Santé
mentale en milieu de travail, par Doris Lavoie (1997)
Q1) Au sein d’une entreprise de plus de 200 employés, quels
sont les principaux acteurs pouvant jouer un rôle au niveau de l’élaboration
et de la mise en oeuvre d’une politique de santé mentale dans ce
milieu de travail, et quelle est la nature de ce rôle ?
R1) L’élaboration d’une telle politique doit impliquer plusieurs
acteurs :
Les ressources humaines
-
PAE relève souvent de ce service ;
-
Responsable de services parallèles tels : pré-retraite, orientation
de carrière, formation, relations de travail, etc. ;
-
Peuvent avoir un problème d’image car les employés les perçoivent
souvent comme des "conseillers" de la gestion;
-
Beaucoup d’influence dans les processus de dotation, de réaffectation
et de rationalisation de postes.
Le service de santé
-
PAE relève souvent de ce service ;
-
Peuvent aussi avoir un problème d’image car les employés
les perçoivent souvent comme des "outils" de la gestion;
-
Détiennent une expertise certaine dans ce domaine.
La gestion
-
Pouvoir sur le travailleur ;
-
Décide des postes qui restent ou qui sont éliminés
;
-
A intérêt à ce que les travailleurs soient en bonne
santé (physique et mentale) afin de mieux produire ;
-
Décide de la nature et des fonctions pour chaque poste ;
-
Représente un des pôles de négociation.
Les syndicats
-
Représentent l’autre pôle de négociation ;
-
Le but premier des syndicats est d’aider les travailleurs (Dickman &
Emener, 1988, p.122). Ils sont donc soucieux de la bonne santé (physique
et mentale) des travailleurs.
Le PAE
-
Rôle de l’intervenant en milieu de travail se doit d’être plus
que seulement de l’intervention clinique : médiation, "debriefing",
conseil au superviseur, formation, promotion/prévention (Cunningham,
1994, p. 170-171) ;
-
Acteur clef qui doit être impliqué dès les débuts
car une bonne politique de santé mentale peut s’avérer un
outil d’intervention très utile (Idem, p. 185-187).
Q2) Pouvez-vous dresser un tableau des principales réactions
psychophysiologiques (tel fatigue, anxiété, stress, etc.)
et comportementales (absentéisme, sautes d’humeur, discorde, etc.)
qu’on retrouve en milieu de travail, tout en suggérant des façons
de les prévenir/contrer ?
R2) En milieu de travail on retrouve trois sortes de situation problématique
:
-
celle causée par des problèmes reliés à la
nature même du travail ou à son environnement ;
-
celle amenée par les difficultés de santé physique
de certains employés et qui ont des répercussions sur le
rendement au travail ;
-
celle amenée par les difficultés d’ordre personnel ou
de comportement que vivent les employés en difficulté
et qui ont des répercussions sur le rendement au travail.
Pour la première (l’environnement de travail), le modèle
de vitamines de Warr donne des pistes intéressantes. (voir autre
acétate)
Cependant, le PAE, sans délaisser complètement la première,
est surtout en place afin de répondre aux deux autres, tout particulièrement
les difficultés d’ordre psychosocial qui tirent leur origine
d’un milieu autre que celui du travail et qui affectent la santé
mentale des employés.
Cameron (1990) explique qu’on peut identifier quatre formes de soutien
apporté par le réseau social :
-
le soutien concret (aide matérielle ou instrumentale)
-
le soutien éducationnel (amélioration des habiletés
et des connaissances)
-
le soutien émotionnel (encouragement, écoute, etc.)
et
-
soutien axé sur l’intégration sociale (contacts, appartenance,
etc.).
C’est là que l’intervention via l’implantation d’un programme de
pairs aidants visera à agir à chacun de ces quatre niveaux.
Q3) Les programmes d’aide aux employés (PAE) peuvent prendre
diverses formes. Pouvez-vous commenter la pertinence d’un modèle
de PAE basé sur le concept de pairs aidants et les impacts d’un
tel programme dans un milieu de travail ?
