment un groupe assez hétéroclite en ce qui concerne leur : - expérience de travail (régulier) et de PA - statut social et professionnel - formation et connaissances - motivation initiale et continue - habiletés naturelles de communication et d'intervention - personnalité - degré d'implication au sein du PAE et dans leur communauté |
2. Dimensions sociales et culturelles | i. dans la région, la sociabilité entre collègues
de travail, en dehors des heures de bureau, est plutôt absente car
les gens habitent souvent aux quatre coins de la région de la capitale
nationale.
ii. le portrait ethnographique des PA est le miroir de la clientèle. |
3. Dimensions politico-économique | i. la fonction publique et le MDN sont constamment confrontés
à des réductions budgétaires et à un désengagement
de l'État vers le privé.
ii. le PAE du MDN relève d'une politique du Conseil du Trésor. Par contre, le choix de la forme de PAE utilisant des PA relève des dirigeants des ressources humaines du MDN, en consultation avec les syndicats. iii. les coûts du recours à des services externes, pour les clients du PAE, sont partiellement remboursés à travers leur assurance collective mais celle-ci ne défraye qu'une partie des coûts et les PA sont toujours à l'affût de ressources gratuites si possible, même si l'accès à ces ressources est très contingenté. |
Notre hypothèse de travail peut se résumer ainsi : le fait de s'impliquer en tant que pair aidant amène des retombées dans la vie des PA eux-mêmes et dans leurs relations avec différents acteurs de leur réseau familial et professionnel. L'objectif de cette recherche était donc d'aller vérifier auprès de ces pairs aidants, leurs perceptions quant aux effets résultant de leur implication au sein du PAE et si ces effets se retrouvent également dans diverses sphères de leur vie. Nous avons également identifié ces effets ou retombées dans le cadre de notre étude.
4.3 Les instruments de collecte des données
Pour les fins de cette recherche, deux méthodes de collecte de données sur le terrain ont été choisies : le groupe nominal et les entrevues semi-dirigées. Ces deux méthodes ont donc contribué à l'objectif de cette recherche, qui consistait à vérifier auprès des pairs aidants, leurs perceptions quant aux effets reliés à leur implication au sein du PAE.
Considérant que cette recherche est de nature exploratoire et considérant son objectif, il nous apparaissait adéquat d'utiliser une méthode de recherche à dominante qualitative. Notre démarche méthodologique sur le terrain s’est donc déroulée en deux temps. Dans un premier temps, nous avons opté pour la technique du groupe nominal et dans un deuxième temps, nous avons conduit des entrevues semi-dirigées. Le groupe nominal nous a permis de dresser un premier inventaire de retombées résultant de l'implication des participants au sein du PAE. Nous avons ensuite utilisé ces données pour construire la démarche qualitative à partir d'entrevues semi-dirigées.
Cette technique développée en 1968 par Delbecq et Van de Ven (1971), bien qu'elle soit surtout utilisée dans le domaine de la gestion, s'applique en recherche sociale car elle permet de faire l'analyse d'un problème, d'explorer un champ de connaissance, de faire une synthèse globale d'une question, de planifier et de mettre en place des activités ou de procéder à l'évaluation d'une intervention (Lindsay et Beaudoin, 1994 ; Meunier, 1994). Mayer et Ouellet (1991) résument d'ailleurs très bien ce procédé qui consiste à réunir un groupe d'experts ou d'informateurs clefs afin de recueillir diverses informations de première main par un processus directif, étapiste et décisionnel résultant ainsi en une liste d'éléments jugés significatifs et classés par ordre d'importance.
La technique du groupe nominal est intéressante car elle permet, par l'entremise d'une session de remue-méninges en groupe, de faire ressortir dans un premier temps, les principales idées. Elle contribue ensuite à ordonnancer celles-ci afin d'identifier les éléments les plus pertinents. L'auteur ayant déjà participé à une activité de groupe nominal assistée par ordinateur au cours d'une recherche antérieure, nous avons cru bon d'effectuer cet exercice afin de pouvoir explorer un nombre intéressant de pistes touchant notre sujet de recherche. Le logiciel appelé GroupSystems@Work de la firme ®Ventana Corporation de Tucson en Arizona, a été développé afin de permettre de tenir une version informatisée de la technique de groupe nominal de façon simple et rapide. Nous avons donc décidé d'utiliser ce logiciel afin de faciliter le processus et le traitement des données ainsi recueillies. Puisque ce logiciel est relativement spécialisé, une technicienne, Mme Ann Burns, nous a secondé comme facilitatrice tout au long du processus. Les éléments ainsi recueillis nous ont permis de cibler des pistes de questions probantes, de façon à en établir une grille qui nous a servi de guide pour les entrevues semi-dirigées.
4.3.1.1 La description du groupe nominal
Pour notre étude, l'échantillon choisi pour appliquer
ce processus de cueillette de données réunissait neuf (9)
pairs aidants du PAE du MDN de la région de la capitale nationale.
Ce groupe de PA a donc été réuni en qualité
« d’experts » car tous étaient très expérimentés
au sein du PAE et tous (sauf une personne) avaient été coordonnateurs
au niveau local ou régional, ce qui les avaient amenés à
superviser des PA eux-mêmes. Le tableau suivant décrit
d’ailleurs la composition du groupe :
Tableau 4.2 Composition
du groupe nominal
Participant | Sexe | Langue * | Fonctions (actuelles ou passées) au PAE | Expérience au PAE |
1. | F | A (U) | Coord. local | 1,5 années |
2. | F | A (U) | Coord. local | 8 années |
3. | M | A (B) | Coord. local | 6 années |
4. | M | F (B) | Coord. local | 6 années |
5. | F | F (B) | Coord. local | 7 années |
6. | F | A (U) | Coord. reg. | 1,5 années |
7. | F | F (B) | Orienteur | 6 années |
8. | F | F (B) | Coord. reg. | 4 années |
9. | F | F (B) | Coord. local | 12 années |
Puisque trois des participants étaient unilingues anglais et afin de faciliter la mise en commun des idées, le groupe s'est mis d'accord pour que le déroulement de la session se fasse en anglais.
4.3.1.2 Le déroulement de l'activité du groupe nominal
L'exercice a commencé le jeudi 23 octobre 1997 à 13h30, au local du laboratoire du SAD (Système d'Aide à la Décision) du Quartier général de la Défense nationale (l'employeur de l'auteur) à Ottawa. Conformément à Mayer et Ouellet (1991), les principales étapes du processus se sont déroulées comme suit :
Nous avons accueilli les participants en leur présentant le but de cet exercice et la facilitatrice a expliqué sommairement le fonctionnement du matériel informatisé. Les participants ont ensuite mis en marche leur ordinateur et un ordre du jour expliquant le déroulement de la session leur a été présenté (voir appendice A).
Après qu'ils eurent complété le processus d'identification demandé, la question ouverte suivante fut posée à tous les participants du groupe nominal. À noter qu'elle comprenait deux volets :
Veuillez dresser la liste des effets positifs ou négatifs, que la formation et l'implication en tant qu'orienteur au PAE peuvent avoir sur :Les participants ont alors inscrit à l'écran les différents commentaires, éléments ou opinions qu'ils jugeaient pertinents à ces deux sous-questions.A. la vie professionnelle, c'est-à-dire, à l'intérieur du milieu de travail proche ou principal ;
B. la vie personnelle et familiale.
4.3.1.2.2 La collecte à la ronde
Cette partie consiste normalement à recueillir à tour de rôle les opinions inscrites par chaque participant et à en dresser la liste sur un tableau. Dans notre cas, le logiciel avait déjà fait cela automatiquement à mesure que les participants inscrivaient leurs commentaires. À la fin du temps prescrit, une liste de 81 commentaires avait été recueillie en réponse à la sous-question A et 52 commentaires à la sous-question B.
Avec le nombre de commentaires recueillis, il est évident qu'il y avait beaucoup de répétitions et de recoupements. Le groupe a alors regroupé ces commentaires selon des thèmes pouvant servir de dénominateurs communs. C'est ainsi qu'après maints recoupements, éclaircissements et discussions, une première liste fut produite ayant réduit les réponses à la question A à 21 items et celles à la question B à 35 items.
4.3.1.2.4 Le vote préliminaire
Chacun des participants reçut une copie des deux nouvelles listes (les réponses aux sous questions A et B), avec instruction de choisir dix items dans chacune et de nous retourner leurs réponses au moyen du télécopieur. Les différents éléments équivalents ou similaires ont alors été recoupés ou amalgamés dans la mesure du possible. Les choix de chacun se sont ensuite traduits en une première classification non priorisée mais où les éléments ayant reçu des votes sont présentés dans un ordre correspondant au nombre de participants qui en ont fait un de leur dix choix. Une nouvelle liste comprenant 17 items pour la question A et 22 items pour la question B fut ensuite préparée (voir appendice B).
Cette nouvelle liste, produite à l'étape précédente, fut ensuite envoyée par télécopieur à chacun des participants avec l'instruction de choisir, encore une fois, seulement 10 énoncés dans chacune des deux listes et, cette fois, de mettre en ordre ces choix en assignant pour chacune des listes des priorités de 1 à 10. Deux listes reproduites à l'appendice C ont été produites, ordonnancées par ordre décroissant de préférence. Il est intéressant de noter que même à ce tour de vote, tous les items sur la liste ont au moins reçu un minimum d'un vote.
Les résultats n'ont pas fait l'objet d'un deuxième vote car, bien que certains items aient fait l'objet d'écarts assez importants, le but de cet exercice n'était pas de créer un consensus, mais de faire ressortir plusieurs éléments qui ont ensuite servi à préparer la grille que nous avons utilisée en tant que guide lors des entrevues semi-dirigées (voir appendice D).
4.3.2 Les entrevues semi-dirigées
Étape critique dans toute recherche de ce type, le travail sur le terrain permet d'aller prendre le pouls réel des acteurs impliqués. Poupart (1997), identifie les quatre grands principes de l'entrevue réussie :
Afin de recueillir le plus librement et le plus fidèlement possible les propos des orienteurs, nous avons utilisé une grille d'entrevue comprenant, à part la première partie, des questions ouvertes afin d'être en mesure de colliger le plus d'impressions et de perceptions possible.
La première partie de l'entrevue se voulait donc plus formelle et consistait à demander aux participants certains éléments de base les identifiant et quantifiant leur expérience de pair aidant, au sein du PAE du MDN (voir appendice D). Par la suite, puisque nous avions choisi d'utiliser une approche semi-dirigée, la deuxième partie était beaucoup moins structurée. Le format préconisé consistait en quelques questions ouvertes ayant pour objectif de diriger le participant vers les éléments d'information que nous devions recueillir. Nous disposions alors d'une grille de points de repères, élaborée à partir des résultats du groupe nominal et des pistes de recherche issues de notre revue de la littérature, que les participants étaient susceptibles de traiter.
D'ailleurs, puisqu'une recherche qualitative exige un contact direct
avec le phénomène étudié, son objet se construit
non seulement à partir des entrevues recueillies, mais aussi à
partir d'un ensemble de textes qui se tissent comme un filet de résonances
autour de l'objet (Deslauriers
et Kérisit, 1997). Ainsi, lorsque les répondants
n'abordaient pas eux-mêmes certains aspects, on leur posait alors
une question en ce sens, pour voir s'ils avaient quelque chose à
ajouter sur ces points. Le tableau suivant constitue une forme abrégée
de l’appendice D :
Tableau 4.3 Grille pour les entrevues
semi-dirigées
Questions | Éléments recherchés | |
Implication comme PA ?
Qu’est-ce qui fait que tu as continué ? |
motivation initiale, circonstances
même emploi que maintenant ? changement de motivation ? |
|
Que penses-tu que ta formation ou ton expérience comme orienteur t’a apporté ? | développement d’habiletés | écoute, communication, intervention dans sa famille, ses propres problèmes, comprendre les gens/empathie, patience |
perception/attitude des autres (pos et nég) | collègues, patrons, époux(se), enfant(s), parenté | |
attitude envers soi-même | changement personnel, estime/confiance en soi , aime aider les autres (merci) | |
Crois-tu que tu serais sensiblement la même personne aujourd’hui sans ton vécu au PAE ? | connaissances | ressources communautaires, formation, organisationnelles |
Pourquoi ? | carrière/plan professionnel | avancement, par superviseur, 2e carrière |
(Choses positives et choses négatives.
