Retour
INTRODUCTION : DE LA CONSCIENCE A AUTRUI
II) DU REGARD A L'EXPRESSION ET AU VISAGE : LA RENCONTRE DE L'AUTRE
A) LA PRISE DE CONSCIENCE DE L'AUTRE EN TANT QUE CORPS ( texte de Merleau-Ponty)
C) LA SYMPATHIE, L'AMOUR ET L'AMITIE
EXERCICE DE CONTRÔLE DE COMPRÉHENSION DE LA FICHE DE TRAVAIL
- Notre réflexion sur la conscience se prolonge naturellement dans la question d'autrui.
- Nous nous sommes aperçus que la conscience, loin de signifier l'identité vide du Je = Je et du repli sur soi, était ouverture dynamique d'un sujet qui ne peut se saisir que sur le mode de la médiation, de la distance, voire de l'aliénation. Loin d'être une pure intériorité qui me mettrait de plain-pied au contact de mon être, la conscience de soi n'a de sens et d'existence qu'en relation avec une autre conscience.
- En effet, notre expérience est d'abord et toujours expérience des autres, dans l'action, le désir, le langage. Autrui se présente ainsi, en premier lieu, comme alter ego : comme moi, c'est un moi qui apparaît comme une extension, un analogue de moi-même.
- Pourtant, c'est un moi que je ne suis pas, un moi qui n'est pas moi; autrui, c’est l’autre, au même titre que tout ce qui n’est pas moi : tout ce qui est extérieur à ma personne (ce crayon que je tiens dans ma main, cet arbre que je vois, comme cette personne en face de moi) est autre que moi. L’altérité serait ainsi la première caractéristique d’autrui, par opposition à l’identité qui définit le moi. Autrui désigne alors l’autre plus ou moins proche (mon voisin, mon ami, mon amour…) et l’autre plus ou moins lointain (le passant inconnu, l’étranger, l’ennemi…).
- Or, l'expression alter ego apparaît comme contradictoire : si autrui est autre, il faut le situer du côté du monde, il cesse par là-même d'être ego; mais si autrui est un ego, il se confond avec moi et ne comporte plus aucune altérité.
- D'un côté, je ne peux, par principe, accéder à une autre conscience; si c'était le cas, ma conscience et celle de l'autre n'en feraient qu'une, de sorte que parler d'autrui serait dépourvu de sens.
- Mais, d'autre part, l'expérience d'autrui ne se réduit pas à une expérience parmi d'autres, elle met en question l'opposition du sujet et de l'objet que nous avions entrevue dans le cours sur la conscience.
- Le mode d'être d'autrui se révèle alors sous un jour quelque peu paradoxal, paradoxe qui est précisément celui du même et de l'autre : en tant qu'ego, autrui se donne comme un " double " de moi-même et témoigne de cette intériorité dont je suis d'abord l'épreuve; mais l'expérience d'autrui exclut tout autant cette intériorité car " l'immanence de la conscience la situe devant un monde d'objets, au sein duquel un autre pour-soi ne peut jamais paraître " (Renaud Barbaras, in Autrui, p. 9).
- Le mode d'être d'autrui échappe donc autant à l'immanence de la conscience qu'à l'extériorité de la chose.
- Si autrui possède à la fois les caractères du même et de l’autre, comment puis-je savoir que l’autre en face de moi est également doué de conscience ? Comment s'effectue la rencontre avec autrui et quelles sont les modalités de cette rencontre ? De même, comment ai-je conscience de moi-même ?
- L’autre n’est - il pas indispensable à mon existence, aussi bien d’ailleurs qu’à la connaissance que j’ai de moi-même ? Pourtant, les conflits et la lutte des consciences montrent que si autrui s’avère être l’allié le plus indispensable, il est aussi mon plus implacable ennemi.
- Dès lors, quelle valeur attribuer à la contrainte, pour chacun d'entre nous, de ne jamais connaître qu’une vie commune ? La question d'autrui représente un enjeu considérable : la fréquence des relations conflictuelles entre les sujets interdit-elle la possibilité de relations harmonieuses, positives, créatrices entre ces mêmes sujets ? L'autre, en tant que tel, est-il capable ou désireux d'entrer avec nous dans une relation positive ?
- La question " qui est l'autre ? ", qui nous invite à dévoiler l'être même de l'autre, renvoie ainsi à une double problématique métaphysique ou ontologique (la nature de la subjectivité, l'articulation identité / altérité) et morale (la possibilité d'une rencontre authentique de l'autre).
- Une première position concernant la difficulté à penser l'alter ego consiste à s'en tenir à ce qui est impliqué par la notion de conscience et en conclure qu'il n'y a pas d'autres, que la conscience est seule, qu'autrui est tout entier du côté de l'altérité. D'où la représentation d'autrui sous les figures de l'étranger, de l'inconnu, de l'ennemi, du rival, de l'objet. Position solipsiste et pessimiste.
- Le même et l'autre sont des catégories fondamentales de l'esprit au moyen desquelles nous pouvons distinguer les choses. Le même : ce qui est identique à soi. L'Autre : le divers, le différent. Autrui apparaît d'abord sous la figure de l'Autre, du différent : il est un moi qui n'est pas moi. Cette dimension d'altérité de l'autre est difficile à penser (la réflexion classique l'ignore), elle est souvent dévalorisée au profit de l'identité, de sorte qu'il convient de dessiner les diverses figures que la relation du même et du l'autre peuvent revêtir.
1) le même et l'autre comme contraires
- Il y a deux façons principales de penser les rapports du même et de l'autre, même si, comme nous allons le voir par la suite, ce couple se décline en de nombreuses figures (opposition, relation, complémentarité, etc.) :
1. L'autre est simplement autre chose, c'est ce qui n'est pas le même que ; le même est le semblable, l'identique; l'autre se définit comme la négation du même (signification négative de l'autre). Cf. Platon (Le sophiste, 257 b 3 – 260 b 2); l'altérité se détache ici sur fond d'identité (par exemple, le non-beau est un autre être que le beau, un être de la même façon);
2. L'autre et le même s'opposent, sont deux propriétés incompatibles : l'autre est ce qui n'est absolument le même; il est un absolu (exemple : Dieu).
- Envisageons l'opposition exclusive du même et de l'autre. Héraclite : " tout passe et rien ne demeure…l'on ne saurait entrer deux fois dans le même fleuve ". Tout est toujours autre qu'il n'était : le fleuve dans lequel nous nous baignons est un autre fleuve, tout a changé. L'idée d'altérité est liée à celle du devenir : le devenir suppose que l'on ne soit pas toujours le même.
- Objection de Parménide : comment quelque chose d'autre peut-il arriver ? Rien ne peut naître de rien; l'autre est un non-être radical (l'Etre est unique et identique à lui-même).
2) La réduction de l'autre au même
- Deux réalités contraires ne peuvent coexister dans le même corps ou dans le même endroit : l'une disparaît quand l'autre y entre. Par exemple, un corps ne peut être chaud et froid, le froid se dissipe quand la chaleur y entre. Cf. Platon (Phédon).
- Autre exemple, celui de la connaissance : connaître c'est ramener ce qui était d'abord autre que nous à la familiarité de nos idées connues; la connaissance est comparable à l'assimilation de la nourriture par l'animal : par la digestion, l'aliment, d'abord autre que l'animal, devient l'animal, s'intègre à ses tissus, de sorte que l'autre est transformé en même
- Dans l'aliénation, c'est le processus inverse qui se produit : l'autre s'impose au même jusqu'à le déposséder de lui-même (le trouble psychique est l'intrusion de l'autre au sein du sujet).
3) Le même et l'autre relatifs
- C'est le même qui permet de percevoir l'autre : on ne pourrait pas s'apercevoir que le fleuve est autre s'il n'y avait pas quelque chose d'identique pour mesurer la différence entre le fleuve d'hier et le fleuve d'aujourd'hui. C'est parce que je suis le même qui me suis baigné hier et aujourd'hui que je puis dire que ce fleuve a changé, qu'il est autre. L'altérité est toujours saisie par rapport à quelque chose qui reste le même. Autre exemple : quand on fait des statistiques, c'est par rapport aux tendances permanentes que l'on peut mesurer des phénomènes nouveaux.
- On peut tout aussi bien dire que le même est relatif à l'autre : on ne pourrait pas percevoir le même, en parler, s'il n'y avait pas d'altérité; le même ne se constitue qu'en se confrontant à l'autre. Sartre montre ainsi que l'on ne prend conscience de soi-même que par le regard d'autrui (comme on le voit dans le phénomène de la honte).
- L'un et l'autre ne semblent donc pouvoir être pensés que dans un mouvement qui renvoie toujours de l'un à l'autre : l'autre se pose sur fond du même, le même se rapporte à soi par la médiation de l'autre. Un personne, par exemple, est à la fois la même et toujours autre – autre hier qu'aujourd'hui, et pourtant toujours la même, sans quoi l'on ne pourrait pas parler de son changement. Notion de substance : être ayant une certaine permanence, une certaine identité et pourtant soumis au changement.
- Après avoir envisagé quelques-unes des grandes figures du rapport du même et de l'autre, voyons maintenant comment celles-ci se distribuent concernant la question d'autrui.
- Autrui : l'autre absolu, celui que je ne peux jamais tout à fait connaître ou que je ne découvre qu'à partir de moi. Ici, soit l'altérité est envisagée dans son infinie distance, soit elle est réduite au même. Dans les deux cas, l'impossibilité d'une relation réelle entre les sujets est affirmée, l'isolement ontologique des consciences est pensé comme irréductible.