R3) De façon générale, il existe trois formes principales
de services de PAE :
Externe-externe :
-
Services d’accueil fournis par des professionnels étrangers à
l’organisation (contrat à travers une firme spécialisée).
Le premier contact peut être offert sous la forme d’entrevue téléphonique
ou en personne ;
-
"traitement" prodigué par des ressources externes.
Interne-externe :
-
Services d’accueil fournis par des individus (professionnels ou pairs aidants
ou une combinaison des deux) embauchés par l’organisation ;
-
"traitement" prodigué par des ressources externes.
Interne-interne :
-
Services d’accueil fournis par des professionnels embauchés par
l’organisation ;
-
Ces derniers prodiguent également le "traitement" à l’interne.
Par le concept de pairs aidants, on cherche à influencer
les processus de création et de maintien des réseaux. À
ce titre, le modèle interne-externe s’y prête le mieux.
Les intervenants à l’interne :
-
ne sont pas des professionnels mais des aidants naturels formés,
appelés "orienteurs" ;
-
Ce ne sont ni des "conseillers" ni des "thérapeutes ;
-
Fournissent aux autres employés des services d’écoute et
d’aiguillage vers les ressources de la communauté. (Domnick-Pierre,
1985, p. 173)
Tourigny et al (1989) soulignent plusieurs avantages des programmes
de pairs aidants :
-
moindre coût
-
amélioration des réseaux de soutien et d’entraide
-
possibilité d’élargir les services offerts en rejoignant
plus de clientèle
-
grande disponibilité
-
meilleure connaissance du milieu et du contexte social et culturel de l’organisation
-
aspect préventif du développement social des aidants et des
aidés, etc.
Froland et al. (1981) quant à eux identifient trois raisons principales
pouvant favoriser l’implantation de programmes de pairs aidants en milieu
de travail :
-
rationalisation des coûts (car la main-d’oeuvre non professionnelle
coûte à prime abord moins cher) ;
-
participation sociale (la présence de réseaux favorise une
participation des employés au niveau de la mise en oeuvre et de
la distribution de services au sein de l’organisation ;
-
efficacité organisationnelle (les ressources humaines de l’organisation
sont maximisées).
La plupart des syndicats, dont la FTQ, voient d’un très bon oeil
ce concept de programme en milieu de travail : "L’objectif du programme
[de délégué(e) social(e)] vise à développer
des réseaux d’entraide dans les milieux de travail. (Sylvestre et
Caron, 1987, p.10-11)
L’impact d’un tel PAE dans un milieu de travail donné est multiple.
On peut identifier au moins 4 éléments qui seront
influencés par un tel programme :
les pairs aidants
-
Peu d’études sur l’impact sur les aidants en milieu de travail (études
passées = aidés)
-
Plusieurs études pour les programmes de jeunes (écoles).
(Poulin et Vigneault, 1986; Ayotte et Roy, 1986; Besecker et Aug, 1985;
Edge, 1984; Delworth et coll., 1974; Evoy, 1983; McWilliams, 1979).
les aidés
-
L’importance d’un PAE de qualité n’est plus à démontrer.
le professionnel
-
Devant les cas plus lourds, suppléer au manque de compétence
des orienteurs bénévoles
-
MacMillan Bloedel Ltd (1994)= EFAP (Employee and Family Assistance Program)
-
Orienteurs reçoivent une formation sommaire (relation d’aide)
-
Orienteurs = porte d’entrée vers le PAE pour les employés.
-
Coordonnateur du PAE = "mentor".
l’organisation
-
Études coûts/bénéfices, changements organisationnels
ou de conditions de travail (Blum et Roman, 1995; Bureau of National Affairs,
1987; Amaral, 1988; Morin, 1996)
-
Intervention sociale en milieu de travail = bénéfices évidents
pour les entreprises.