Plan personnel et professionnel) |
relations avec les proches | nouveaux amis / réseau, rôle d’époux(se), rôle de parent |
stress (effet nég.) | conflit d’horaire, conflit de priorités, auto-pression, difficulté à se détacher du rôle PA | |
implication communautaire | autre bénévolat, action sociale | |
Autres anecdotes ou exemples précis à ajouter? | faits vécus |
Poupart (1997) résume bien ce que les informateurs représentent :
L'interviewé est vu comme un informateur clé susceptible précisément d'informer non seulement par ses propres pratiques et ses propres façons de penser, mais aussi, dans la mesure où il est considéré comme représentatif de son groupe ou d'une fraction de son groupe, sur les diverses composantes de sa société et sur ses divers milieux d'appartenance. Dans cette dernière acception, l'informateur est vu comme un témoin privilégié, un observateur, en quelque sorte, de sa société, sur la foi de qui un autre observateur, le chercheur, peut tenter de voir et de reconstituer la réalité (p. 181).Six candidats ont ainsi été sélectionnés pour participer aux entrevues semi-dirigées. Ce choix a été fait à partir de la liste des tous les orienteurs disponibles dans la région de la capitale nationale (RCN). De plus, nous avons fait le choix délibéré de n'approcher que des pairs aidants francophones ou bilingues pour nos entrevues, afin de ne pas avoir à traduire de l'anglais au français les mots à mots. En mélangeant l'anglais et le français, la codification et l'analyse auraient été beaucoup trop compliquées et certaines nuances auraient pu être perdues au cours de la traduction. Enfin, à l'exception d'une seule candidate (la candidate R1), nous nous sommes également assurés de ne pas interviewer ceux et celles qui avaient participé à l'activité de groupe nominal afin d'obtenir différentes perspectives.
Le choix de tous les informateurs a reposé en grande partie sur leur proximité au lieu de notre travail et sur leur disponibilité. Cependant, sans prétendre offrir un échantillonnage totalement représentatif de l'ensemble des orienteurs du PAE, nous nous sommes assurés que l'échantillon comprenait des hommes et des femmes, de même que des personnes possédant une variété d'expérience comme PA, afin de demeurer le plus près possible de la réalité de la majorité des pairs aidants du MDN. Le tableau suivant schématise d’ailleurs la composition de l’échantillon :
Tableau 4.4 Liste des participants aux entrevues semi-dirigées
Répondant | Sexe | Langue * | Âge | Situation familiale | Années au PAE | Années au MDN |
R1 | F | F (B) | 40 | Célibataire | 6 | 21 |
R2 | M | F (B) | 49 | Marié, 2 enfants | 1,5 | 27 |
R3 | F | F (B) | 44 | Divorcée, veuve, maintenant en couple, 1 enfant | 6 | 13 |
R4 | F | A (B) | 36 | Mariée, 2 enfants | 3 | 8 |
R5 | M | F (B) | 36 | Marié, 2 enfants | 2 | 10 |
R6 | F | F (B) | 38 | En couple, pas d’enfants | 1.5 | 10 |
Deslauriers et Kérisit (1997) précisent d'ailleurs un intéressant argument méthodologique qui sous-tend ce genre de choix d'échantillonnage :
Si la régularité et la taille de l'échantillon probabiliste nous permettent de connaître des aspects généraux de la réalité sociale, le caractère exemplaire et unique de l'échantillon non probabiliste nous donne accès à une connaissance détaillée et circonstanciée de la vie sociale. C'est donc au regard des résultats auxquels ils donnent lieu et de sa pertinence que l'échantillon non probabiliste se justifie (p. 97).Il est également à noter que nous n'avons eu aucune difficulté à ce que chacun des répondants nous consacre le temps nécessaire à l'entrevue. Il faut préciser que l’auteur de l’étude connaissait très bien les participants, étant lui-même pair aidant au sein du PAE depuis plusieurs années. Nous avons cependant tenu compte de cette dernière variable en gardant à l'esprit que,
La proximité due à une même appartenance sociale ou acquise sur le terrain est généralement perçue comme une condition favorisant une bonne compréhension du groupe étudié. En revanche, elle est également vue comme susceptible de constituer un obstacle, dans la mesure où une trop grande familiarité avec le groupe pourrait empêcher le chercheur de prendre la distance nécessaire pour remettre en question les évidences ou les rationalisations propres au groupe. (Poupart, 1997, p. 195)4.3.3 Le déroulement de l'étude
Une lettre d'entente incluant le consentement de l'interviewé (voir appendice E) fut préparée en deux copies, signée et remise à chacun des participants aux entrevues. Nous avons également conservé une copie signée par chacun, pour nos dossiers. Comme indiqué précédemment, la grille d'entrevue a été préparée à partir des réponses obtenues par le groupe nominal et des pistes de réflexion issues de notre revue de la littérature. Un pré-test fut effectué, auprès de celle qui allait devenir la candidate R1, afin d'en assurer la clarté et la justesse des questions à poser. Ce pré-test s'est tellement bien déroulé que nous avons décidé de conserver ces résultats au même titre que toutes les autres données recueillies.
Cette grille d'entrevue fut donc également utilisée auprès des cinq autres candidats. Chaque entrevue a eu lieu au bureau des candidats et a duré entre 45 et 60 minutes. Toutes les entrevues ont été enregistrées et le mot à mot de chacune fut transcrit peu de temps après, pour être analysé dans une étape ultérieure.
Les entrevues nous ont ainsi permis d'aller vérifier les motivations et les perceptions des individus échantillonnés en explorant quel itinéraire les avait amenés à devenir pairs aidants, quelle avait été leur trajectoire au sein du PAE et quelles retombées percevaient-ils pour eux-mêmes et pour deux milieux de leurs réseaux sociaux primaires, soit leur famille et leur milieu de travail proche.
Une certaine catégorisation est ainsi apparue nécessaire afin de discriminer (dans le sens positif du terme) l'information à analyser. L'analyse qui en a découlé est également appelée analyse thématique. Aronson (1994) la divise en 4 étapes :
Comme précisé plus tôt, tous les participants à cette recherche ont été assurés par écrit que toutes leurs réponses et commentaires seraient traités dans la plus complète confidentialité. D'ailleurs tous les sujets ont été officiellement informés au préalable des objectifs de cette recherche et leur accord formel a également été consigné par écrit.
Bien que le nombre de personnes échantillonnées était restreint, la revue de littérature sur les PA en milieu de travail et la diversité des instruments choisis (groupe nominal et entrevues) permet de multiplier les sources d'information, ce qui atténue le risque d'erreur d'interprétation des données recueillies. Malgré cette limite, le présent projet vise à ouvrir de nouvelles pistes de recherche qui pourraient être ultérieurement approfondies. Le nombre de répondants avait d'ailleurs été préalablement approuvé par un comité de lecture lors de la présentation de l'avant-projet.
La recherche qualitative est donc attentive à la pluralité de constructions de sens et oblige plutôt à acquérir une perception davantage holistique des problèmes et des enjeux et à procéder à un recadrage afin de tenir compte du contexte socioculturel de chaque situation et de comprendre la spécificité et la complexité des processus en jeu (Groulx, 1997). Par contre, « Les avantages de la recherche qualitative doivent être mis en perspective par rapport à ses faiblesses, c'est-à-dire son incapacité de produire des résultats généralisables et son inefficacité pour ce qui est de dégager des relations causales. » (Hammersley, 1992, dans Groulx, 1997)
Aux fins de cette recherche et afin d'assurer la précision de nos résultats, nous avons tenté de nous rapprocher de ce qui est communément appelé un « processus de triangulation » en examinant notre objet de recherche sous trois angles :
Si un processus fondamental a été correctement ciblé, les variations observées (et activement recherchées à travers l'échantillonnage théorique) n'entraîneront que raffinement de sa définition, par l'addition de nouvelles qualifications (conditions, stades, conséquences, etc.), qui le rendra encore plus modifiable (et donc plus généralisable) (Laperrière, 1997, p. 382).Chenail (1992) et Cole (1994) abondent d'ailleurs dans ce sens en précisant que le chercheur doit même développer une curiosité pour l'exception et une hésitation à trouver des explications trop rapides qui s'avèrent souvent réductionnistes. Il ne faut cependant pas perdre de vue une certaine vue d'ensemble.
Pour mieux comprendre les résultats, il a fallu examiner de plus près les motivations qui portaient les personnes impliquées à se porter volontaire pour devenir pairs aidants. Ce facteur contributif sera donc analysé en premier lieu car les données recueillies semblent indiquer que les éléments de motivation initiaux ont une influence importante sur les effets et retombées de la participation des PA au sein du programme. Nous poursuivrons ensuite par l'examen de deux grands thèmes qui ressortent de l'analyse du matériel disponible. En effet, il semble que les principales répercussions ou retombées de la participation des PA au sein du PAE se situent à deux niveaux spécifiques : 1) les personnes interrogées constatent des changements en ce qui concerne la perception de soi (confiance, habiletés interpersonnelles, croissance, etc.) et 2) d'autres impacts, pour la plupart positifs, sont ressentis au niveau de la qualité et du type de relations qu'ils entretiennent avec leur milieu social et professionnel, ainsi qu’au sein de leur communauté.
Les données recueillies ont donc été traitées selon ces deux angles en tenant compte des ouvrages sur le sujet et en illustrant chacun des thèmes et sous-thèmes au moyen d'extraits textuels, tout en identifiant de quel répondant il s'agissait.
Les données recueillies démontrent que diverses raisons ont initialement attiré les PA interviewés à se porter volontaires pour le PAE. Elles varient d'un désir de poursuivre une croissance personnelle suite à une expérience de vie éprouvante (R3 : Ce qui m’a amené à m’impliquer comme orienteur, probablement que c’est ce que j’avais vécu personnellement avec le décès de mon conjoint.), à la simple intention de s'impliquer socialement au sein de l'organisation (R4 : C’est pour ça aussi que le PAE m’intéressait beaucoup parce que cela remplissait mon désir et mon besoin de faire du bénévolat pour aider mais à l’intérieur de mon ouvrage.) ou de briser la monotonie du travail régulier (R6 : Tu sais ça nous fait sortir un peu de notre milieu […], de temps en temps, voir autre chose.)
Il est également intéressant de noter que pour cinq des six répondants, leur motivation initiale a évolué dans un sens positif, ce qui se reflète également dans leur attitude vis-à-vis le programme (R1 : Tu sais moi, je crois beaucoup dans le programme, je trouve que c’est excellent.) ou (R3 : Tu sais l’aspect positif présentement dans ma vie de travail, c’est le PAE parce qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant, on est à l’affût de tout ce qui se passe et j’aime ça.)
L'aspect motivation semble jouer un rôle important dans l'évaluation des retombées rapportées ou attendues des pairs aidants consultés. Dans la trajectoire du vécu des répondants, cet aspect survient en premier lieu et influence souvent l'évaluation de leur expérience. Cet élément est donc traité en premier lieu car, même s'il ne représente pas, en principe, un effet ou une retombée de l'implication des PA dans le Programme, il peut parfois expliquer pourquoi on retrouve différents éléments chez certains, par rapport à d'autres.
Il est de plus intéressant de remarquer que les PA vont chercher
différents facteurs de satisfaction en s'impliquant dans un programme
de pairs aidants. Limoges (1991) explique
bien d'ailleurs ce qu'il appelle le « tandem égocentrisme-altruisme
» quand il examine les motivations des individus bénévoles.
Chaque bénévole est donc motivé par une combinaison
de raisons égocentriques et altruistes lorsqu'il s'engage dans une
organisation à titre d'aidant non rémunéré.
Certaines motivations plus altruistes semblent ressortir chez certains
:
R4. C'est pour ça aussi que le PAE m'intéressait beaucoup parce que cela remplissait mon désir et mon besoin de faire du bénévolat pour aider mais à l'intérieur de mon ouvrage. Ça me donnait du temps pour la famille et j'avais le temps à l'intérieur du travail de faire ce que je crois nécessaire, ce que tout le monde devrait faire : aider les autres dans la communauté, soit au bureau, la communauté du travail ou la communauté personnelle. Ça revient à la même chose.Des répondants apportent également avec eux un vécu éprouvant. Leur expérience semble les amener à s'engager dans le programme afin, d'une part, de poursuivre leur cheminement personnel et, d'autre part, de faire en sorte de repayer une forme de dette envers autrui :R4. J'ai assisté à la session puis 20 minutes dans la session, j'ai décidé que c'était quelque chose où moi je voulais donner plutôt que recevoir.
R2. Ce que le PAE m'apporte le plus c'est justement la relation que j'ai avec les gens. Non seulement au niveau pair aidant, mais entre pair aidant et pair aidant et aussi le bien-être des gens. Cela a toujours été ma préoccupation. Ah ! Ça fait longtemps, j'étais tout petit puis je voulais toujours défendre les plus démunis puis... mais ça n'a pas changé, ça fait partie de moi-même.
R2 Tu sais, j'aime ça ce domaine-là, d'aider les autres... c'est mon type. Moi je suis un « F », un type où je vais favoriser les gens, c'est ça qui compte en premier. Donc, cela a aidé beaucoup.
R3. Ce qui m'a amené à m'impliquer comme orienteur, probablement que c'est ce que j'avais vécu personnellement avec le décès de mon conjoint. Et il y a aussi que j'étais allé avec le groupe de drogues et alcool et à ce moment-là j'avais rencontré Bob et tout ça. Il m’avait parlé de ça et je m’étais dit... peut-être qu'effectivement j'ai développé une certaine sensibilité pour des difficultés que pouvaient peut-être vivre mes collègues de travail.D'autres sont plutôt motivés par des considérations qu'on pourrait qualifier de l'ordre de la croissance personnelle :R4. Quand j'étais au cours d'orienteur et qu'on a eu des présentateurs sur certains sujets, disons, l'alcoolisme, parce que la plus aînée dans ma famille est alcoolique et le plus aîné aussi, les deux. Ce n'était pas un grand choc pour moi car...
