Thème du texte
2 . Le
contexte problématique
3 . La thèse
4 . Explication
de la thèse
5 . Enjeu et
actualité du texte
6. Annonce des principales articulations du texte
(indiquer, entre parenthèses, les subdivisions dans le texte)
7 . Sauter
plusieurs lignes entre l’introduction et la partie explicative
Calquer le plan de l’explication sur celui du texte, en
suivant les principales articulations dégagées dans l’introduction
8. Faire une courte introduction présentant l’idée générale
et la problématique de la 1ère partie
9. Explication de
la première idée importante
10. Explication de la deuxième idée importante
11. «
«
troisième «
12. Conclusion sommaire de la 1ère partie du
texte (acquis du texte)
13 . Deuxième partie importante du texte
14. Troisième et dernière partie du texte
15 . Faire une courte introduction annonçant la partie
réflexive et mettant en évidence les
différents aspects de l’intérêt philosophique.
16. Faire un bilan de l’étude et définir le principal
intérêt du texte. Dégager brièvement la nature de la solution apportée au
problème essentiel du texte
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INTRODUCTION
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Dans ce texte
extrait de Gorgias, Platon donne la
parole à Calliclès qui expose sa conception du bonheur et de la justice 1, en répondant
à la question essentielle posée par Socrate 2 : où réside la véritable
puissance, dans la domination des autres ou dans la maîtrise de soi ?
Autrement dit, en quoi consiste le bonheur et le principe d’une vie réussie ? C’est cette
interrogation qui suscite la réaction véhémente de Calliclès et le conduit à
exposer cyniquement la thèse d’un hédonisme sans frein comme principe de vie.
Calliclès prétend, en effet, que le bonheur et la justice résident dans une
vie déréglée, soumise à la poursuite frénétique du plaisir 3 . Si
le but de l’existence humaine est d’être heureux, pour y parvenir, il faut
satisfaire tous ses désirs, ce qui n’est possible qu’en exerçant le pouvoir
absolu sur les autres 4.
La question que
pose Socrate revêt une importance capitale puisque la réponse engage le choix
d’une vie. Le discours de Calliclès est présenté par Platon comme le
prototype de la violence, de la tyrannie, de l’anti-philosophie, de
l’immoralisme. Mais la position de Calliclès n’adopte-t-elle pas le même
point de départ que les opinions modernes qui valorisent l’hédonisme et le
bonheur de l’individu ? 5
Ce texte se
déploie en trois étapes principales. 6 Calliclès commence d’abord par établir que ce
qui est juste, selon la nature, c’est de pouvoir assouvir sans frein ses
désirs (“Mais si…ce qu’elles peuvent désirer” ). Il
souligne ensuite que l’éloge de la tempérance et de la justice est le moyen
par lequel la masse des faibles, vertueuse par impuissance, cherche à
enchaîner les forts (“Seulement, tout
le monde n’est pas capable…à cause
du manque de courage de leur âme”). Calliclès expose alors les
conséquences politiques de sa démonstration : la puissance du désir
trouve sa véritable voie dans l’exercice du pouvoir absolu ( « Car bien sûr, pour tous les hommes…justice « ).7
PARTIE EXPLICATIVE
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I) CE QUI EST JUSTE, SELON LA NATURE,
C’EST DE POUVOIR ASSOUVIR SANS FREIN SES DESIRS.
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Dans ce passage,
Calliclès précise la notion de supériorité du plus fort. Il prétend que ce
qui est juste, selon la nature, c’est de pouvoir assouvir sans frein ses
désirs. La loi de la nature n’étant que la puissance du désir qui cherche à
se satisfaire et qui pour cela est capable de mettre en œuvre toutes les
ressources de l’individu, l’essentiel de la supériorité du plus fort ne
consiste pas dans son seul courage et sa seule intelligence mais dans la
force des passions qui suscite la volonté de vaincre la résistance des
autres, de transgresser les interdits et de franchir les barrières dressées
par le plus grand nombre. Pour donner une définition complète de ce qui fait
la force des forts, il faut donc préciser qu’il s’agit d’une intelligence et
d’un courage exceptionnels certes, mais au service du désir le plus fort. 8.