1. Le
solipsisme
- Une première grande option, caractéristique de la réflexion classique, consiste à affirmer l'impossibilité de fonder l'affirmation de l'existence des autres. Perspective solipsiste : idée d'une solitude principielle de la conscience, la seule existence dont nous puissions être certains est sa propre existence.
- Descartes : le cogito nous livre une pensée se prenant elle-même comme objet de réflexion, une conscience doutant et, par cela même, existant : je pense, je suis. La conscience s'appréhende en tant que retirée du monde; insularité de la conscience. La réflexion philosophique s'opère dans la solitude.
- Dans la seconde des Méditations métaphysiques de Descartes, la connaissance d'autrui est hypothétique. Hors l'existence de ma conscience, tout est frappé d'incertitude, seule l'intériorité du Cogito s'avérant indubitable. Autrui est relégué au rang d'une chose extérieure et ce n'est que par l'intermédiaire de la raison, de l'entendement, du langage que je peux entrer en relation avec lui. Dans cette perspective, le corps est défini comme un principe d'individuation, voire de forclusion, qui opacifie les relations humaines, en inscrivant, au coeur même de la subjectivité, dans le périmètre de la chair, une "solitude incommunicable ".
- Ce qui intéresse Descartes finalement, c'est l'universel plutôt que la particularité de l'existence d'autrui.
- Cf. également le texte de Pascal étudié dans le cours sur la conscience (in Pensées, n° 323) : " on n'aime donc jamais personne, on n'aime que des qualités". Idée que dans l'amour, ce n'est pas le moi qui est aimé, mais des qualités qui ne sont pas moi. Propos pessimiste de Pascal : impossibilité d'aimer une personne dans son unité; Dieu possède seul la capacité de m'aimer pour ce que je suis. Dès lors, la personne, la substance sont absentes derrière les qualités ou les sensations, le sujet perçu est condamné à une extériorité superficielle qui l'enclôt en son for intérieur, le rend insaisissable au regard d'autrui. La subjectivité se paie ici d'une solitude ontologique, c'est-à-dire d'une incommunicabilité radicale avec les autres consciences.
- Autrui est donc envisagé, dans ces deux conceptions, comme l'absolument autre, celui que l'on ne peut pas vraiment rencontrer, dont l'existence intime nous est inaccessible. L'altérité est une pure transcendance, un au-delà inaccessible.
1. La solitude
- La définition de l'autre comme autre que moi-même aboutit à une inflation de l'idée de différence. Si l'altérité est l'essence de l'autre, la séparation des consciences est absolue, les êtres sont littéralement cloisonnés dans leurs différences. Quelques figures de cette " solitude ontologique ".
- D'abord ce que Jankélévitch appelle " l'hapax " : unicité absolue de l'expérience de soi. Chacun s'éprouve d'une façon singulière en tant qu'il occupe dans l'espace et le temps un lieu et un moment uniques. L'hapax est l'unicité absolue de chaque événement, de chaque individu. Ses actes, sa propre existence ne peuvent être effacés, ce sont des événements singuliers irréversibles. Chaque conscience est enclose dans son unicité existentielle et temporelle.
- A ce mystère de l'unicité existentielle de chaque être s'ajoute celle de l'intériorité de la pure conscience de soi, conscience de soi qui est impénétrable puisque aucune autre conscience ne peut prendre conscience de soi à la place, au lieu même et dans le temps même de la première conscience de soi. D'où le sentiment d'exil, d'étrangeté lié à l'idée que le sujet ne peut échapper à sa propre intériorité tout en vivant dans le monde.
- Autre figure : celle du pessimisme. Selon La Rochefoucauld ou Chamfort, seuls le calcul égoïste et l'hypocrisie sociale peuvent rendre compte de l'action des hommes dans le monde. selon La Rochefoucauld, l’homme est dominé par l’amour-propre (amour égoïste de soi), ou par l’intérêt, de sorte que tous les bons sentiments apparents – l'amour, l'amitié, par exemple - ne sont que masque et travestissement. C'est l'intérêt qui nous pousse à être sociables. D'où la méfiance nécessaire à l'égard d'autrui et de ses motivations : l'apparence de l'autre dans ses actes et son langage n'est qu'un masque recouvrant une réalité insondable et dangereuse. Pessimisme relationnel : difficulté de connaître l'autre, le malentendu est la règle générale des relations intersubjectives.
- Cette absolutisation de l'altérité se retrouve encore sous des formes bien plus subtiles, comme celles du relativisme.
- Insistance ici sur la différence culturelle qui devient une spécificité incommunicable : identité d'un groupe, incommensurabilité de ce groupe à tout autre; les identités posent des distinctions et des séparations au lieu de poser des éléments de communication. De même chaque individu se différencie par son histoire personnelle. La communication et la compréhension réciproque deviennent dès lors problématiques, voire impossibles; les valeurs et les paroles des autres sont inintelligibles pour l'observateur. Les différences font de chacun un mystère pour les autres. Ainsi a-t-on pu présenter la sexualité féminine comme un continent mystérieux et inaccessible en sa spécificité.
- En somme, la différence, en spécifiant les individus, les oppose, les sépare d'une manière radicale, elle signifie un abîme infranchissable, un obstacle objectif. Le postulat de la séparation ontologique des consciences peut revêtir, sous une forme extrême, la figure du rejet de la différence, c'est-à-dire de l'intolérance, lorsque les différences sont transformées en structures qui appellent jugement, condamnation, exclusion. Racisme, antisémitisme, xénophobie font de la différence – biologique ou culturelle – une barrière objective et immuable dont il convient de se sentir coupable.
2. Le
raisonnement analogique (texte de Malebranche)
- La dimension de l'autre peut aussi être niée, si l'altérité est conçue sur le modèle du même, c'est-à-dire du moi, selon un raisonnement analogique qu'on trouve bien développé dans ces deux textes de Descartes.
- Comment, en effet, puis-je connaître un être qui, en tant que pure intériorité, est, par principe, inaccessible ? Une telle connaissance ne peut être qu'indirecte. Seule une inférence analogique peut rendre compte de la connaissance d'autrui. C'est donc, selon Malebranche, par l'exercice de l'intelligence, par un raisonnement que j'arrive à démontrer l'existence d'autrui et à savoir qui il est. S'il est impossible d'accéder à la conscience des autres (je ne suis pas dans leur tête), je peux néanmoins, à partir de la connaissance que j'ai de mes propres états de conscience, émettre des hypothèses sur ce qui se passe dans la conscience des autres.
- Plan du texte :
2ème paragraphe : c'est le raisonnement par analogie, et non le sentiment, qui nous permet de nous faire une représentation vraie des autres hommes
1. 11 à 15 : je peux émettre des hypothèses sur ce qui se passe dans la conscience des autres et supposer qu'ils ressentent ou pensent la même chose que moi, à partir de la connaissance de mes propres états de conscience. Cela est rendu possible grâce à la raison – verbe de Dieu répandant sa lumière dans l'esprit de chaque homme.
2. 15 à 24 : toutes nos erreurs proviennent de la subordination de l'âme au corps. Nous risquons donc fort de nous tromper si nous nous appuyons sur ce que nous ressentons nous-mêmes pour connaître ce que ressentent les autres. L'âme nous unit, le corps nous sépare.
Commentaire
- Pour Malebranche, ce qui rend les êtres extérieurs et étrangers les uns aux autres, c'est, en chacun, la séparation de l'âme et du corps. Par nos esprits, nous participons d'une commune essence (thèse déjà défendue par Pascal). Nous communiquons par la médiation de la raison; le corps, principe d'individuation, nous singularise et nous extériorise les uns par rapport aux autres, nous séparant de façon irréductible.
- Du coup, la connaissance d'autrui ne peut être qu'indirecte. Seul un raisonnement par analogie peut rendre compte de la connaissance d'autrui se fondant sur la ressemblance objective entre mon corps et celui d'autrui. Je ne connais d'autrui que des attitudes, des gestes, des sons proférés; je connais immédiatement, en revanche, mes propres états de conscience. C'est donc par analogie que j'inférerai les états de conscience d'autrui à partir du comportement.
Conclusion
- Ces visions pessimistes sont donc fondées sur l'affirmation d'une séparation ontologique des consciences, d'une infranchissable distance entre les sujets, de sorte que l'être d'autrui est le masque, le mystère, l'inconsistance. Etre tout à fait paradoxal qui semble privé de réalité, de densité, de substance. Ce pessimisme aboutit, dans sa forme extrême, à la perception d'autrui comme ennemi ou comme rival, le conflit ou la violence creusant davantage la séparation ontologique des consciences et incarnant l'essence même des relations intersubjectives.
- La violence, décrite comme le noyau irréductible des rapports humains, est une autre façon de réduire l'altérité à l'identité ou d'absolutiser l'altérité en rendant vaine la recherche de valeurs universelles qui permettraient de souder les hommes. Quelles sont alors les figures que cette violence revêt la plupart du temps ? Comment la dialectique du même et de l'autre se distribue-t-elle dans et par le conflit ?
1. L'ennemi et
le rival (Hobbes)
- Dans Le Léviathan (1651), Hobbes explique que dans l'état de nature (état antérieur à la société civile, non soumis aux lois), les individus déploient sans contrainte leur force et leur
puissance dans le but d'assurer la conservation de leur être et de leur vie. la guerre de tous contre tous est la condition naturelle de l'humanité lorsque les hommes vivent sans maîtres reconnus et incontestés. Hobbes se demande pourquoi " l'homme est un loup pour l'homme " et s'efforce d'élaborer une genèse psychologique de la compétition, du conflit, de la guerre.
