La santé mentale en milieu de travail

par Doris Lavoie, avril 1997

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

Trois questions portant sur la santé mentale en milieu de travail

CONCLUSION

APPENDICE A - Modèle expliquant les différences de personnalité vs les caractéristiques d'emploi

LISTE DES RÉFÉRENCES

INTRODUCTION

J'ai choisi de me pencher sur la santé mentale en milieu de travail car j'ai voulu ainsi poser certaines bases théoriques afin d'être en mesure d'entreprendre éventuellement, un travail de recherche me permettant d'examiner la pertinence d'un modèle de programme d'aide aux employés (PAE) basé sur le concept de pairs aidants. De ce fait, la littérature que j'ai consultée m'a permis de relever divers éléments qui présentent pour moi un intérêt certain en ce qui concerne ce champ de préoccupation. D'ailleurs, en milieu de travail, le rôle du travailleur social revêt des aspects assez peu explorés jusqu'ici :

Dans le cadre de ce séminaire, et pour adresser plus particulièrement cette thématique, M. Robert Flynn, professeur au département de psychologie de l'Université d'Ottawa avait été invité. Il s'est avéré que les propos de ce dernier ont beaucoup plus porté sur l'influence de l'environnement de travail sur les individus que sur les questions de recherche que je lui avais présentées au préalable et qui comportaient, principalement, une nette préoccupation pour le concept de PAE basé sur l'utilisation de pairs aidants. Certains éléments de son allocution ont tout de même servi à alimenter ma réflexion bien que j'ai surtout eu à répondre aux trois questions posées en me basant principalement sur les résultats de mes recherches bibliographiques.

Trois questions portant sur la santé mentale en milieu de travail

1.1 Première question : Politique de Santé Mentale

Au sein d'une entreprise de plus de 200 employés, quels sont les principaux acteurs pouvant jouer un rôle au niveau de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'une politique de santé mentale dans ce milieu de travail, et quelle est la nature de ce rôle?

1.2 Réponse à la première question

M. Flynn n'a pas vraiment répondu à cette question. Par contre, la littérature que j'ai consultée m'a permis de relever divers éléments qui devraient être impliqués au niveau de la santé mentale en milieu de travail. L'élaboration d'une telle politique doit donc impliquer plusieurs acteurs :

1.2.1 Les ressources humaines

1.2.2 Le service de santé 1.2.3 La gestion 1.2.4 Les syndicats 1.2.5 Le PAE 2.1 Deuxième question : Situations problématiques

Pouvez-vous dresser un tableau des principales réactions psychophysiologiques (tel fatigue, anxiété, stress, etc.) et comportementales (absentéisme, sautes d'humeur, discorde, etc.) qu'on retrouve en milieu de travail, tout en suggérant des façons de les prévenir/contrer ?

2.2 Réponse à la deuxième question

Suite à la présentation de M. Flynn, j'ai décidé de poser cette question différemment et d'adapter sa portée à son exposé sur l'influence de l'environnement sur les individus que j'ai trouvé très intéressant. À cet effet, j'ai donc cru bon de relever les grandes lignes du modèle environnementaliste de Warr (1987) tel qu'expliqué par M. Flynn.

2.2.1 Le modèle de vitamines de Warr

Peter Warr est un psychologue britannique qui a conceptualisé son modèle en examinant neuf (9) facteurs environnementaux qu'il a appelés «vitamines» et leur impact sur la santé mentale des individus en situation d'emploi ou de chômage (Flynn, 1994, p. 50). Les grandes lignes de ce modèle sont les suivantes :

Il est à noter que le modèle de Warr ne nie pas qu'il existe des facteurs individuels ou personnels pouvant influencer l'état de santé mentale des individus. Il met cependant en lumière l'influence possible de la qualité de l'environnement chez ceux-ci. De plus, comme dans le cas de "vitamines", il met également les individus en garde contre les dangers possibles à sombrer dans l'abus pour aucune des neuf catégories (ex : aucun défi ou aucune variété est intolérable, mais trop peut mener rapidement au surmenage et à dégradation de la santé mentale).

2.2.2 La recherche bibliographique

Comme Beaudoin (1987, p. 16) le précise, «on parlera de problème social s'il y a prévision collective que la dégradation d'une situation va se poursuivre selon le processus enclenché et produire des conséquences inacceptables ou de moins en moins acceptables». En milieu de travail on retrouve trois sortes de situation problématique :

Nous avons déjà traité de la première situation à travers les modèles de Warr et de Holland. De plus, les PAE, sans délaisser complètement la première, sont surtout en place afin de répondre aux deux autres situations. On peut également affirmer qu'ils s'appliquent tout particulièrement à apporter un soutien en ce qui concerne les difficultés d'ordre psychosocial qui tirent leur origine d'un milieu autre que celui du travail et qui affectent la santé mentale des employés.

