par Doris Lavoie, juillet 1996
TABLE DES MATIÈRES
Afin de bien cerner toute la problématique entourant les différentes approches d'intervention, j'ai choisi de me concentrer sur le phénomène de la violence familiale, une problématique où j'ai récemment eu à intervenir. J'ai donc voulu explorer plus à fonds les divers processus et approches d'intervention pouvant répondre à ce genre de situation car, dans le cadre de mon emploi, je ne suis souvent limité qu'à la gestion de crise et à de l'aide ponctuelle. Cet exercice m'a donc permis d'étudier ce problème social sous un angle qui ne m'était pas familier, en m'amenant à tenir une réflexion sur les différentes approches en travail social, par rapport à une problématique définie.
Afin de bien étoffer cet exercice et de bien faire le tour de la question, ce travail se divise donc en trois parties :
1 - Synthèse d'un article sur la violence conjugale
Comme précisé plus tôt, l'opuscule que j'ai étudié s'intitule : «Programme pour les hommes batteurs : une question de responsabilité». Cet article explique comment la dynamique entourant la violence familiale est directement reliée aux attitudes sexistes et patriarcales des hommes abuseurs. Il précise toutefois que les femmes violentées auront cependant plus tendance à demander du soutien si des services de traitement existent pour leur conjoint abuseur. L'auteur fait également un court survol des thérapies actuellement utilisées en intervention, en plus d'identifier les différents problèmes auxquels font face les programmes de traitement existants. Il propose enfin une approche pro-féministe pour le traitement des abuseurs, en mettant l'emphase sur la responsabilisation complète par ces derniers pour tous leurs actes.
À travers son étude, l'auteur s'empresse de situer le débat sur l'aspect idéologique transcendant le contenu et les orientations des programmes de traitement pour hommes violents. D'emblée il propose donc qu'afin que l'intervention auprès de ces derniers soit efficace, certaines conditions de base doivent être présentes. S'inspirant d'une approche historico-socio-politique globale plutôt que d'une conception pathologique, Dankwort fait référence aux travaux de plusieurs auteurs et situe la violence conjugale comme : "un problème social incrustré dans le patriarcat sexiste, en même temps qu'une responsabilité individuelle à assumer. [...] cette violence doit être perçue comme construite par la société mais choisie individuellement." (1988, p. 75) L'importance accordée au concept de responsabilisation individualisée, devient donc la pierre angulaire de toute l'intervention.
L'auteur avance donc que la plupart des thérapies actuellement utilisées par les différents programmes de traitement existants (identification et expression de sentiments, restructuration cognitive, technique du «time out», registre de la colère et exercices de relaxation) font possiblement fausse route en mettant l'emphase sur la relation entre le stress et la violence. "La violence conjugale est plus qu'une simple exagération de la réponse au stress exogène ou endogène. Ce n'est pas tous les hommes qui battent leur conjointe. Les explications psychologiques ou les déficiences cognitives ne peuvent apporter une explication suffisante à cette violence." (ibid. p. 75) De plus, il soutient que ces programmes ne s'adressent pas au coeur du problème qui réside dans le besoin intrinsèque des hommes batteurs d'exercer leur pouvoir et leur contrôle sur leur femme. L'auteur relève également que bien des fois, même s'il cesse la violence physique, le conjoint violent peut continuer à faire régner l'abus psychologique par des menaces, des sous-entendus, de l'intimidation ou de la manipulation. "La cessation de la violence nécessite un travail sur toutes les autres formes de comportement contrôlants et abusifs, y compris les abus psychologiques, émotifs, sexuels et verbaux." (ibid. p. 76)
Au terme de son argumentation, Dankwort souligne également que plusieurs compromis sont souvent imposés aux programmes de traitement existants suite aux restrictions financières en place. Ainsi, la durée écourtée du traitement, le manque de suivi, les limites dans le nombre de moniteurs, le manque de formation ou de supervision de ces derniers, le contingentement de la clientèle, la négligence de l'aspect préventif, la déresponsabilisation du geste violent en le qualifiant de pathologie, les limites dans l'accès à l'information pertinente sur les hommes batteurs et les limites dans les échanges/discussions d'équipe entre moniteurs contribuent également à étioler l'efficacité des programmes traditionnels déjà en place.