- Dans l'état de nature, l'autre est un ennemi potentiel, un rival perpétuel, de sorte que chacun vit dans une crainte permanente. Mais comme cette situation de guerre ne saurait durer éternellement, la raison humaine, constatant l'absurdité de cette guerre, va chercher les moyens de la paix. Chacun devra donc s'engager par contrat avec chacun à renoncer à ce droit naturel illimité sur toute choses, droit transféré à un souverain, à charge pour ce dernier de défendre la paix civile, fût - ce par la force. Le droit naît de la nécessité de fuir le mal. Le contrat qui, en idée et non pas à titre de fait historique, est nécessaire pour instituer la société politique arrache les individus à leur condition naturelle. Le contrat est conclu entre les hommes eux-mêmes et il s'opère en faveur d'un tiers qui est l'autorité politique, laquelle est édifiée par ce désistement général auquel tous consentent; la multitude est alors unie en un Etat ou une République.
2.
La lutte pour la reconnaissance (Hegel)
- Hegel s'efforce de dégager le sens de la violence. L'autre est le plus souvent l'individu avec lequel on entre en guerre pour imposer sa suprématie. En étudiant les guerre dans l'antiquité, Hegel rencontre soit le phénomène de la mort de l'ennemi, soit le phénomène de sa soumission et de sa constitution comme prisonnier puis comme esclave. Hegel interprète le rapport à l'autre, pensé ici en tant qu'ennemi, comme une lutte pour la reconnaissance.
- Si la guerre est d'abord une lutte pour la domination sur l'autre, cette domination, montre Hegel, ne peut s'exercer que par la reconnaissance qu'en effectue l'autre : en clair, le sujet ne peut imposer sa domination belliqueuse que si l'autre consent à reconnaître la suprématie de son vainqueur et la légitimité de sa domination.
- Dans la guerre, si l'autre est perçu comme ennemi, il est en même temps perçu comme celui qui détient la source de la maîtrise du vainqueur, du maître. S'il en est ainsi, c'est parce que le véritable maître est la mort, c'est-à-dire la crainte de la mort. C'est elle qui fait la domination ou la servitude : l'autre, qui a craint la mort, est devenu un esclave, et celui qui, dans le combat, n'a pas craint de mourir, mérite de dominer et de devenir le maître.
- Se produit toutefois un renversement dialectique : l'esclave va transformer son statut par le travail que lui impose le maître. Le maître considère l'esclave comme une machine utile amis il découvre vite que cette machine lui est indispensable. Dès lors, le statut respectif des protagonistes peut s'inverser et le maître tomber sous la dépendance de celui qui détient les conditions de la jouissance du maître. Et c'est finalement l'esclave qui devient le maître véritable.
- Cette dialectique de la domination et de la servitude révèle l'essence de l'autre : il est pur objet, machine, esclave ou maître, instrument. Hegel nous enseigne que la loi de la vie humaine est le conflit. Toute conscience poursuit la mort de l'autre, non point la mort physique (il faut que l'autre soit vivant pour me reconnaître), mais l'asservissement d'autrui, la destruction de son autonomie.
- Mais la leçon de Hegel est aussi qu'autrui est la condition de la conscience de soi :sans autrui, je ne suis rien, je n'existe pas; je dépends de l'autre dans mon être. Je ne sis une conscience de soi que si je me forge et me forme à travers la négation d'autrui. Pour réaliser l'unité de la conscience de soi, je dois me faire reconnaître. C'est donc en moi-même que je porte autrui. L'autre me pénètre au plus intime de ma conscience et de ma vie. Le plus isolé des Robinson découvre ainsi autrui en chacun de ses fantasmes et de ses rêves.
3) Le regard de l'autre (texte de
Sartre)
- Ces analyses de Hegel, Sartre les prolonge, en explicitant le conflit humain tel que nous le vivons à travers le corps et le regard. Le fait premier est bel et bien le conflit : c'est l'agression du regard qui exprime le mieux ma dépendance par rapport à l'autre.
- Sartre établit que l'homme est fondamentalement un
être-pour-autrui. Je ne me connais et découvre qu'à travers le
regard qu'autrui pose sur moi. Le regard des autres a immédiatement un sens
humain. Dès qu'autrui me regarde, je cesse de voir ses yeux comme des choses.
Mais en me constituant comme sujet, le regard de l'autre me fige et me réifie.
Dès que je suis vu par autrui, je suis ravalé au niveau des choses. Le regard désigne
la modalité même du surgissement d'autrui comme sujet.
- Le regard est, en effet, ce qui me dépouille de moi-même, de ma libre transcendance, de ma seigneurie sur le monde. Quand autrui me regarde, il me met en danger : je me découvre en position d'objet. Désormais, la situation m'échappe et je n'en suis plus le maître. Autrui, par son existence même, me fait tomber dans le monde des choses : je deviens une transcendance (liberté) transcendée (dépassée). L'autre exerce donc par essence une violence ontologique sur l'univers du sujet.
- C'est ce qu'illustre ce texte à travers l'expérience de la honte entendue comme structure même de la relation à autrui.
Idées principales
1. (1 à 5) : bien qu'elle réalise une relation intime de moi avec moi, la honte met toujours en jeu un témoin, un autre homme devant qui je réalise ce que mon comportement peut avoir de vulgaire ou de ridicule. Si j'étais seul au monde, jamais je ne me sentirais honteux.
2. (5 à 10) : allusion aux actes de contrition par lesquels on exprime le regret d'avoir péché ou offensé Dieu. Là encore, c'est devant Dieu et en tant qu'il me voit que j'éprouve un remords.
3. (10 à 20) : ma honte ne peut naître du simple retour de ma conscience sur elle-même. C'est bien de moi que j'ai honte certes, mais de ce moi qui vient de faire un geste vulgaire sous les yeux d'autrui, et qui devient du même coup prisonnier de sa propre vulgarité. C'est la présence d'autrui qui rend possible non seulement la conscience de soi mais encore l'évaluation de ses actes et pensées.
4. (20 à 27) : chaque homme est ainsi pour l'autre un objet offert à ses regards au même titre que n'importe quel autre objet. Dès que je suis regardé par autrui, je me considère moi-même comme cet objet que je suis du point de vue d'autrui.
- L'expérience de la honte met en jeu deux attitudes de conscience.
- D'abord, le jaloux qui épie par le trou d'une serrure est tout entier absorbé par ce qu'il est en train de faire; tout à sa curiosité, il n'a pas véritablement conscience de son acte.
- Que quelqu'un le surprenne, ensuite, et le jaloux est instantanément épinglé comme jaloux; il devient alors l'otage de cette essence d'être-jaloux dans laquelle l'enferme le regard d'autrui. Le sentiment de honte qui l'envahit alors est la reconnaissance qu'il est tel qu'il est vu par autrui, à savoir un épieur jaloux.
- A l’opposé, il y a la caresse dont l’innocence apparente révèle l’agressivité et les machinations des relations humaines : tout est combat, même les moments les plus doux : “ la caresse, écrit Sartre dans L’être et le néant, n’est pas simple effleurement : elle est façonnement. En caressant autrui, je fais naître sa chair, par ma caresse, sous mes doigts. La caresse est l’ensemble des cérémonies qui incarnent autrui “. La caresse est un peu comme une embuscade tendue à l’autre pour que, renonçant à son regard et à sa liberté, il se fasse présence offerte. La caresse est une façon pour moi de prendre insidieusement ma revanche, de n’être plus exposé, dépendant, possédé, mais enfin propriétaire : “ Par la caresse je fige et j’entraîne à mon tour dans l’inertie celui ou celle dont le regard m’a englué dans l’être “ (Finkielkraut, La sagesse de l'amour).
- L'apparition de l'autre est donc simultanément l'origine d'une désintégration de mon univers, l'origine d'une chosification de mon être, et l'origine d'une spoliation de ma liberté. Le sujet est littéralement dépossédé de lui-même. Dès lors, " le conflit est le sens originel de l'être-pour-autrui". La réciprocité est un conflit des libertés. Devant et par autrui, je suis devenu un être, un objet, je ne suis pas le fondement de mon être, puisque c'est l'autre qui, par sa liberté, le définit.
Conclusion : critique du pessimisme
- Au total, l’expérience d’autrui est aussi celle de la dépossession de soi : le sens de ce que je suis semble suspendu au jugement de l’autre. Dès que l’autre se présente à moi et commence à me regarder, il m’enveloppe, m’investit, me cerne, me scrute. Les analyses que nous avons vu se déployer sous la bannière du pessimisme établissent l'impossibilité d'une relation réelle : irréductibilité de la séparation, permanence et omniprésence de la violence sont ainsi conçues comme des données fondamentales qui, dans la condition humaine, s'opposeraient à l'instauration d'une relation intersubjective réelle et authentique.
- Les expériences décrites précédemment sont-elles les seules et rendent-elles vraiment compte de la condition humaine ? Quelles critiques pouvons adresser aux conceptions pessimistes, avant même d'aller plus avant dans la compréhension de la question centrale " qui est l'autre ? "
1. Rousseau :
critique de la théorie hobbienne
- Contrairement à Hobbes, Rousseau pense que dans l'état de nature (la situation hypothétique de l'homme hors de la société, avant d’avoir été façonné par la société), l'homme n'est pas en guerre permanente contre ses semblables. Dans son état primitif, l'homme est un être solitaire qui se suffit à lui-même. L'état de nature n'est ni une guerre générale (thèse de Hobbes), ni une vie sociable (thèse d'Aristote), mais un état de dispersion et d'isolement. L’homme vit naturellement solitaire, sans contacts autres qu’occasionnels avec ses semblables.