R1. J'ai tellement une bonne vie, je suis tellement « lucky » d'avoir tout ce que j'ai. Je ne parle pas monétairement parce que je ne suis pas riche, mais ce n'est pas ça qui est important « anyway ». Je suis tellement contente de ma vie, je suis tellement « fortunate » que je veux donner, « give back ».
R3 Je dirais que mes motivations initiales ont changé dans le sens que lorsque tu entres dans ce programme-là, c'est certain que moi je reçois énormément de bénéfices personnels au niveau d'être à l'affût de tout ce qui se passe au niveau de la société, toutes les formations qu'on reçoit, la chance d'aller à des conférences comme celles où on va. C'est égoïste, mais c'est pas mal ça qui m'a maintenue dans le programme.Par contre, lorsque le programme ne répond pas à cette forme d'attente plus centrée sur soi, le niveau de motivation peut baisser de façon significative. C'est le cas d'une des répondantes :R6 En fait pour moi c'est peut-être plus personnel, pour moi. Tu sais, comme le certificat en animation, je trouve que cela m'a aidé personnellement. C'est dans ce sens-là. Peut-être suis-je égoïste, je ne le sais pas.
R6 Donc c'est ça moi, dans le fond, c'est pour m'aider. C'est comme lorsque je suis des cours, je le fais pour moi. C'est sûr que cela peut aider en bout de ligne dans ma job et dans le Programme. Si ça m'aide moi à mieux me connaître...
R6 J'ai voulu arrêter. J'ai dit à H... que ça m'intéressait plus ou moins. Puis là, tu connais H..., elle m'a convaincue de rester. Et puis là c'est ça. Je lui ai dit à H... que je ne me sentais pas bien, que je trouvais que je n'avais rien appris, que si quelqu'un vient, je ne saurais pas quoi faire. C'est ça... J'étais sortie de ces 2 semaines-là et j'avais trouvé que je n'avais pas appris grand chose. Là je me suis dit : « je vais paniquer si quelqu'un vient me voir ».Deux des répondants ont de plus indiqué qu'ils s'impliquaient dans le programme car ils retrouvaient une forme d'évasion d'un travail principal qui n'est pas toujours intéressant :R6 J'avoue que je me cherche à plusieurs points de vue puis, tu ne le diras pas à H…, mais je considère sérieusement lâcher le PAE parce que ça ne m'apporte pas beaucoup.
R3 Ça fait tellement longtemps que je suis dans ma « job », cela en est... tu sais surtout vivre dans un endroit négatif tout le temps. Tu sais l'aspect positif présentement dans ma vie du travail, c'est le PAE parce qu'il y a toujours quelque chose d'intéressant, on est à l'affût de tout ce qui se passe et j'aime ça.Enfin, d'autres se sont fait d'excellents amis, ce qui semble combler leur besoin de relations sociales significatives. D'ailleurs, on peut également noter que ce sentiment se retrouve également en milieu scolaire comme le font remarquer Diver-Stammes (1991) et Poulin et Vigneault (1986) car pour certains étudiants PA, les autres membres du PPA représentaient un peu leur « famille ». À ce titre les répondants rencontrés dans le cadre de notre étude ont indiqué :R6 Et je savais qu'il y avait de la formation qui se donnait au centre-ville, des choses comme ça. Tu sais ça nous fait sortir un peu de notre milieu, sortir un peu de l'école, de temps en temps voir autre chose. Ça fait que c'est ça un peu qui m'a amené là.
R5 Au premier cours en tant que participant, j'apprenais tout ce que j'avais à apprendre sur le PAE dans ces 2 semaines là mais je jouais également un rôle additionnel parce que j'étais en affectation et je devais être là pour les autres aussi. Cela a été une découverte, une occasion fantastique. C'était les 2 semaines les plus intéressantes que j'avais vécu depuis très longtemps.On peut également faire le lien avec le modèle de Holland (1985) qui schématise très bien le schisme possible chez certains individus qui occupent un emploi exigeant des caractéristiques précises quand ils ont plutôt tendance à démontrer des traits de personnalité essentiellement opposés.R4 Bien, la chose qui m'a toujours touché le plus c'est le sentiment d'être chez moi avec... ce sont plus que des amis, c'est une communauté où on est très près. Parce qu'on est le même groupe de monde et on s'aime !
Enfin, une fois la motivation pour devenir pair aidant explorée, les entrevues ont sondé ce qu’apportait aux pairs aidants leur participation au PAE. Les perceptions de ces derniers se traduisent en réponses s’orientant dans huit directions principales correspondant en général aux repères prévus à la grille utilisée lors des entrevues semi-dirigées, soit cinq contribuant au développement de soi et trois correspondant à l’influence des PA sur les autres.
5.2 Facteurs personnels - Éléments contribuant au développement de soi
Une fois la motivation pour devenir pair aidant explorée, les entrevues ont sondé ce qu’apportait aux pairs aidants leur participation au PAE. Les perceptions de ces derniers se traduisent en réponses s’orientant dans huit directions principales correspondant en général aux repères prévus à la grille utilisée lors des entrevues semi-dirigées.
Ainsi, tous les répondants ont rapporté que leur participation au sein du programme avait contribué à développer chez eux différentes habiletés de nature psychosociale. Les réponses font référence à :
5.2.1 Effets sur soi-même de l’ordre de l’épanouissement personnel ou de la croissance personnelle
Les questions touchant à l’épanouissement personnel ou à la croissance personnelle sont apparues à plusieurs reprises pendant les entrevues. On peut d'ailleurs faire le rapport avec le milieu scolaire où les auteurs soulignent chez les PA des programmes qu'ils ont étudiés, une amélioration de l'image de soi, tant en ce qui concerne la perception de soi que la confiance en soi (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Bowman et Myrick, 1980, dans Simard et Ouellette 1989 ; Thompson, 1986 ; Kehayan, 1992 ; Diver-Stammes, 1991; Hahn et LeCapitaine, 1990) ou une meilleure connaissance de soi (Kaplan, 1978 cité dans Edge, 1984).
Les informateurs rencontrés ont surtout exprimé leur vécu comme un « changement personnel » tangible. D'ailleurs la très grande majorité des changements mentionnés se sont avérés positifs. Les thèmes abordés par les répondants s'exprimaient en termes d'épanouissement, d'ouverture et d'éveil à leur environnement et au milieu qui les entoure. L'ouverture d'esprit et la croissance personnelle, en découvrant des choses sur soi-même et en acquérant plus de maturité, sont également ressortis. Ces éléments étaient particulièrement présentés dans certaines interventions :
R1 Je trouve qu'en étant ouverte à changer, petit à petit tu peux devenir meilleure... il n'y a personne de parfait, il va toujours y avoir des affaires à changer mais je trouve que je me suis épanouie, puis c'est vrai qu'il m'est arrivé aussi des affaires dans ma vie personnelle, des fois c'est ça aussi mais il y a des affaires dont j'ai passé à travers comme la mort de ma mère... avoir été dans le programme d'aide, cela a bien aidé.C’est souvent en faisant référence aux acquis de la formation, que les répondants exyiment avoir développé plus de confiance en eux et une plus grande ouverture d’esprit. Il serait cependant faux de croire que tous les PA ont connu des changements positifs majeurs dans leur vie grâce au programme. En fait, on peut examiner de plus près deux des candidats qui, parmi l'échantillon sélectionné, avaient le moins d'expérience comme PA et qui avaient également suivi une formation initiale, laquelle ne les avait pas pleinement satisfaits et les avait laissés sur leur appétit. La répondante R6 illustre clairement une certaine « insécurité » quant à sa capacité à être un bon pair aidant. Sa confiance en elle est ainsi fragilisée :R3 Je pense que oui, je pense que grâce à ça (le PAE), ça m'a ouvert l'esprit à un paquet d'affaires, c'est sûr qu'il y a bien du chemin à faire encore mais oui, je pense que ça ouvre l'esprit.
R3 Je dirais que oui, que cela a changé quelque chose mais c'est difficile à mettre, comme cela, le doigt sur ce que cela a changé de façon précise. Mais je suis certaine que je suis très différente à cause de cela et je suis certaine que je suis éveillée à certaines choses auxquelles je n'aurais probablement pas été éveillée. J'aurais été éveillée à certaines peut-être mais peut-être pas l'étendue...
R4 Je me vois changer, je suis certaine que ce n'est pas visible, mais je me vois, à l'intérieur, changer.
R1 Ça fait que je ne sais pas si tu pourrais dire exactement que c'est le PAE car je trouve que j'ai pas mal grandi depuis que je suis avec le PAE mais ça se peut aussi que ce soit parce que je suis plus vieille ou à cause des amis que j'ai autour, ou les expériences où j'ai passé à travers... Tu sais c'est tout ça aussi mais... je pense que le fait d'avoir été avec le PAE m'a fait réfléchir bien plus.
R5 J'ai découvert beaucoup qui j'étais par rapport à cela. Cela m'a beaucoup aidé au niveau de l'estime. J'aime ce que je fais car ça me rejoint certainement à quelque part.
R6 Oui, ça fait que j'avais été bien déçue, bien déçue. J'ai trouvé cela [la formation] mal fait.Un autre répondant ne semble pas percevoir chez lui de changement significatif du moins à partir de la formation :R6 Puis hier H... me disait qu'il y avait quelqu'un qui cherchait mon nom. Je lui ai dit : « Ha ! Ha ! Envoie-moi le pas, je ne saurai pas quoi faire ! » (Bien voyons !) Non, non, c'est parce que c'est jamais arrivé. Je ne suis pas vraiment inquiète en fait. Si cela arrivait, j'irais voir H... à la rigueur pour avoir les ressources.
R6 Je lui ai dit à H... que je ne me sentais pas bien, que je trouvais que je n'avais rien appris, que si quelqu'un vient, je ne saurais pas quoi faire. C'est ça... J'étais sortie de ces 2 semaines là et j'avais trouvé que je n'avais pas appris grand chose. Là je me suis dit : « Je vais paniquer si quelqu'un vient me voir ».
R2. La formation comme tel ne m’a pas... m’a plus ou moins marqué. Mais comme je disais encore, ce qui m’a marqué durant cette formation-là, c’était le processus d’aide. Puis c’est là-dessus que j’ai « focusé » tout le temps. Mais la formation comme telle ne m’a pas apporté...5.2.2 Développement de nouvelles habiletés
Outre le sentiment plus général d’épanouissement personnel, les répondants ont pu décrire certains acquis en termes d’habiletés relationnelles. Ainsi, pour plusieurs, leur participation au PAE leur a permis de développer des habiletés d'écoute, de communication, de compréhension et des attitudes aidantes comme la tolérance, le respect des autres, etc.
On peut donc établir un certain lien avec ce qui est exprimé en milieu scolaire, où les effets suivants ont été rapportés : la fierté face aux nouvelles connaissances acquises car les jeunes PA y voient des applications pratiques dans « le vrai monde » (Diver-Stammes, 1991) ; une meilleure congruence entre les sentiments/émotions et les agissements des PA (Thompson, 1986) ; une amélioration des habiletés de communication (écoute active, questions ouvertes, compréhension) (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Kehayan, 1992 ; Diver-Stammes, 1991) ; un apport au développement affectif et social des PA (Hahn et LeCapitaine, 1990 ; Poulin et Vigneault, 1986), et enfin, les jeunes PA démontrent plus d'empathie (Emmert, 1977 cité dans Tindall et Gray, 1985)
Il est intéressant de souligner l'étude de Simard et Ouellette (1989), réalisée au Nouveau-Brunswick, qui a mesuré les habilités de communication et l'estime de soi de pairs aidants. Cette étude a relevé, entre autres, que même au pré-test, les étudiants appelés à devenir des PA ont obtenu un score substantiellement plus élevé, pour ces deux habiletés, que ceux du groupe témoin. Cela nous amène à constater un autre parallèle entre les PA en milieu scolaire et ceux en milieu de travail, car certains informateurs de notre recherche ont rapporté qu'ils possédaient déjà des habiletés interpersonnelles intéressantes avant de se joindre au programme :
R4 Disons que le monde me disait que j'étais bien confortable devant les autres. […] Donc, non, non, je ne suis pas gênée.Dans plusieurs cas, nos entrevues confirment que la participation au PAE a contribué au développement ou à l'émancipation de plusieurs habiletés ou attitudes favorisant les relations interpersonnelles et la relation d’aide :R1 Puis je trouve que je me sens encore mieux à propos de moi-même, même si j'ai toujours été quelqu'un qui était positive d'avance, parce que j'ai toujours été... dans la vie si tu veux que quelque chose aille bien, il faut que tu fasses quelque chose pour. Donc c'est pas quelqu'un qui vient le faire pour toi.