1) Ce qui prime,
pour Calliclès, c’est l’élan du désir qui cherche sa satisfaction et dont
l’accomplissement constitue le bonheur. Une existence ne peut s’épanouir
pleinement que dans la recherche frénétique du plaisir, le renouvellement
incessant des jouissances. 9
2) Ce qui implique
une liberté sans entraves, c’est-à-dire la conception la plus primitive de la
liberté : faire ce que l’on veut, au sens de suivre son bon plaisir. Liberté
qui doit ne rencontrer aucun obstacle et ne pas se heurter à la résistance
d’autrui. 10
3) Or faire de la
satisfaction du désir le but de l’existence, prétendre qu’il ne faut pas
réprimer les passions mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens,
mettre au service de ses passions toutes les forces de son énergie et de son
intelligence, n’est-ce pas considérer l’individu comme la valeur suprême et
la source de toutes les valeurs ? Tous les grands principes de l’individualisme
sont dans ce passage du discours de Calliclès : assouvissement sans frein des
désirs, goût d’une liberté sans entraves, qui refuse de rencontrer dans celle
d’autrui ses propres limites. Le désir certes est présent en chaque homme
mais il n’a pas la même puissance et les individus ne sont pas dotés des
mêmes moyens pour les satisfaire. Ainsi, selon Calliclès , la force des
désirs de l’individu, leur variété, le degré d’intelligence et de courage mis
en jeu, sont des différences irréductibles, et l’affirmation d’un
individualisme forcené se traduit chez lui par la singularité et de la
différence. 11
En conclusion,
Calliclès opère un renversement
complet des valeurs : en faisant de la puissance du désir, du jeu des forces
naturelles, le principe même de la justice, il considère comme vertu ce que
la morale traditionnelle tenait pour vice. 12
II) L’ELOGE DE LA TEMPERANCE ET DE LA JUSTICE EST LE MOYEN
PAR LEQUEL LA MASSE DES FAIBLES, VERTUEUX PAR IMPUISSANCE, CHERCHE A
ENCHAINER LES FORTS. 13
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Ce deuxième point
abordé par Calliclès est la reprise de l’argument développé en 483 b-c où il
affirmait que la loi positive de la cité n’impose qu’une justice
conventionnelle, artifice inventé par les faibles pour se protéger de la
puissance des forts.
Les faibles
suivent bien, eux aussi, la loi de leur nature quand, pour se protéger des
forts, ils se rassemblent afin que la force de leur nombre supplée à leur
faiblesse individuelle. Leur intérêt étant de refuser l’inégalité naturelle
qui assujettit le faible au fort, ils affirment que la justice est l’égalité,
c’est-à-dire le partage équitable des honneurs, de la richesse, et leur
éducation, pour le surgissement et la victoire des forts, consiste à brimer
la nature des supérieurement doués pour les faire entrer dans le troupeau.
Ainsi, ceux qui
louent la tempérance et que Socrate définit comme des “êtres raisonnables“ ne
sont vertueux que par impuissance : “ ces derniers qui sont eux-mêmes
incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange
de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme”.
En bref,
Calliclès, comme le fera plus tard Nietzsche, démystifie la morale du
troupeau de deux façons : en montrant d’abord qu’elle n’est que l’expression
de ce que Nietzsche appellera le ressentiment, l’éducation égalitariste
brimant les plus doués en quelque sorte. Mais il ressort également que le
beau et le juste de la morale conventionnelle, c’est-à-dire la tempérance et
la justice, ne sont qu’une forme de rationalisation de l’impuissance de la
masse à satisfaire ses désirs, une manière de faire de nécessité vertu.
Le discours de
Calliclès revient donc à dénoncer l’hypocrisie, la médiocrité d’une
conception égalitaire de la justice qui est moins soucieuse de réaliser une
véritable justice distributive que de soustraire aux meilleurs ce qui leur
reviendrait selon le droit de nature. Ce n’est que par la méprisable ruse des
faibles qui entrave la puissance des forts et la ligote par leurs lois et
leur justice que l’ordre de la nature se trouve mis sens dessus dessous.
III) LA PUISSANCE DU DESIR TROUVE SA VERITABLE VOIE DANS
L’EXERCICE DU POUVOIR ET PARTICULIEREMENT DU
POUVOIR ABSOLU 14
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Ce passage établit
la connivence qu’entretiennent pour Calliclès la toute puissance du désir et
la possession du pouvoir. Cet exercice du pouvoir individuel trouve son
accomplissement dans la figure du tyran. D’une part, l’avidité du désir
ne peut se satisfaire d’aucun objet
particulier du monde sensible. Seul le pouvoir, promesse d’une satisfaction
illimitée, peut combler le désir toujours insatisfait et sans cesse
renaissant, et répondre à l’attente de celui qui est habité par les passions
les plus fortes. D’autre part, le désir est par essence domination. Sa
logique veut qu’il ne trouve son plein épanouissement que dans l’exercice du
pouvoir absolu qui est, pour l’homme du désir, à la fois une fin et un moyen.