- Les désirs de l'homme naturel sont bornés aux besoins physiques, nécessaires, ses forces sont proportionnées à ses besoins et il peut de ce fait se passer de l'existence de ses semblables. L’homme naturel n’est en fait qu’un animal parmi d’autres. L’homme se distingue seulement des autres vivants par sa perfectibilité, c’est-à-dire sa faculté de se perfectionner, d’acquérir de nouvelles idées et de nouveaux comportements.
- La sociabilité n'est donc pas une inclination naturelle, elle a été instituée par les hommes eux-mêmes. Sous sa forme primitive, la sociabilité se ramène au sentiment de la pitié qui tient lieu de sociabilité dans l'état de nature, qui en est comme le fondement. C'est par la pitié que nous prenons conscience de l'identité de nature qui nous unit aux autres hommes.
- Les deux seuls sentiments que l'on peut prêter en effet à l'homme à l'état de nature sont l'amour de soi et la pitié : l’amour de soi est le simple instinct de conservation, le souci qu’on a de soi-même, de sa propre conservation, indispensable à tout être; il est antérieur aux attitudes morales; sans lui aucune survie n'est possible. La pitié, “ répugnance innée à voir souffrir son semblable ", qui tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, parce que l'homme naturel obéit à sa sensibilité et que c'est par sa sensibilité pour des êtres sensibles qu'il éprouve de la pitié.
- L'erreur de Hobbes est d'avoir transposé dans l'état de nature ce qui caractérise l'état de société. " Il 'y a point de guerre entre les hommes, il n'y en a qu'entre les Etats " (Discours sur l'inégalité). Ne pas confondre la guerre avec une querelle quelconque ou une simple vengeance. L'état de guerre ne peut avoir lieu entre les particuliers avant l'établissement de la propriété et la constitution des sociétés civiles. La guerre n'a lieu qu'entre les Etats.
- Alors que pour Hobbes l'orgueil est la cause principale de la guerre naturelle de chacun contre tous, selon Rousseau, la plupart des passions sont d'origine sociale. Ce qui caractérise l'état primitif de l'homme, c'est le calme des passions : un état d'isolement ne constitue pas un climat favorable au développement des passions Le tort de Hobbes, en donnant l'orgueil pour cause de l'état de guerre, est d'avoir pris pour un sentiment naturel ce qui n'est qu'une passion factice, née de la vie en société.
- L'orgueil n'est donc pas une passion primitive et ne doit pas être confondu avec l'amour de soi-même, l'instinct de conservation. L’amour-propre, ou la vanité, est un sentiment qui n’existe qu’en société et qui consiste à nous comparer aux autres, à nous juger supérieurs à eux et à les vouloir inférieurs. La société attise les passions, le désir d’être admiré et préféré aux autres, d’être supérieur et plus riche. Voilà pourquoi, dès qu’ils vivent en société, les hommes deviennent jaloux, envieux, méchants.
2) Les apories du solipsisme
- L'attitude solipsiste, fondée sur l'idée d'une solitude principielle de la conscience, présente plusieurs difficultés.
- Le solipsisme se situe d'abord dans un horizon d'intersubjectivité, en tant qu'il se formule, s'explicite; un solipsisme conséquent se détruirait lui-même comme philosophie puisque pour prétendre être une position philosophique, il doit s'assumer comme énoncé adressé à d'autres.
- Par ailleurs, la solitude n'a de sens que sur fond d'une relation originaire aux autres : être seul, c'est se rapporter à autrui, sur le mode de la lacune ou de l'absence. S'il est vrai que la solitude est le prix à payer de la subjectivité, cette subjectivité est rivée sur celle d'autrui, nous sommes des êtres-pour-autrui et, de ce fait, toute solitude se définit et se découpe sur fond d'autrui. Une solitude véritable et absolue, où le sujet se définirait et se découvrirait comme enclos sur lui-même, ne pourrait pas même se reconnaître comme telle.
- En niant la présence des autres, on ne fait finalement que la reconnaître et l'affirmer.
- En ce qui concerne l'hypothèse d'un raisonnement analogique par lequel l'affirmation de l'existence d'autrui peut être fondée, celle-ci semble peu compatible avec la spontanéité de la compréhension d'autrui. L'enfant, par exemple, n'est pas en mesure d'effectuer l'inférence analogique dont parle le texte de Malebranche.
- L'enfant perçoit d'abord des expressions humaines, et l'usage du raisonnement permettra seulement, par la suite, d'approfondir la signification de ces expressions. Outre l'aptitude à raisonner, il manque à l'enfant la comparaison sur laquelle repose l'analogie : l'enfant ne dispose pas immédiatement d'une image objective de son propre corps, ce qui rend difficile la comparaison avec le corps de l'autre.
- Autre argument s'inscrivant en faux contre la thèse de l'inférence analogique : ma perception du corps de l'autre est essentiellement visuelle, tandis que la perception de mon propre corps se caractérise par le fait que je ne peux en faire le tour (perception lacunaire); je n'ai de mon corps qu'un sentiment intérieur (cénesthésique). Mon corps (vécu de manière interne) et celui d'autrui (connu visuellement) se donnent selon des modalités tout à fait différentes qu'elles interdisent une corrélation objective.
- Autre argument inexpugnable : à supposer que je puisse reconnaître une ressemblance avec autrui comme l'établit Malebranche, elle ne me permettrait d'inférer que la présence de ma conscience en l'autre, mais nullement celle d'une autre conscience. Dès lors que l'affirmation d'autrui repose sur un raisonnement, elle revient à une projection de ma conscience en lui et non à la découverte d'une autre existence.
- L'hypothèse du raisonnement par analogie ne peut en aucun cas rendre compte de notre expérience d'autrui. Nous verrons par la suite, grâce à Merleau-Ponty notamment, que le corps d'autrui ne se donne pas comme le signe, à interpréter, d'une autre conscience, mais immédiatement comme présence d'autrui.
3) L'abstraction sartrienne
- Les analyses de Sartre, pour intéressantes qu'elles soient, ne rendent pas compte de la totalité de l'expérience humaine. Cette doctrine repose sur deux piliers : la théorie du regard comme nécessaire objectivation, la théorie de la liberté comme source nécessaire de conflit.
- La dimension de négation, de conflit, inhérente au vécu de la honte, ne représente qu'une variante extrême d 'un rapport à autrui qui peut aussi être harmonieux, comme nous le verrons par la suite. Les relations avec autrui non seulement ne se réduisent pas à des relations conflictuelles, mais encore le conflit n'est pas l'essence de ces relations. Le défaut de Sartre est peut-être d'ériger une expérience toute particulière en modalité même du rapport à l'autre.
- Sartre prend l'exemple de la honte où nous sommes jugés et objectivés par l'autre : cet exemple est tendancieux car il n'est qu'un cas parmi d'autres. Je puis aussi bien me sentir valorisé et affirmé par le regard admiratif de l'autre. Par exemple, le champion de ski n'est pas transformé en objet par le regard de la foule qui admire son parcours, il est au contraire porté et encouragé par l'admiration des sportifs. Dans le cas de ce regard admiratif et amical, je suis davantage posé comme sujet que comme objet.
- Lorsque Sartre prétend que le regard d'autrui nous chosifie, il oublie que nous savons déjà que l'être qui nous regarde est une conscience humaine; je dois d'abord savoir que c'est une conscience qui me regarde. Il faut que nous ayons déjà saisi l'autre comme conscience avant d'être en mesure de saisir son regard comme regard objectivant. En réalité, il faut d'abord s'être posé soi-même comme objet devant l'autre avant que l'on puisse affirmer que c'est l'autre qui nous objective.
Conclusion
- Il apparaît ainsi que la violence, le conflit, la séparation radicale des consciences ne sont pas des données indépassables, nécessaires de la relation intersubjective. Ne convient-il pas alors de penser cette relation intersubjective autrement, en tant que coexistence, association, voire rencontre authentique ? Non plus les uns contre les autres mais, cette fois, les uns avec les autres.
- La question : " qui est l'autre ? " rebondit et se formule sous un nouvel aspect : le rapport à autrui est-il bien relation d'un ego à un alter ego ? Ne faut-il pas renoncer à l'opposition immédiate du sujet et de l'objet, et rechercher une intersubjectivité qui ne soit pas relation entre de pures subjectivités, laquelle intersubjectivité constituerait le tissu même des relations humaines ?
- Contrairement à la perspective classique, Merleau-Ponty nous invite à renoncer au propos solipsiste et pessimiste et à considérer l'intersubjectivité comme l'essence de la relation à autrui. Cette intersubjectivité n'est pas le produit d'une contrainte ou d'une inférence analogique mais la saisie pré-réflexive du corps de l'autre au milieu d'un monde commun et neutre. Et cette coexistence à travers le monde et le corps est à la fois irréfléchie, évidente et réciproque, de sorte que le monde social est premier. C’est au niveau du corps et de la perception que se fondent l’intersubjectivité et la rencontre authentique avec autrui. Nous passons du regard à l'expression.
1.
La prise de conscience de l'autre en tant que corps (texte)
- Selon Merleau-Ponty, l'incarnation est la définition même de la subjectivité. Etre un sujet, c'est s'ouvrir au monde par son corps, c'est littéralement être au monde. Je ne suis pas dans mon corps comme " un pilote dans son navire " (Descartes), je suis mon corps. Nos perceptions, nos gestes témoignent d'une connaissance du monde qui n'est pas de l'ordre de la représentation intellectuelle mais de l'ouverture, de la connivence, de la présence. Le monde n'apparaît pas en face de la conscience mais s'offre latéralement au corps propre, l'entoure, le circonvient.