L'approche d'intervention que propose l'auteur est d'inspiration pro-féministe et reflète sensiblement le programme Emerge développé au Massachusetts. L'emphase est mise sur la responsabilisation univoque des hommes batteurs et sur l'annihilation de leurs excuses et de leurs attitudes patriarcales et sexistes. Cette idéologie sous-tend toute l'approche proposée. De ce fait, l'auteur, s'appuyant sur les recommandations de juin 1985 du «Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition pour les femmes victimes de violence», dresse alors les grands principes dont devraient s'inspirer les programmes de traitement pour hommes batteurs. Il serait exhaustif de dresser ici une liste complète de tous ces principes, je me permettrai donc de n'en relever que quelques-uns des plus importants. Tout programme de traitement devrait ainsi :
Même si l'article étudié a été écrit en 1988, encore aujourd'hui un seul programme de traitement pour hommes batteurs s'inspire essentiellement des principes énoncés plus haut. D'ailleurs, comme le souligne Denise Lemieux (1994, p. 356), "à l'exception d'un seul, les programmes d'intervention s'inspirent surtout des approches de psychologie behaviorale, des techniques de contrôle du stress ; certains programmes intègrent en outre une approche socioculturelle concernant la rigidité des rôles masculins et les dimensions de l'approche systémique portant sur les rôles féminins et masculins et les problèmes de communication dans le couple."
Par contre, on peut tout de même préciser que : "dans les études sociologiques consacrées à la violence conjugale, l'approche féministe occupe une place de choix [...] Les féministes ont constamment affirmé que la violence est un des moyens dont les hommes disposent pour opprimer les femmes et maintenir le système patriarcal." (Rondeau, 1994, p. 324)
On peut également souligner que le dossier de la violence conjugale a beaucoup progressé au Québec suite aux recommandations de la Commission Rochon qui a reconnu l'importance des problèmes reliés à la violence conjugale. Ces recommandations se sont traduites en 1992 par l'adoption d'une politique gouvernementale en matière d'intervention auprès des conjoints violents. Il y est clairement énoncé que "l'intervention auprès des conjoints violents doit viser à leur faire reconnaître et assumer leurs responsabilités face à leur violence et à réduire et éliminer les rapports de domination." (Gouv. du Québec, 1992, p. 15)
L'individu, identifié ci-après sous le nom de "Mario", m'a contacté il y a trois mois, car la Direction de la Protection de la Jeunesse lui avait enlevé le droit de voir ses enfants à cause d'un problème de violence familiale. Mario m'appelait donc car la principale condition imposée par la DPJ pour qu'il puisse revoir ses enfants était d'avoir complété un programme de réhabilitation pour hommes violents ; il voulait donc savoir ce que je pouvais faire puisque les groupes de sa région avaient trois mois d'attente avant de pouvoir accepter tout nouveau participant.
2.2 Facteurs déclenchants ou précipitants
Un peu plus d'une semaine avant de m'appeler, Mario avait eu une altercation avec un de ses enfants où des coups avaient laissé des séquelles physiques. Le lendemain la mère avait conduit son fils chez leur médecin de famille qui avait posé des questions sur la nature des blessures et qui avait ensuite jugé nécessaire de rapporter ces faits à la DPJ. Après enquête, la DPJ avait agi rapidement en conseillant à la mère de trouver un refuge temporaire chez de la parenté jusqu'à ce qu'elle puisse obtenir la garde exclusive des enfants. Mario avait donc été sommé de ne pas tenter de s'approcher d'eux ou de son épouse sous peine de poursuite légale.
Composition de la famille. Mario et Johanne sont mariés depuis 17 ans. Ensemble ils ont trois fils de 14, 12 et 8 ans. Les trois enfants fréquentent l'école publique où leurs résultats scolaires sont adéquats.
Éléments socio-économiques. Mario est co-propriétaire d'une entreprise de construction. Ingénieur de formation, ses revenus annuels avec bénéfices (carte de crédit, auto et essence fournie, etc.) atteignent (ou plutôt atteignaient) près de $125 000,00 par année. Ces temps-ci avec les difficultés entourant l'industrie de la construction, sa compagnie doit faire face à de sérieuses difficultés financières. Ses revenus ont donc été drastiquement diminués car l'entreprise est au bord de la faillite.
Johanne a toujours demeuré à la maison mais possède un diplôme d'études secondaires. Cependant, devant les difficultés financières de la compagnie de Mario, elle s'est dénichée depuis trois mois, un poste à temps partiel (20 heures), dans une garderie. La famille habite en banlieue dans une grande maison qui est cependant hypothéquée à la limite.
Santé mentale et physique. Toute la famille semble être relativement en bonne santé physique mis à part les blessures de l'aîné qui a subi des ecchymoses et des meurtrissures, en plus d'avoir le nez cassé lors de l'altercation avec le père. Il est de plus évident que tous ressentent beaucoup de stress et d'angoisse devant toute la situation, y compris la séparation entre le père et le reste des membres la famille.