R6 Puis j'avais déjà fait un certificat en animation en 1991, donc je connaissais un peu le milieu, tu sais comme les techniques d'aide, les choses comme ça.
R4 (est-ce que ça t'a changé toi en tant que personne humaine) Je pense que oui, je pense encore à l'affaire de tolérance et de patience et l'affaire d'écouter les autres. Juste l'aspect d'être experte à l'écoute, je pense que ça change une personne et puis ça améliore peut-être aussi la personne, tes relations avec les autres. Ça m'a vraiment donné une appréciation pour le pouvoir de l'ouïe parce que moi, je suis une personne qui aime beaucoup parler et c'est très difficile des fois.5.2.3 Acquisition de nouvelles connaissancesR1 Mais maintenant ce que je fais, j'en parle plus comme quand quelqu'un fait quelque chose de bon je suis plus portée à le dire. Je communique pas mal plus maintenant mes « feelings » que je le faisais auparavant. Je communique plus et je trouve que c'est important et quand je communique, le monde le sait exactement. Tu sais quand tu essaies de deviner comment quelqu'un pense, c'est pas pareil comme quand tu le sais.
R5 Ce que cela m'a appris personnellement... c'est sûr que cela aide à ne pas juger, ce sont toutes des qualités que les gens ont mais on en devient plus conscient et c'est facile de dire qu'on écoute bien et qu'on respecte la situation mais lorsqu'on est mis en position de devoir aider, c'est là qu'on met à l'épreuve ces choses-là.
Le discours des interviewés montre que leur participation au programme leur a fait réaliser qu'il y avait beaucoup de ressources communautaires autour d'eux auxquelles ils n'avaient jamais prêté attention auparavant :
R2. Mais je suis cependant sensible, comme tu le mentionnais, à toutes les ressources qui sont disponibles, beaucoup plus sensible que je ne l'étais auparavant. Avant d'entrer dans le PAE, ça ne me disait rien tout cela, tu sais de regarder dans les journaux ou d'aller voir ce qui est disponible dans la communauté pour pouvoir aider les gens qui sont dans mon milieu de travail.Une répondante a également rapporté qu'elle avait appris à mieux connaître le fonctionnement organisationnel du MDN en général :R4. Le petit livret bleu, c'est énorme le nombre de ressources qu'on a dans la communauté. Et on ne sait même pas qu'elles existent. Moi je ne savais pas. Moi, je m'impliquais dans les choses qui m'intéressaient parce que mes parents sont morts soudainement d'une maladie du coeur.
R5 Je suis beaucoup plus conscient, non seulement dans la communauté, des services qui sont offerts mais je m'intéresse beaucoup plus par exemple si un de mes voisins travaille dans un domaine qui est relié à l'aide ou à la santé, je vais me concentrer là-dessus, je vais aller chercher plus d'informations dans nos conversations. Ah oui ! Cela a élargi mon champ de vision sur ça.
R1 : Oui, ça j’ai appris à connaître des ressources puis j’ai aussi appris à connaître les politiques et les procédures de la Défense. Tu sais par exemple je ne savais pas qu’on avait le droit comme employé à demander à voir notre filière personnelle au bureau du Personnel ou quelque chose du genre. Il y a bien des affaires que je ne connaissais pas... les droits d’un employé, parce que j’ai jamais eu besoin d’aller savoir et quand tu deviens une employée, tu n’as pas de session qui te dit : Oh si tu as besoin de telle affaire c’est là que tu vas ou bien tu as l’Union, tu as ceci ou cela.)5.2.4 Impact sur le plan professionnel
Une autre forme d’effet au plan personnel, est celle de l'épanouissement professionnel ou du plan de carrière, pour certains individus. Ainsi, en ce qui concerne l’avancement ou la carrière des PA, certains répondants ont mentionné qu’ils avaient souvent des choix difficiles à faire entre consacrer 100% de leur temps à leur emploi principal ou participer aux activités du PAE.
R1 Puis avec le PAE, je ne peux pas faire les deux. C’est soit que je continue avec le PAE et je reste juste là et que vraiment je ne suis pas satisfaite, je veux faire plus. Ça fait que ça serait quasiment comme à mon détriment si je continuais. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas ça sauf qu’à un moment donné, il faut que tu fasses un choix…De plus, la possibilité de faire carrière à temps plein dans le PAE est très faible car au MDN, il n’existe présentement que trois postes à temps complet pour la région et ils sont tous occupés par des administrateurs, spécialistes des ressources humaines.
L'organisation ne valorise pas toujours la participation des PA au sein du programme d’aide aux employés. En fait, en cette période de coupures budgétaires et de rationalisation de la main d’oeuvre, les gestionnaires subissent constamment la pression de leurs propres supérieurs pour « produire plus avec moins ». Il va sans dire que plusieurs ne voient pas d’un bon oeil le fait que certains de leurs employés s’absentent de leur travail régulier pour participer aux activités du PAE ou pour rencontrer des clients. Que ce soit communiqué de façon intentionnelle ou non, les PA en ressentent une pression additionnelle :
R4 Je pense sérieusement à changer d'emploi car je ne me sens pas appuyée. Il veut même téléphoner à B… si je ne diminue pas sur le PAE. Il m'obligerait à démissionner du programme. Je crois que le temps est venu de changer de place.Plusieurs superviseurs exercent donc une pression plus ou moins subtile sur leurs employés pairs aidants, pour que ceux-ci établissent clairement leurs priorités. Les PA qui désirent obtenir des chances d’avancement dans leur emploi régulier ont donc quelquefois des choix difficiles à faire entre des aspirations carriéristes et leur participation au PAE.
Certains répondants ont déclaré que leur participation au sein du PAE pouvait, jusqu'à un certain point, nuire à leurs chances d'avancement en amenant dans leur quotidien, des conflits d’horaire ou de priorités :
R1 Je voudrais éventuellement changer de catégorie (devenir AS). Oui ! Et faire plus de choses dans ma “job” et changer, montrer que je suis capable prendre de l’initiative. Puis avec le PAE, je ne peux pas faire les deux. C’est soit que je continue avec le PAE et je reste juste là et que vraiment je ne suis pas satisfaite, je veux faire plus. Ça fait que ça serait quasiment comme à mon détriment si je continuais. Ça ne veut pas dire que je n’aime pas ça sauf qu’à un moment donné, il faut que tu fasses un choix… […] Je ne voulais pas lâcher le PAE pour ma « job » mais je ne voulais pas lâcher ma job aussi, j'aime les deux... Je trouve que ça... je sais bien que je me mets du stress moi-même mais que veux-tu ?Par contre si la possibilité lui était offerte, cette même répondante aimerait bien en faire une nouvelle carrière :
R1 J’aimerais peut-être même si je n’avais plus la “job” que j’ai là, que ma “job” devienne juste travailler dans le programme. Pas nécessairement d’être juste orienteur mais travailler dans cette branche-là comme, admettons, préparer des séminaires pour montrer au monde ce qu’est le programme d’aide aux employés ou même juste préparer des sessions où une personne ressource vient et parle au monde de leurs ressources.D’autres ont cependant une vision plus globale des choses et perçoivent l’expérience qu’ils acquièrent au sein du PAE comme une corde de plus à leur arc :
R2 C'est important pour moi (le PAE). C'est un autre jouet que je mets dans ma boîte à jouets, c'est une autre corde que j'ajoute à mon violon. C'est comme cela que je le vois. Puis ça me donne encore plus d'opportunité d'épanouissement.5.2.5 Gestion du stress
En plus du stress occasionné par les conflits de priorité ou d’horaire, certains PA ont rapporté que le fait d’avoir à rencontrer des clients dans le cadre d’une relation d’aide, amenait une certaine pression de « performer ». En fait, plus souvent qu'autrement, les PA ont tendance à sentir que la responsabilité du succès de l'intervention est sur leurs épaules. En ce sens, il faut préciser que cette réalité n'est souvent pas étrangère à plusieurs intervenants, qu'ils soient eux-même professionnels, para-professsionnels ou pairs aidants :
R5 Il y a toujours un peu d'anxiété, ce qui n'est pas nécessairement le cas lorsque je fais mon travail. Lorsqu'on parle de s’asseoir avec quelqu'un qui a un problème, il y a toujours le poids d'essayer de trouver des solutions ou d'essayer d'aider cette personne-là.5.3 Facteurs sociaux - L'influence sur les autresR2. Non, moi je crois que c'est difficile. Non c'est difficile, surtout lorsqu'on travaille avec les gens... Moi mon type c'est que j'aurais de la difficulté si j'avais un problème majeur avec un client, je sais que ça me tracasserait.
R5 Je sais, parce qu'on le dit souvent, qu'il ne faut pas prendre les problèmes des autres sur son dos, ça tout le monde le sait et il est facile d'en parler au niveau intellectuel mais il faut apprendre à l'intégrer au niveau du comportement. Ça s'en vient même s'il y a toujours des cas qui vont rester... Un stress, ça reste plutôt au niveau subconscient et c'est là qu'il faut faire attention car il peut alors être préférable de le ramener au niveau conscient et de composer avec et apprendre à faire la part des choses.
Même si des auteurs comme Varenhorst (1983) et Evoy (1983) soulignent que les PA ont également un effet positif sur leur entourage autre que celui visé par le programme, peu d'études sont disponibles à ce sujet. On peut cependant, encore une fois, rapporter les travaux de Diver-Stammes (1991), sur les types de problèmes rencontrés par les PA en milieu scolaire urbain défavorisé. Elle y relevait, en effet, que sur les 506 interventions répertoriées dans l'évaluation du PPA étudié, 136 d'entre elles (près de 27%) avaient eu lieu dans un contexte autre qu'à l'école (parents, amis, voisins, etc.). Ce service peut donc également avoir un effet sur la communauté dans laquelle vivent les PA.
Sans disposer de tels chiffres à l’appui, les données recueillies auprès de nos répondants tendent à démontrer qu’eux aussi interviennent dans leur milieu naturel (famille, amis, communauté, etc.). La partie qui suit rapporte l'essence des retombées sur les pairs aidants par rapport à leur interaction avec leur milieu social : famille, amis, collègues de travail.
Les gens rencontrés ont rapporté que la perception des membres de leur entourage à leur endroit avait évolué depuis que ces derniers savent qu’ils sont impliqués dans le PAE. Des PA rapportent en ce sens la réaction positive de certains collègues :
R5 Je crois que mon implication avec le PAE depuis 2 ans m'a donné l'occasion d'afficher mon côté humain. Il a toujours été là mais... Cela a permis aux gens de prendre conscience qu'effectivement c'était quelque chose de vraiment important pour moi.Certains autres collègues peuvent percevoir la situation de façon plus négative. Les PA n'ont cependant pas l'impression que ces collègues les perçoivent eux-mêmes de façon négative en tant que personnes, mais ils ont détecté dans leur entourage des réactions qu'ils interprètent comme de l'incompréhension ou de la jalousie :R1 Même si, quand quelqu’un me connaît, il sait déjà où ma loyauté est, c’est déjà, en faisant partie du programme, je suis déjà là un « team player », je sais pas si c’est ce que les autres diraient, mais moi c’est le feeling que j’ai eu. Ç'a toujours été positif.
R2. Ah ! Le milieu de travail eux autres voyaient ça d’un bon oeil ! Les gens, la perception qu’ils avaient de ce que j’ai la possibilité de travailler au PAE, c’était positif. Auparavant j’étais... ça m’a changé là, mais les gens me voyaient à travailler dans le PAE. Mettons qu’il n’y a pas de problème du tout. Il y avait un respect mutuel dans ça là-dessus.
R4 Certaines gens disent : Hum ! Moi je pourrais faire ça, je serais bonne aussi. Donc je pense que c'est peut-être un peu de jalousie. Je ne sais pas pourquoi ! Ils ont le choix de s'impliquer là-dedans ou non. L'autre civil qui est dans le bureau avec moi, elle ne m'en a jamais parlé mais peut-être que lorsque je suis allée assister au cours, cela lui a fait quelque chose que moi j'aie pu aller là. Aussi le fait que j'aie pu aller à « Input 97 » durant trois jours. C'est surtout avec l'autre civil dans le bureau ici, il y a peut-être un aspect de « resentment » (sic).De la même façon, différents répondants ont revélé que certains de leurs patrons appréciaient leur participation au sein du PAE :R5 Certains m'ont exprimé, peut-être pas dans le sens de ressentiment. Moi je ne crois pas en la chance. J'ai fait un cheminement qui m'a amené jusqu'ici et j'ai fait ce que j'avais à faire. Je n'ai pas de conflit majeur avec personne par rapport à ça. Souvent j'essaie d'aider ceux qui seraient le plus susceptible d'être jaloux, je vais faire un effort particulier pour aider ces gens-là. Ils sont toujours surpris de voir que je leur ai aidé à obtenir quelque chose quand ils savent très bien que je pourrais leur en vouloir car ils ont dit telle chose.