- C'est comme corps qu'autrui apparaît, l'intersubjectivité est intercorporéité. Autrui se manifeste à moi comme comportement. Lorsqu'il fait un geste de colère, par exemple, je n'infère pas le sentiment de la colère, par analogie avec le mien, contrairement à ce qu'établit Malebranche, d'un déplacement objectif : la colère se lit sur son geste, elle n'est rien d'autre que lui. Le geste ne signifie pas la colère, il est colère.
- L'expérience d'autrui est une relation interne entre des comportements. Le geste d'autrui est saisi comme geste de l'autre parce qu'il fait écho à une possibilité corporelle qui, anonyme, n'est pas seulement la mienne. Le geste d'autrui vient s'insérer dans mon propre comportement comme une possibilité. Il n'y a pas un corps habité par une conscience et, face à lui, le corps d'autrui, mais une corporéité générale, au sein de laquelle des comportements peuvent se faire écho.
- La rencontre d’autrui a donc d’abord un aspect charnel. L'intersubjectivité désigne des expériences - comportements, expressions, habitudes - qui renvoient à un niveau d’existence anonyme où le partage moi / autrui n’est pas encore fait.
1. Exemple du jeune enfant qui se met à rire quand il entend autour de lui des rires, alors qu’il ne comprend pas pourquoi c’est drôle, manifestant ainsi ce fonds pré-personnel : les éclats de rire d’autrui ne sont pas ressentis comme la conduite extérieure de quelqu’un d’autre mais comme une possibilité commune à mon corps et au sien, le rire de l’autre déclenchant le mien par contagion, comme par effet d’écho.
2. Un autre exemple que donne Merleau-Ponty est celui du geste de morsure : “ un bébé de quinze mois ouvre la bouche si je prends par jeu l’un de ses doigts entre mes dents et que je fasse mine de le mordre. Et pourtant, il n’a guère regardé son visage dans une glace, ses dents ne ressemblent pas aux miennes. C’est que sa propre bouche et ses dents, telles qu’il les sent de l’intérieur, sont d’emblée pour lui des appareils à mordre, et que ma mâchoire, telle qu’il la voit du dehors, est d’emblée pour lui capable des mêmes intentions. La morsure a immédiatement pour lui une signification intersubjective. Il perçoit ses intentions dans son corps, mon corps avec le sien, et par là mes intentions dans son corps. “ (Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception).
- L’exemple de la morsure montre qu’il n’y a pas un “ tu peux mordre ” opposé à un “ je peux mordre ”, mais une possibilité générale de “ mordre ” qui réside dans mon corps et dans le corps de l’autre. Je vois quelqu’un porter des paquets, s’impatienter devant un magasin; cette perception se fait par un décentrement du Je : je comprends ce qui se passe là-bas parce que je m’y projette, j’y vois le prolongement d’une activité dont je ressens en moi la possibilité (mon corps aussi connaît la lourdeur des paquets à porter, le désagrément d’une attente trop longue…). Autrui et moi-même participons d’une seule et même dimension corporelle qui est comme l’espace commun de résonance, l’élément de complicité anonyme à partir duquel je réponds à autrui et autrui me répond.
- M.Ponty précise que l'intersubjectivité ne peut être circonscrite au niveau de la relation entre moi et autrui : elle advient au niveau du corps propre. Par exemple, lorsque je touche ma main gauche avec la main droite, je découvre que cette main est sensible dans le moment même où je la touche. La sensation dont ma main gauche est le sujet peut être conçue comme une petite subjectivité incarnée : pour la main droite, elle est autre, puisqu'elle peut la toucher; cependant elle n'est pas un pur objet, puisqu'elle même se sent touchée. La main gauche est à la fois mienne et non mienne : c'est moi, comme sentir, que je découvre en elle, mais un moi qui est hors de lui-même, qui, étant main, est déjà autre.
- Le rapport à autrui : une extension du rapport du corps à lui-même. Autre à elle-même, ne se possédant qu'en étant dépossédée d'elle-même, la subjectivité incarnée peut s'ouvrir à d'autres.
- Nous passons du regard à l'expression : autrui n'est pas une face, un objet en face de moi, il est présence d'une existence; sa face s'estompe derrière sa physionomie, elle se fait parlante, expressive; autrui est expression : l'exprimé ne se distingue pas de son expression. Autrui n'est pas devant moi, il ne se confond pas non plus avec ma conscience : il est de mon côté. Mon rapport originel avec autrui est de l'ordre de l' " avec " : il n'y a pas moi et autrui face à face dans le monde, mais un être-ensemble, inhérent au fait que chacun de nous est ouverture au monde.
2) Le texte
- Le dialogue : marque même de l'humanité (rapport avec le langage et l'échange). Dialoguer : faire une discussion par demandes et réponses, reconnaître la pensée d'autrui. Sans dialogue, nulle humanité possible, nulle recherche collective.
- Le dialogue n'est pas une donnée, mais une acquisition progressive. Piaget a montré qu'aux environs de sept ans, c'est le monologue qui domine : si l'enfant, à cet âge, parle bel et bien, il ne se place pas du point de vue de l'interlocuteur, il ne se décentre pas, il parle encore pour lui-même; son langage est encore imprégné d'égocentrisme.
- Distinguons donc dialogue et monologue. Le vrai dialogue n'est pas un dialogue de sourds, c'est-à-dire la juxtaposition de deux monologues qui fait qu'on n'écoute pas ce que dit l'autre et qu'on ne répond pas à ses arguments.
- On trouve un premier modèle du dialogue chez Platon : le dialogue est l'entretien dialectique au cours duquel chacun expose à l'autre ses raisons et s'oblige à examiner les raisons de l'autre. Le dialogue est cet art d'interroger et de répondre qui vise à faire accéder l'interlocuteur à un savoir véritable. Il a pour objet la purification du discours : délivrer le discours de ses contradictions, fixer le sens des termes à l'aide de définitions, libérer l'individu de la particularité de l'opinion pour le faire accéder à l'universel.
- A contrario, comme le montre Platon dans ses dialogues, le silence est l’origine et la fin de la violence. Le sophiste, c’est celui qui dénie à la parole et au discours toute prétention à la vérité et qui s’en fait une arme lucrative. Le sophiste dévie la parole de son sens, puisqu’elle n’a plus pour but d’ouvrir le dialogue à la recherche de la vérité, mais de l’enfermer dans une stratégie de domination. Sophistique qui ne cherche pas à convaincre par l’argumentation logique, mais à persuader, et qui s’engage ainsi dans une comédie de dialogue. Etre le meilleur revient à être le plus fort et le plus rusé, et la justice, comme le pense Calliclès dans Gorgias, est la domination du fort sur le faible, c’est-à-dire la violence. La violence est donc ici conçue comme le résultat d’une utilisation cynique du langage.
- Pour qu'il y ait dialogue authentique, il convient de toujours tenir compte de ce qu'énonce l'interlocuteur et de n'avancer ses propres énoncés qu'après avoir vérifié que les deux partenaires les comprennent de la même façon.
- Merleau-Ponty précise que le dialogue permet la constitution d'un terrain commun entre autrui et moi. Lorsque sont échangées des répliques, les interlocuteurs élaborent un seul tissu : chacun participe à l'élaboration de la totalité, en ce sens que sans les répliques d'autrui, je n'aurais pas dit ce que j'ai dit – et réciproquement. Dialoguer constitue une opération commune : elle n'est possible que parce que les interlocuteurs sont présents ensemble et que les propos sont mis en commun.
- Pour qu'un dialogue ait lieu, il est nécessaire que deux perspectives se saisissent d'abord comme différentes, le dialogue ayant pour but d'éprouver leurs écarts pour tenter de les faire fusionner ou plutôt glisser l'une dans l'autre. L'entretien contradictoire est donc un bon moyen d'obtenir l'accord des consciences. Tant qu'on n'a pas confronté sa pensée avec celle des autres, on risque de rester avec ses opinions et ses préjugés. Le dialogue est alors l'autre de la violence qui découle du dogmatisme, du totalitarisme, du conflit insoluble des opinions.
- Dans le fondement de la morale, Marcel Conche souligne que si l'on s'adresse à l'autre comme à un interlocuteur, et non comme à un chien ou à un esclave, on considère l'autre capable de vérité et libre. Celui que je traite comme un chien ou un esclave, je lui refuse le droit à la parole parce que j'exclus que la vérité puisse venir de lui. Dès lors, " Dans toute conservation, dans tout dialogue, chacun considère, en principe, l'autre homme comme un égal ", " un dialogue, une discussion ne peuvent avoir lieu qu'entre égaux " (op.cit., p.38). Les homme sont égaux en tant que pouvant parler et saisir ce qui est vrai pour un autre homme comme vrai pour tel autre.
- Cette égalité qu'instaure et présuppose le dialogue se manifeste également dans l'alternance des positions et des rôles : je suis tour à tour questionneur et questionné. Si l'échange des rôles confirme la réalité de la réciprocité, il me libère de moi-même en quelque sorte : il m'ouvre à la présence d'autrui, me rend accueillant à son altérité que je ressens comme nécessaire à mon intériorité. Les objections d'autrui m'entraînent à trouver en moi des pensées, des arguments dont j'ignorais l'existence. De sorte que chacun amène l'autre à penser, à être autrement ou davantage. En l'absence d'autrui ma pensée perd ses chances de se transformer et de progresser.
