LA CONSCIENCE, L'INCONSCIENT

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INTRODUCTION

 

I) LA CONSCIENCE PSYCHOLOGIQUE

A) LES FORMES DE LA CONSCIENCE

B) LA CONSCIENCE ET LE MONDE

 

II) LE PROBLEME DE L'IDENTITE PERSONNELLE

A) LA QUESTION DU MOI

B) LES PARADOXES DE L'IDENTITE PERSONNELLE

 

III) L'INCONSCIENT PSYCHIQUE

A) L'IDEE D'INCONSCIENT

B) L'INCONSCIENT, UNE HYPOTHESE NECESSAIRE ET LEGITIME

C) LE PROCES DE L'INCONSCIENT

 

CONCLUSION GENERALE : LES TACHES DU SUJET

 

LA CONSCIENCE  - THEMES DE RECHERCHES COMPLEMENTAIRES

LA CONSCIENCE - SUJETS DE DISSERTATION

LA CONSCIENCE - LECTURES CONSEILLEES

LA CONSCIENCE  - DEFINITIONS A CONNAITRE

 

L'INCONSCIENT - THEMES DE RECHERCHES COMPLEMENTAIRES

L'INCONSCIENT – SUJET DE DISSERTATIONS

L'INCONSCIENT - DEFINITIONS A CONNAITRE

L'INCONSCIENT - LECTURES CONSEILLEES

 

EXERCICE DE CONTROLE DE COMPREHENSION DU COURS

 

Objectifs méthodologiques : apprentissage de la méthode globale de l'explication de texte (travail de préparation + rédaction) en vue du devoir n° 1.

 

 

INTRODUCTION

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1.     Exercice préparatoire

 

- Le mot conscience se rencontre dans un grand nombre de phrases et d'expressions dans lesquelles il reçoit un très grand nombre de sens différents. Ce qui s'impose donc d'abord avec ce mot, c'est sa polysémie. Recensement des locutions et expressions employant le mot conscience puis classement de ces locutions par champs sémantiques. On doit parvenir au classement suivant:

 

                        a. Registre moral : avoir bonne / mauvaise conscience, avoir la conscience tranquille, en son âme et conscience, faire appel à la conscience de quelqu’un, conscience professionnelle, avoir un problème ou un cas de conscience, agir en son âme et conscience, être consciencieux, avoir la conscience tranquille. Et, dans le même ordre d'idée, être inconscient, c'est-à-dire agir au mépris de la prudence, dans l'ignorance des risques qu'on court ou fait courir aux autres.

 

                        b. Registre psychologique : perdre conscience, être inconscient au sens d'avoir perdu connaissance, prendre conscience de quelque chose, être conscient de l'existence d'une chose, d'un être, d’un fait, avoir conscience de telle ou telle chose, avoir conscience de soi.

 

- Où l'on voit que le terme de conscience est, en français, ambigu. Lorsque je pense, j'ai conscience de mes idées, personne ne peut les connaître à ma place, et lorsque j'ai commis une faute morale, j'ai mauvaise conscience. Il ne s'agit manifestement pas de la même conscience. La langue anglaise dispose de deux mots – consciousness et conscience – là où la française n'en a qu'un. Consciousness désigne la relation qu'un sujet entretient avec une réalité externe ou interne, tandis que conscience signifie la relation avec une valeur morale. De même l'allemand possède-t-il deux mots pour désigner la conscience psychologique (Bewu$tsein) et la conscience morale (Gewissen).

 

- Chacun de ces deux types de conscience détermine une catégorie spécifique de jugements : lorsque je dis que j'ai mal, j'énonce un jugement de fait; lorsque je dis que c'est mal, j'énonce un jugement de valeur. Les jugements de fait se contentent de constater la réalité telle qu'elle est (" il fait beau "), les jugements de valeur visent la réalité telle qu'elle devrait être (" il faut respecter son prochain ").

 

- Il s'ensuit que par conscience psychologique, il convient d'entendre la saisie immédiate qu’un sujet a de lui-même, de ses pensées, de ses actes, la simple présence du sujet au monde, à lui- même (à ses représentations), bref la conscience qui accompagne tout acte du sujet : lorsque j'ai mal, que je pense à mon enfance, je le sais immédiatement, je n'ai pas besoin de réfléchir longuement pour le savoir. Le terme conscience vient d'ailleurs de deux mots latins, cum et scire, qui signifient avec et savoir. Avec qui ? Avec soi-même précisément. La conscience est ainsi, en premier lieu, présence à soi, relation intériorisée immédiate ou médiate qu'un être est capable d'établir avec le monde où il vit ou avec lui-même.

 

- La conscience morale est la propriété qu’aurait l’esprit humain de porter spontanément des jugements moraux, la faculté que possède chaque homme d’être lui-même le juge de ses actions, comme de celles de n’importe quel être humain. Par elle, nous sommes responsables, nous distinguons le bien du mal, et revendiquons des droits, comme la liberté de conscience (droit de professer les croyances de son choix).

           

- Dans ce cours, nous nous limiterons à l'examen de la conscience psychologique en articulant notre réflexion autour de deux questions fondamentales :

 

1.     Celle d'abord concernant la nature, les formes et les conditions de la conscience psychologique (1ère partie du cours) : comment faisons-nous l'expérience de la conscience ? que nous révèle-t-elle de nous-mêmes ? quelles sont les caractéristiques fondamentales de la conscience ? que signifie être conscient et prendre conscience de quelque chose ?

 

2.     Celle ensuite relative à l'identité de la personne (2ème partie du cours) : la conscience renvoie-t-elle à l'existence d'une entité qu'on appellerait le moi ou le sujet ? qui suis-je réellement, que puis-je savoir de moi-même ? suis-je ce que j'ai conscience d'être ?

 

3.     La troisième partie du cours sera consacrée à l'examen de l'idée d'inconscient que nous n'avons pas encore introduite par souci de cohérence ou pour éviter d'obscurcir cette introduction. Car pour savoir si l'on peut légitimement parler d'inconscient, il convient d'abord de comprendre ce qu'est la conscience.

 

- C’est sans doute l’idée même de sujet qui est en jeu, à laquelle se réfère toute la philosophie occidentale, alors que l’Orient, semble-t-il, met le sujet à distance ou le relativise en tout cas. Le sujet conscient est-il le point de départ évident, le modèle de la connaissance ou de l’action rendant possible les idéaux de la vérité, de la liberté et du bonheur, par opposition au monde des choses et de la nature ? Ou bien faut-il remettre le sujet à sa place, qui n’est pas celle d’un principe fondateur, mais d’un phénomène déterminé, relatif, transitoire, illusoire, comme nous invitent à le penser les sciences humaines, certains courants de la philosophie contemporaine et les spiritualités orientales ?

 

I) LA CONSCIENCE PSYCHOLOGIQUE

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- En premier lieu, quelles sont les principales caractéristiques de la conscience et de l'être conscient ? La conscience, comme nous allons le voir, existe sous des formes très variées, depuis les plus frustes, communes aux hommes et aux animaux, jusqu'aux plus élaborées, privilège, semble-t-il, de l'homme seul. Cette remarque va d'ailleurs nous permettre d'envisager la question de la spécificité de l'homme au regard des autres êtres vivants, des animaux notamment : la conscience est-elle la marque par excellence de la supériorité de l'homme sur l'animal, de sa grandeur, de sa dignité ?

 

A) LES FORMES DE LA CONSCIENCE

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- On peut accorder à la conscience l'extension la plus vaste, en la faisant descendre jusqu'à l'excitabilité, le plus bas degré de la sensibilité; on peut à l'inverse, à l'instar du philosophe Ludwig Feuerbach, en réserver la primeur aux formes les plus élaborées de la pensée, comme la réflexion et la conscience de soi, réservées à l'homme. Aussi convient-il de distinguer différentes formes et degrés de conscience.

 

1) La conscience sensible (texte de Bergson, méthodologie de l'explication de texte)

 

- La conscience sensible, appelée aussi sensation, est sans conteste la forme première, la plus simple, de la conscience. La sensation : un stimulus (olfactif, visuel, sonore, tactile, gustatif) frappe un corps doué d'un système nerveux, ce qui provoque la réaction de l'animal. La sensation est alors un rapport immédiat, intériorisé, entre un corps et le monde extérieur. Existent également des stimuli internes qu'on nomme " sensations coenesthésiques  "

 

- On peut considérer que l'homme partage avec les animaux, au moins ceux qui disposent d'une sensibilité développée, le sentiment d’une présence immédiate à soi et au monde, tandis que les végétaux en sont dénués. En effet, il y a des qualités ou des fonctions attribuées aux êtres vivants qui sont requises pour qu’une certaine forme ou un certain degré de conscience puissent leur être consentis.

 

- Ce premier degré de la conscience se caractérise par la sensibilité, la possibilité d’autodétermination, de choix, d’adaptation, la mémoire, une certaine indétermination dans le comportement. Cette conscience remplit donc une fonction biologique majeure : rôle de conservation, de défense vitale, d'adaptation. La conscience naît véritablement là où commence le comportement. Grâce à cette faculté, s’éclaire ce qui est utile à connaître : l’attention du chien s’éveille quand un bruit nouveau apparaît. Les primates supérieurs sont capables d’attribuer des états mentaux à leurs partenaires, d’être conscients des conséquences de leurs actes, d’être ouverts à l’altruisme et de pratiquer certaines formes d’intentionnalité (tromperie, manipulation).

 

Texte de Bergson (exercice n° 1 de méthodologie sur l'explication de texte en vue du devoir n° 1 : travail de préparation + corrigé type).

 

- La conscience, dit Bergson, dans L'énergie spirituelle (La conscience et la vie), c'est d'abord la mémoire, c'est-à-dire la conservation et l'accumulation du passé dans le présent. La première fonction de la mémoire est de retenir et d 'anticiper, " retenir ce qui n'est déjà plus, anticiper sur ce qui n'est pas encore". L'esprit s'occupe de ce qui est, en vue de ce qui va être : " Toute action est un empiétement sur l'avenir". "…la conscience est un trait d’union entre ce qui a été et ce qui sera, un pont jeté entre le passé et l’avenir ” (Bergson, op.cit.).

 

- Bergson ajoute que “Si conscience signifie mémoire et anticipation, c’est que la conscience est synonyme de choix”. La conscience est cette fonction qui nous permet de choisir dans la masse importante des faits, des souvenirs, des images, des émotions qui nous assaillent, en obéissant à des lois de conservation et d’adaptation. La faculté de choisir qui caractérise la conscience, même à son degré le plus fruste, désigne la faculté de "répondre à une excitation déterminée par des mouvements plus ou moins imprévus". Le rôle de la conscience est donc de décider.

 

- La conscience s'endort en quelque sorte lorsque nos actions cessent de devenir spontanées pour devenir automatiques : exemple de l'apprentissage d'un exercice, nous commençons par " être conscients de chacun des mouvements que nous exécutons, parce qu'il vient de nous, parce qu'il résulte d'une décision et implique un choix; puis, à mesure que ces mouvements s'enchaînent davantage entre eux et se déterminent plus mécaniquement les uns les autres, nous dispensant ainsi de nous décider et de choisir, la conscience que nous e avons diminue et disparaît" (Bergson, op.cit.).

 

- C'est d'ailleurs dans les moments de crise intérieure, "où nous hésitons entre deux ou plusieurs partis  prendre…" que notre conscience "atteint le plus de vivacité". En somme, les "variations d'intensité de notre conscience semblent correspondre à la somme plus ou moins considérable de choix ou…de création, que nous distribuons sur notre conduite".

 

- Ainsi la vie, dans son évolution, a-t-elle choisi deux directions : la première direction est celle du monde animal qui va dans le sens du mouvement et de l'action et qui tend vers une action de plus en plus libre. La seconde est celle des végétaux où la mobilité est possible mais comme endormie, assoupie, inconsciente. Et plus l'on remonte la pente de la matière, plus "les choses se passent comme si un immense courant de conscience…avait traversé la matière pour l'entraîner à l'organisation et pour faire d'elle…un instrument de liberté". Et c'est bien la liberté qui est l'essence de la conscience, alors que la matière est tout entière nécessité. La vie est précisément "la liberté s'insérant dans la nécessité et la tournant à son profit".