R1: Tous les patrons que j'ai eus quand j'étais dans le programme d'aide aux employés étaient vraiment « supportive ». Eux autres trouvaient que c'était très bon, j'ai toujours été chanceuse, j'ai eu des bons « boss ».Par contre, pour d'autres, leur contribution n'est pas valorisée par l'organisation:R3 Je dirais qu'au départ, les premiers superviseurs qui m’ont appuyé là-dedans, eux étaient vraiment... tu sais, je sentais vraiment l’engagement de façon concrète.
R6 Mais non, avec la patronne il n'y a eu aucun problème. C'était bien encouragé par la patronne immédiate. Puis les patrons plus hauts, tels que le commandant, il n'y avait pas de problème.
R4 La seule chose, c'est avec mon superviseur actuel, il commence de plus en plus à me mettre de la pression. Tu sais, je travaille tard et il dit que je dois faire du surtemps à cause du PAE. Il ne comprend pas que c'est pour aider le monde. Il veut que je me restreigne à une demi-journée par semaine comme c'est écrit dans le cahier de l'orienteur.En ce qui a trait aux membres de la famille immédiate des répondants, les perceptions rapportées ont toutes été relativement positives :
R2 Puis aussi, il y a ma femme. Ma femme est une personne qui travaille dans un bureau de médecins. Elle aussi est au courant, elle est proche du domaine donc ce sont des choses auxquelles je ne pensais pas auparavant mais auxquelles je pense plus et dont je discute plus avec elle.La situation se retrouve aussi avec les amis ou même avec des clients :R5 Oui, cela a été renforcé et je partage beaucoup avec mes frères et mes soeurs ce que je vis au travail, ce que j'apprends, ce que je découvre sur moi-même aussi. Je les aide aussi un peu à évoluer dans ce sens-là aussi, à apprendre. Je me souviens d'une fois ou dans une conversation avec mon frère qui est plus vieux que moi, on parlait de je ne sais trop quoi et il m'avait dit : « c'est le fun d'entendre quelqu'un qui fait un effort pour cheminer, pour évoluer au niveau des émotions, c'est rare ». Cela nous a beaucoup rapproché à ce niveau-là.
R4 C'est aussi en fonction du fait que mes amis le savent que je suis formée. Elles savent aussi que j'aurai une autre perspective face à la situation.5.3.2 Relation avec les prochesR5 Bien, c'est un rapport privilégié car il arrive que je rencontre des gens que j'ai vus comme clients ou des gens que je connais ou ne connaissais pas du tout avant de les avoir comme clients. Cela ne change rien. C'est privilégié dans le sens que quand je les vois, leur situation me revient en tête et souvent je vais discuter avec eux et sans entrer dans les détails, leur demander comment ça va et remettre les choses en perspective. Habituellement cela va beaucoup mieux, d'ailleurs ces gens sont aussi très reconnaissants aussi.
Nous sommes également allés examiner si le fait de faire partie du PAE avait changé quelque chose au chapitre de la relation des répondants avec leurs proches. Certains ont relevé que leur rôle de conjoint ou celui de parent avait évolué à la suite de leur expérience au sein du programme :
R3 Nécessairement cela a amélioré notre relation qui était quand même très bonne. Mais c’est comme on dirait que j’essaie de l’écouter plus, de l’entendre parler et j’essaie de la respecter plus dans ses choix bien que je ne sois pas nécessairement d’accord avec ses choix puis, bien qu’on soit vraiment le jour et la nuit elle et moi. Je te dis que s’il n’y avait pas une ressemblance physique je penserais qu’ils se sont trompés de bébé à l’hôpital. Mais c’est un « challenge » et on dirait que je trouve ça le « fun » quand même. Mais je pense qu’en ce sens-là, c’est sûr que des fois je panique comme tout le monde, je « pogne » les nerfs mais techniquement je pense que j’essaie d’être plus une accompagnatrice que de dire : je ne veux plus que tu fasses ça. Tu sais c’est comme si j’avais pris un peu de maturité face à ça. Puis je pense définitivement que c’est tout ce qu’on entend à propos de... puis tout ce qu’on vit comme orienteur.Quatre des candidats (R1, R2, R4 et R5) ont également répondu qu'ils s'étaient fait de très bons amis parmi les autres intervenants du PAE, comme par exemple :
R4 Pour moi c’est le monde à l’intérieur du programme qui fait la différence. J’y ai trouvé de très bonnes amies et de bons amis à l’intérieur du programme. Je me sens chez moi.5.3.3 Implication communautaire
Quatre des six PA rencontrés (R1, R3, R4 et R5) ont indiqué qu'en plus du PAE, ils étaient également impliqués socialement dans leur communauté que ce soit au niveau des Grandes Sœurs et du théâtre (R1), des personnes âgées et de l'église (R3), des maladies du cœur et d'un OSBL (R4) et de Tel-Aide Outaouais et de comités scolaires (R5). Aucun n'était cependant impliqué dans des mouvements d'action sociale (si on fait abstraction des campagnes contre les maladies du cœur).
Il semble à prime abord, que ce facteur prenne une signification importante si on fait le lien entre les éléments rapportés par les PA, les motivant à poursuivre dans le programme. Ce n'est donc pas sans raison que la plupart des PA qui ont rapporté un haut niveau de motivation (R1, R3, R4 et R5) soient également actifs dans leur communauté.
R1. Faut que tu croies dans la place où tu vas et que ton coeur soit avec car sinon tu ne rends pas service aux autres et tu ne rends pas service à toi. Il y a plein de places et puis je trouve que, à travers du programme j'ai trouvé ça, il y a beaucoup d'organisations qui prennent des volontaires au lieu de juste leur donner de l'argent. Ils veulent que le monde s'implique parce que je trouve que, c'est peut-être pas la raison qu'ils le font, mais quand le monde s'implique tu restes plus longtemps et tu fais plus comme volontaire que quand tu fais juste donner ton argent, quand la porte est fermée tu n'y penses plus.R5. C'est nouveau parce qu'avant je ne m'impliquais pas à ce niveau-là dans la communauté. Je me rends contre cependant maintenant que c'est quelque chose qui est tout à fait naturel pour moi et c'est quelque chose que je faisais probablement instinctivement avec des collègues, des amis ou des voisins, ça je l'ai toujours fait.
Au lieu d'envisager un ensemble d'observations et de s'efforcer de les subsumer pour y appliquer une règle, on se tourne vers un ensemble d'éléments significatifs (obtenus par présomption) et on tente de les intégrer dans un cadre intelligible (Geertz, 1973, dans Laperrière, 1997).La recherche qualitative est donc attentive à la pluralité de constructions de sens et oblige à acquérir une perception davantage holistique des problèmes et des enjeux. Elle exige également que l'on procède à un recadrage, afin de tenir compte du contexte socioculturel de chaque situation et de comprendre la spécificité et la complexité des processus en jeu (Groulx, 1997). Par contre, « les avantages de la recherche qualitative doivent être mis en perspective par rapport à ses faiblesses, c'est-à-dire son incapacité de produire des résultats généralisables et son inefficacité pour ce qui est de dégager des relations causales ». (Hammersley, 1992, dans Groulx, 1997)
Bien que l’objectif de cette recherche ait été d'examiner si la participation à un PPA avaient des retombées sur les PA eux-mêmes et dans leurs rapports avec leur milieu naturel, les paramètres de notre étude sur le terrain ne nous permettaient pas de contrôler l'ensemble des variables exerçant une influence sur les individus rencontrés. De la même façon il était difficile de voir si d'autres expériences personnelles ou si la participation à d'autres activités requérant diverses habiletés de communication interpersonnelle ont aussi influencé les résultats de notre recherche.
Malgré ces limites, les données recueillies au moyen de notre recherche méritent d’être examinées, afin d’en ressortir les dimensions les plus probantes et d’arriver à des conclusions et à des recommandations pertinentes.
6.1 Les résultats de notre recherche
Puisque une grande partie des écrits touchant le concept de pairs aidants s'est appliquée presque exclusivement à examiner de plus près ce qui se passe en milieu scolaire, un des objectifs de notre recherche était d'aller vérifier si les retombées identifiées dans ces études trouvaient leur pendant en milieu de travail. Comme le souligne Chenail (1995), les données elles-mêmes doivent cependant demeurer la « vedette » de toute recherche qualitative. Toutefois, l'essence même d'une présentation de résultats d'une recherche découle de la capacité du chercheur à juxtaposer les données recueillies avec des descriptions, explications, analyses ou commentaires appropriés.
Ainsi, notre recherche nous a permis d'observer plusieurs points communs entre les retombées dénotées pour ce qui est des initiatives de pairs aidants destinées aux jeunes en milieu scolaire et celles s'appliquant aux programmes en milieu de travail, basés sur ce concept d’aide. En fait, la principale différence entre les deux formes de PPA se situe au niveau des buts et objectifs énoncés par les deux types de programmes. En effet, on peut remarquer que le développement psychosocial des jeunes PA eux-mêmes, représente un objectif central des programmes en milieu scolaire. Par contre, ces considérations sont tout à fait secondaires sinon inexistantes, dans les programmes de PA adultes qui ne comptent pas le développement de la personne (de l'aidant) parmi leurs objectifs avoués. Les organisations ont plutôt une vision fonctionnelle des programmes de PA qui ont, en conséquence, des objectifs dirigés vers le bien-être des travailleurs temporairement fragilisés et non vers le développement des aidants eux-mêmes. Le PPA en milieu de travail n'est pas conçu pour ce type de stratégies éducatives d'ordre psychosocial. Or, il est intéressant de constater, à la lumière de notre recherche, que même si l'effet n'est pas nécessairement recherché par le PPA, il est tout de même rapporté par les PA.
De façon à faciliter la discussion entourant l’analyse des résultats observés, il est proposé de développer notre analyse en nous référant aux trois grands pôles déjà abordés dans la présentation des données soit : la motivation ; les retombées d’ordre personnel ; et celles affectant les rapports des PA avec leur milieu familial, social et communautaire.
Comme on l'a vu dans la présentation des données, divers ordres de motivations prévalent lorsqu'on examine de plus près ce qui motive le plus les individus à s'impliquer comme pair aidant. On ne peut d'ailleurs contourner certains éléments observés par Guay (1984) et Abdennur (1987) lors d'enquêtes séparées auprès de « bénévoles ». Ainsi, que les répondants l'aient exprimé consciemmment ou inconsciemment, une bonne partie d'entre eux s'impliquent avant tout dans des activités bénévoles, pour leur propre intérêt. Cette réalité est évidente, tant dans la littérature, que dans les entrevues que nous avons menées dans le cadre de notre recherche. Même les motivations plus altruistes au plan de la croissance personnelle sous-tendent la perception par les PA qu'ils en retirent des bénéfices personnels certains :
R3 - C'est certain que moi je reçois énormément de bénéfices personnels […] C'est égoïste, mais c'est pas mal ça qui m'a maintenue dans le programme ;Il serait cependant imprudent de réduire l'ensemble des raisons pour lesquelles les PA s'intéressent et continuent de s'impliquer à l'intérieur du PAE, à de simples considérations égocentriques. Il s'agit plutôt d'un amalgame de motifs égocentriques et altruistes. Lorsque nous leur avons posé la question directement, les autres répondants ont, pour leur part, évoqué diverses raisons qui, de façon générale, pourraient être qualifiées d'altruistes :R6 - Ça nous fait sortir un peu de notre milieu […] dans le fond c'est pour m'aider.
R1 - Je veux être capable d'aider quelqu'un d'autre, de donner ;Nous pouvons donc conclure que les motivations des PA peuvent parfois être assez partagées mais tous aspirent à se sentir utiles au sein du PAE tout en y retirant des bénéfices personnels pouvant sensiblement varier d'une personne à une autre. Une telle constatation devient très importante pour les responsables du PAE, lorsqu'il s'agit d'examiner le niveau de satisfaction des PA en place et les facteurs qui les retiennent. Cette information peut aussi s’avérer très utile lorsqu’on regarde les éléments pouvant favoriser le recrutement de nouveaux PA de façon à ajuster la « publicité » en conséquence.R4 - Un besoin de faire du bénévolat […] de donner plutôt que recevoir.
Selon Diver-Stammes (1991) qui a étudié un PPA ayant connu beaucoup de succès, dans une école en milieu urbain défavorisé, 97% des jeunes PA interrogés avaient été satisfaits de la formation de PA qu'ils avaient reçu. On peut faire un parallèle entre ces données et les entrevues conduites avec les candidats R2 et R6, qui semblent tous deux avoir eu une formation de PA laissant à désirer, qui s'est soldée en une mauvaise expérience, et le fait que les deux soient plus ou moins motivés et ne s'impliquent pas dans leur communauté respective. D'ailleurs, c'est Limoges (1991) qui explique que la formation pourrait être évaluée par sa capacité de transmettre le goût de se perfectionner en tant que pair aidant.
Mais fait plusieurs facteurs autres que la formation peuvent contribuer à la motivation des PA et à les rétenir au sein du programme : la tenue régulière de réunions de comités locaux où les PA peuvent échanger ; la publication régulière de rapports de statistiques courantes qui contribuent à renforcer le sentiment « d'utilité » des PA ; l'occasion d'aller visiter les ressources où ils dirigent leurs clients afin de se familiariser avec celles-ci et de mieux en évaluer l'utilité selon les problèmes rencontrés ; le nombre et la diversité des clients à rencontrer ; etc.