- Sans autrui dialoguant avec moi, je
n'aurais pas la chance de déployer des façons d'être inapercues dans la
solitude. Le
dialogue m'apporte la possibilité d'accéder à une existence de plus en plus
riche. Cela signifie que la dialogue est une sorte de modèle moral
de réciprocité et d'échange entre les consciences proches ou lointaines (les
conflits collectifs, par exemple) : le dialogue, fondé sur l'égalité des
individus et des chances, est un travail en commun où s'élabore la vérité (cf.
le dialogue démocratique). L’authentique discussion est consensuelle et n’a
affaire qu’à des raisons, non point à la menace : elle s’appuie sur la force
dépourvue de violence du discours argumentatif.
- Le dialogue, qui n'est possible que dans un espace pacifié où il n'y a ni maître ni esclave, permet donc d'envisager une relation de co-existence nécessaire, irréductible au conflit et à la violence, qui s'accompagne d'une reconnaissance d'autrui comme me libérant de mes penchants à la clôture sur moi-même et à la solitude (même s'il n'annule pas solitude et conflits).
- Outre le corps et le dialogue, la rencontre, c'est aussi la sympathie, l'amour et l'amitié.
1. La
sympathie
- La sympathie (du grec sumpatheia = souffrance partagée avec…) s'entend comme participation aux états affectifs et aux manières d'être d'autrui, faculté de partager ses passions ou de les comprendre. Le terme désigne aussi plus communément le rapprochement affectif fondé sur la ressemblance ou une communauté d'inclination, l'attrait qu'un individu éprouve pour un autre, sans que la cause ou la raison de cet attrait lui soit clairement connue.
- Le sentiment est d'abord un sentiment paradoxal : elle paraît représenter ce qui ne peut nullement se donner comme objet; c'est un sentiment qui renvoie intentionnellement au sentir d'un autre; la joie que j'éprouve de la joie d'un autre n'est pas sa joie et pourtant c'est une joie que je ressens.
- Max Scheler distingue différentes formes de sympathie : le partage immédiat, direct, de la souffrance de quelqu'un, le fait de prendre part à la joie ou à la souffrance d'une personne, la contagion affective, la fusion affective et la sympathie à proprement parler, c'est-à-dire la perception ou la compréhension affective.
- La sympathie se distingue de la contagion affective qui désigne la particpation involontaire aux émotions d'autrui. La contagion affective, celle qui règne dans les foules, n’est pas une forme authentique de sympathie : c’est une participation passive, inconsciente, involontaire aux sentiments d’autres personnes. C’est une pure contamination comme celle de la gaieté qui règne dans une brasserie ou dans une fête et qui se transmet instantanément à toute personne venant du dehors, ou comme la contagion du rire, ou comme la peur dans la panique.
- Le cas limite de cette contagion affective est la fusion affective ou sentiment d’unité dans lequel un moi s’identifie complètement avec un moi étranger. Exemples de la mère qui s’identifie avec les impulsions instinctives de son enfant, de l’enfant qui s’identifie avec les personnages de son jeu, etc.
- La véritable sympathie est tout autre chose : elle transcende l’affectivité, elle est un acte de la personne qui vise la souffrance ou la joie d’une autre personne, qui les reconnaît plus qu’elle les éprouve. A la différence de la contagion affective qui est du domaine de la suggestion, la sympathie vise la personne en tant que telle. Max Scheler assure que je puis “ fort bien comprendre l’angoisse mortelle d’un homme qui se noie, sans pour cela éprouver rien qui ressemble, même de loin, à une angoisse mortelle “. Je puis comprendre des émotions que je n’ai jamais éprouvées moi-même : ce regard furieux, par exemple, me signifie une intensité de haine que jamais je n’aurais crues possibles.
- La sympathie est ainsi un acte intentionnel, tendant vers autrui comme tel. Une telle sympathie implique l’intention de ressentir la joie ou la souffrance d’autrui.
2. L'amour et
l'amitié
- S'il faut vouloir s'entendre avec les autres et les comprendre pour pouvoir s'entendre avec eux, n'est-ce pas notre attachement à autrui qui est primordial ? L'amour du prochain n'est-il pas la condition de la rencontre authentique avec autrui, dans la mesure où celui qui aime sincèrement ses semblables s'efforce de ne pas leur nuire et de leur faire du bien ?Au sommet de la rencontre est alors l'amour, cet élan pur, oblatif, gratuit vers l'Autre. Que désigne un tel amour et est-il vraiment possible ?
a) L'amour
- L’amour designe un sentiment de sympathie, d’attachement tres fort pour un autre que soi-meme. Le mot amour sert à traduire trois termes grecs différents qui définissent chacun une orientation spécifique du sentiment d'amour.
1. Eros : l'amour conçu comme désir ardent d'être uni à une personne déterminée, comme aspiration à un état de soi-même qui n'est accessible qu'au contact de l'autre. Il s’agit là de la description de l’amour passion (Eros), qui n’est pas la seule forme d’amour, mais qui représente l’amour le plus fort, le plus violent, le plus riche en souffrances, en échecs, en illusions, en désillusions. Cet amour passionnel a le manque comme essence, ainsi que la souffrance et la possessivité. L’amour passionnel est eminemment paradoxal, il xprime une tension entre passivite et action : il est un sentiment eprouve sous la forme d’une depossession de soi et, en meme temps, il conduit a l’action.
- Philia : relation empreinte de réciprocité et d'estime mutuelle. On traduit souvent ce terme par " amitié " mais le sentiment a une portée plus large : il consiste en l'affection montrée à autrui et la volonté d'entretenir avec lui des rapports où se manifeste une certaine excellence morale.
- Agapé : l'amour consacré à autrui dans sa qualité fondamentale d'être un humain et un prochain; sentiment sans attente de réciprocité et indépendant de ce qu'est l'être aimé (ex : la charité chrétienne).
- Malgré leurs différences, ces trois sentiments ont en commun le désir de faire le bien d'un objet aimé, ainsi qu'une émotion de qualité particulière liée au sens que peut avoir une certaine forme d'union avec une autre personne. Portée morale de l'amour qui tient à ce désir de faire le bien de l'autre et au désir de se connaître ou de s'améliorer soi-même. Il y a aussi au fond de l'amour le besoin de possession d'autrui qui peut être si absolu qu'il conduise à souhaiter l'aliénation ou la disparition de l'être aimé.
- L'amour : un sentiment duel, associant un sentiment de bienveillance et une forme de concupiscence (désir vif des biens terrestres, convoitise) à l'égard d'autrui. Il est à la fois amour généreux , oblatif (qui s'offre à satisfaire les besoins d'autrui au détriment des siens propres) et captatif (qui cherche à accaparer quelqu'un, à prendre pour soi). Aimer, c'est " se réjouir de la félicité d'autrui " (Leibniz), désirer se fondre en l'autre jusqu'à vouloir s'approprier cette conscience. Il exprime donc une tension entre desir d’appropriation et desir du bien de l’autre.
- L'amour est sans doute ce qui nous donne l'accès le plus profond que nous ayons à autrui; il nous oblige à vouloir constamment, à travers autrui, quelque chose de notre vie et éveille souvent en nous un désir d'amélioration de nous-mêmes. Il représente un des meilleurs accès dont nous disposions à la compréhension de nous-mêmes et d'autrui.
- Aimer n’est pas donne d’emblee, aimer bien est tout un travail, il peut faire l’objet d’une volonte, d’une decision . Dans Le Gai savoir (paragraphe 334 : « Il faut apprendre a aimer »), Nietzsche explique que tout amour est ouverture a l’alterite, derangeante et perturbatrice. Celui qui veut pouvoir aimer doit apprivoiser l’autre. Il faut s’habituer a l’etrange ou l’etranger et le faire sien ; mais non pas le reduire, se l’approprier dans un desir consommateur, mais se laisser modifier et modifier soi-meme l’autre. Amour comme echange et reciprocite, creation d’un espace mouveau de relation ou deux parties se rencontrent et se donnent l’une a l’autre en etant modifiees, transformees, transfigurees par ce processus.
- Aimer n’est donc pas donne, c’est quelque chose don’t on doit se rendre capable. Cette conception s’oppose a celle de la passion fatale et exclusive. L’amour est le fruit d’une construction et d’un travail. La conception fataliste de l’amour necessaire pour un etre est rassurante. Accepter que l’amour est le fruit d’une decision et d’un travail fragilise la determination de l’objet ou de l’etre a aimer et le revers de cette liberte reside dans la possibilite l’erreur (ce que, d’une certaine maniere, Merleau-Ponty appelle la « hardiesse de l’amour »).
- L'amour comme instauration de la réciprocité : reconnaître en l’autre un être semblable à soi ( j’aime l’autre parce qu’il est un sujet existant semblable à moi-même); reconnaissance aussi de l’autre comme autre, comme sujet autonome (l’être aimé est reconnu, désiré, admiré dans sa spécificité individuelle). Chacun, dans l’amour généreux, affirme la spécificité de l’autre et s’en réjouit. Amour comme affirmation mutuelle de l'autre comme sujet, comme " narcissisme généreux " où le sujet se réjouit d'être aimé et reconnu, ainsi que d'aimer et de reconnaître la spécificité, la valeur et l'existence même de l'autre.
- La logique de l’amour est finalement celle du don, de la circulation de l’affection qui pose la valeur des personnes. L’amour est fait d’exigences.