Cameron (1990) explique qu'on peut identifier quatre formes de soutien apporté par le réseau social : le soutien concret (aide matérielle ou instrumentale), le soutien éducationnel (amélioration des habiletés et des connaissances), le soutien émotionnel (encouragement, écoute, etc.) et le soutien axé sur l'intégration sociale (contacts, appartenance, etc.). L'intervention via l'implantation d'un programme de pairs aidants visera donc à agir à chacun de ces quatre niveaux.

3.1 Troisième question : PAE par pairs aidants

Les programmes d'aide aux employés (PAE) peuvent prendre diverses formes. Pouvez-vous commenter la pertinence d'un modèle de PAE basé sur le concept de pairs aidants et les impacts d'un tel programme dans un milieu de travail ?

3.2 Réponse à la troisième question

3.2.1 Les formes de PAE

De façon générale, il est important de préciser qu'il existe trois formes principales de services de PAE :

La forme d'intervention qui me préoccupe de plus près est celle basée sur le concept de pairs aidants. Il s'agit donc par ce moyen de chercher à influencer les processus de création et de maintien des réseaux. À ce titre, le modèle interne-externe s'y prête le mieux. Il faut cependant noter que les intervenants à l'interne, oeuvrant au sein du programme, ne sont pas des professionnels mais des aidants naturels formés et appelés «orienteurs» ou «délégués sociaux». Ce ne sont ni des «conseillers» ni des «thérapeutes», mais ils fournissent aux autres employés des services d'écoute et d'aiguillage vers les ressources de la communauté. En fait, «On trouve dans la plupart des milieux de travail, des gens identifiés comme des «aidants naturels», ce sont les gens vers lesquels les ouvriers se tournent automatiquement quand il y a des problèmes.» (Domnick-Pierre, 1985, p. 173)

3.2.2 Les avantages de ce modèle

Tourigny et al (1989) soulignent plusieurs avantages des programmes de pairs aidants : moindre coût, amélioration des réseaux de soutien et d'entraide, possibilité d'élargir les services offerts en rejoignant plus de clientèle, une grande disponibilité, une meilleure connaissance du milieu et du contexte social et culturel de l'organisation, l'aspect préventif du développement social des aidants et des aidés, etc.

Froland et al. (1981) quant à eux identifient trois raisons principales pouvant favoriser l'implantation de programmes de pairs aidants en milieu de travail :

Ayotte et Roy (1986, p. 13) abondent d'ailleurs dans le même sens : La plupart des syndicats, dont la FTQ, voient également d'un très bon oeil ce concept de programme en milieu de travail : 3.2.3 L'impact d'un tel programme

L'impact d'un tel PAE dans un milieu de travail donné est multiple. On peut identifier au moins 4 éléments qui seront influencés par un tel programme :

3.2.3.1 les pairs aidants

La plupart des études passées, en milieu de travail, ne se sont penchées que sur les bénéfices pour les aidés. Elles ont complètement ignoré les retombées pour les «orienteurs», c'est-à-dire les gens formés pour opérer le PAE. L'impact sur les pairs aidants a surtout été examiné pour les programmes de jeunes (dans les écoles par exemple). Plusieurs études traitent ainsi de ce sujet (Poulin et Vigneault, 1986; Ayotte et Roy, 1986; Besecker et Aug, 1985; Edge, 1984; Delworth et coll., 1974; Evoy, 1983; McWilliams, 1979). Une recherche plus approfondie sur l'intervention en milieu de travail pourrait alors examiner s'il est possible de tracer des liens entre l'essentiel des conclusions de ces études et le vécu des pairs aidants dans un contexte de PAE.

3.2.3.2 les aidés

L'importance pour les employés d'avoir accès à des services de PAE de qualité n'est plus à démontrer. Dresser la liste des impacts sur la clientèle serait ici trop exhaustif. Le sondage du Rockhurst Consulting Group Inc (1993), qui a examiné le PAE du MDN a cependant permis de tirer des conclusions intéressantes quant à la portée de l'aide fournie :

Il est également souhaitable pour tous les PAE de s'inscrire à l'intérieur d'une politique réelle de santé globale, au sein des entreprises. Un tableau des résultats partiels de l'étude de Rockhurst Consulting Group Inc (1993) pour le compte du MDN, qui a mesuré auprès de 1512 employés quelles avaient été leurs sources de préoccupation et d'inquiétude au cours des cinq dernières années. Il est intéressant de constater que les situations directement reliées au travail (conflit avec le surveillant ou un collègue, satisfaction professionnelle et sécurité d'emploi) viennent au premier rang parmi la population en général qui n'a pas nécessairement fait appel au PAE par le passé. Par contre, quand on regarde plus spécifiquement les «aidés» par le PAE (103 répondants), à part les conflits avec le surveillant qui sont aussi très présents, les problèmes de nature plus «personnelle» se démarquent facilement (problème émotionnel ou social, problème conjugal, difficultés avec les enfants).