L’exercice du
pouvoir est d’abord une fin parce que, ne s’intéressant qu’à lui-même, à son
élan égoïste, le désir travaille à l’établissement d’une domination sans
partage. En effet, dans cette situation de domination absolue, le désir ne se
heurte plus aux limites que lui impose constamment le désir des autres. Si
l’homme le plus fort n’est pas désigné par sa naissance à exercer le pouvoir,
il faut qu’il s’en empare. Et c’est la puissance du désir, lorsqu’elle est
accompagnée de courage et d’intelligence, qui désigne l’homme valant le plus
pour le pouvoir absolu. La conquête du pouvoir devient alors le but unique de
son existence, qui met en jeu toutes les qualités et les vices dont la nature
l’a doué. De même, si le but ultime de cet homme est la possession du pouvoir
absolu, celui-ci à son tour semble lui offrir le moyen par excellence de
toutes les satisfactions, la possibilité sans entrave de s’épanouir dans la
multiplicité infinie des plaisirs.
Puisqu’il est dans
la nature du désir du plus fort de vaincre et de s’imposer aux autres, quelle
absurdité que la tempérance et la justice qui imposent un frein à nos
désirs ! La reprise de ces termes dans le discours de Calliclès renvoie
à la thèse de Socrate. Mais comment ce dernier définit-il la justice et la
tempérance. Une précision s’impose ici pour une meilleure intelligence du
texte.
La tempérance est
plus que la simple modération : elle est la vertu qui préside à l’ordre des
parties de l’âme, de même que la justice est la vertu par excellence des
relations entre les citoyens. La tempérance est la justice de l’âme qui, au
dérèglement des passions, impose la maîtrise et l’ordre de la raison. Loin de
consacrer aux plaisirs la totalité de ses soins sans rien calculer , l’homme tempérant établit une hiérarchie
entre les plaisirs comme entre les désirs par référence à une valeur
supérieure qu’est le bien.
Or, qu’est-ce que
le Bien ? Il ne s’identifie ni avec l’agréable ni avec l’utile : il est pour
chaque chose ce qui fait la qualité et l’excellence de sa nature . Ainsi le
Bien est-il l’ordre et l’arrangement
qui conviennent à la nature de chaque être. Une âme ordonnée est une âme
tempérante où la raison commande au désir au lieu d’en subir la tyrannie. La
tempérance suppose la connaissance de cet ordre, ordre qui règle d’ailleurs
l’ensemble de l’univers, lequel forme un tout harmonieux ( “Kosmos”
signifiant précisément “ordre du monde”).
Nous sommes donc
dans ce texte en présence de deux positions irréductibles, le discours de
Calliclès s’opposant terme à terme à la conception socratique du bonheur et
de la justice : la raison et le désir appartiennent à deux ordres
hétérogènes, ce qui explique l’imperméabilité et la véhémence des propose de
Calliclès aux arguments de Socrate. Mais quels peuvent bien être les
enseignements et l’actualité de ce texte ?
Intérêt philosophique du texte
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Ce texte présente
plusieurs dimensions intéressantes. Il est riche de questions multiples et
fécondes. Il pose le problème important de la nature du bonheur, de la
justice et de la morale (A).
Il examine ensuite les conséquences politiques d’une telle interrogation (B). Néanmoins,
ces lignes sont-elles encore adaptées à l’opinion moderne et proposent-elles
une conception satisfaisante du bonheur ?(C).
Examinons successivement ces différents points. 15
A) La nature du bonheur, de la justice et de la morale
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Calliclès adopte le
même point de départ que les opinions modernes. Le but de l’existence humaine
est d’être heureux. Pour y parvenir, il faut satisfaire tous ses désirs. Le
bonheur se définit donc comme la satisfaction totale des désirs. Pour être
heureux, nous enseigne Calliclès, il faut avoir des désirs et surtout avoir
la puissance de les assouvir. En effet, un désir inassouvi fait souffrir,
tandis que des désirs réalisés donnent de satisfactions dont l’accumulation constitue
le bonheur. Dès lors, plus j’ai de désirs, plus je suis capable de les
satisfaire, et plus je suis heureux.