 

- Bergson explique donc le phénomène de la conscience en termes de continuité et de gradation et c'est précisément pour expliciter ces degrés qu'il semble nécessaire de 
distinguer l'homme de l'animal
. Le texte de Bergson  montre qu'on ne peut prétendre observer le même niveau de conscience chez l'homme et chez l'animal. La conscience est théoriquement coextensive à la vie, il est cependant évident que pour certains êtres elle est endormie, et pour d'autres simplement limitée. Aussi est-il nécessaire de procéder à un certain nombre de distinctions : êtres inanimés, inertes / êtres animés, vivants; au sein des êtres vivants : êtres dont la sensibilité est limitée (végétaux) / êtres dont la sensibilité est développée (animaux); au sein des êtres dont la sensibilité est développée : êtres capables d'éprouver leur existence et celle du monde / êtres capables de connaître leur existence et celle du monde.

- Si la première frontière est clairement établie , pour les autres limites on ne peut en aucun cas être aussi catégorique : ainsi les primates tels que chimpanzés et gorilles présentent des aptitudes qui les placent de façon assez évidente dans une proximité avec l'homme qui
est étonnante - mais assez logique au fond.

 

- Qu'est-ce qui alors caractériserait la conscience humaine ? La conscience animale, si elle est capable de choix, n’en demeure pas moins fort limitée quant à ses possibilités d’invention. L’animal est certes capable de choix et d'inventions qui marquent toute conscience. Toutefois, son invention, précise Bergson, n’est rien de plus « qu’une variation sur le thème de la routine ». Le terme de « variation » indique que la possibilité dont dispose l’animal d’inventer sa réponse est fort limitée : c’est autour d’une réponse en quelque sorte préformée que l’animal ajoute « individuellement » de légères variantes. Cette initiative préformée serait précisément celle de l’instinct qui autorise certes une marge d’indétermination, mais qui n’en continue pas moins à circonscrire rigoureusement le périmètre de la liberté animale.

 

- D’automatisme en automatisme, l’animal ne sort pas des bornes étroites de l’instinct et de l’espèce, même si une certaine autodétermination est rendue possible par ce même instinct.

 

- Si la conscience est coextensive à la vie,  l’apparition au sein de la nature de la conscience humaine introduit une rupture radicale et définitive. L’individu humain se démarque de l’animal en ce sens qu’il est seul responsable de son invention. Autrement dit, alors que chez l’animal l’espèce prime sur l’individu, l’humanité se définit précisément par cette primauté ou précellence de l’individu sur l’espèce. Dès lors, l’individu humain n’est pas déterminé par une hérédité mais met librement au point des solutions radicalement nouvelles aux problèmes qu'il rencontre.

 

2) La perception

 

- La perception est moins simple que la sensation. Seuls les animaux supérieurs et l'homme y sont sujets. On peut définir la perception comme la fonction par laquelle l’esprit organise des sensations et se forme une représentation des objets externes, c'est-à-dire se donne le vécu, s'en saisit, se le représente. La perception est la sensation associée à l'attention. Alors que la sensation est passive (mon corps est frappé par un stimulus), la perception est active et constitue en quelque sorte un jugement qui organise, interprète les mécanismes du corps.

 

- Ainsi distingue-t-on, en français, entre voir et regarder : pour voir (sensation), il suffit de posséder un appareil visuel qui fonctionne; pour regarder (perception), il faut le vouloir, être intéressé, attentif : on peut voir sans regarder mais il est impossible de regarder sans voir. En somme, percevoir, c'est plus que voir, c'est interpréter, comprendre, de sorte que dans la perception se mêlent attention, intelligence, voire pensée : je vois un sourire, je perçois une bienveillance; je vois un regard, je perçois un désaccord.

 

- Si la perception peut être considérée comme une forme de conscience plus élaborée que la simple sensation, la conscience réflexive va cependant marquer un progrès nouveau dans ce processus de libération vis-à-vis des conditions extérieures, que le psychisme a entamée avec la perception. Cette conscience réflexive, comme nous allons le voir, n'existe que chez l'être humain. Qu'est-ce qui, dès lors, définit cette conscience de soi ?

 

3) La conscience réflexive, une spécificité humaine (texte de Kant, p. 21 du manuel de Tl + article de James R. Anderson sur la reconnaissance de soi chez l'enfant humain et chez les singes anthropoïdes)

 

- Partir de l'expérience du sommeil, du coma. Demander aux élèves ce que nous révèlent ces expériences concernant la conscience.

 

- Si la conscience ne se réduit pas à un sentiment mais correspond à un savoir, une connaissance, il faut distinguer entre avoir le sentiment d’être au monde et être doué de conscience à proprement parler. Lorsque nous dormons, que nous avons perdu connaissance, que nous sommes dans le coma, nous avons perdu ce sentiment d’exister au monde. Nous existons sans le savoir, comme une pierre ou une table, comme n’importe quelle chose dépourvue de conscience par nature ou provisoirement. Lorsque nous nous réveillons, que nous reprenons conscience, nous retrouvons ce sentiment d’exister au monde, mais de plus, parce que nous sommes doués de conscience, nous nous savons exister au monde : nous sommes capables non plus seulement de le sentir, mais de nous le représenter, c’est-à-dire de nous le dire.

 

- Cette conscience fait de moi, non point une chose parmi les choses, mais un sujet. Un être qui existe et qui sait qu’il existe, un être capable de prendre conscience de lui-même et des choses qui l’entourent, de se les représenter, est un sujet.

 

- Question aux élèves : quelle différence peut-on établir entre vous et telle ou telle chose (donner un exemple) ?

 

- Sans la conscience, il n'y aurait pas d'objets, il n'y aurait que des choses. Il n'y a en effet d'ob-jet (étymologiquement : ce qui est jeté devant…une conscience) que pour et par une conscience. Une chose dont personne n’aurait conscience ne serait donc qu’une chose, mais pas un objet. Un objet n’est donc pas nécessairement extérieur à nous, pas plus qu’il n’est nécessairement quelque chose de sensible : toute chose dont je prends conscience et parce que j’en prends conscience est un objet. Nous pouvons saisir, prendre conscience de notre propre corps, de notre passé, de nos déterminations psychologiques comme autant d’objets. Il existe, dans ma vie intérieure, des événements dont je peux parler sur un mode objectif : mes sentiments, mes émotions, mes pensées peuvent donner lieu à des confidences, des confessions.

 

- L'expérience de la conscience n'est pas n'importe quelle expérience : ce n'est pas l'expérience d'un dehors, comme l'expérience de cette table, de cet arbre, de ces personnes. Caractéristique fondamentale de la conscience : il s'agit de l'expérience d'un "dedans", celle d'une intériorité du sujet qui se saisit lui-même, dans le monde intérieur de sa subjectivité. Ce que me permet alors d'expérimenter la conscience, c'est précisément une existence subjective, c'est-à-dire quelque chose qui n'est pas une chose parmi les choses.

 

- La conscience se caractérise par l’intériorité ou le sentiment interne : le plaisir, la douleur, le souvenir sont subjectifs, ils ne peuvent pas être perçus ni sentis par une personne extérieure, mais le sont seulement par le sujet qui les éprouve. La conscience de soi est ainsi la faculté que possède tout sujet pensant de se percevoir lui-même. Il s’agit d’une expérience introspective, de la découverte de moi-même non comme chose mais comme moi, comme point de vue sur les choses.  Expérience donc de sa solitude originaire et constitutive, saisie de sa finitude et de son absolue singularité. C’est la découverte d’une clôture de la conscience sur elle-même.

 

- D'un côté donc, l'extériorité d'une chose, de l'autre l'intériorité d'une conscience.

 

- Mais ce qui caractérise aussi la conscience, c'est son caractère réflexif, en ce sens qu'elle peut se retourner sur elle-même et se prendre elle-même pour objet de pensée. Cette conscience réfléchie, ou conscience au carré,  est comme un dédoublement de la conscience par lequel le sujet prend conscience ou a conscience de ce qui se trouve dans sa conscience.

 

- Questions aux élèves : quelle différence faites-vous entre une main et un oeil ? A quoi un miroir vous fait-il penser ? Quel rapport peut-on établir entre le miroir et la conscience ?

 

- Une main ne se prend pas elle-même, un estomac ne se digère pas, la pensée, la conscience, si. L'oeil également – et c'est pourquoi la conscience a souvent été figurée par le regard. Lorsque je me regarde dans un miroir, j'existe en quelque sorte deux fois, en tant que sujet regardant et en tant qu'objet regardé – ce que le français exprime bien par les eux pronoms différenciés je, me. Exemple également de la mémoire : lorsque je me souviens de mon enfance, je suis à la fois mémoire et souvenir : c'est moi qui me souviens, le " quelque chose " dont je me souviens, c'est encore moi-même. Exemples : autoportrait, Ménines de Vélasquez.

 

- Le sujet humain ne saurait exister autrement que divisé en soi entre un sujet-sujet et un sujet-objet, c'est par cette division qu'il peut accéder à l'unité de son Je. Distinction entre le moi et le Je : le Je est le sujet en tant qu'il est source d'activité, la condition de toutes les représentations; le moi est la forme que prend le Je à un moment donné de son histoire. Exemple : Je montre une de mes photographies d'enfance et je dis : " c'est moi ! ".

 

- La conscience de soi suppose ainsi l'écart de soi à soi, elle n'est pas originaire mais acquise, comme le montre le fameux stade du miroir étudié entre autres par Jacques Lacan.

 

- Lorsque l'on met un tout jeune enfant devant un miroir, il croit avoir affaire à un autre. Un peu plus tard, vers dix-huit mois, l'enfant croit toujours avoir affaire à un autre, mais il se rend compte que cet autre n'est pas comme un autre : il est habillé comme lui, fait les mêmes gestes que lui; au lieu de tendre les bras vers un potentiel compagnon, l'enfant tourne la tête et pleure parfois. Vers l'âge de deux ans, l'enfant se reconnaît dans le miroir.

 

- Depuis Lacan, on appelle cette étape essentielle par laquelle l'enfant assume sa propre image comme étant la sienne le stade du miroir. Ce passage du moi aliéné (alienus = étranger) – puisque d'abord nié dans une image perçue pour celle d'un autre – au moi assumé s'effectue notamment dans le langage. Lorsqu'il commence à parler de lui, le petit enfant se désigne à la troisième personne – " bébé ", " il ", " Marc " -, il imite le point de vue de l'autre sur lui et ce n'est qu'à un certain âge de son développement psychomoteur qu'il parlera de lui à la première personne en disant Je.

 

- Le stade du miroir met donc en oeuvre deux identifications : celle de l'image à soi et celle de l'image comme soi. Dans le jugement simple d'identité c'est moi, l'identité est affirmée en même temps que récusée : je n'ai certes aucune difficulté, lorsque je regarde de vielles photographies, à m'identifier, lorsque je tombe sur une image de moi enfant. Pourtant, ce jugement d'identité " c'est moi ", suppose une double et impossible identification : celle du morceau de papier à moi – et celle du moi de jadis au moi d'aujourd'hui.

 

- Le miroir n'est pas seulement ce grâce à quoi l'enfant accède à cette forme de conscience de soi qu'est la reconnaissance de soi – il représente aussi le symbole de la conscience de soi. . Le même verbe réfléchir renvoie à l'action physique du reflet et à l'opération mentale de la pensée. Réfléchir, c'est un peu user de son esprit comme d'un miroir. Dans La Belle et la Bête de Jean Cocteau, la Belle, découvrant le château enchanté de la Bête, prend le fameux miroir et entend : " Je suis le miroir, la Belle, réfléchis pour moi et je réfléchirai pour toi " (Cocteau a écrit également que " Les miroirs feraient bien de réfléchir avant de nous renvoyer notre image ").

 

- Au total, pour s'identifier, rapporter l'image de soi à soi, il faut qu'il y ait dualité préalable, séparation entre l'être et son image. Cette scission est primaire, originaire. L'identification présuppose la scission, celle qui éloigne l'un de l'autre le réel et l'imaginaire. Cette conscience de soi n'est pas innée et définitive. Elle peut être suspendue (rêve, coma, lobotomie) ou simplement altérée (névrose, psychose).