6.1.2 Les retombées d’ordre personnel
Notre présentation des résultats faisait référence à une certaine proximité avec les conclusions des recherches sur les PA en milieu scolaire. C'est d'ailleurs du côté des retombées personnelles que les effets des PPA se rapproche le plus. Dans le tableau suivant, les effets relevant du domaine de la croissance personnelle, identifiés dans le milieu scolaire, sont mis en parallèle avec des extraits d'entrevues recueillis lors de notre recherche en milieu de travail. Une comparaison synoptique est donc proposée :
Tableau 6.1 Effets sur la croissance personnelle
Milieu scolaire | Extraits de notre recherche (PAE) |
1. Les PA apprennent à mieux communiquer leurs idées et leurs sentiments, tout en respectant ce qu'ils sont (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993) | R1 - Je communique plus et je trouve que c'est important et quand je communique, le monde le sait exactement. Je communique pas mal plus maintenant mes « feelings » que je le faisais auparavant. |
2. Ils apprennent à briser leur isolement et à faire face aux problèmes qui les confrontent, tout en les étant encouragés à trouver leurs propres solutions (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Tourigny et al. 1987) | R3 - La plupart des collègues viennent me parler de leurs affaires, je ne sais pas si c'est en tant que personne ou en tant que PAE. Je dirais que de façon régulière, on échange beaucoup sur nos frustrations parce qu'on est un petit groupe de femmes à peu près de niveau équivalent. |
3. Ils en viennent à améliorer leurs habitudes d'étude
(Lawson, 1989)
|
Aucun PA n’a rapporté que le fait d’être impliqué dans le PAE l’avait aidé à mieux faire son travail régulier. Au contraire, cela amène souvent des conflits de priorité et des tensions. |
4. Les PPA contribuent à les aider à réduire leur stress et leur anxiété (Tourigny et al. 1987) | R5 - C'est peut-être parce que j'en avais besoin à ce moment là et les choses sont devenues plus évidentes à ce moment-là. Cela m'a beaucoup aidé d'aider les autres, de partager, parce que j'avais passé à travers une période difficile. |
5. On observe une amélioration de l'image de soi (perception de soi, confiance en soi) (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Bowman et Myrick, 1980, dans Simard et Ouellette 1989 ; Thompson, 1986 ; Kehayan, 1992 ; Diver-Stammes, 1991 ; Hahn et LeCapitaine, 1990) | R1 - Je trouve que j’ai pas mal grandi depuis que je suis avec le PAE
[…] je suis devenue une meilleure personne.
R5 - J'ai découvert beaucoup qui j'étais par rapport à cela. Cela m'a beaucoup aidé au niveau de l'estime. |
6. Le développement affectif et social des PA est favorisé (Hahn et LeCapitaine, 1990 ; Poulin et Vigneault, 1986), pour répondre adéquatement aux problèmes et difficultés dans leur vie de tous les jours (Tourigny et al. 1987 ; Diver-Stammes, 1991) | R5 – (En faisant référence à l’avortement d’une copine de sa fille) On en a discuté puis je pense que oui, j’ai mis en application quelques techniques apprises au PAE en lui expliquant qu’elle devait l’écouter, la supporter... mais surtout lui laisser faire son choix elle-même. |
7. Les PA ressentent une fierté face aux nouvelles connaissances acquises car ils y voient des applications pratiques dans « le vrai monde » (Diver-Stammes, 1991) | R5 - Mais lorsqu'on arrive à la maison et qu'on s'apprête à mettre ces théories en pratique et qu'on se rend compte que ça fonctionne, c'est merveilleux et gratifiant et ça renforci (sic) aussi. |
8. Ils démontrent plus d'empathie (Emmert, 1977 cité dans Tindall et Gray, 1985). | R2 - Cela a eu un certain impact, non seulement au niveau du travail mais du niveau familial aussi. Je suis plus conscient des choses... plus conscient des besoins d'autrui que je l'étais auparavant |
9. Leur expérience scolaire est devenue plus significative (Thompson, 1986 ; Dunlap, 1973 ; Hahn et LeCapitaine, 1990) | R3 - Tu sais l'aspect positif présentement dans ma vie du travail, c'est le PAE parce qu'il y a toujours quelque chose d'intéressant, on est à l’affût de tout ce qui se passe et j'aime ça |
10. Une meilleure congruence est apparue entre les sentiments/émotions et les agissements des PA (Thompson, 1986) | R5 – Si quelqu'un ne t'aime pas et qu'au lieu de lui faire un mauvais parti tu fais quelque chose de bien, c'est surprenant ce que cela peut avoir comme résultat, la personne ne saura plus sur quel pied danser et elle aura beaucoup plus de respect pour toi suite à ça. Ça c'est quelque chose qui m'a beaucoup aidé, qui m'a confirmé qu'il y en avait assez pour tout le monde et que ce n'est pas en faisant quelque chose de bien pour quelqu'un que ça nous enlevait quelque chose, au contraire ! |
L'item 9 (expérience de travail plus significative) est également intéressant à examiner car plusieurs (R2, R3, R4 et R5) ont rapporté que leur travail régulier était plus intéressant ou significatif à cause de leur implication dans le PAE. En fait, certains (R2 et R3) ont laissé entendre que le programme était parfois, un des rares aspects positifs à l'intérieur de leur vécu au travail, surtout depuis les grands mouvements de coupures et de réorganisation entrepris au cours des dernières années au Ministère et qui ont contribué à alourdir le climat de travail.
Finalement, il semble que l'item 10 (congruence entre sentiments et agissements) se rapporte plus au milieu scolaire où les jeunes cherchent encore à se créer une certaine identité. Seul le répondant R5 a rapporté qu’il s’était aperçu qu’il se devait de faire un effort particulier pour mettre en pratique, dans ses rapports réguliers avec les autres, certains principes appris au PAE.
6.1.3 Les retombées affectant le milieu social des PA
Il a déjà été démontré lors d'études antérieures, que les employés qui s'engageaient comme pairs aidants ont effectivement un effet direct sur les autres employés en difficulté qui les consultent dans le cadre du PAE du MDN (Rockhurst Consulting Group Inc., 1993 ; Rapport d’étude sur le PAE, 1997). Ces études ont d’ailleurs fait cette démonstration par le biais de sondages auprès de « clients » du PAE, lesquels ont déclaré, dans une importante proportion, avoir effectivement reçu de « l'aide » du PAE. Les résultats obtenus lors de notre recherche nous permettent d'avancer que cette influence ne se limite pas seulement au cadre spécifique du PAE mais est également ressentie à travers les rapports de ces pairs aidants avec leur propre réseau social primaire (famille, amis, collègues et/ou voisins) ou même secondaire (institutions, personnes ressources, collectivité). Encore une fois, les résultats recueillis sont mis en parallèle avec ceux recensés en milieu scolaire :
Tableau 6.2 Effets sur les interactions
sociales
Milieu scolaire | Extraits de notre recherche (PAE) |
1. Les PA deviennent de meilleurs amis et vivent des relations interpersonnelles plus chaleureuses, tout en préservant le caractère naturel de leurs relations (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993) | R4 - Pour moi c'est le monde à l'intérieur du programme qui fait la différence. J'y ai trouvé de très bonnes amies et de bons amis à l'intérieur du programme. Je me sens chez moi. |
2. Ils démontrent une meilleure attitude face aux autres (plus tolérants) et il y a amélioration de leurs relations interpersonnelles (Edge, 1984 ; Tourigny et al. 1987 ; Diver-Stammes, 1991 ; Hahn et LeCapitaine, 1990 ; Laurendeau, Perreault et Allard, 1993 ; Dunlap, 1973) | R4 - Juste l'aspect d'être experte à l'écoute, je pense que ça change une personne et puis ça améliore peut-être aussi la personne, tes relations avec les autres. Pour moi... Ah oui ! |
3. Le réseau social de tous est amélioré (Tourigny et al. 1987) | R1 - Oui car il y a beaucoup de monde lorsqu'ils apprennent que tu es dans le PAE, ils viennent te voir en disant : Ha ! C'est quoi ça ? Puis ils viennent à avoir plus d'information. J'ai eu des collègues mais j'ai eu aussi des superviseurs d'autres sections qui venaient... |
4. Les PA assument plus de responsabilités à l'intérieur des projets de groupe et à l'égard de leurs camarades (Caisse, 1992) | R3 - Je pense que oui je me sens plus équipée que les autres filles dans ce sens-là. Puis je sens que je pourrais « dealer » avec ça d'une façon comment dirais-je…, en mon nom personnel et au nom des autres filles sans aller dans les détails. |
5. Ils connaissent bien les ressources, ont des relations fréquentes et positives avec les adultes de l'école et incitent les autres élèves à y avoir recours au besoin (Caisse, 1992) | R2 - Mais je suis cependant sensible à toutes les ressources qui sont disponibles, beaucoup plus sensible que je ne l'étais auparavant. Avant d'entrer dans le PAE, ça ne me disait rien tout cela, tu sais de regarder dans les journaux ou d'aller voir ce qui est disponible dans la communauté pour pouvoir aider les gens qui sont dans mon milieu de travail. |
6. Amélioration du bien-être général, de la croissance et du développement de la communauté étudiante sur le campus (Tourigny et al. 1987) | Il n'existe pas de référence spécifique à ce sujet, parmi les propos recueillis en entrevue. Par contre, selon notre expérience personnelle, le climat de travail est amélioré si la proportion de gens en meilleure santé physique et mentale augmente. |
Certaines questions, lors de nos entrevues, avaient également pour but de vérifier l'engagement social des PA dans leur milieu de travail. Or, il apparaît assez clairement dans leurs réponses, que leur implication en tant que PA ne semble pas les inciter à l'action sociale, au militantisme ou à la revendication de droits. Cette implication sociale prend plutôt la forme d'organisation ou de participation à des activités de promotion de la qualité de vie, de la santé ou du mieux-être et à des activités de prévention des difficultés de santé mentale ou physique. Certains répondants (R1 et R6) ont de plus indiqué que leur désir de s'impliquer dans leur milieu de travail les avait amenés à choisir entre s'impliquer au sein de leur syndicat ou le PAE, mais qu'ils avaient en fait choisi le PAE car ce n’était pas le militantisme qui les attirait mais bien le goût de « donner » et de s’impliquer socialement.
Enfin, comme l'indiqué l’item 6 du tableau (amélioration du milieu), les entrevues n’ont pas laissé transparaître directement que l’implication des PA au sein du PAE avait également un effet positif sur leur milieu de travail en général, mis à part les quelques contacts directs avec certains clients. Il se peut fort bien que les PA interrogés ne réalisent pas pleinement l’effet indirect de leur participation au programme sur leur entourage. Il est possible que peu d’information soit véhiculée quant à l’influence des PA. À cet égard, au plan du vécu des personnes, le chercheur obtient un savoir qui prend une valeur épistémologique dans la mesure où le savoir du chercheur et le savoir du groupe dans lequel il se plonge se fécondent mutuellement (Deslauriers et Kérisit, 1997). En ce sens, on ne peut occulter une influence exercée par la simple présence des PA formés en matières d’écoute active, d’analyse situationnelle, de résolution de problème ou de techniques d’empathie. On peut avancer l’hypothèse que le climat et le milieu de travail sont affectés de façon positive. D’ailleurs depuis lamise sur pied du PAE au MDN en 1982, exactement 1 626 personnes « bénévoles » ont reçu la formation de PA (tiré de la banque de données du bureau national du PAE du MDN). Si on examine ce fait sur le plan macroscopique, il est possible d’avancer l’hypothèse que la plupart de ces personnes sont probablement en meilleure santé psychologique aujourd’hui, grâce à la formation reçue et à l’expérience d’aidant qu’elles ont vécue.