Cette conception du bonheur que propose Calliclès apparaît ainsi
étonnamment moderne et semble recouper l’idéologie de notre société de consommation,
qui prône un hédonisme et un individualisme absolus.
De même, Calliclès,
bien avant Nietzsche, esquisse dans ce texte une généalogie de la morale et
de ses interdits, et en souligne la supercherie. Les lois, les valeurs
morales n’ont rien de sacré, mais ne font que refléter l’intérêt des
faibles . Les plus intelligents d’entre eux ont imaginé une solution
pour maîtriser plus efficacement les forts : les éduquer et les
culpabiliser. Il faut, dès l’enfance, leur faire croire que ces lois ne sont
pas simplement l’expression de l’intérêt du plus grand nombre, mais qu’elles
sont un Bien absolu qui s’impose à tous. La position relativiste défendue par
Calliclès dans ce texte conforte ainsi une inversion des valeurs : de la
force en droit, du mal en bien, de l’injuste en juste, inversion qui fait de
la morale une arme des faibles contre les forts, un instrument de la lutte
pour la vie.
Cette position
aboutit à une apologie de la force et à la proclamation d’un droit du plus
fort. En effet, si le bonheur consiste en la liberté absolue des passions et
des désirs, si la justice selon la société n’est que pure convention
reflétant l’intérêt des faibles, selon la nature il est en revanche juste que
le plus fort domine. La justice naturelle, qui est la vraie justice, la seule
absolue, est donc directement opposée à la fausse justice inventée par les
sociétés humaines, qui permet au faible de limiter les actions du fort.
B) La toute-puissance, condition du bonheur
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D’où les
conséquences politiques de cette théorie hédoniste du bonheur et de la
justice. Pour être heureux et
vraiment libre, il faut n’avoir personne qui vous commande, il faut
être à la tête de la société, il faut le pouvoir absolu sur les autres
hommes. La tyrannie, le pouvoir absolu sur les autres, est le désir secret de
tout homme. Puisque tout homme désire le bonheur par la satisfaction de tous
ses désirs, il en désire aussi secrètement le moyen, qui est la
toute-puissance. Si, pour réussir dans la vie et obtenir le bonheur, il
faut se débarrasser de tous les
scrupules moraux, un seul, dans une société donnée, peut conquérir par
conséquent le pouvoir suprême et goûter le bonheur.
On le voit :
cette doctrine aboutit à un immoralisme, mais aussi à une conception élitiste
du pouvoir qui contredit l’idéal démocratique.
C) Les
limites de cette conception
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Aussi l’idée que le bonheur s’obtient par la
satisfaction de tous nos désirs n’apparaît-elle pas dangereuse et
contestable, même si elle est apparemment soutenue par toute l’idéologie de
la société de consommation ? N’aboutit-elle pas à l’apologie de la violence
et du crime ?
Cette
conception hédoniste et tyrannique du bonheur sera réfutée terme à terme par
Socrate : le dérèglement, la liberté de faire ce que l’on veut,
l’assouvissement sans limite des désirs, ne font pas la vertu et le bonheur.
“Ne pas réprimer ses passions, aussi grandes soient-elles, mais se tenir prêt
à les assouvir par tous moyens”,
n’est-ce pas, dit Socrate, une vie redoutable ?
La critique
de l’hédonisme repose essentiellement sur l’argument de l’instabilité
inhérente au désir. La puissance du désir réside en effet dans sa propre
frénésie et non, cela va sans dire, dans la capacité de se réfréner. Pour
illustrer cette idée, Socrate recourt à l’image du tonneau percé qui laisse
fuir tout ce qu’il contient. L’âme est ainsi comme un crible, tout coule en
elle; rien ne peut étancher la soif inassouvie du désir. Faut-il alors
choisir l’ascétisme, renoncer à tous les plaisirs ? Pour Calliclès, “une vie
sans désir est identique à celle des pierres et des morts.” (492-c). Dans le Gorgias, Socrate, face au radicalisme
de Calliclès, proposera une solution de mesure : entre la jouissance sans
frein et l’austère renoncement, il invite au choix d’une vie tempérante,
c’est-à-dire celle où la raison impose au dérèglement des passions la
maîtrise et la modération.