- Citation de R. M. Rilke dans Lettres à un jeune poète : « L'amour c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l'être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limites, qui fait de celui qui aime un élu qu'appelle le large. Dans l’amour, quand il se présente, ce n’est que l'obligation de travailler à eux-mêmes que les êtres jeunes devraient voir ».
b) L'amitié (texte d’Aristote)
- Question pour les élèves : comment définissez-vous l'amitié ? Qu'est-ce qui la distingue de l'amour ?
- L'amitié est une forme d'amour, un lien de sympathie et d'affection entre deux ou plusieurs personnes, qui ne repose ni sur l'attrait sexuel ni sur la parenté. L’amour a proprement dit se distingue de l’amitié par son degre d’intensité et la composante d’échanges physiques qui l’accompagne souvent. Sentiment défini par la tendresse, la générosité et la réciprocité, caractéristiques qui peuvent certes appartenir à l'Eros, mais qui ne le caractérisent pas de la même façon. Le désir, l'aspiration à la possession de l'autre, le besoin ardent de sa présence (Eros) n'appartiennent pas à philia : dans l'amitié, je souhaite du bien à celui que j'aime, indépendamment du bien que je pourrai retirer de lui.
- L’amitié réalise un équilibre du Même et de l’Autre. Pour être amis, il convient de ne pas trop se ressembler : sinon l’amitié ne serait qu’un jeu de miroirs où j’admirerais en l’autre ce que je sais retrouver en moi. Elle est respect des différences, c’est-à-dire tolérance. Mais une trop grande différence ne sied pas non plus : sinon je n’éprouverai que répugnance de ce qui m’est étranger ou fascination pour l’altérité absolue. Loin des positions absolues de l’amour, l’amitié permet une claire acceptation entre des différences et la reconnaissance de valeurs mutuelles.
- Il y a toutefois des traits communs entre philia et Eros. Le sentiment d'unicité de la personne aimée, le caractère singulier de la relation qui unit les deux amis (" parce que c'était lui et parce que c'était moi ", Montaigne, in Les Essais, I, 28). Conscience qu'a autrui du fait que son ami désire qu'il soit à ses côtés et qu'il soit heureux. Le souhait de retrouver au travers de l'amour éprouvé pour l'autre une forme d 'amour de soi. Toutefois, dans l'amitié, l'amour de soi-même (on doit être à soi-même le meilleur ami, s'aimer) porte sur la partie la plus précieuse de l'être humain, sa vertu, l'ordre le meilleur de son âme. Mais l'amitié est davantage un sentiment réciproque et marqué d'égalité.
- Mais celui qui aime, en agissant pour le bien d'autrui, peut aussi agir pour son propre bien. Il y a, dans l'amitié, une tendance naturelle à la réciprocité, en laquelle peut s'épanouir le bien de l'une et l'autre personne. Aristote définit l'amitié vraie, parfaite comme étant sélective, rare et recherchée : elle comporte trois caractères spécifiques : elle est une vertu (elle n'est ni une puissance, c'est-à-dire une simple disposition, ni une passion, mais une disposition permanente acquise par habitude et entretenue activement); l'amitié relève d'un choix libre (contrairement à l'amour parental, par exemple, qui, comme on l'a vu, ne choisit pas la personnalité de l'être aimé) et d'une décision partagée de bienveillance réciproque; l'autre est aimé pour lui-même et non pour les bénéfices que je peux tirer de cette amitié (amitié utile, amitié plaisante).
- Philia : l'amour, quand il s'épanouit entre humains, quelles qu'en soient les formes, dès lors qu'il ne se réduit pas au manque ou à la passion. L'amour tel qu'il ne manque de rien. L'amour heureux. L'amitié au sens large : l'amour entre mari et femme, l'amour paternel, fraternel ou filial, l'amitié des hommes vertueux. C'est l'amour-joie (cf. Texte de Spinoza), en tant qu'il est réciproque ou peut l'être : " C'est la joie d'aimer et d'être aimé, c'est la bienveillance mutuelle ou susceptible de le devenir, c'est la vie partagée, le choix assumé, le plaisir et la confiance réciproques, bref c'est l'amour-action, qu'on opposera pour cela à Eros (l'amour-passion), même si rien n'interdit qu'ils puissent converger ou aller de pair " (Comte-Sponville,op.cit., p 335).
- Texte d’Aristote. L’amitié est un
sentiment de bienveillance active et réciproque, lien social par excellence.
Nul bonheur n’est pensable si l’on est privé d’amis.
- Il faut distinguer, dit Aristote, l’amitié en vue de l’utilité, l’amitié en vue du plaisir, qui sont accidentelles, et l’amitié parfaite, celle des « hommes vertueux qui sont semblables en vertu ». Caractère désintéressé de l’amitié : si l’on aime l’autre pour les avantages qu’on peut tirer de sa fréquentation, c’est toujours soi-même qu’on aime à travers lui, ce qui nous ramène à l’amour propre. Or, les amis vertueux souhaitent du bien à leurs amis pour l’amour de ces derniers, en tant qu’ils sont dignes de cette amitié. Et l’amitié parfaite, d’après Aristote, est le lien le plus fort que l’on puisse concevoir entre des personnes.
- L’amitié n’est pas un pur sentiment, elle est plutôt une activité commune où la stabilité, la durée se conquièrent laborieusement.
- L’amitié requiert, tout autant que l’amour, le respect qui, selon Kant, « exige que l’on se maintienne l’un à l’égard de l’autre à une distance convenable » (Kant, Métaphysique des mœurs, II, par.46, 148). L’amitié, pour être authentique, doit se fonder sur un certaine distance : elle est véritablement une relation maîtrisée où chacun est maître du lien qu’il contracte en quelque sorte et renouvelle en permanence.
Conclusion :
- Si l’amour et l’amitié apparaissent comme des formes sublimes de sympathie à l’égard d’autrui où se construit une rencontre authentique, on peut toutefois se demander si ces dispositions affectives sont suffisantes, eu égard notamment à leur nature ambiguë, voire contradictoire. Cela est surtout vrai de l’amour : quand il repose sur l’attrait sexuel ou même la parenté (l’amour qu’on éprouve pour ses parents, par exemple), il devient difficile de faire la part entre l’amour oblatif, qui donne la priorité à la satisfaction des besoins d’autrui, et l’amour captatif, qui vise à la capture, à la possession de l’autre. Ainsi, au nom de l’amour, je peux en toute bonne foi étouffer quelqu’un de ma sollicItude ou le priver de toute autonomie (exemple de la jalousie). D’où la nécessité d’envisager un ultime fondement à la rencontre authentique d’autrui que nous cherchons.
- Si autrui est celui avec lequel j’ai la chance de pouvoir construire un dialogue authentique, ainsi qu’une vraie réciprocité qui, dans l’amour et l’amitié notamment, m’élève, n’est-il pas aussi celui qui m’oblige, m’impose des limites et m’ouvre l’horizon de l’universel, du désintéressement, c’est-à-dire de la morale ?
1) Le visage
- Le philosophe Emmanuel Lévinas envisage une perspective tout à fait différente de celle de Sartre, à partir du même thème du regard et de la reconnaissance. Il développe l’idée que c’est dans la simple saisie d’un visage que s’exprime la dimension entièrement morale de la rencontre de l’autre.
- L’autre, en effet, se présente simultanément comme sans défense et invitation au respect (position d’autrui comme valeur) : la possibilité physique de tuer autrui se donne en même temps que l’impossibilité morale d’accomplir cet acte. Autrui nous est livré dans une dimension éthique comme celui que je n’ai pas le droit de tuer.
- Alors que Sartre
insiste sur la dimension conflictuelle de la rencontre d’autrui, le regard de
l’autre me donnant consistance et existence, et au même moment me privant de
moi-même et de ma liberté, Lévinas insiste sur le rôle d’autrui dans la vie
morale : la rencontre de l’autre, le simple face-à-face est d’emblée structuré
par une dimension supérieure, une dimension morale. La relation à autrui dépasse
un cadre strictement affectif : il ne s’agit pas seulement de vouloir du bien à
l’autre, mais aussi de poser le Bien comme fondement de la relation.
- En somme, Lévinas fait remonter la naissance du sujet à l’intrigue nouée avec autrui. Mais cette intrigue n’est ni un conflit, ni pour autant une idylle. La guerre n’est pas le fait originel de la rencontre; la paix non plus : “ il n’est pas sûr que la guerre fût au commencement “ (Lévinas). Ce n’est pas la lutte, c’est l’éthique qui est le sens originel de l’être-pour-autrui. C’est à la responsabilité et non au conflit qu’invite le face-à-face avec l’autre homme.
- Avant d’être regard, autrui est visage : il n’est pas avant tout une puissance aliénante qui menace, qui agresse, qui envoûte le moi; autrui est cette puissance éminente qui brise au contraire l’enchaînement du moi à lui-même. Le visage est la manière dont se présente l’Autre. Ce qui caractérise ce visage, c’est sa désobéissance à la définition, “ cette manière de ne jamais tenir tout à fait dans la place que lui assignent mes propos les plus acérés ou mon regard même le plus pénétrant “ (Finkielkraut, La sagesse de l’amour). Il y a toujours en l’Autre un surplus, un écart par rapport à ce que je sais de lui : “ rencontrer un homme c’est être tenu en éveil par une énigme “ (Lévinas). Le visage n’est pas tant une forme sensible que la résistance opposée par le prochain à sa propre manifestation, le fait pour lui “ de ne me laisser entre les mains que sa dépouille quand c’est sa vérité que je crois détenir “ (Finkielkraut, op.cit.).