 

- Etudier en parallèle le texte de Kant et les deux articles de James R. Anderson, " La reconnaissance de soi chez l'enfant humain ", la reconnaissance de soi chez les singes anthropoïdes  ".

 

Conclusion :

 

- Si la conscience nous est apparue comme étant coextensive à la vie, la conscience humaine est ce par quoi nous nous forgeons une représentation du monde et de nous-même. Elle fait de nous des sujets et se caractérise essentiellement par la réflexivité puisque la conscience peut se prendre elle-même comme objet de pensée ou de connaissance. En cela, elle est au fondement de notre dignité d'êtres humains. Cette conscience est donc d'abord mise à distance de soi et du monde, écart de soi à soi. Elle n'est pas donnée mais s'acquiert progressivement. Le stade du miroir nous a révélé qu'il ne saurait y avoir de conscience de soi sans conscience d'autrui et du monde, de sorte que la conscience n'est pas simple repli ou clôture du sujet sur lui-même.

 

 

B) LA CONSCIENCE ET LE MONDE

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- A la question de savoir ce qu'est " être normal ", Freud avait répondu : " Aimer et travailler". Aimer renvoie au rapport entre les consciences, travailler, au rapport entre la conscience et la réalité. Le fou, en effet, n'est plus capable ni de l'un ni de l'autre. Toute conscience est à la fois conscience de quelque chose, comme le dit Husserl, mais aussi conscience pour quelque chose et pour quelqu'un.

 

 

1.     L'intentionnalité

 

- Selon Husserl (1859-1938), le père de la phénoménologie, l'intentionnalité est le caractère essentiel de la conscience. Par intentionnalité, il faut entendre l'acte par lequel la conscience se rapporte à l'objet qu'elle vise : " la conscience est conscience de quelque chose ". Elle n'est pas un sujet qui se réfléchit lui-même en dehors du monde, à côté des choses. La conscience n'est pas, comme le prétend Descartes, une "chose pensante", mais une visée : on ne peut pas saisir la conscience comme telle, c’est-à-dire isolément, comme une chose ou un objet.

 

- La conscience ne se rencontre qu’en train d’avoir conscience d’un objet, que prenant conscience d’un objet et cela de diverses manières. Tout ce que l’on peut saisir d’elle, ce n’est pas un quelque chose, mais différents actes de conscience en rapport avec différents objets : perception, jugement, représentation, etc.

 

- Lorsque nous pensons, nous pensons toujours à quelque chose : je perçois tel arbre, j’en ai conscience parce que je le perçois; je me souviens de telle chose passée, j’ai conscience de cette chose en tant que je fais l’effort de m’en souvenir; je crois en telle chose,  j’ai conscience de cette chose en tant que j’y crois…

 

- Mais la conscience pourrait-elle n’être conscience de rien du tout et rester une conscience ?

 

- Au premier abord, il semble que oui : ne dit-on pas quelquefois que l’on ne pense à rien, voulant dire par là que notre conscience est vide, qu’elle n’a aucun objet, aucun contenu ? Mais cela est-il exact ? Lorsqu’on dit qu’on ne pense à rien, pensons-nous vraiment à rien? En réalité, nous avons encore des pensées, quelque chose à l’esprit, mais ces pensées ne font que nous traverser l’esprit sans qu’on fixe sur elle notre attention. Un flux de pensées confuses nous passe par la tête et notre attention est flottante. Lorsqu’on dit qu’on ne pense à rien, on pense encore à quelque chose! Husserl en conclut qu'il 'existe pas de pure pensée qui serait pensée de rien.

 

- Husserl montre donc que la structure même de la conscience est d’être ouverte sur le monde et d’inclure en elle le sens de chacun des objets auxquels elle a affaire. Que le monde existe ou qu’il n’existe pas, qu’il existe tel que je le pense ou non, la conscience ne se réduit jamais à une conscience pure de tout contenu, elle est toujours conscience de quelque chose, visée de quelque chose qui se distingue d’elle, d’un objet.

 

- Dès lors, de même qu'il ne saurait y avoir de conscience purement intérieure, il n'y a pas non plus de monde purement extérieur. Même des états de conscience qui passent pour purement intérieurs représentent à leur manière une certaine relation au monde extérieur. La conscience n'est pas un récipient, un monde intérieur qu'on pourrait opposer au monde extérieur : " la conscience s'éclate vers l'objet; si elle essaie de se reprendre, de coïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volet clos, elle s'anéantit…" (Sartre, Une idée fondamentale de la phénoménologie de Husserl : l'intentionnalité"). Je sais certes qu'il existe au monde autre chose que moi, mais ce monde, qui apparemment est sans moi, c'est moi qui, par mon regard sur lui, le fait être. Je ne peux pas prendre conscience du monde sans prendre en même temps conscience de moi.

- Sartre, dans le prolongement de la phénoménologie husserlienne, en conclut qu'exister, pour la conscience, c'est être hors de soi, se projeter en avant vers les choses, vers l'avenir, sous la forme de projets. Le corrélat de la conscience est alors la liberté : exister, pour la conscience humaine, c'est orienter par son projet le sens de l'avenir. C'est ainsi que Sartre distingue l'en soi et le pour soi : l'en soi est le mode d'être des choses qui sont ce qu'elles sont, dans une parfaite coïncidence avec elles-mêmes; le pour soi est le mode d'être de l'existant humain qui, toujours à distance de lui-même, n'est jamais tout  à fait soi.

 

- Sartre reprend la notion husserlienne d'intentionnalité de la conscience et lui adjoint celle de négativité. Si la conscience n'existe que dans  son rapport à autre chose qu'elle-même, si elle est condamnée à sortir de soi et qu'elle ne possède pas d'intériorité, la conscience est alors fuite, échappement permanent à soi, refus d'être substance. La négativité désigne la capacité qu'a la conscience de mettre à distance, d'annuler. Exemple de l'imagination : pouvoir de s'arracher au monde et de le nier, de le poser comme absent ou irréel.

 

- Conséquence : je suis moi et en même temps toujours plus et autre que ce que je suis; je puis, à tout moment, dépasser mes déterminations, échapper à toutes les définitions. Par la négativité, l'homme se saisit comme liberté entendue comme pouvoir de s'arracher au monde, de se soustraire aux déterminations. Certes la liberté est toujours en situation et le sujet ne choisit pas la situation dans laquelle surgit la liberté. Mais il choisit le sens qu'il lui donne, le rapport que la liberté entretient avec une situation est toujours un choix : je décrète impossible ce que je refuse de rendre possible, je juge intolérable la situation que je décide de ne plus tolérer. Or, on peut toujours reculer les limites de l'intolérable…

 

- Selon Rousseau, c'est précisément la liberté qui distingue l'homme de l'animal ou, plus précisément, la conscience de la liberté, entendue comme faculté de s'écarter de soi en même temps que du monde ou des contextes particuliers dans lesquels on est englué. Capacité également d'acquérir progressivement de nouvelles qualités et perfections que Rousseau nomme la perfectibilité, laquelle rend possible l'éducation, l'histoire, c'est-à-dire finalement le changement, voire le progrès. L'homme est si peu programmé par la nature qu'il peut commettre des excès (boire, fumer, etc.), jusqu'à en mourir. La preuve en est qu'il peut prendre le mal en tant que tel comme projet (la méchanceté). Exemple de la torture.

 

2) La négation (Texte de Hegel, in Esthétique, page 18 du manuel Hatier TL. Exercice de méthodologie sur l'explication de texte : analyse du texte à partir d'un tableau)

 

- " Avoir conscience de ", ce n'est pas seulement représenter le réel, le réfléchir en quelque sorte; c'est aussi présenter l'irréel, nier la réalité présente, de sorte que la conscience ne photographie pas la réalité, elle dessine ou peint la sienne. La conscience réplique au monde, elle n'est pas une réplique du monde.

 

- Cette négation revêt de multiples formes : imaginaire (l'art, par exemple, qui donne à l'artiste le moyen d'exprimer ce qu'il n'est pas, une oeuvre d'art étant un puissant moyen pour donner une forme concrète ), psychologique (la psychose, la déception où la conscience éprouve la chute que le réel lui inflige et réagit à  la brutalité massive des êtres et des choses), religieux ou spirituel (détachement à l'égard du monde dans l'extase mystique, la transe chamanique, la méditation du bouddhiste zen…), etc.

 

- Analyse du texte de Hegel à partir du tableau.

 

- Commentaire :

 

- Par la conscience, ici la pensée, l'homme accède à une double existence, c'est-à-dire à une double manière d'exister. En tant qu'être conscient, il est d'abord cet être, cette chose (un corps, quelque chose de matériel ), mais il est aussi un être pour soi par sa conscience ou comme le dit aussi Hegel, une conscience de soi. Etre doué de conscience, c’est vouloir prendre conscience de soi, c’est-à-dire vouloir se saisir, se représenter, se connaître. Un être doué de conscience ne se contente pas de savoir qu’il existe et qu’il est au monde; il ne peut que partir à la découverte de lui-même et du monde, attitude présente aussi bien chez l’enfant, dans sa curiosité à l’égard de lui-même et du monde, que dans l’espèce humaine qui ne cesse en effet de s’interroger sur elle-même et sur le monde qui l’entoure.

 

- Cette conscience de soi est le fruit d’une activité, d’une double conquête : celle, théorique, qui consiste à se connaître et à se représenter à soi-même (pouvoir dire : cela, c’est moi.) et celle, pratique, qui consiste à transformer la réalité extérieure afin de lui imposer son sceau, des déterminations qui portent notre marque et qui rendent donc cette réalité d’abord étrangère familière. Ainsi se trouve réduite ou détruite l’altérité de cette réalité.

 

- La conscience, telle qu'Hegel nous la décrit dans ce texte, est acte, extériorisation marquant le monde de la forme du sujet. D'essence tout autant théorique que pratique, la conscience est désir, c'est-à-dire mouvement par lequel je tends vers les choses, me les approprie, les transforme, tout en me découvrant et transformant moi-même.

 

3) La projection

 

- La conscience est une projection tout autant qu'un écran.

 

- Ambivalence d'abord de l'écran qui à la fois fait voir (l'écran de projection) et empêche de voir (faire écran). L'idée de séparation domine : écran vient d'un mot francisque qui signifie bouclier; l'écran est originellement un pare-feu. La conscience, comme le cinéma, s'impose contre le feu du réel.

 

- Nous ne voyons pas le monde tel qu'il est mais tel que nous sommes. C'est sans doute ce qui est à l'origine de l'anthropomorphisme. L'anthropomorphisme est la propension à se représenter toutes les réalités – choses, animaux, univers, Dieu, etc. – sur le modèle de la réalité humaine.

 

- Notions freudiennes d'investissement et de projection.

 

- Nous projetons sur la réalité des affects qui ne sont jamais détachés de soi. S'investir, c'est mettre quelque chose de soi-même hors de soi-même. L'investissement se distingue de la réserve, où la distance demeure, et du don de soi, où elle est annulée. Et c'est d'ailleurs lorsque le sujet se perd ou s'oublie lui-même (on ne pense plus à soi quand on est absorbé par son travail), qu'il se gagne : cette sortie hors de soi est une retrouvaille).

 

- Freud parle également d'un mécanisme de défense puissant à l'oeuvre surtout dans la paranoïa et dans la phobie, la projection : le sujet attribue au monde extérieur des pensées, des désirs, des sentiments qu'il ne peut reconnaître comme siens. Il s'agit d'un processus psychique inconscient par lequel un sujet détache de soi un désir ou un sentiment qu'il éprouve à son insu (souvent un sentiment d'hostilité) et l'attribue à d'autres. Ce mécanisme s'opère aussi dans la superstition.

 

- D'où la possibilité d'une certaine morale ou sagesse à partir de la prise en considération de ce caractère projectif de la conscience.