Dans le même ordre d'idées, le tableau suivant montre différents effets observés chez les jeunes PA en milieu scolaire, quant à leur implication communautaire, de même que leur pendant en milieu de travail tel que rapporté par les répondants de notre recherche :
Tableau 6.3 Effets sur les interactions communautaires
Milieu scolaire | Extraits de notre recherche (PAE) |
1. Les PA sont initiés au réseautage, au bénévolat et à la coopération (Kehayan, 1992), ce qui les amènent à continuer après leur sortie de l'école (Hahn et LeCapitaine, 1990) | R1 - Ce que je fais maintenant, je me porte volontaire dans différentes organisations. Moi je n'ai pas d'argent à leur donner mais par contre je suis volontaire pour la parade pour les enfants la « Santa Claus Parade ». Pour aider quand ils ont des téléthons, tu sais, des affaires comme ça, quand ils ont les réparations de toutous, des affaires comme ça. Aussi, j'aime être... je fais beaucoup de bénévolat pour le théâtre. |
2. Ils découvrent les personnes et les ressources de leur milieu qui peuvent leur venir en aide s'ils en ont besoin. (Laurendeau, Perreault et Allard, 1993) | R5 - Depuis que je suis impliqué dans le programme, je suis beaucoup plus conscient, non seulement dans la communauté, des services qui sont offerts mais je m'intéresse beaucoup plus par exemple si un de mes voisins travaille dans un domaine qui est relié à l'aide ou à la santé, je vais me concentrer là-dessus, je vais aller chercher plus d'informations dans nos conversations. |
3. Ils s'intéressent et s'occupent davantage de leurs semblables (Carr, 1981 dans Poulin et Vigneault) | R5 - Je vois plus de possibilité d'implications et pas seulement au niveau du MDN car j'ai aussi commencé à faire du bénévolat à l'extérieur. |
Encore une fois nous reprenons l'argument voulant que les PA aient une influence positive sur leur milieu. Ainsi, puisqu'ils sont plus impliqués dans leur communauté, il est donc permis d'avancer que les PA sont probablement de meilleurs citoyens qui se servent des notions apprises dans le cadre du PAE, dans leur vie de tous les jours. Cette dimension communautaire fait donc en sorte que leur contribution à leur milieu naturel est également plus positive. Ils deviennent en quelque sorte, ou possèdent le potentiel pour devenir, des agents de changement dans leur milieu.
6.2 La portée possible de cette recherche au MDN
Comme indiqué plus tôt, le PAE du MDN a fait l'objet de trois importantes études depuis sa mise en place en 1982 (Rockhurst, 1993 ; Rockhurst, 1994 ; Rapport d'étude du PAE, 1997). Celles-ci se sont cependant penchées sur des questions de coûts-bénéfices ou encore elles ont cherché à mesurer le degré de satisfaction des aidés par le programme ou celui des superviseurs envers celui-ci. Les paramètres classiques d'évaluation de tout PAE ont donc été examinés afin que les résultats puissent être comparés aux autres formes de PAE existant dans d'autres ministères ou dans des entreprises d'envergure. Ces études ont également dévié un peu du parcours d'évaluation habituel en mesurant le degré de satisfaction des PA eux-mêmes, par rapport à leur formation et à leur implication dans le PAE. Nous croyons que ces approches évaluatives mettent en lumière plusieurs points intéressants, mais elles oublient un élément important qui fait justement l'objet de notre propre recherche, soit l'évaluation des retombées tant au niveau professionnel que personnel pour PA.
L'analyse des résultats de notre recherche nous a donc amené vers une nouvelle dimension que plusieurs intervenants du PAE pré-supposaient mais qui n'avait pas fait l'objet d'une étude sérieuse auparavant. Ainsi, tout en demeurant conscients des limites de notre recherche et du nombre restreint des PA échantillonnés, on peut avancer que notre hypothèses de recherche est confirmée, à savoir que le fait de s'impliquer en tant que pairs aidants amène effectivement des retombées dans la vie des PA eux-mêmes et dans leurs relations avec différents acteurs de leur réseau familial et professionnel. Il reste toutefois quelques questions à explorer plus en profondeur.
6.3 Les questions qui demeurent à explorer
Au cours des entrevues, un élément important est ressorti dans les réponses aux questions touchant à la motivation et celles se rapportant à l'implication sociale et communautaire des individus interviewés, dans leur milieu naturel. En effet, il semble exister un rapport direct entre la qualité de l'expérience vécue en tant qu'orienteur du PAE et le niveau d'implication au sein de leur communauté. Dans le cas des deux PA interviewés qui se sont prononcés comme plus ou moins satisfaits de leur expérience de pair aidant, le répondant « R2 » s'est dit intéressé à continuer comme PA, même s’il concédait que le PAE ne lui avait pas apporté autant qu’il l’aurait souhaité. Il a également mentionné qu'il ne s'impliquait pas du tout socialement dans sa propre communauté. « R6 », l'autre personne insatisfaite, avait été complètement déçue de la formation reçue et pensait sérieusement à abandonner le programme. À noter aussi qu'elle ne s'impliquait aucunement comme bénévole dans son milieu naturel. Il serait donc intéressant d'aller explorer dans quelle proportion cette corrélation s’avérerait vérifiable chez un plus large éventail de PA du PAE.
Nous pouvons également identifier au moins deux autres projets de recherche complémentaires, qui pourraient compléter la nôtre, en supposant qu’ils pourraient contribuer à valider les résultats obtenus par notre propre étude. En effet, il serait judicieux d'entreprendre une recherche à caractère longitudinal auprès d'un nouveau groupe de PA, en les interviewant avant leur formation (pré-test), pour ensuite les rencontrer de nouveau deux ou trois ans plus tard (post-test). L'écart entre les réponses nous permettrait de vérifier avec encore plus de précision le genre de retombées que leur participation au sein du PAE auraient eu sur eux, tout en demeurant conscient que d’autres facteurs externes pourraient toujours venir influer sur leur évolution personnelle.
Un deuxième projet de recherche consisterait enfin à valider nos données obtenues auprès des PA en allant rencontrer des membres de leur réseau social (famille, amis, collègues, superviseurs) pour examiner si les retombées rapportées par les PA sont également observées par ces membres de leur réseau. Une telle recherche jetterait une lumière intéressante sur nos résultats et pourrait même les enrichir car ce sont souvent les membres de notre entourage qui constatent le mieux les changements qui se produisent chez nous, souvent à notre insu.
Tel que mentionné antérieurement, notre étude n’a fait qu’effleurer la question de l’influence des PA sur leur milieu de travail et sur la communauté où ils résident. Nous avançons l’hypothèse que cette influence existe, qu’elle est positive et, bien qu’elle se manifeste souvent à l’insu des PA eux-mêmes, elle s’exerce probablement par effet « d’irradiation » sur leur entourage, tout simplement parce qu’ils possèdent plusieurs outils leur permettant de demeurer en bonne santé mentale. Une recherche plus approfondie visant à vérifier cette hypothèse permettrait sûrement d’apporter un argument de plus en faveur de cette forme d’intervention par les pairs dans différents milieux, y compris celui du travail.
6.4 Le sens de notre recherche par rapport au travail social
La majorité de la littérature sur les PPA, traite d'études américaines avec quelques expériences au Canada anglais. Le phénomène est cependant appelé à prendre sa place au Québec car avec le désengagement social de nos gouvernements et le fameux virage ambulatoire, les conditions sont là pour favoriser l'éclosion de plusieurs initiatives du genre où la communauté est appelée à jouer un rôle de plus en plus important dans la résolution des difficultés de ses membres.
Il est de plus intéressant de noter que l'exercice du travail social en milieu de travail a cours depuis plusieurs années dans certains pays comme la France, l’Inde ou même aux États-Unis (Masi, 1998). La plupart du temps, du moins dans ces deux premiers pays, cette forme d’intervention ne s’exprime pas au moyen d'un PPA, ou même d'un PAE, mais elle est plutôt l’apanage de travailleurs sociaux, souvent appelés « Occupational Social Workers » qui interviennent dans des services plus cliniques d'aide aux employés. Il nous semble que le travail social au Québec et au Canada aurait avantage à occuper davantage le milieu de travail. Il pourrait y apporter une dimention préventive et favoriser l'utilisation de réseaux d'entraide et de soutien mutuel tels que ceux que suggèrent les PPA.
Il est important de relever que l’utilisation de PA en milieu de travail semble vouloir acquérir de plus en plus ses lettres de noblesse. Ainsi, le ministère de la Justice fédérale coordonne depuis plus de deux ans déjà, un programme de médiation par les pairs dans différents ministères participants. Les médiateurs « bénévoles » reçoivent alors une formation de deux semaines à Rigaud (Qué.) où ils apprennent les politiques fédérales en matière de harcèlement au travail, les différentes notions d’intervention rattachées à la médiation et ils pratiquent des mises en situation à travers des jeux de rôles appropriés. Les nouveaux pairs-médiateurs sont ensuite jumelés à des médiateurs plus chevronnés jusqu’à ce qu’ils aient atteint un certain niveau d’expérience eux-mêmes (minimum de trois co-médiations) pour être appelés à intervenir de façon autonome lors d’une médiation (Whissell, 1997).
Un autre exemple où des pairs aidants peuvent intervenir est celui de la Chambre des Communes où certains employés reçoivent une formation de cinq jours comme agents de changement et sont appelés à faciliter l’intégration des nouveaux changements dans l’organisation, auprès de leurs pairs (Giroux, 1998).
Enfin, une autre forme d’aide par les pairs en milieu de travail existe
également au sein de la police des parcs nationaux américains
où les PA sont appelés à intervenir dans le processus
de débreffage, après un événement pouvant causer
un choc post traumatique (Oberg, 1998).
Il est rafraîchissant de constater que ces organisations ont
le souci d’apporter une approche plus « sociale » aux difficultés
qui peuvent se présenter dans leur milieu, en favorisant la mise
en place d’outils permettant aux employés de se prendre en main
eux-mêmes. Le travail social a sa place au sein de ce virage
mais certains ajustements « philosophiques » pourraient être
nécessaires. En fait, la profession a acquis à travers
l'histoire, la réputation d’être plus présente dans
des contextes dominant-dominé, en percevant beaucoup plus son rôle
de défenseur des valeurs syndicales et des classes plus défavorisées,
que celui de se retrouver dans des services de relation d'aide aux employés
de ministères ou d’entreprises d’envergure. La profession
au Québec doit aussi reconnaître que le milieu de travail
est un endroit privilégié pour intervenir efficacement et
favoriser le développement social des individus, car les employés
possèdent déjà plusieurs acquis leur permettant de
se prendre en main et de participer à l’amélioration de leur
propre qualité de vie. Ce développement ne peut se
faire sans un franc partenariat entre la gestion et les employés.
Même si le filet social et de santé semble toujours solide au Canada, de plus en plus d’organisations tendent à suivre l’exemple des entreprises américaines qui se tournent vers le « Managed Health Care » pour s’assurer que leurs employés retournent le plus promptement possible à un niveau de production acceptable après un accident, une période de maladie ou une difficulté émotionnelle déstabilisante. Loin de nous l’idée de faire l’apologie du système social américain qui a plus de problèmes que le nôtre, mais il faut tout de même convenir qu’un suivi plus personnalisé peut aussi comprendre des avantages pour l’employé vivant des difficultés personnelles, afin qu’il sente que son milieu de travail s’intéresse à sa situation. Il serait par ailleurs avantageux pour les entreprises qui adoptent une telle approche, de confier la gestion de ces « cas » à des travailleurs sociaux qui ont la formation pour s’assurer que les différents acteurs de l’entourage de l’employé sont mis à contribution, à savoir sa famille, ses collègues de travail, son médecin personnel, son conseiller spirituel, etc.
Cette approche, en plus de favoriser la prise en charge de sa propre qualité de vie, fait appel aux forces du milieu pour arriver à ses fins. De la même façon, un PPA bien accepté par le milieu de travail devient donc un outil intéressant à la portée du travailleur social.
6.5 Des recommandations possibles
Des constats tirés de notre recherche nous incitent à formuler quelques recommandations :
Les retombées positives sur l’état de santé mentale des PA et l’effet d’irradiation que ces derniers exercent sur leur milieu de travail, familial et communautaire doivent être pris en compte lors de l'évaluation d’un tel programme.
Il est important que les dirigeants du PAE du MDN apportent une attention particulière au contenu et à la qualité de l'animation, y compris le choix des instructeurs des cours, qu’ils offrent.
Ils devraient également mettre en place des initiatives à l'échelle nationale (cours avancé, forum national, symposiums), pour s’assurer qu’une formation continue est offerte à tous les PA afin de préserver leur motivation et de s'assurer que leurs qualifications sont tenues à jour.
Le MDN devrait institutionnaliser le suivi et le soutien des PA par un professionnel connaissant bien la culture organisationnelle, afin que les orienteurs puissent compter sur une ressource expérimentée qui leur accorderait une supervision professionnelle et même faire office de « mentor » afin de leur offrir l'occasion de pouvoir « décompresser » après avoir rencontré un « client » dans une situation difficile.
Nous avons choisi d'aborder cette étude sous un angle qui a été très peu exploré jusqu'à présent en milieu de travail : celui des effets sur les pairs aidants de leur participation au sein d'un PAE, dans la perception de ces pairs aidants et dans celle des principaux acteurs de leur réseau social primaire. L'objectif de cette recherche était d'aller vérifier auprès de ces pairs aidants si le fait de s'impliquer en tant que PA amenait des retombées significatives dans les diverses sphères de la vie de ces individus, quant à leurs relations avec différents acteurs de leur réseau familial et professionnel et d'identifier la nature de ces retombées.