2.4 Description de la situation
Éléments relatifs aux problèmes. Selon les dires de Mario, il aime beaucoup sa femme et ses enfants et ne ferait jamais rien pour mettre leur sécurité en danger. Il affirme être soumis à beaucoup de stress à cause de la situation de la compagnie et il insiste que l'incident qu'on lui reproche est de nature isolée. Il avoue s'être fâché lorsque le plus vieux de ses enfants a fait pleurer le deuxième lors de chamaillage enfantin. Il a alors empoigné solidement son plus vieux, l'a secoué et projeté sur le lit où l'enfant s'est durement cogné contre le mur. Il ne comprend pas ce que sa femme a bien pu raconter au médecin pour que tout ce processus soit enclenché. Il a essayé de revoir sa femme pour discuter de la situation mais celle-ci a refusé de lui parler, il croit donc qu'elle doit subir de mauvaises influences d'un tiers parti pour refuser de lui accorder une autre chance.
Antécédents relatifs aux problèmes. Mario affirme que cet incident est isolé et qu'il n'a jamais battu ses enfants outre que pour les discipliner de façon «normale». Il avoue par contre qu'il est jaloux et qu'il a déjà «bousculé» Johanne lors de disputes antérieures. Il concède également qu'il lui arrive d'adopter des attitudes «contrôlantes» face à son épouse et qu'il peut même être «dur» verbalement avec elle et avec les enfants. Il y a deux ans le couple avait consulté un psychologue afin de discuter de difficultés que Mario qualifie «d'ordre conjugal». Il n'a pas voulu vraiment élaborer sur le sujet sauf pour dire que ces rencontres ne lui avaient pas beaucoup apporté et qu'il n'était pas retourné après 3 ou 4 rencontres prétextant des conflits d'horaire. Par contre il précise que Johanne a continué d'y aller pour une période d'environ 6 mois car, selon ses dires, elle se sentait «dépressive». Elle avait cessé d'y retourner surtout à cause des coûts car la situation financière de la compagnie de Mario s'était détériorée.
Suite à l'événement déclencheur, Mario a rencontré le conseiller de la DPJ. Ce dernier l'a sommé de participer à un programme de réhabilitation pour hommes violents s'il voulait revoir ses enfants. Mario a alors appelé le numéro qu'on lui avait remis pour apprendre qu'il n'y avait aucune ouverture avant trois mois. Il a cependant accepté de quitter volontairement le domicile familial pour que sa femme et ses enfants y retournent et de ne pas tenter de communiquer avec eux jusqu'à ce que la DPJ le permette.
Il ajoute également qu'il lui arrive d'abuser de l'alcool et que son épouse l'avait pressé à quelques reprises de modifier ses habitudes de consommation d'alcool, mais il n'avait jamais consulté.
Lors de la première rencontre, il appert évident que bien qu'il verbalise des aveux affirmant sa responsabilité dans toute l'histoire, je perçois cependant qu'intérieurement, il est difficile pour Mario de réaliser que sa façon d'agir avec sa femme et ses enfants pourrait être problématique. Il considère qu'il ne se comporte pas vraiment différemment des autres pères ou époux et persiste à considérer l'incident déclencheur comme un fait isolé bien qu'il avoue que le geste violent qu'il a posé envers son fils soit répréhensible. Il ne considère cependant pas qu'il «mérite» qu'on lui retire ses enfants où tout au moins il recherche une «thérapie éclair» afin répondre aux conditions de la DPJ pour que tout rentre rapidement dans l'ordre et qu'il puisse réintégrer son domicile et reprendre sa vie familiale.
En discutant avec Mario de sa situation sociale en général, il me confirme que ses rapports au travail se sont détériorés depuis que l'entreprise a des difficultés. Il n'en est d'ailleurs qu'un des 10 actionnaires/propriétaires bien qu'il en soit lui-même le PDG. Il dit ne posséder aucune économie et il n'est pas certain où il pourra loger à moyen terme (il habite temporairement chez son frère depuis l'incident). Il est émotivement très affecté par tout ce qu'il lui arrive et fond en larmes à plusieurs occasions en me racontant son histoire. Il me montre également une copie d'une lettre manuscrite de 4 pages qu'il a écrite au frère de son épouse (il m'explique que Johanne est très près de son frère et qu'elle s'est confiée à lui) afin d'essayer de s'expliquer. À la lecture de cette lettre je constate rapidement qu'il essaie de se faire «pardonner» en professant son amour inconditionnel pour sa femme et ses enfants, tout en voulant cependant se disculper.