 

- Les philosophies épicuriennes et stoïciennes, par exemple, nous enseignent ainsi que ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses en tant que telles, ce sont plutôt les jugements qu'ils portent sur les choses.  Exemples : la peur de la mort, l'outrage.

 

Conclusion :

 

- La conscience entretient donc un rapport au monde tout autant théorique que pratique : représentation, intentionnalité, négation ou négativité, projection sont les modes principaux de cette relation complexe que nous nouons avec le monde, les choses, les autres qui nous entourent et nous constituent en même temps. Retenons, par conséquent, le caractère éminemment relationnel, dynamique, ouvert de la conscience. Comment envisager alors la question de l'identité du sujet ou de la personne, si la conscience de soi n'est possible que médiate ou aliénée ? Ne sommes-nous pas condamnés à l'extériorité permanente qui semble en contradiction avec le sentiment, vécu par le sujet, d'une intériorité  irréductible, voire d'une clôture du sujet sur lui-même (notion de solitude ontologique) ?

 

II) LE PROBLEME DE L'IDENTITE PERSONNELLE

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- Questions aux élèves, exercice préparatoire :

 

1.     Lorsque nous regardons une photographie de nous lorsque nous étions enfants, nous constatons les multiples changements physiques qui attestent du vieillissement et du changement, à telle enseigne qu'il nous est parfois difficile de nous reconnaître. Qu'est-ce qui, pourtant, nous permet d'affirmer que, malgré ces changements manifestes, c'est la même personne – moi – qui demeure ? Donnez d'autres exemples où la question de l'identité semble se poser.

 

2.     Si je vous demande : " Qui êtes-vous ? ", que me répondez-vous ?

 

3.     En admettant la possibilité de dupliquer parfaitement un être humain, d'en faire un ou plusieurs " clones ", l'identité personnelle demeure-t-elle pour autant ?

 

Þ Problématique : que répondre à la question : " Qui suis-je ? " Existe-t-il quelque chose qu'on appelle le moi, qui resterait permanente ou constante dans le temps et qui résisterait aux changements multiples qui nous affectent ?  Dans l'affirmative, quelle est la nature de ce moi ? Que pouvons-nous véritablement connaître de nous-même, si tant est qu'il y ait réellement quelque chose à connaître ?

 

A) LA QUESTION DU MOI

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1.     Le jugement d'identité

 

- Par identité, il faut entendre le caractère de ce qui est le même, bien qu'il puisse être perçu, représenté ou nommé de manières différentes. Il s'agit d'abord du problème fondamental et constant de la perception : celui de la reconnaissance des choses perçues dans des contextes et des temps différents : l'eau d'un fleuve s'écoule continuellement mais le fleuve demeure le même, les cellules de notre corps se sont plusieurs fois renouvelées mais notre corps, qui a changé et changera encore,  est le même que celui que nous avions enfant. Il s'agit aussi du fait banal qu'un homme reste le même homme, que son identité est continue et permanente.

 

- L'identité désigne la résistance au changement, c'est-à-dire la permanence ou la constance dans le temps : tous les constituants d'une chose peuvent changer, l'identité ne change jamais.

 

- D'où l'idée que l'on pourrait faire passer entre les événements éparpillés dans la vie d'un homme un fil invisible par lequel on rattache ces événements à la même personne dont l'existence se poursuivrait identique à elle-même à travers la bigarrure des impressions sensibles. Autrement dit, la notion d'identité renvoie à l'idée d'un être ou d'une existence continue, à celle de chose (ou de substance) et son symétrique, l'idée du moi.

 

- Par chose ou substance, il convient d'entendre un pôle identique ou permanent de variations et de changements successifs. Une chose est ce qui peut changer d 'aspect, une substance peut recevoir une diversité changeante d'accidents, sans que la chose ou la substance change elle-même et devienne une autre chose. Par substance, il faut entendre ce qui demeure sous les changements de qualités. Alors que la substance est ce qui subsiste en soi et par soi, l'accident est ce qui peut s'affirmer d'un sujet, mais n'est ni nécessaire ni constant.

 

- On peut dès lors rattacher cette définition de la substance ou de la chose au Moi qui jouerait le rôle d'une entité irréductible, d'un pôle auquel se rattacherait toutes les représentations du sujet et qui constituerait par là même un principe d'identité. Définissons le Moi comme la conscience de la permanence et de l'unité des divers états affectifs, intellectuels, successifs.

 

2.     La substance pensante

 

- C'est dans et par l'exercice du doute que Descartes va mettre en évidence le caractère irréductible et fondamental de la conscience. Descartes entend reconstruire le monde de la connaissance en un moment culturel de doute et de crise. En quête du vrai, c'est-à-dire d'une certitude inébranlable, Descartes cherche à discerner ce qui est indubitable et se propose pour cela de réévaluer les connaissances en leur principe même.

 

- Il commence par considérer comme faux tout ce en quoi il pourrait imaginer le moindre doute. Le doute est le commencement obligé de la philosophie. Non plus le doute sceptique, passif, sans issue, mais le doute actif, méthodique, c'est-à-dire l'examen critique destiné à faire table rase des superstitions, des dogmes, des préjugés. Avant de rechercher la vérité, il faut d’abord purger l’esprit de nos préjugés installés par les nourrices, les éducateurs et les opinions douteuses attachées aux sens. L'examen critique est un acte de liberté, il est l'affirmation de la possibilité de juger par soi-même.

 

- Dans l'expérience du doute, je me découvre moi-même comme ce qui résiste au néant, comme un subsistant, un reste, ce qui résiste en dernier appel, par delà toutes les destructions que l'on peut tenter.

 

- En effet, une fois que j'ai douté de tout, y compris de moi-même, apparaît une première certitude : je peux douter de tout, mais je ne peux douter de la condition inhérente à l'acte même de douter; il faut bien que moi qui me persuade que je rêve ou que je suis fou, moi qui veux douter, je pense et que je sois ou j'existe, justement pour pouvoir penser. Au moment où je doue, je pense et au moment où je doute, je suis.

 

- En clair, l'existence de la pensée est avérée par son activité même. Mon inexistence est impensable au présent. Si je n'existais pas, je ne pourrais pas penser, pas même mon inexistence : " Pour penser, il faut être; or je pense, donc je suis ". Si Je suis, j’existe, et ceci, pour autant et aussi longtemps que je pense. Même si toutes mes représentations sont fausses, elles ne cessent pas pour autant d'être mes représentations. Même si je pense le faux, je pense  effectivement : le "je pense" conditionne le doute lui-même; il est hors de doute parce qu'il est hors du doute.

 

- Descartes passe donc de la considération de la vérité ou de la fausseté des représentations à leur caractéristique commune d'être des représentations, c'est-à-dire des événements mentaux connus d'une conscience. La conscience apparaît comme donc comme la condition nécessaire de toute représentation : il n'y a de représentation et de doute possibles que dans et pour une conscience.

 

- A la question : " Mais qu'est-ce donc que je suis ? ", Descartes répond : " Une chose qui pense ". Or, pourquoi la pensée, selon Descartes, relève-t-elle de la catégorie de la "chose", de la substance, avec le modèle matériel que cela comporte ?

 

- La pensée est un attribut essentiel du "Je". Cet attribut essentiel, Descartes le nomme "substance", dans la mesure où il suffit à définir le moi. Le "Je" est la substance pensante, c'est-à-dire l'âme ou l'esprit. Cette conscience est réalisée dans une chose, un être, doté d'une essence (la pensée) et d'une existence propres. Il s'agit d'une substance, condition sine qua non de la conscience. La substance est ce sans quoi rien ne peut ni être ni être conçu; la substance subsiste par sa propre nature. L'attribut essentiel de la substance pensante est la pensée et ses modes sont l'imagination, la sensation, le raisonnement, la volonté.

 

- Le réel existe sous deux formes : la substance étendue (matière : corps, phénomènes physiques, monde) et la substance pensante (esprit ou âme, pensée). L’âme est pensée, c’est-à-dire conscience ; donc tout phénomène psychique est nécessairement conscient ; la conscience ou pensée est l’essence même de la vie psychique. Ainsi un comportement humain trouve-t-il sa source ou bien dans le corps (mécanisme corporel, involontaire) ou bien dans l’esprit (processus intentionnel, volontaire). Comme la pensée est identifiée à la conscience, tout ce qui en moi échappe à la pensée, à la conscience, appartient au corps et s’explique, par conséquent, par des mécanismes physiologiques.

 

- La pensée se définit par la conscience et n'existe comme pensée que pour autant qu'elle est consciente : " Par le mot de penser, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir est la même chose ici que penser." (Descartes, Article 9 des Principes de la philosophie), " Par le nom de pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous en sommes immédiatement connaissants " (Réponses aux secondes objections).

 

- Penser, c’est savoir que l’on pense, sinon on ne pense pas du tout. Etre conscient ou penser, c’est simultanément et indissolublement, penser à quelque chose et savoir qu’on y pense. Il faut noter aussi, pour comprendre l’apparent paradoxe qui consiste à dire que sentir, c’est aussi penser, que c’est l’aperception immédiate qui permet de définir l’ensemble des actes de la pensée. On pourrait renverser la formule et dire : on a affaire à la pensée ou à la conscience chaque fois qu’il y a aperception immédiate de quelque chose qui se passe en moi. Ainsi, digérer n’est pas penser, parce que si cela se passe en moi, je n’en ai aucune aperception immédiate. Mais sentir, c’est bien penser parce que j’en ai une aperception immédiate.

 

- Si nous avons des pensées inconscientes, c’est-à-dire des pensées que nous ne connaissons pas, comment pourrions-nous savoir que nous les avons ? Si quelque chose affecte notre esprit sans que nous le pensions, en ignorant que c’est en notre esprit, ce n’est en rien de la pensée. La pensée consciente est la pensée présente à l’esprit à l’instant où il pense. Les autres pensées ne sont pas des pensées actuelles, mais des pensées passées, c’est-à-dire des pensées qui ont existé mais qui, présentement, n’existent plus. Il n’y a pas non plus de pensée latente, possible, virtuelle. Le “je pense” n’est légitime qu’au présent de l’indicatif.

 

- Ainsi, l'automate le plus semblable à l'homme ne pourrait jamais rapporter ses "pensées" à l'unité du " Je pense ". En ce sens, il ne peut exister de "machine pensante" : un automate parlant ne pense pas ce qu'il dit, et c'est du reste pourquoi il faut le programmer. Et c'est pour cela que la conscience, qui caractérise toute pensée, ne dérive pas du mécanisme.

 

3.     Conclusion

 

- La conscience se découvre donc d'abord elle-même comme une réalité en soi dont l'évidence, incontestée, résiste à tous les efforts du doute. Je suis assuré d'être grâce à la conscience que j'ai d'être une chose qui pense : le simple fait du " Je pense " appelle un " Je suis ". Or, si de tout ce que je fais, je peux dire que c'est moi qui le fais, le moi est-il pour autant quelque chose qui existe à part ou pour lui-même ? Désigne-t-il réellement une substance ? Faut-il conclure, en somme, à l'existence de quelque chose comme une "subjectivité" ?

 

B) LES PARADOXES DE L'IDENTITE PERSONNELLE

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1.     L'illusion substantialiste (la thèse de Hume)

 

- Dans son Traité de la nature humaine (Livre 1, IVe partie, section VI), Hume cherche à expliquer la croyance en un être nommé " moi ", c'est-à-dire la tendance de l'esprit à forger la fiction de l'identité.

- De même que l'on voit un bâton brisé dans l'eau à cause de la réfraction, ainsi l'on croit sentir un principe d'existence ininterrompu en soi (le moi), alors que nous avons seulement pris l'habitude d'associer des impressions semblables, et de les associer de si nombreuses fois que nous n'avons plus conscience de passer de l'une à l'autre. Hume va donc montrer que c'est l'accoutumance de glisser d 'une chose à une autre qui induit le mirage ou la fiction du moi. Il s'agit donc d'un effet de croyance : " nous n'avons aucune idée du moi " (Hume, op.cit.).

 

- Qu'est-ce que l'esprit ou le moi ? " Rien qu'un faisceau ou une collection de perceptions différentes qui se succèdent les unes aux autres avec une rapidité inconcevable et qui sont dans un flux et un mouvement perpétuels " (Hume, ibid.)