Nous croyons que les résultats obtenus sont intéressants et démontrent que cet aspect méritait d'être étudié afin de mieux comprendre la portée des programmes d'aide utilisant des pairs aidants en milieu de travail. Cette forme d’intervention favorisant le développement et l’utilisation de réseaux sociaux dans ce milieu, est intéressante, non seulement pour son aspect préventif auprès des personnes à risque, mais également pour sa contribution à renforcer chez les aidants certains facteurs de robustesse appréciables. Les PPA représentent donc une alternative viable qui pourrait être adoptée à plus grande échelle. D’ailleurs, De Rosenroll (1990, p. 30) l’exprime bien par ce qui suit :
Peer helpers are to some an inexpensive cosmetic solution. However, to others, they represent giving more power back to individuals so that they can realize greater independence in their own growth. To these advocates, peer helping represents a preventive intervention rather than a crisis intervention.Nous osons donc espérer que ce champ de recherche saura trouver un accueil favorable et nous rejoignons enfin une observation d'Ashenberg-Straussner (1990, p. 9) qui explique que :
What makes occupational social work counselling different from social work in other settings is the occupational social worker's need for systemic understanding of the world of work, their knowledge of the differential roles of management and labor, and the impact of the workplace on the functioning of the individual worker.
Objectif de la réunion
Produire deux listes des effets les plus importants sur les orienteurs, résultant de cette tâche secondaire (carrière et personnel/famille)
23/10/97
Introduction
Remarques d'introduction - D. Lavoie
Inscription des participants
Effets sur les orienteurs du PAE
Inscrire les opinions sur le genre d'impact résultant
du fait d'être orienteur sur la carrière et la vie personnelle.
Discussion
Discussion et clarification des opinions. Regroupement
de celles qui sont similaires.
Pause
Pause santé - Distributrices dans le corridor
Le vote
Sélection des effets jugés les plus importants,
chez les orienteurs
Classement des items
Évaluation de la réunion
Fin de la réunion
Veuillez dresser la liste des effets positifs ou négatifs, que la formation et l'implication en tant qu'orienteur au PAE peut avoir sur : | (N=9) | ||||||||||||||||||
1. | La vie professionnelle, c'est-à-dire à l'intérieur du milieu de travail principal | ||||||||||||||||||
Score de 1 à 10 :
|
0 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | Total | Mean | Rank | High | Low | STD | n | |
1.1 | Le développement de meilleures habiletés de communication et d'écoute | 0 | 1 | 1 | 2 | 1 | 3 | 1 | 63 | 7,00 | 1 | 10 | 1 | 0,95 | 9 | ||||
1,2 | Sensibilité accrue (y porter plus d'attention) et développement d'une meilleure compréhension des besoins et des émotions des gens (les facteurs humains). Plus d'empathie | 0 | 2 | 1 | 2 | 3 | 1 | 63 | 7,00 | 1 | 10 | 3 | 1,04 | 9 | |||||
1,3 | Sentiment général de satisfaction suite à l'aide apportée aux autres | 3 | 2 | 4 | 44 | 4,89 | 2 | 10 | 0 | 1 | 6 | ||||||||
1,4 | Représente un changement positif dans la routine du travail régulier. L'augmentation du sentiment d'être plus utile est stimulant | 2 | 1 | 1 | 2 | 1 | 1 | 1 | 37 | 4,11 | 3 | 10 | 0 | 0,48 | 7 | ||||
1,5 | Les collègues et la gestion font preuve de plus de respect | 2 | 1 | 2 | 1 | 2 | 1 | 32 | 3,56 | 4 | 10 | 0 | 0,54 | 7 | |||||
1,6 | Meilleure estime et confiance en soi (être voulu et apprécié). Opinions valorisées. | 2 | 2 | 1 | 2 | 1 | 1 | 32 | 3,56 | 4 | 9 | 0 | 0,54 | 7 | |||||
1,7 | L'élargissement des connaissances a amélioré le potentiel pour de l'avancement ou d'autres opportunités de carrière | 4 | 1 | 1 | 1 | 2 | 31 | 3,44 | 5 | 8 | 0 | 1,30 | 5 | ||||||
1,8 | Impact sur l'évaluation de rendement et la perception par le superviseur | 2 | 1 | 2 | 1 | 1 | 1 | 1 | 31 | 3,44 | 5 | 8 | 0 | 1,30 | 7 | ||||
1,9 | Augmentation des opportunités de réseautage pour des questions reliées ou non au PAE | 4 | 1 | 1 | 2 | 1 | 30 | 3,33 | 6 | 8 | 0 | 1,30 | 5 | ||||||
1,10 | Impact sur la perception des collègues | 3 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 27 | 3,00 | 7 | 7 | 0 | 0,75 | 6 | ||||
1,11 | Meilleure connaissance des directives et des processus touchant les questions de gestion du personnel au travail | 5 | 1 | 1 | 1 | 1 | 25 | 2,78 | 8 | 10 | 0 | 1,78 | 4 | ||||||
1,12 | Satisfaction générale d'avoir eu l'opportunité de suivre la formation (augmentation des connaissances). Aimerait en apprendre plus. | 4 | 2 | 1 | 1 | 1 | 18 | 2,00 | 9 | 7 | 0 | 1,30 | 5 | ||||||
1,13 | Augmentation de l'habileté à faire face à la vie de tous les jours | 5 | 1 | 1 | 1 | 1 | 16 | 1,78 | 10 | 7 | 0 | 1,78 | 4 | ||||||
1,14 | Conflit avec l'horaire de travai | 6 | 1 | 1 | 1 | 14 | 1,56 | 11 | 8 | 0 | 2,5 | 3 | |||||||
1,15 | Plus de patience et d'habileté à composer avec des individus difficiles | 7 | 1 | 1 | 13 | 1,44 | 12 | 7 | 0 | 3,46 | 2 | ||||||||
1,16 | Le fait de s'inquiéter pour des clients (leur bien-être en général ou si le bon aiguillage a été fait) augmente le niveau général de stress pour soi-même | 6 | 2 | 1 | 13 | 1,44 | 12 | 9 | 0 | 2,64 | 3 | ||||||||
1,17 | Maintenant plus impliqué dans les processus de résolution de problèmes au travail | 8 | 1 | 5 | 0,56 | 13 | 3 | 0 | 4,94 | 1 | |||||||||
2 | La vie personnelle et familiale | 0 | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10 | Total | Mean | Rank | High | Low | STD | n |
2,1 | Meilleure connaissance/appréciation des ressources communautaires pour soi ou pour sa famille | 1 | 1 | 2 | 2 | 1 | 1 | 1 | 51 | 5,67 | 1 | 10 | 0 | 0,45 | 8 | ||||
2,2 | Source de croissance personnelle et émotionnelle, repositionnement de ses propres valeurs | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | 2 | 50 | 5,56 | 2 | 9 | 0 | 0,45 | 8 | ||||
2,3 | Développement de plus de compassion et de compréhension | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 2 | 1 | 1 | 50 | 5,56 | 2 | 10 | 0 | 0,33 | 8 | |||
2,4 | Meilleures habiletés pour composer avec les problèmes familiaux; peut leur venir en aide s'ils sont dans le besoin | 2 | 2 | 1 | 2 | 1 | 1 | 48 | 5,33 | 3 | 10 | 0 | 0,5 | 7 | |||||
2,5 | Capacité de ne pas juger et d'être plus compréhensif dans les situations dont on doit s'occuper | 3 | 1 | 2 | 1 | 1 | 1 | 42 | 4,67 | 4 | 10 | 0 | 0,76 | 6 | |||||
2,6 | Meilleures habiletés d'adaptation face à ses propres problèmes; plus à l'écoute afin de prendre soin de soi | 3 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 1 | 32 | 3,56 | 5 | 10 | 0 | 0,69 | 6 | ||||
2,7 | C'est une grande joie d'aider les autres et de recevoir les remerciements de quelqu'un qu'on a aidé | 3 | 2 | 1 | 2 | 1 | 30 | 3,33 | 6 | 10 | 0 | 0,74 | 6 | ||||||
2,8 | Meilleure estime de soi, sentiment de valorisation | 2 | 2 | 3 | 1 | 1 | 27 | 3,00 | 7 | 10 | 0 | 0,74 | 7 | ||||||
2,9 | L'implication au sein de ce programme engendre plus de fierté de la part des membres de la famille | 5 | 1 | 1 | 2 | 26 | 2,89 | 8 | 10 | 0 | 1,63 | 5 | |||||||
2,10 | Développement de nouvelles amitiés grâce à l'interaction avec d'autres gens partageant des intérêts similaires | 4 | 1 | 1 | 2 | 1 | 23 | 2,56 | 9 | 9 | 0 | 1,16 | 5 | ||||||
2,11 | Amélioration générale des habiletés de communication | 5 | 1 | 1 | 1 | 1 | 23 | 2,56 | 9 | 9 | 0 | 1,6 | 4 | ||||||
2,12 | Honoré d'avoir reçu cette formation. Satisfaction face à l'amélioration des connaissance | 5 | 1 | 1 | 1 | 1 | 20 | 2,22 | 10 | 8 | 0 | 1,6 | 4 | ||||||
2,13 | Appris à prendre une journée à la fois, à s'occuper des problèmes comme ils se présentent, à vivre et laisser vivr | 7 | 1 | 1 | 14 | 1,56 | 11 | 8 | 0 | 2,82 | 2 | ||||||||
2,14 | Évite plus facilement d'être manipulé par l'époux(se) ou les enfants, amélioration des habiletés de négociation. Sensibilisé à mettre en oeuvre un plan et à en laisser la responsabilité à l'époux(se) et aux enfants | 6 | 1 | 1 | 1 | 13 | 1,44 | 12 | 7 | 0 | 2,16 | 3 | |||||||
2,15 | Prend maintenant plus de temps pour écouter époux(se) et enfants | 7 | 1 | 1 | 12 | 1,33 | 13 | 9 | 0 | 2,82 | 2 | ||||||||
2,16 | Augmentation du niveau de stress; empiète sur le temp personnel/libr | 7 | 2 | 10 | 1,11 | 14 | 5 | 0 | 2,5 | 2 | |||||||||
2,17 | Plus d'implication dans la communauté | 8 | 1 | 7 | 0,78 | 15 | 7 | 0 | 3,5 | 1 | |||||||||
2,18 | Meilleure compréhension de l'importance du réseautage | 7 | 1 | 1 | 4 | 0,44 | 16 | 3 | 0 | 2,82 | 2 | ||||||||
2,19 | Apprentissage de leçons/habiletés de vie à travers les clients | 8 | 1 | 4 | 0,44 | 16 | 4 | 0 | 3,5 | 1 | |||||||||
2,20 | Meilleure appréciation/reconnaissance de l'importance de la famille et des amis | 7 | 1 | 1 | 3 | 0,33 | 17 | 2 | 0 | 2,82 | 2 | ||||||||
2,21 | M'a aidé à faire d'importants changements dans ma vi | 8 | 1 | 3 | 0,33 | 17 | 3 | 0 | 3,5 | 1 | |||||||||
2,22 | Diminution du sentiment de frustation | 8 | 1 | 2 | 0,22 | 18 | 2 | 0 | 3,5 | 1 |
Présentation de la promesse de confidentialité
Annoncer mes couleurs
Questions | Éléments recherchés | |
Au niveau de ton vécu comme orienteur, au début qu’est-ce qui t’a amené à t’impliquer comme pair aidant ? | motivation initiale, circonstances
même emploi que maintenant ? changement de motivation ? |
|
Qu’est-ce qui fait que tu as continué ? | développement d’habiletés | écoute, communication, intervention dans sa famille, ses propres problèmes, comprendre les gens/empathie, patience |
Que penses-tu que ta formation ou ton expérience comme orienteur t’a apporté ? | perception/attitude des autres (pos et nég) | collègues, patrons, époux(se), enfant(s), parenté |
attitude envers soi-même | changement personnel, estime/confiance en soi , aime aider les autres (merci) | |
Crois-tu que tu serais sensiblement la même personne aujourd’hui sans ton vécu au PAE ? | connaissances | ressources communautaires, formation, organisationnelles |
Pourquoi ? | carrière/plan professionnel | avancement, par superviseur, 2e carrière |
(Choses positives et choses négatives.
Plan personnel et professionnel) |
relations avec les proches | nouveaux amis / réseau, rôle d’époux(se), rôle de parent |
stress (effet nég.) | conflit d’horaire, conflit de priorités, auto-pression, difficulté à se détacher du rôle PA | |
implication communautaire | autre bénévolat, action sociale | |
Autres anecdotes ou exemples précis à ajouter? | faits vécus |
Par la présente, j'aimerais tout d'abord vous assurer qu'en tant que participant à cette entrevue, toutes réponses et commentaires recueillis dans le cadre de cette recherche seront traités dans la plus complète confidentialité.
J'aimerais aussi ajouter que tous les pairs aidants interrogés seront appelés à donner préalablement leur accord formel et par écrit, s'il s'avérait souhaitable que toute personne de leur réseau social soit contactée pour une entrevue subséquente.
Je vous remercie donc à l'avance de bien vouloir participer à
cette recherche.
______________________ __________
Doris Lavoie
date
responsable de cette recherche
Je sous-signé accepte que cette entrevue soit enregistrée
sachant que les résultats seront traités de façon
anonyme et qu'ils seront utilisés pour des fins de recherche seulement.
______________________ __________
date