D'un point de vue psycho-social, à court terme, Mario avait deux préoccupations pressantes : trouver à se loger, car il ne pouvait demeurer chez son frère très longtemps, et vérifier sa position du point de vue légal. En égard à la question du logement, j'ai dû expliquer à Mario qu'il se pouvait fort bien qu'il ait à trouver un domicile temporaire pour une période pouvant s'étendre sur plusieurs mois, pendant son cheminement thérapeutique. Mon rôle a donc consisté à dresser avec lui les possibilités de logement qu'il pouvait envisager d'un point de vue financier. Du côté légal, je lui ai conseillé de faire appel à un avocat pour bien connaître ses droits, ses obligations et les conséquences légales possibles s'il dérogeait aux conditions de la DPJ. Je lui ai également expliqué que par sa situation, il n'aurait cependant pas droit à l'aide juridique mais que certains avocats pouvaient accepter de négocier certains arrangements de paiement.
Selon certains courants psycho-sociaux, il serait peut-être possible d'utiliser l'approche familiale dans de tels cas car il est vrai qu'une telle situation amène des conflits de rôles et des dysfonctionnements dans les relations, et que tous les membres de la famille sont énormément affectés. Je crois cependant que bien qu'il soit vrai qu'une intervention auprès du reste de la famille soit nécessaire, il est important de préciser que dans les cas d'abus physique l'approche familiale est mal adaptée car les autres membres de la famille ne sont aucunement responsables de l'abus. C'est donc à l'individu abuseur de faire un important cheminement individuel et de reconnaître sa responsabilité de façon univoque, avant de tenter tout rapprochement avec sa famille.
Parmi les approches systémiques normalement répertoriées en travail social, je crois qu'il serait très difficile d'utiliser l'approche réseau car dans le cas qui nous préoccupe, l'individu abuseur doit faire un important cheminement individuel, reconnaître ses torts et prendre des mesures concrètes de façon individuelle pour changer, avant d'impliquer son réseau social dans sa réhabilitation. Mario est prêt à discuter de la situation avec les membres de son réseau social, par contre si on examine la lettre qu'il a écrite à son beau-frère et si on analyse le contenu de ses discussions avec ses confrères/consoeurs de travail, on remarque que pour le moment ses efforts portent toujours vers un souci de se disculper. La violence familiale se vivant souvent dans un contexte très fermé, je crois qu'il serait difficile, pour le moment, de faire participer le reste de son réseau à sa réhabilitation.
Il appert également inapproprié d'utiliser l'approche structurelle pour ce type d'intervention car cette dernière privilégie de déculpabiliser l'individu et de lui redonner du pouvoir. Hors, toute la littérature sur les problématiques d'abus conjugal/familial est très claire ; puisque l'homme batteur a fait le choix implicite de frapper, il doit absolument assumer toute la responsabilité face aux actes posés et reconnaître qu'il doit justement abandonner son pouvoir patriarcal et ses instincts contrôleurs et dominateurs envers sa famille s'il veut se réhabiliter.
L'approche écologiste présente cependant plus d'opportunités d'intervention. En effet, il est concevable d'accepter qu'en plus d'effectuer des changements chez l'individu abuseur il soit important d'explorer et de modifier ses transactions avec le reste de son environnement. Cet exercice ne doit cependant pas servir à «diffuser» la notion de responsabilité en normalisant le processus action-réaction de l'individu face à son environnement familial. Rien ne justifie l'usage de violence physique ou psychologique et l'individu doit reconnaître ce qui, en lui, le pousse à frapper, à dominer ou à contrôler. D'ailleurs plusieurs programmes interviennent à ce niveau par des exercices de registre de colère, de gestion de stress ou de «coping». Il serait également probablement pertinent d'explorer avec l'individu comment il a vécu son enfance et son adolescence dans son propre milieu familial, ses habitudes de consommation d'alcool/drogues, etc.