3.2.3.3 le professionnel

Devant les cas plus lourds, la question de suppléer au manque de compétence des orienteurs bénévoles par un service d'appoint professionnel se pose alors. MacMillan Bloedel Ltd (1994) a d'ailleurs développé le modèle EFAP (Employee and Family Assistance Program), qui utilise une combinaison d'aidants naturels et de professionnels.

Comme discuté plus tôt, les orienteurs reçoivent une formation sommaire et deviennent la porte d'entrée vers le PAE pour les employés. Cette formation, souvent prodiguée par le professionnel sur place, permet d'outiller les orienteurs ainsi formés aux éléments de base de l'intervention sociale par la relation d'aide. Le coordonnateur du PAE demeure cependant disponible comme ressource «mentor» afin de servir de guide et d'apporter du leadership et un accompagnement plus étroit.

3.2.3.4 l'organisation

Plusieurs études intéressantes, examinant l'impact sur les organisations, en ce qui concerne le rapport coûts/bénéfices, les changements organisationnels ou de conditions de travail, sont disponibles (Blum et Roman, 1995; Bureau of National Affairs, 1987; Amaral, 1988; Morin, 1996). Il apparaît certain que l'intervention sociale en milieu de travail rapporte des bénéfices évidents pour les entreprises. Navran Associates (1996) ont également mené une étude importante auprès de plusieurs compagnies ayant fait la liste du «Fortunes 500». Ils ont d'ailleurs conclu que :

CONCLUSION

Il est difficile de dresser un parallèle entre l'exposé de M. Flynn et le résultat de mes recherches bibliographiques portant spécifiquement sur les trois questions posées dans le cadre de ce séminaire. Je peux cependant constater que les grandes lignes de son allocution ont bien alimenté la base de mes recherches, en proposant des champs d'étude spécifiques tel l'influence de l'environnement propre au travail (modèle de Warr) et les traits de personnalités et d'emploi (modèle de Holland), que j'avais peu considérés jusqu'à date.

Il demeure cependant ardu, suite à un exercice aussi préliminaire, de juger pleinement de la pertinence sociale de l'intervention en milieu de travail au moyen d'un modèle de programme d'aide aux employés basé sur la formation et l'utilisation de pairs aidants. J'espère cependant avoir réussi à démontrer que cette question est très pertinente en ce qui concerne la pratique sociale dans ce domaine. Le phénomène des PAE est encore jeune mais est appelé à prendre une importante expansion. À cet effet, je désire d'ailleurs poursuivre mes recherches dans ce domaine, à l'intérieur de ma démarche de mémoire. Je suis particulièrement intéressé à examiner de plus près l'impact que leur engagement au sein du PAE a sur les pairs aidants. À prime abord, il semble que beaucoup reste à faire dans ce domaine car plusieurs pistes intéressantes sont à explorer.

APPENDICE A - Modèle expliquant les différences de personnalité vs les caractéristiques d'emploi

Notes de cours suite a l'exposé de M. Robert Flynn, Hull, 3 avril 1997

Dans ce modèle, les traits de personnalité (P), ou d'emploi (E) suivants sont représentés :
 
R Réaliste Se retrouve surtout chez des métiers solitaires, très terre à terre où les tâches sont souvent de nature impersonnelle (conducteur d'équipement lourd, opérateur)
I Investigateur Capable de travailler avec le domaine des idées, des théories (sociologue, médecin, chercheur 
A Artiste Capable de travailler avec des notions abstraites, de créer (peintre, avocat, musicien)
S Social Préférant travailler avec les gens, approche plus humaniste (travailleur social, psychologue, enseignant)
E Entreprenant Comporte surtout des gens d'affaire (entrepreneurs, vendeurs)
C Conventionnel Comporte surtout des individus confortables avec les choses fixes et stables (comptable, banquier)
Ainsi, par exemple, un individu ayant des traits de personnalité associés à un type S, serait malheureux dans un emploi demandant des qualifications ou des affinités d'un type R. De la même façon, un Conventionnel ne pourrait vraiment être Artiste.

LISTE DES RÉFÉRENCES

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