 

- Quand je regarde ce qui se passe en moi, je tombe toujours sur une perception particulière : chaleur, froid, amour, haine, plaisir, douleur. Je ne peux me saisir moi-même sans une perception. Nous sommes un faisceau de perceptions différentes qui se succèdent; pensées, sens, facultés changent constamment : " L'esprit est une sorte de théâtre, où des perceptions diverses font successivement leur entrée, passent, repassent, s'esquivent et se mêlent en une variété infinie de positions et de situations " (op.cit., p 344). Il n'y a pas dans notre esprit d'identité.

 

- La croyance en l'identité est le fruit  de l'imagination et de l'esprit qui ont naturellement tendance, que ce soit pour les choses extérieures ou les perceptions intérieures, à associer les impressions toujours distinctes, à unir ce qui est séparé, à rassembler nos multiples expériences discontinues. Principe de connexion qui se subdivise en trois principes :

 

1.     Le principe de ressemblance (il régit notre imagination). Par analogie, nous imaginons que deux idées simples, correspondant à deux impressions distinctes, sont semblables : par exemple, j'associe l'idée de cheval, animal familier que j'aime, à la vertu, qualité orale que j'apprécie, et je forme l'idée de cheval vertueux.

 

2.     Le principe de contiguïté (il régit notre perception) : j'associe deux phénomènes perçus simultanément : j'associe, par exemple, la froideur à la neige. Comme nous avons pris l'habitude d'associer des impressions semblables de si nombreuses fois, nous n'avons plus conscience de passer de l'une à l'autre. En passant facilement, habituellement, d'une chose à une autre, l'esprit ne remarque pas ce passage : de là la fiction de l'identité. Exemple du ralenti cinématographique : la succession très rapide des images nous donne l'impression d'une action, alors qu'au ralenti nous percevons une somme d'actes discontinus. Lorsque la succession est trop rapide, trop coutumière pour qu'on l'aperçoive, on croit voir la même chose.

 

3.     Le principe de causalité (il régit notre raison) : de la conjonction répétée de deux phénomènes perçus simultanément, notre esprit conclut à une relation de causalité; à l'apparition d'un premier phénomène – par exemple, la source de chaleur – je m'attends à celle d'un second phénomène – l'ébullition. Les pseudo-liaisons nécessaires ne sont que des connexions de fait, des habitudes. La connaissance est la construction d'une habitude : celle-ci est si forte qu'elle entraîne une croyance en l'existence objective de relations là où il n'existe que des successions habituelles. 

 

 

- Toute connexion est donc produite par notre esprit, elle ne dit rien sur l'essence des objets qui demeure cachée. C'est notre esprit qui imagine que les objets se ressemblent, bien qu'en réalité ils sont toujours distincts. Notre esprit procède toujours suivant le principe d'union avec régularité, avec méthode. En réalité, les objets sont distincts les uns des autres, les événements ne se répètent pas, notre esprit ne sait rien des lois qui les régissent.

 

- Il en est de même en ce qui concerne la conscience ou le moi. L'individu n'a que des sensations externes ou internes reliées par des associations contingentes, et non par un sujet. Il n'est que la constatation d'un défilé d'images et de sensations.

 

2.     Le moi et ses qualités (texte de Pascal)

 

- Explication du texte de Pascal.

 

- Pascal met en évidence, à travers le thème de l'amour, cette illusion substantialiste qui nous fait croire en l'existence du moi.

 

- Pourquoi l'expérience de l'amour est-elle révélatrice au plus haut point de cette illusion ?

 

- Pascal montre que dans l’amour, ce n’est pas le moi qui est aimé mais des qualités qui ne sont pas moi. Nous n'aimons que des personnages, c'est-à-dire personne en particulier. Le moi n'est peut-être rien, ou presque rien : que l'illusion d'être quelqu'un. Pascal démystifie ainsi l'illusion substantialiste qui consiste à croire que par-delà les qualités qu'on chérit chez une personne, c'est celui qui les possède qu'on aime, de même qu'il révèle comme vain le désir que nous avons d'être aimés en nous-mêmes et non pour nos qualités fugaces.

 

3.     Le bouddhisme et le non soi

 

- Dans L'inscription corporelle de l'esprit, Sciences cognitives et expérience humaine, Francisco Varela, Evan Thompson et Eleanor Rosch montrent que les avancées les plus récentes des sciences cognitives déconstruisent la conception classique du sujet humain. Selon les auteurs, c'est la tradition bouddhique de la " voie moyenne " qui " peut nous permettre, existentiellement, de nous voir comme des êtres pensants sans sujet et de faire nôtre, "sans angoisse", une éthique du "sans fond ". le bouddhisme propose une sagesse de la vacuité.

 

- Les sciences cognitives ont pour objet l'analyse scientifique de l'esprit et de la connaissance sous toutes ses formes. Les sciences cognitives aboutissent à la même idée que le bouddhisme, savoir que le sujet de la connaissance est fondamentalement fragmenté, divisé, non unifié. La tradition bouddhique est elle-même fondée sur le concept d'un " sans moi " ou d'un " sans soi ".

 

- L'essence du bouddhisme est exprimée dans les fameuses quatre " nobles vérités " que Bouddha exprima dans le Sermon de Bénarès.

 

- Rappelons que d'après la légende, le jeune Siddharta Gautama a quitté la palais paternel après voir lors de quatre promenades successives rencontré un vieillard, un malade, un convoi funéraire et un moine renonçant. La conscience de la misère inhérente à une vie vouée à la mort amène Siddharta à demander à son père qu'il lui donne la jeunesse éternelle et l'immortalité – et c'est précisément quand son père avoue son impuissance, qu'il part en errant à la recherche de la délivrance. C'est ce pessimisme quant à l'existence terrestre qui transparaît dans les " nobles vérités " (évoquons les trois premières) :

 

1.     Tout est souffrance

 

1.     " La naissance est souffrance, le vieillissement est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance, être uni à ce que l'on n'aime pas est souffrance, être séparé de ce que l'on aime est souffrance ".

 

2.     La cause de la souffrance est le désir

 

2.     Il n’y a de vie que par le désir, par le désir farouche de survivre, de se défendre contre les autres êtres vivants. Le désir fondamental est le désir de persévérer dans son être (ce que Spinoza appelle le conatus), le désir d’être et de persister à être un individu (désir d’individuation). Mais le désir n’est jamais insatiable, nous souffrons toujours de désirs inassouvis.

 

3.     La cessation de la souffrance

 

3.     Elle suppose " la cessation de cette soif " (s'en libérer, la délaisser, y renoncer).

 

- L'idée essentielle du bouddhisme est celle de " l'impermanence " : rien n'est stable, tout change et doit disparaître; le monde est comme une maison en feu dans laquelle l'homme comme un enfant joue avec insouciance; et ce feu est celui du désir qui mène à la mort. Il n'y a donc pas derrière les phénomènes de substance permanente, mais seulement des combinaisons provisoires de forces. Cela est non seulement vrai pour les choses autour de nous, mais aussi pour notre moi.

 

- En effet, nous sommes pour la plupart convaincus de notre identité : nous avons une personnalité, des souvenirs, des projets, etc., qui semblent se rassembler en un centre à partir duquel nous observons le monde, bref un soi ou moi unique réellement existant.

 

- En même temps, nous observons que notre expérience se modifie sans cesse et est toujours tributaire d'une situation particulière, d'un contexte.

 

- L'expérience bouddhiste de la méditation révèle au début l'activité tumultueuse de l'esprit du méditant : perceptions, pensées, sentiments, désirs se pourchassent à l'infini. Le méditant prend conscience d'une fugacité intime qui pénètre l'activité de son esprit. Les bouddhistes appellent " absence de soi " ou " absence de moi " le sentiment concrètement vécu de n'avoir aucun refuge unique, stable, précis.

 

- Nous observons aussi que l'esprit tente de rejeter sa propre impression de fugacité, d'absence de soi, en recherchant toutes les distractions mentales susceptibles d'interrompre l'attention, voler d'une préoccupation à l'autre. Ce courant d'agitation, d'anxiété, d'insatisfaction qui envahit l'expérience est appelé Dukka – souffrance ou malaise. La souffrance se développe à mesure que l'esprit cherche à nier qu'il est par nature pétri de fugacité et dénué de soi.

 

- Ainsi l'origine de la souffrance humaine réside-t-elle dans cette tendance à construire un sentiment de soi, un moi, là où il n'y en a pas. La souffrance a pour origine l'obsession  du sujet à s'agripper à lui-même. On pense, agit, sent comme si l'on avait un soi à protéger et à préserver. L'espoir le plus intime de se mettre en valeur par le profit, les éloges, la célébrité suscite l'avidité. C'est cette illusion d'être un moi qui engendre la volonté de l'affirmer, de l'imposer égoïstement aux autres et celle d'exister indéfiniment.

 

- Il n'existe rien qui corresponde réellement à un soi permanent. Ce que nous nommons le soi n'est qu'une combinaison de forces ou d'énergies physiques entremêlées, en état de changement constant.  L'erreur est de surimposer à ces agrégats l'idée d'un soi permanent qui les tiendrait ensemble ou les gouvernerait. Là se trouve justement la source même de tout malheur et de toute souffrance. De là viennent les réactions néfastes telles que " ceci m'appartient ", " je suis ", ainsi que les différentes manières qu'a l'homme d'affirmer son moi, souvent aux dépens d'autrui. L'illusion que le soi existe donne naissance à l'avidité, à l'attachement aux choses.

 

- Se détacher de l'illusion du moi est la condition de la libération, du nirvana (délivrance du temps, béatitude définitive). Nécessité d'un regard désillusionné sur l'existence, d'un renoncement à la quête de la vie éternelle et à celle d'un sens transcendant, d'un détachement apaisé par rapport à tous les liens qui peuvent nous aliéner, ce qui n'exclut nullement bienveillance et compassion. La désillusion sur soi est la condition de la liberté et du bonheur. Une telle libération ne peut s'obtenir qu'au terme d'un long travail de méditation.

 

4.     Conclusion : une identité problématique.

 

- Cette identité semble se résoudre en une pure illusion, un effet de croyance, un produit du désir de vivre dont il conviendrait de se libérer. Cette question de l'identité apparaît donc pour le moins paradoxale et génératrice d'apories. On aboutit à l'idée d'un sujet fragmenté, aliéné, pétri d'illusions sur le monde et sur lui-même. L'illusion fondamentale consistant, pour la conscience, à se croire autonome et rattachée, nous l'avons vu, à une réalité substantielle, pôle de l'identité personnelle, que l'on nomme cette réalité le moi, l'âme, l'ego ou l'esprit.

 

- Cette suspicion à l'endroit de la conscience va être renforcée avec l'hypothèse d'une pensée inconsciente sur laquelle nous allons maintenant nous pencher.

 

III) L'INCONSCIENT PSYCHIQUE

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- L'âme pense toujours, disait Descartes, de sorte qu'on ne saurait penser à rien.  Or, sommes-nous conscients de tout ce qui se passe en nous ? Peut-il y avoir, par exemple, non seulement des souvenirs provisoirement inconscients, mais aussi des sentiments totalement inconscients (amour, haine, jalousie, angoisse…) ? Sommes-nous conduits dans nos actions par des motivations inconscientes, qui ne seraient pas de simples impulsions organiques ?

 

- Si l'on répond à ces questions de façon affirmative, peut-on alors en déduire qu'il existe un inconscient psychique ? Parler d'inconscient psychique, n’est-ce pas une contradiction dans les termes ? Le psychique peut-il n’être pas toujours conscient ?

 

A) L'IDEE D'INCONSCIENT

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- En premier lieu, que faut-il entendre par " inconscient " ? L'adjectif " inconscient " a-t-il le même sens que le substantif " l'inconscient " ?