- L’expérience du regard nous révèle la dimension fondamentalement morale de la relation à autrui. C’est la notion de visage qui caractérise la donation d’autrui. L’altérité du visage correspond à une relation qui n’est pas de l’ordre de la connaissance mais de nature éthique.
2) Le respect
- Selon Kant, respecter l’autre, c’est m’interdire de l’employer comme un pur moyen au service de mes fins ; c’est m’incliner devant ce qui en lui est proprement humain, que ce soit l’amour de ma vie ou mon pire ennemi.
- Une action intéressée et, comme telle, immorale, est celle qui se rapporte à la satisfaction de besoins égoïstes et traite la réalité comme le simple moyen d’une telle satisfaction. Or, les êtres qui n’ont qu’une valeur relative, qui ne servent que comme moyens, sont appelés “choses”. Se servir d’un être humain comme simple moyen est donc le traiter comme une chose. Mais si l’on reconnaît à l’être humain la dignité d’une personne, on ne le traitera pas en simple moyen, mais aussi comme fin de l’action, comme une fin en soi, comme une valeur absolue.
- D’ou le premier impératif catégorique que formule Kant et qui constitue, pour chacun d’entre nous, le devoir suprême par lequel autrui nous aide a terrasser notre propension a l’amour propre, a l’égoïsme, a la violence : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne ( respect à l’égard de soi-même) que dans la personne de tout autre toujours comme une fin, et jamais simplement comme un moyen".
- C’est le caractère rationnel de la personne humaine qui en fait la dignité, et la désigne comme personne et non comme chose. La rationalité est la capacité à définir des règles universelles, indépendantes de la particularité des intérêts subjectifs. Par la raison, l’homme est aussi bien l’origine de la loi morale que sa fin. La dignité et la valeur incomparable de l’homme réside donc dans sa qualité de sujet raisonnable, possédant la raison , et de sujet libre. A partir de cette maxime, on condamnera aisément l’esclavage et plus généralement tout forme d’exploitation de l’homme par l’homme. Une action qui ne respecterait pas cette dignité est donc non seulement immorale mais aussi déraisonnable et irrationnelle. |
- Mais pourquoi finalement le respect d’autrui relève-t-il d’une prescription morale ? Pourquoi avons-nous besoin de morale ?
- Si la morale existe, et si elle est nécessaire, c’est précisément parce que nous ne saurions renoncer à ces valeurs, à ces idéaux qui n’existent certes pas, mais sans lesquels rien de ce qui existe ne saurait être évalué ni affronté. « La justice n'existe pas, disait Alain ; c’est pourquoi il faut la faire ». Disons que la morale est nécessaire parce que l’homme est égoïste, lâche, parce que la haine, la cruauté, l’injustice, l’oppression règnent. Si les sentiments étaient bons, qu’aurions-nous besoin de morale ? « C’est au contraire parce que nos sentiments sont mauvais ou ambivalents – presque tous, presque toujours – que nous avons besoin de morale ! » (André Comte-Sponville, Parler de morale ?, in Magazine littéraire, n° 361, janvier 1998).
- Nous n’avons finalement besoin de morale que faute d’amour, de sorte que la morale pourrait être considérée, dans sa fonction fondamentale, comme un « semblant d’amour : agir moralement, c’est agir comme si l’on aimait » (André Comte-Sponville, Petit traité des grandes vertus, p 295). Nous avons besoin de morale, non point pour railler, à la façon des moralistes, l’humaine condition , dénoncer les vices, le mal, le péché, accuser toujours, mais « pour essayer de comprendre ce que nous devrions faire, ou être, ou vivre, et mesurer par là…le chemin qui nous en sépare » (ibid.).
- Nous étions partis du paradoxe du même et de l’autre pour nous interroger sur la nature de l’autre et déterminer si ce dernier était capable ou désireux d’entrer avec nous dans une relation positive. Apres avoir tente de dépasser la perspective pessimiste qui nous interdit de penser l’intersubjectivité, nous nous sommes aperçus que si autrui est le mediateur indispensable entre moi et moi-même, ce que je perçois en lui, ce n’est pas seulement la dure loi du conflit, mais aussi l’affirmation d’une humanité possible qui se dessine dans notre expérience la plus humble, mais aussi dans le dialogue, l’amour et la relation morale.
- Il est des lors possible d’envisager une alternative féconde a la démarche solipsiste, qui enferme le sujet dans sa singularité irréductible, et a la croyance naïve en la possibilité d’une fusion ou d’une relation transparente avec l’autre. Il conviendrait de montrer que la présence d’autrui, fut-elle la plus sublime et la plus chaleureuse, ne saurait toutefois nous épargner la solitude qui reste bel et bien le prix a payer de la subjectivité. Solitude qui, lorsqu’elle est assumée véritablement, nous ouvre a l’amour, a l’amitié, a la rencontre de l’autre.
- La solitude structure mon rapport a autrui sur le mode de l’absence, de la négation, du mystère. En parlant de la hardiesse de l’amour, Merleau-Ponty nous indique que l’énigme, la distance de l’autre sont constitutives de la relation parce que déjà je ne suis pas moi-même transparent pour moi-même. Rencontrer autrui, c’est entrer dans un monde qui n’est pas absolument rassurant, c’est prendre des risques et parier sur la réciprocité sans attendre véritablement celle-ci. Une telle acceptation de la solitude, qui nous reconduit au mystère même de la subjectivité, mène tout droit a la reconnaissance de la liberté et de la singularité de l’autre. Cette reconnaissance nous ouvre à la véritable présence et rencontre d’autrui.
NOTA BENE : cette conclusion devra être complétée par la lecture attentive du corrige de l’explication du texte de Merleau-Ponty (les passages consacres notamment a la hardiesse de l’amour) et de la dissertation « la présence d’autrui nous évite-t-elle la solitude ? ».
- La sympathie nous permet-elle de connaître autrui ?
- L’amour donne-t-il accès à la compréhension d’autrui ou constitue-t-il un obstacle ?
- L’amitié est-elle une forme privilégiée de la connaissance d’autrui ?
- Sommes-nous tels que nous paraissons aux yeux des autres ?
- En quel sens peut-on dire d’autrui qu’il est à la fois le plus proche et le plus lointain ?
- Peut-on se mettre à la place de l’autre ?
- La présence d’autrui nous évite-t-elle la solitude ?
- A-t-on le devoir d’aimer autrui ?
- Nos rapports avec autrui sont-ils nécessairement conflictuels ?
- Faut-il vivre pour autrui ?
- Respecter autrui est-ce s’interdire de le juger ?
- Qu’est-ce qui justifie le respect d’autrui ?
- Aristote, Ethique à Nicomaque, livres VII et IX (sur l’amitié), G.F.
- F.G.W Hegel, La phénoménologie de l’esprit (la dialectique du maître et de l’esclave), Aubier.
- Renaud Barbaras, Autrui, Quintette.
- E. Levinas, Totalité et infini ; Le temps et l’autre ; Humanisme de l’autre homme, Ed. Fata Morgana.
- J.P. Sartre, L’être et le néant, 3ème partie, pp. 265 à 352, Gallimard.
- T. Todorov, La vie commune, essai d’anthropologie générale, Seuil.
- Autrui : l’autre comme moi qui n’est pas moi ; l’autre moi, le prochain, le semblable, le même et l’autre à la fois.
- Autre : ce qui est différent, étranger, distinct et séparé de moi.
- Altérité : caractère de ce qui est autre, oppose au même, a l’identique.
- Altruisme : sentiment désintéressé et amour d’autrui (par opposition à l’égoïsme). Disposition à se dévouer à autrui.
- Amour : sentiment puissant d’attirance vers quelque chose ou quelqu’un.
- Amour de soi : pour Rousseau, simple souci d’auto-conservation, attachement d’un être à son état. L’amour de soi est innocent, moralement neutre.
- Amour propre : dans la relation avec les autres, préférence que j’accorde à l’affirmation de ma personne.
- Compréhension : à la différence de la simple connaissance, qui pose un objet vis-à-vis du sujet, la compréhension suppose une pénétration des motifs subjectifs de l’action d’autrui, une certaine qualité d’approche qui mêle l’attention et l’intelligence.
- Solipsisme : terme polémique, qui vise les philosophies dans lesquelles le sujet pensant est amené à n'affirmer aucune autre réalité que lui-même (dans le texte de Merleau-Ponty étudié en classe, le solipsisme, qualifié par l'auteur d'attitude sceptique et pessimiste, est incarné par Descartes et Pascal).
1. Quelles sont les différentes relations que le même et l’autre peuvent nouer ?
2. Qu’est-ce que le solipsisme ?
3. En quoi peut-on qualifier la position de Pascal de pessimiste ?
4. Que faut-il entendre par « hapax » ?
5. Selon Hobbes, la concorde est l’essence des relations humaines ? V F
6. Qu’est-ce que la dialectique du maître et de l’esclave ? Que nous enseigne-t-elle sur autrui ?
7. Que nous révèle, selon Sartre, l’expérience de la honte ?
8. Résumez la critique rousseauiste de la théorie hobbienne ?
9. Quelles sont les limites du propos solipsiste ?
10. L’amour de soi est l’attachement exclusif que l’on éprouve a l’égard de soi-même V F
11. Quel reproche Merleau-Ponty adresse-t-il a Pascal ?
12. Quelles sont les caractéristiques du dialogue authentique ? En quoi peut-on dire qu’il est porteur d’une dimension morale ?
13. Définition de la sympathie.
14. Les différents sens du mot amour ?
15. Les caractéristiques de l’amitié.
16. Qu’est-ce que le respect ? Pourquoi avons-nous besoin de morale ?
©Tous droits réservés