Enfin, selon la littérature consultée, l'approche féministe semble toute indiquée pour ce genre d'intervention car l'homme abuseur doit absolument reconnaître que lui seul doit changer. La thérapie devra donc porter sur le fait que son épouse est son égal et qu'elle a droit au respect, que la contribution, financière ou autre, de cette dernière est tout aussi importante que la sienne et que ses enfants sont des individus autonomes et qu'ils ne sont pas sa propriété. Dans le cas qui nous préoccupe, il s'agirait de faire parler Mario de sa perception de la femme en général et de réfléchir sur sa relation avec son épouse. Un travail de rééducation serait probablement à entreprendre pour lui faire réaliser et changer ses perceptions sexistes, patriarcales et contrôlantes envers son épouse et sa famille. D'ailleurs à la lumière même des quelques rencontres déjà entreprises avec Mario, il est ressorti que ce dernier dénigrait le nouveau travail de Johanne en le comparant défavorablement par rapport au sien. Il m'a également avoué qu'il contrôlait étroitement les montants dont son épouse disposait pour l'épicerie et pour les enfants et que depuis qu'elle travaillait, elle devait subvenir à ses propres besoins en n'utilisant que l'argent de son propre salaire. Il serait de plus très important de confronter Mario par rapport à l'amertume qu'il ressent face à sa perception du geste de «dénonciation» qu'a posé Johanne en racontant son histoire au médecin et à la DPJ, et en refusant catégoriquement de le revoir pour lui laisser la «chance» de s'expliquer.
Selon la littérature, on peut dénombrer 4 sortes de groupes : les groupes de réadaptation, ceux de réciprocité et de médiation, ceux d'entraide et ceux à buts sociaux. Selon les tenants de l'approche pro-féministe, la thérapie s'articule mieux au moyen de la participation active de l'homme batteur au sein d'un groupe de réadaptation. La participation au sein d'un tel groupe était d'ailleurs une condition essentielle posée par la DPJ si Mario voulait éventuellement espérer revoir ses enfants. Dans son cas, le «choix» d'un groupe a été le résultat direct du fait que le seul qui pouvait l'accueillir dans un bref délai était celui de Brockville. J'ai appelé le coordonnateur du groupe en place pour discuter de la situation. Ce dernier m'a appris qu'il utilisait une approche psycho-sociale et qu'il suivait le programme du gouvernement ontarien en mettant l'emphase sur la gestion de la colère et du stress et en proposant des méthodes de relaxation et de coping pour apprendre à cesser les patterns de violence. Il m'a cependant assuré qu'il insistait sur la responsabilisation face au geste et sur la confrontation face aux excuses. Je sais également qu'il existe en ville des groupes d'entraide pour hommes violents. Il pourrait être intéressant pour Mario d'y participer plus tard dans le cadre de son suivi.
3.3 Intervention communautaire
On peut distinguer trois types d'intervention communautaire : le développement local, c'est-à-dire : "projet visant la résolution de problèmes sociaux en misant sur une auto-organisation et un auto-développement des membres d'une communauté économiquement défavorisée" la planification sociale, c'est-à-dire : "projet visant la résolution de problèmes sociaux et l'amélioration de l'état de la santé et des conditions de vie en faisant surtout appel à une expertise professionnelle, habituellement dans un établissement public." et l'action sociale : "projet visant la transformation de rapports de pouvoir et le changement social en misant sur une large participation des personnes touchées par le problème." (Lavoie et Panet-Raymond, 1993, p. 36).
Dans le cas qui nous préoccupe, après que Mario ait complété son traitement, si jamais il réussit à changer plusieurs de ses attitudes et qu'il a le goût de s'impliquer, il pourrait le faire au niveau de l'action sociale. Cette démarche pourrait se concrétiser en participant à des groupes de pression militant afin de dénoncer la violence familiale, ou en organisant/participant avec un organisme revendiquant auprès du gouvernement plus d'appui pour les programmes de traitement ou pour le financement de logements temporaires pour les hommes batteurs afin que les épouses et les enfants puissent demeurer à la maison au lieu d'avoir à quitter le foyer pour des abris pour femmes battues ou des foyers nourriciers. On pourrait alors s'inspirer de l'approche méthodologique proposée par Lavoie et Panet-Raymond (1993), qui divise le processus d'intervention communautaire en 11 étapes regroupées en 3 parties :
Cet exercice m'a permis de bien intégrer les différents aspects de l'intervention personnelle, tout en touchant légèrement à l'intervention de groupe et au communautaire. Les différents débats entourant l'aide aux hommes batteurs font parfois en sorte que des énergies sont canalisées vers des combats de forme plutôt qu'être tournées vers des questions de fonds. De ce fait, je ne crois pas qu'il soit très productif d'être trop dogmatique dans sa façon d'intervenir et de mettre tout le monde dans le même panier comme semble vouloir le faire l'approche féministe.
Par contre, certains aspects de l'intervention pro-féministe auprès des hommes abuseurs m'apparaissent comme fondamentaux :