 

1.     Les phénomènes inconscients

 

- La conscience semble n’accompagner qu’une partie des phénomènes psychiques et cérébraux : la plupart des phénomènes physiologiques ne s’accompagnent presque jamais de conscience ; seule une infime partie du monde extérieur accède à notre conscience dans la perception : par exemple, nous ne percevons que les radiations lumineuses de longueur d’onde comprise entre 0,39 m (ultra-violet) et 0,76 m (infra-rouge); nous ne percevons les sons qu’entre 16 Hz et 16 k Hz.

 

- Mon corps a un fonctionnement dont je ne suis pas l’auteur et qui échappe à ma conscience tant que je ne souffre pas (“ la santé est le silence dans la vie des organes ”) : la circulation du sang, par exemple, est inconsciente et dépourvue de signification; elle est soumise à des lois nécessaires et aveugles. Lorsque la lumière diminue d'intensité, par exemple, la pupille de nos yeux se dilate sans que nous nous en rendions compte. Ce type de phénomènes relève de ce que l’on peut appeler “ l’inconscient physiologique “.

 

- Les réflexes, les automatismes, les habitudes échappent également presque toujours à la conscience : nous ne voulons pas toujours oublier ou bien retenir un fait en notre mémoire, cela s'effectue automatiquement à notre insu. La conscience intervient :

 

1.     au commencement d'un apprentissage : attention apportée sur chaque geste lorsque, par exemple, l'on apprend à conduire une voiture;

2.     puis la conscience se retire et laisse place aux automatismes psychomoteurs ou intellectuels.

 

- En présence d'une difficulté, la conscience vient rompre la trame continue de l'existence : l'asthmatique a conscience de sa respiration, le cardiaque a conscience des battements de son coeur, etc.

 

- L'inconscient se manifeste aussi par le fait qu'il incarne l'ignoré et le contradictoire en nous.

 

- L'ignoré : on sait ce qu'on aime ou ce qu'on n'aime pas, mais on ne sait pas pourquoi. Spinoza dit que nous ne désirons pas une chose parce que nous la trouvons bonne, mais que nous la trouvons bonne parce que nous la désirons.

 

- Le contradictoire : en chaque décision importante s'entrecroisent des motivations et raisons contraires; dans ce que je veux, il y a une part de mon moi qui ne le veut pas, ou ne le désire pas.

® Par exemple, être malade est un mal, la santé est un bien, mais la maladie a des avantages que la santé n'a pas : l'enfant finit par se rendre compte qu'il est encore plus caressé par sa mère lorsqu'il est malade, la maladie est un refuge contre l'école; on peut ainsi sincèrement vouloir guérir et désirer rester malade : entre la volonté consciente et le désir inconscient, la volonté ne l'emporte pas toujours. Idée que le moi est traversé de conflits.

 

® “ Comme par hasard “, je rate le train qui devait me conduire sur le lieu de l’examen que je redoute tant. Dans ce type de situation, tout se passe comme si je l’avais fait exprès sans le vouloir; comme si je voulais le faire sans que cela soit “ de ma faute “. J’ai ici l’indice que mon moi n’est pas aussi simple ni aussi un qu’il y paraît de prime abord.

 

- Le terme d’inconscient peut renvoyer à deux acceptions différentes :

 

1. On peut d’abord définir l’inconscient négativement, comme ce qui n’est pas conscient, comme le non-conscient en quelque sorte, l’automatique, l’irréfléchi, voire l’involontaire.

 

2. Mais on peut aussi définir l’inconscient positivement, comme une réalité psychique possédant un mode de fonctionnement et des caractéristiques propres : ici, se dévoile en moi une intention latente, une stratégie qui se déploie avec une logique réelle mais sans me demander mon avis. Dans ce cas, l’inconscient renvoie à la découverte freudienne d’une pensée souterraine, de ce moi en moi qui me détermine, et appartient au champ de la psychanalyse.

 

- Il ne faut pas confondre inconscience et inconscient. L’inconscience est une modalité de la conscience : une dénégation de la conscience réfléchie  et par conséquent une catégorie morale. L’inconscient, par contre, est une hypothèse épistémologique qui n’acquiert le statut de concept qu’avec Freud.

 

- De même, de ce qu'un phénomène est inconscient, il ne s'ensuit pas nécessairement que l'inconscient en soit la source (inconscient ¹ l'inconscient). Une réalité peut très bien échapper à la conscience et être ainsi appelée " inconsciente ", sans que l'inconscient n'y ait aucune part : le comateux, par exemple, est inconscient – son état est un état d'inconscience -, mais ce n'est pas l'inconscient qui explique la nature et la durée de cet état.

 

- Du coup, ce qui est inconscient ne s’oppose pas nécessairement et réellement à la conscience. C’est précisément parce que je ne suis pas conscient de tout à la fois que je peux être conscient de quelque chose. La conscience se constitue grâce à cette espèce particulière d’inconscient qu’est la mémoire : un certain nombre d’impressions, d’expériences, de pensées ne sont pas actuellement présentes à mon esprit mais lui permettent de faire attention à ce qui est présent.

 

2) L'idée d'inconscient avant Freud

 

- Freud n’est pas le père de l’idée d’une pensée inconsciente, même si c’est lui qui a donné un statut “ scientifique “ à cette idée. Avant Freud, la notion d’inconscient avait déjà nourri les réflexions de philosophes et de psychologues. En ce qui concerne la philosophie, si, dès le XVII e siècle, avec Leibniz notamment, on trouve les prémisses de cette notion d’inconscient, ce n’est véritablement qu’au XIXe siècle que le concept d’inconscient est formulé et travaillé comme tel. Nous n'évoquerons ici que Leibniz et Bergson.

 

1.     La théorie leibnizienne des petites perceptions sensibles

 

- Selon Leibniz, la conscience claire et transparente à elle-même n'est pas le tout du psychisme, contrairement à ce que pense Descartes : elle n'est qu'un degré et un passage, une éclosion et un moment.

 

- Exemple : quand je me promène au bord de la mer, ma perception consciente du mugissement des vagues est le fruit de mille petites perceptions que je ne saisis pas clairement mais qui concourent à la perception de l'ensemble. C’est la somme de ces petites perceptions qui, atteignant une certaine intensité, provoque la conscience de percevoir. Le sujet est comme inconscient à l’égard des contenus de sa conscience

 

- Ces perceptions restent inaperçues parce qu'elles sont trop ténues pour être aperçues,  trop confuses, variées, chaotiques pour pouvoir être isolées, trop peu différenciées, trop proches les unes des autres. L’absence de conscience réflexive n’est pas due à un défaut de cette conscience, un manque de vigilance de sa part, elle est due au caractère même des perceptions.

 

- Contre Descartes, il faut donc soutenir que la conscience réflexive n’est pas nécessairement associée à la conscience de quelque chose, puisqu’il est possible de percevoir quelque chose sans s’en apercevoir, c’est-à-dire sans savoir qu’on en a conscience, sans que le sujet sache et même souhaite savoir qu’il en a conscience.

 

- Ainsi l'existence de pensées inconscientes, c'est-à-dire de perceptions trop petites pour être aperçues, est-elle nécessaire à l'explication de tout phénomène conscient. La conscience résulte de l'intégration de petites perceptions inconscientes; elle est la somme, l'assemblage global, d'éléments trop petits pour que chacun d'eux soit aperçu distinctement.

 

- Leibniz indique donc le mode de passage de l'inconscient au conscient, de la conscience irréfléchie à la réflexion. Ce passage se fait par intégrations successives. Au plus bas degré, on a l'état d'inconscience où les petites perceptions s'accumulent sans donner lieu à des une véritable intégration. Cet en-deçà de la conscience, que sont les petites perceptions, sont une première brèche dans le cadre conceptuel cartésien.

 

2.     La théorie bergsonienne de la mémoire

 

- Bergson, dans L'énergie spirituelle notamment, envisage l'hypothèse de l'inconscient à partir d'une analyse des mécanismes de la mémoire. Le problème de l'inconscient est renvoyé à la question suivante : comment se fait-il que la totalité de mon passé ne soit pas présentement consciente pour moi ? C'est donc par rapport au problème non pas de la conservation du souvenir mais de l'oubli que Bergson envisage l'inconscient. 

 

- L'oubli, en effet, peut et doit chasser de la conscience des événements qui y étaient auparavant présents, parce que leur souvenir n'est pas immédiatement utile à l'action. Tout ne peut être continûment conscient. L'inconscient désigne ce qui n'est pas ou n'est plus conscient.

 

- La conscience, nous l'avons vu, est une fonction biologique qui a pour but de nous adapter à l'action présente. Pour agir dans le présent, il ne servirait à rien d'avoir conscience de la totalité de son passé. La conscience n'éclaire que les souvenirs qui me sont immédiatement utiles pour agir. Ce qui est oublié – l'inconscient – , c'est véritablement l'inutile. Je sais mais je n'ai pas besoin de savoir ce que je sais, donc je fais comme si je ne savais pas.

 

- Ainsi, dans le rêve nocturne, les souvenirs ne sont-ils plus sélectionnés puisque les exigences de l'action s'effacent. Rêver, c'est, d'une certaine manière, se désintéresser. Comme l'attention à la vie s'est relâchée, les images du passé reviennent en foule et en désordre.

 

- Le rêve fournit à Bergson une illustration de sa théorie sur la conservation intégrale du passé. On peut représenter la masse inconsciente des souvenirs par un cône. Parmi ces souvenirs inconscients, ne deviennent conscients que ceux qui, à chaque instant, entrent dans la ligne de mon action présente. Le sommet du cône figure le souvenir actuellement évoqué; plus on s'éloigne de cette mémoire présente, plus les souvenirs sont lointaines, plus ils sont difficilement convocables; au-delà d'une certaine zone-limite, il y a oubli, amnésie. Tout ce dont je ne me préoccupe pas pour l'instant forme ma mémoire potentielle, inconsciente.

 

- Il existe par conséquent deux mémoires : l'une consciente, qui est, par exemple, celle que l'étudiant interrogé fait fonctionner volontairement; l'autre inconsciente : celle de l'immense stock de souvenirs accumulés depuis la naissance, celle de l'empreint forcé (cela même qu'on n'arrive pas à oublier), celle de l'évocation involontaire (l'association des idées, le rêve).

 

- Bergson montre donc que le souvenir " va et vient…du conscient à l'inconscient". Il n'y a pas entre le souvenir conscient et le souvenir inconscient une différence de nature, il ne s'agit pas, comme plus tard dans la théorie freudienne, de deux instances de la personnalité, mais de deux états dont la différence est plutôt une différence de degré. L'inconscient désigne avant tout un réservoir où les souvenirs indésirables et inutiles se réfugient en attendant d'être un jour à nouveau convoqués à la conscience par le cerveau.

 

- Il faut retenir ici l'idée importante que les souvenirs ne disparaissent jamais tout à fait, que c'est par le mécanisme de l'oubli que l'on peut comprendre le mécanisme de la mémoire et que c'est par rapport aux exigences de l'action et de la vie que la conscience n'est pas une donnée ou un état permanents. L'inconscient se manifeste par les trouées que le temps a faites en nous, les blancs de notre conscience, les échappées de notre volonté.

 

3) L'apport freudien : généalogie du concept freudien d'inconscient

 

- Freud, qui est-il ? (Document annexe distribué aux élèves).

 

a) L’hystérie et l’hypnose, la rencontre avec Charcot et Breuer, la découverte de l'inconscient

 

- C’est l’étude de l’hystérie qui va engager Freud sur la voie de l’hypothèse de l’Inconscient. C'est par l'hystérie que Freud a découvert un grand nombre des principes essentiels de la psychanalyse : la notion d'inconscient, le transfert, le refoulement.

 

- Freud obtient une bourse qui lui permet de séjourner à Paris d'octobre 1885 à février 1886 et d'y suivre l'enseignement de Charcot. La rencontre de Freud avec Charcot constitue le “choc” dont allait naître la psychanalyse, sa rencontre frontale avec le réel clinique, incarné dans et par l’hystérique. Médecin à l’hopital de la Salpêtrière, Charcot était spécialiste de l'hypnose et de l'hystérie, considérée comme une maladie sans lésion organique liée, selon lui, à un traumatisme affectif. Charcot utilisait l'hypnose (sommeil artificiel) comme méthode exploratoire : le sujet hypnotisé est susceptible, sur ordre de l’hypnotiseur, de se remémorer ce qui a été fait pendant le sommeil.