La critique
de Socrate se portera également sur la conception illusoire que Calliclès se
fait de la liberté car l’homme supérieur, c’est-à-dire l’homme du désir le
plus fort, n’est en réalité que l’esclave de son ambition et de ses passions.
A cette aliénation au désir, Socrate oppose la maîtrise de soi du sage qui
règle son existence selon l’ordre de la raison.
Enfin, à
l’individualisme forcené qui caractérise l’hédonisme de Calliclès, Socrate
opposera la vertu de justice fondée sur le respect mutuel où l’autre est
traité en égal dans des relations de réciprocité.
La justice
est, en effet, la connaissance de l’ordre, non plus dans l’individu mais dans
la cité, ordre qui nous est enseigné par la géométrie : cette dernière nous
enseigne en effet que la mesure est en toute chose et en tant que science des
relations d’égalité et de réciprocité, elle nous fournit le modèle de l’ordre
qui règne dans le monde à tous les niveaux : ordre qui fait la santé du
corps; ordre qui réalise cette hiérarchie des puissances de l’âme qui réside
dans la maîtrise raisonnable des désirs; mais ordre aussi de la cité, fondé
sur les rapports mutuels de réciprocité entre les citoyens, ce qui définit à
proprement parler la justice, celle-ci faisant système avec l’ordre du monde.
Toute la critique de la thèse de Calliclès par Socrate se
fonde donc sur ce grand principe d’ordre et d’harmonie universelle.
L’hédonisme, qui se réclame de la nature, introduit en réalité le désordre et
le dérèglement dans l’ordre universel de la nature.
Qui plus
est, l’égocentrisme de l’homme ambitieux, parce qu’il vise exclusivement la
satisfaction individualiste des désirs, ne peut aboutir qu’à la domination et
l’asservissement d’autrui. Quand la politique se trouve subordonnée aux
intérêts particuliers, l’exercice du pouvoir dégénère en tyrannie, plus sûr
moyen d’assurer impunément le triomphe de ces mêmes intérêts. Comme Platon
l’affirmera dans les Lois (IX. 875
b c d), “ la nature mortelle poussera toujours celui qui est investi d’un
pouvoir absolu à poursuivre la satisfaction de son ambition, à la recherche
de son intérêt personnel “.
Le désir du plus fort s’affirmant toujours contre
les autres, dans une concurrence impitoyable, il est par nature profondément
asocial. Tendant à s’approprier son objet envers et contre tous, le désir provoque
la lutte; au lieu de réunir les hommes, il les isole les uns des autres et il
isole plus particulièrement des autres
celui qui, dans sa recherche de la domination, a la puissance de
s’imposer en maître. L’homme qui vivrait ainsi “ ne pourrait être aimé ni par
un homme, ni par un dieu. Il ne peut participer à la moindre communauté et
quand il n’y a pas de communauté, il ne saurait y avoir d’amitié “ (Gorgias).
CONCLUSION : LA VERTU ET LE BONHEUR NE RESIDENT NI DANS LA
JUSTICE, NI DANS LA TEMPERANCE, MAIS DANS L’HEDONISME COMME PRINCIPE DE VIE
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La question
fondamentale du Gorgias est posée
par Socrate et elle est sous-jacente au discours de Calliclès : de quelle
façon doit-on vivre sa vie pour qu’elle soit la meilleure possible ? est-ce une vie de tempérance et de justice
ou la quête de la toute puissance et du pouvoir absolu, au service d’une
satisfaction illimitée des désirs ?
Calliclès, dans ce texte, a choisi sans
ambiguïté la recherche frénétique du plaisir et il l’affirme avec provocation
: la vertu et le bonheur ne l’idéal socratique de vie raisonnable, de bonheur
dans la vertu, n’est qu’invention mensongère, propos futile et creux, à
l’usage des imbéciles et des faibles. Les hommes intelligents ne peuvent se
laisser berner par de telles balivernes. C’est une piètre conception de la
justice que défend là Socrate, et Calliclès appelle de ses voeux l’homme
capable de renverser, au nom d’un réalisme sain, les valeurs
conventionnelles. Cette conception aboutit à une apologie de la force et de
la tyrannie, la toute-puissance étant la condition même du bonheur. Si le
bonheur s’obtient par la satisfaction de tous nos désirs, il faut
nécessairement avoir le pouvoir de se satisfaire, donc un pouvoir total sur
les autres.
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