 

b) La rencontre avec Breuer, le cas Anna O.

 

- Autre moment déterminant dans la genèse de la psychanalyse : la rencontre avec un médecin viennois, Joseph Breuer, qui va apprendre à Freud à agir sur le symptôme et à dégager une méthode - dite cathartique - mettant à jour le processus de formation de symptôme. L’action sur le symptôme devient en même temps démonstration du déterminisme psychique à l’oeuvre dans la formation du symptôme sur lequel on agit.

 

- En 1882, Breuer parla à Freud d’une patiente, Anna O., qu’il avait traitée entre juillet 1881 et juillet 1882. De son vrai nom Bertha Pappenheim, Anna O. souffrait de symptômes physiques et mentaux plus ou moins graves dont les premiers se produisirent alors qu’elle veillait son père, atteint d’une maladie à laquelle il devait succomber : toux nerveuse, troubles de la vision, paralysies diverses, troubles de l’humeur, hallucinations, absences, états de confusion, de délire, de mutisme. Ne pouvant ni comprendre ni parler sa langue maternelle - l’allemand -, elle s’exprimait en anglais.

 

- Le procédé inventé par Breuer pour soigner Anna O est d’abord l’hypnose puis la mise en récit par la patiente des événements pénibles ayant un rapport avec la maladie et la mort de son père. Elle parla par exemple d’une scène pendant laquelle, ayant envie de pleurer, elle retint ses larmes. Réveillée de son état hypnotique, elle ne souffrait plus de ses yeux. D’où la découverte décisive: lorsque les circonstances dans lesquelles le symptôme avait fait son apparition se trouvaient évoquées, le symptôme disparaissait une fois le récit achevé. Les symptômes se mirent ainsi à tomber l’un après l’autre. C’est la mise en récit qui permit d’opérer ce voyage de retour vers l’origine, qui produit la répétition de l’événement traumatique, le déblocage de l’affect et l’inversion du processus pathologique qui avait abouti à la formation du symptôme.

 

- De tout cela, Freud retient l’idée essentielle d’une dissociation du psychisme en deux états: le conscient et l’inconscient. Si les hystériques, hors hypnose, ne pouvaient se souvenir des traumas à l’origine de leurs symptômes, c’est que ceux-ci avaient leur fixation en un autre lieu que le conscient.

 

c) L'abandon de l'hypnose et l'invention de la psychanalyse

 

- C’est paradoxalement en abandonnant l’hypnose et en relativisant son efficacité que Freud reconnaît sa portée dans l’histoire de la mise à jour des processus inconscients. Procédé incertain aux effets thérapeutiques peu durables, l’hypnose révèle à Freud, une fois reconnu son mécanisme de suggestion, l’existence de l’inconscient et ouvre la voie à un traitement des pathologies de l’inconscient.

 

- Très vite, Freud abandonne l’hypnose et n’oriente plus le cours de la pensée du patient. Il insiste sur le fait que ses patients doivent se souvenir par eux-mêmes de ce qui a provoqué leur souffrance.  Le passage de l’hypnose à la psychanalyse revient à un changement de dispositif. Freud invente alors une méthode d’investigation à laquelle il donne le nom de “psychanalyse”.

 

- Ce traitement repose sur l’obligation pour le malade de tout dire, de laisser libre cours à sa parole. Freud traite ses malades en leur faisant prendre une position allongée confortable sur un lit de repos, tandis que lui-même, échappant à leur regard, est assis derrière eux sur un siège. Il s’agit de soulever le voile d’amnésie qui recouvre les premières années de l’enfance, de ramener à la conscience les images, les pensées, les fantasmes attachés aux pulsions sexuelles de la prime enfance. C’est la méthode des associations libres qui permet d’amener à la conscience les contenus refoulés. Tout a un sens dans le discours du patient, même le silence car l’inconscient est à l’oeuvre dans ces “blancs”, ces incohérences.

 

- Il est donc demandé au patient de verbaliser ce qui lui vient à l’esprit. C’est la loi de la parole en elle-même qui s’impose, consacrant la liberté du sujet parlant.

 

- Freud parvient alors, par cette méthode des associations libres, à dérouler la chaîne des souvenirs pathogènes jusqu’au traumatisme originaire. L’analyste doit trouver le noeud à dénouer, faire l’interprétation et découvrir une cohérence nouvelle faite des lois de l’inconscient. L'interprétation de l'analyste vise à reconstituer une partie plus ou moins importante de l'histoire infantile du patient.

 

- Freud découvre qu’au cours du traitement, tout se passe comme si une partie de la personnalité du malade opposait une résistance à la guérison. La résistance désigne les moyens mis en oeuvre par le sujet pour empêcher son désir inconscient de se faire reconnaître. En clair, le concept de résistance désigne tout ce qui, chez l'analysé, s'oppose à la prise de conscience.

 

- Ce mécanisme, à l'oeuvre dans la cure analytique, fournit lui aussi un matériel à analyser. Freud en déduit que ces forces qui s’opposent à la réintégration de l’oublié dans le conscient sont celles-là mêmes qui, au moment du traumatisme, ont provoqué cet oubli et refoulé dans l’inconscient les incidents pathogènes. Freud distingue plusieurs formes de résistance :

 

1. Le refoulement

 

- Le refoulement se produit dans le cas où la satisfaction d’une pulsion risquerait de heurter les aspirations morales et esthétiques du sujet. Il porte, par conséquent, sur des représentations douloureuses ou susceptibles d’éveiller du déplaisir. Le refoulement est en quelque sorte une fuite devant la douleur. Le refoulement est le principal mécanisme de défense dans les conflits psychiques.

1.     Le transfert

 

- Au cours du traitement, un rapport privilégié s’installe entre le psychanalyste et le patient : le transfert. Au lieu de se souvenir le patient se conduit envers son thérapeute comme il s’est conduit dans son enfance par rapport à des personnes de son entourage. Il y a déplacement sur l’analyste de l’amour, de la haine, des émotions, des fantasmes éprouvés par le patient dans son enfance à l’égard de ses parents ou de ses proches. Le transfert est le déplacement, la projection sur l'analyste d'images du passé du patient. Le patient fait porter son amour sur l’auteur présumé du savoir du thérapeute censé détenir une réponse sur ce que le patient est et sur ce qu’il désire : celui chez qui je suppose le savoir, je l’aime. Le transfert va fournir un matériel important au travail de l'analyse.

 

- Le psychanalyste, en tant que personne, peut lui-même transférer ses propres sentiments inconscients à l'intérieur de la situation analytique : on parle de contre-transfert. Le psychanalyste peut se servir de l'analyse de son contre-transfert pour faciliter son accès à l'inconscient de l'analysé. Possibilité d'une résonance entre inconscients. C'est pourquoi Freud exigeait de tout analyste qu'il commence par subir une analyse.

 

2.     Le bénéfice de la maladie

 

- La maladie névrotique se déclenche, selon Freud, dans le but d'obtenir la satisfaction pulsionnelle par des voies détournées : il s'agit de la motivation positive de la maladie. La maladie apparaît ainsi comme une formation de compromis entre le refoulant et le refoulé; elle est une satisfaction détournée du désir, sous une forme qui puisse être acceptée par le moi.

 

- En même temps, il y a une motivation négative de la maladie : la maladie, les symptômes qu'elle entraîne, sont sources de souffrance. Mais cette souffrance est un moindre mal comparativement aux conflits que le sujet évite grâce à la maladie. C'est le mécanisme de " fuite dans la maladie ".

 

- Le sujet tombe malade à la fois pour se punir et soutenir son désir. Il satisfait du même coup comme un besoin de punition, une méfiance, voire une haine de soi. La fuite dans la maladie, le refus de guérir sont l'expression d'un sentiment de culpabilité. Le symptôme est une espèce de décision d’auto-punition : tout se passe comme si le patient ne se donnait pas le droit d'être heureux. Tout cela s'opère inconsciemment.

 

3.     Les mécanismes de défense

 

- On entend par défense la réaction par laquelle le sujet refoule une représentation insupportable ou réprime un désir qui lui semble menacer son équilibre psychique. Les défenses sont en partie inconscientes.

 

- Il y a de nombreux mécanismes de défenses. Les plus connus :

 

3.     la projection  : le sujet attribue au monde extérieur des pensées, des désirs, des sentiments qu'il ne peut reconnaître comme siens; 

4.     la sublimation : investissement de la pulsion sexuelle vers un but visant un objet socialement valorisé – l'activité intellectuelle, l'art, etc. ;

 

5.     le déni : négation de la représentation de la réalité, remplacement de la réalité par autre chose, à l'oeuvre surtout dans la psychose :).

 

Conclusion :

 

- La psychanalyse freudienne s'est donc progressivement constituée à partir de plusieurs étapes. D'abord, la confrontation féconde au phénomène de l'hystérie qui a permis à Freud de découvrir l'existence de l'inconscient. D’autre part, le caractère bénéfique pour les malades de la remémoration de certains souvenirs enfouis a renforcé cette hypothèse de l’inconscient. Avec l'abandon de l'hypnose, Freud va inventer une nouvelle méthode, celle des associations libres ou " psychanalyse " qui consacre la liberté du sujet parlant.

 

- Freud retient de tout cela l’idée essentielle que des pensées agissent sur le sujet à son insu. L’existence d’une pensée séparée de la conscience est à l’oeuvre dans le fonctionnement psychique de tout être humain. Comment Freud conçoit-il alors l'inconscient et, généralement, l'appareil psychique ? Et, surtout, comment s’est produit le “décrochage” par rapport aux théories antérieures sur l’inconscient qui a permis de lui donner un statut “scientifique” ?

 

B) L'INCONSCIENT, UNE HYPOTHESE NECESSAIRE ET LEGITIME

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- Quel statut Freud confère-t-il à cette notion d'inconscient qui est la pierre angulaire de la psychanalyse ? En quoi consiste cette innovation psychanalytique dont l’inconscient est l’objet et l’enjeu ?

 

1) La première topique

 

- L'apport essentiel de la psychanalyse ne réside pas tant dans l'affirmation d'une dimension inconsciente du psychisme qui est, comme on l'a vu, déjà présente dans la tradition philosophique, que dans la détermination topique de cet inconscient.

 

- Topique : théorie des régions ou systèmes psychiques. L’inconscient ne se conçoit plus négativement (ce qui est non-conscient), mais prend un sens positif : il désigne un lieu psychique qui a ses contenus spécifiques, un fonctionnement propre. Freud compare le psychisme à des appareils optiques (l’appareil photo, par exemple). Comme tout appareil, le psychisme est composé de parties différentes ayant chacune leur particularité. Freud a élaboré deux topiques qui correspondent à une évolution de la conception freudienne de l’appareil psychique.

 

- Métaphore de l'iceberg : l'inconscient " en-dessous " supporte la conscience " au-dessus "; la plus grande partie de notre psychisme est cachée dans les profondeurs sous la ligne de flottaison de notre conscience (la conscience est la part émergée, l'inconscient est la part immergée).

 

- Le sens du concept d'inconscient est précisé tout d’abord à travers une première « topique « que Freud élabore entre 1900 et 1920. Freud affirme la division de l’appareil psychique en trois systèmes distincts :  le Préconscient (Pcs), le Conscient (Cs) et l’Inconscient (Ics).

 

- Le point de vue topique repose sur la prise en considération de cette dimension dynamique des pensées latentes : il faut admettre qu'une force maintient à l'écart de la conscience certaines pensées, force qui s'oppose à leur acceptation par la conscience. Cette force, Freud la nomme refoulement et c'est elle que l'analyste rencontre dans la cure sous la forme d'une résistance du patient. L'inconscient peut être ici identifié au refoulé. Cette force qui s'oppose à une force contraire (celle qui pousse certaines pensées à devenir conscientes) joue justement le rôle d'une barre de séparation qui circonscrit trois " lieux " ou " instances " psychiques :

 

a) L' Inconscient (Ics)

 

- Il est constitué de contenus refoulés n’ayant pu accéder au système pcs-cs en raison de la censure – barrage sélectif engendré par l'éducation, la société, l'expérience – qui maintient les productions mentales hors du système conscient. Le refoulement est l'opération par laquelle le sujet repousse dans l'inconscient des représentations susceptibles de provoquer du déplaisir à l'égard d'exigences créées par notre formation première.

 

- Or, quelle est la nature de ce qui est refoulé et quels sont les motifs de ce refoulement ?

 

- Ce qui est refoulé, ce sont des " représentants de la pulsion qui veulent décharger leur investissement " (Freud, Métapsychologie).

 

- Qu'est-ce qu'une pulsion ?

 

- Une pulsion est d'abord une excitation, une poussée qui provient de l'intérieur de l'organisme et non du monde extérieur, de sorte qu'elle ne peut être supprimée par une action de fuite : sa poussée est constante. Freud précise que l'ensemble de l'activité psychique a pour but de procurer du plaisir et d'éviter le déplaisir. Plaisir et déplaisir sont l'expression qualitative, consciente, d'une quantité d'excitation : le plaisir est l'épreuve d'une réduction de cette quantité d'excitation; le déplaisir est celle d'une augmentation de la tension psychique. Le principe de plaisir signifie donc que le psychisme tend à maintenir un niveau d'excitation aussi bas que possible. D'où la tendance du psychisme à supprimer l'excitation, à satisfaire la pulsion.

 

- La pulsion se caractérise donc par quatre aspects :

 

1.               elle a sa source dans une excitation organique localisée, dans une zone corporelle : par exemple, la source d'une pulsion sexuelle peut se situer à l'endroit des organes génitaux, mais aussi dans une zone érogène quelconque;

 

2.               elle exerce une poussée, une certaine force ou exigence;

 

3.               elle tend vers un but : la satisfaction;

 

4.               la pulsion renvoie au corps par sa source, mais le but et l'objet de la pulsion n'ont de sens que psychique. La pulsion, en effet, recouvre un processus de représentation, de délégation de l'excitation organique au sein du psychique. La pulsion apparaît comme le représentant psychique des excitations issues du corps et parvenues au psychisme. Les contenus refoulés sont des pensées, des images, des souvenirs sur lesquels se fixent les pulsions. Autrement dit, la pulsion présente, exprime le corps dans l'âme.

 

- Freud distingue d'abord des pulsions du moi et des pulsions sexuelles :

 

1.     Les pulsions du moi qui sont les pulsions d'autoconservation : elles visent à la conservation de l'individu, elles défendent les intérêts du moi, elles tendent à satisfaire les besoins nécessaires à la survie de l'individu (exemple de la faim et de la soif).

 

2.     Les pulsions sexuelles tendent à la conservation de l'espèce; ces pulsions visent la reproduction; la pulsion sexuelle se différencie de l'instinct dans la mesure où son objet peut varier et n'est pas naturellement fixé; la libido est l'énergie psychique de la pulsion sexuelle.

 

- L’Ics ignore la réalité. Il se définit par l’absence de contradiction, l’intemporalité, l’indifférence à la réalité extérieure et la régulation par le seul principe de plaisir, pouvoir de produire des effets observables et donner lieu à des manifestations intenses.

 

b) Le préconscient (Pcs)

 

- Le préconscient recouvre tous les contenus qui ne sont pas actuellement présents à la conscience sans pour autant être totalement inconscients. Ce système de l'appareil psychique est séparé de l'inconscient par une censure qui sélectionne les représentations pouvant accéder à la conscience en les inhibant.

 

- Il est une sorte de salle d’attente où patientent tous les souvenirs susceptibles de devenir conscients. Ce à quoi je ne pense pas en ce moment mais que je puis facilement ramener dans le champ de ma conscience. Les opérations et les contenus de ce système préconscient sont inconscients au sens descriptif, dans la mesure où ils ne sont pas présents dans le champ actuel de la conscience; ils se différencient des contenus du système Icst en ce qu'ils restent en droit accessibles à la conscience.

 

c) La conscience (Cs)

 

- Tout ce que j’ai actuellement à l’esprit, ce à quoi je pense en ce moment. Dominent ici les valeurs de la pensée vigile, du raisonnement, du jugement, de l’action maîtrisée. La satisfaction des désirs est différée et contrôlée (principe de réalité). Lieu où s'opère le contact avec le monde extérieur. Il est chargé de recevoir les perceptions en provenance de l'extérieur, il abrite également les processus de pensée (souvenirs, processus réflexifs).

 

- Au total, dans cette première topique, l’inconscient se constitue à partir du refoulement. L’Inconscient comprend des éléments refoulés tout au long de l’histoire du patient, mais essentiellement dans sa petite enfance. En empêchant ces éléments (trauma) de devenir conscients, la censure assure l’équilibre psychique. Un événement dangereux pour la santé psychique de l’individu est non pas oublié, mais rejeté hors du Conscient. Le pari de la psychanalyse est le suivant : la saisie rationnelle des éléments refoulés mal digérés et donc source d’angoisse doit permettre de liquider cette angoisse. Si le refoulement a en effet pour fonction la sauvegarde de l’équilibre psychique, c’est son ratage qui occasionne des retours néfastes.

 

2) La deuxième topique

 

- Après 1920, Freud est amené à restructurer sa théorie, à modifier son premier schéma, en proposant une deuxième topique qui complète, sans l'annuler, la première : Ca – Moi – Surmoi. Le Ca, le Surmoi (en presque totalité) et une partie du Moi (celle qui préside aux mécanismes de défense) sont inconscients. L’inconscient ne peut s’identifier avec le refoulé, pas plus que le Moi ne peut coïncider avec le pcs-cs. L’inconscient était substantif (le système Inconscient = l’ensemble des faits mentaux refoulés), il devient adjectif : une qualité qui se révèle caractériser la majeure partie de l’appareil psychique.

 

a) Le ça

 

- Pôle pulsionnel de la personnalité, partie naturelle, non éduquée de la personnalité; il s'enracine dans le biologique et incarne un peu notre partie animale. Ses contenus peuvent être héréditaires ou refoulés. Ils sont inconscients (à la différence du moi et du surmoi qui ne sont inconscient que partiellement), soumis au principe de plaisir. Le ça est inorganisé, n'est soumis à aucune cohérence, Freud le comparait à un chaos. C'est de lui, en tout cas, que vont émerger les instances que sont le moi et le surmoi.

 

- Il est constitué des pulsions de vie (pulsions du moi et pulsions sexuelles) - Eros - et des pulsions de mort - Thanatos.

 

- En effet, Freud découvre l'existence de phénomènes de répétition d'expériences déplaisantes qui sont l'expression d'une tendance mortifère. Cette tendance est la compulsion de répétition, c'est-à-dire la tendance inconsciente à répéter un événement passé à travers des situations présentes, douloureuses. Cela a permis à Freud de repérer une pulsion plus forte que le principe de plaisir et qui se manifeste par la tendance à reproduire une expérience ou un état antérieur. L'état antérieur absolu est la mort; existence en nous d'une pulsion qui tend à ramener l'organisme vers l'inorganique. Lire " illustration clinique n° 22 et n° 23 ", p. 146, in Jean-Pierre Chartier, Introduction à la pensée freudienne.

 

- Les phénomènes d'agressivité, de sadisme, apparaissent comme l'expulsion vers le dehors de cette force destructrice – Thanatos – originairement dirigée contre le sujet lui-même. Cette agressivité vise la mort sadique de soi-même.

 

- Les pulsions de vie ou Eros regroupent les pulsions d'autoconservation et les pulsions du moi de la première topique. Eros a pour tâche de garder le sujet vivant et de lutter contre la pulsion destructrice.

 

b) Le moi

 

- Siège de la conscience, de la pensée, de la volonté. La personnalité propre qui se forme en apprenant à dire non à certaines exigences du ça : je ne peux attraper la lune, etc. Le moi obéit au principe de réalité. Il a un rôle de médiateur : il est chargé de la cohérence de la totalité du sujet divisé par les exigences du ça et les pulsions, celles du surmoi et la contrainte de la réalité. Il a une fonction de conscience et d'autoconservation.  Il assure l'identité et l'équilibre de la personnalité.

 

- Le moi se forme par différenciation progressive du ça, au contact avec la réalité extérieure. Une partie du Moi est inconsciente, celle qui est chargée de refouler les pulsions (mécanismes de défense inconscients par lesquels le sujet maintient l’image idéale de son Moi) ou de les adapter aux conditions imposées par le monde extérieur. A la différence du ça, toutefois, il occupe également le préconscient et émerge jusqu'au conscient, dans la proportion d'un iceberg, dont la presque totalité reste invisible. Il joue le rôle de médiateur entre la libido du ça, la réalité et les exigences du Surmoi.

 

c) Le surmoi

 

- Le surmoi est l'instance critique et évaluative de la personnalité. Il s'est constitué par une intériorisation, à partir du complexe d'Oedipe, des exigences et interdits parentaux. En fait, c'est au surmoi des parents que l'enfant s'identifie. Les parents se comportent vis-à-vis de leurs enfants en fonction d'une identification à leurs propres parents. Le surmoi est l'instance par laquelle se transmet le patrimoine culturel d'une société. Il continue ensuite à se développer sous l'influence de l'entourage, des éducateurs, des modèles idéaux.

 

- Il s'agit donc de la conscience collective en tant qu'elle est intériorisée par le moi. Cette conscience collective agit surtout par son aspect moral : la culture et la civilisation résultent d'une action de moralisation effectuée par la société sur l'individu. Le surmoi est la part non consciente du psychisme en tant qu'elle se fait le médiateur de la collectivité et qu'elle impose au Moi les normes qui lui permettront d'exercer sa propre action de censure.

 

- Le surmoi est le principe de réalité auquel se heurte le ça. C'est le grand censeur. Le moi, éclairé par le sur-moi, rejette dans l'inconscient les affects qui seraient source de culpabilité et ne laisse émerger à la claire conscience que ce que le sur-moi autorise. Le ça demande, le surmoi commande ou pas, autorise ou non. Le moi est pris entre les exigences du ça et les impératifs du surmoi. Le moi est tourmenté par le surmoi (la censure); il se défend alors contre le ça qui, lui, cherche à contourner la censure.

 

- Avec la censure, le sur-moi a également une fonction d'auto-observation et de modèle idéal (Idéal du moi). L'Idéal du moi, issu du narcissisme et des identifications parentales,  est le modèle que le sujet cherche à imiter. Par rapport à la censure, il ne cherche pas à interdire mais à jouer un rôle de modèle.  L'Idéal du moi permet notamment de rendre compte de la fascination amoureuse, de la dépendance à l'égard de l'hypnotiseur, de la soumission au leader (dans ces cas, une personne étrangère est mise par le sujet à la place de son idéal du moi).

 

- Le surmoi, enfin, joue un rôle essentiel dans le phénomène du sentiment de culpabilité ou dans la mélancolie (affection grave de l'humeur caractéristique notamment de la psychose maniaco-dépressive).

Conclusion :

 

- Les topiques mettent en évidence l'enseignement fondamental de la psychanalyse, son originalité : la description du moi comme censure; l'insistance sur l'ignorance de l'individu à son endroit; l'affirmation de l'existence d'un inconscient qui a ses lois, son énergie spécifique, ses finalités. Idée donc d'un déterminisme psychique, d'une force qui nous pousse à agir souvent à notre insu.

 

3) La vérité de la cure psychanalytique (texte de Freud, in Métapsychologie, p. 35 du manuel)

 

- L'inconscient freudien est, on le voit, une notion dynamique liée à l'expérience de la cure psychanalytique : il est constitué en partie de contenus refoulés qui deviennent accessibles à la conscience quand les résistances sont surmontées grâce à la psychanalyse, qui met en évidence certaines productions psychiques. Freud montre, dans ce texte, que l'hypothèse de l'inconscient est nécessaire et légitime, en ce qu'elle constitue un gain de sens.

 

- En effet, seule l'hypothèse d'un déterminisme psychique est en mesure de rendre raison de certaines de nos idées sans laquelle leur présence en nous demeurerait incompréhensible. Dès lors, l'inconscient donne du sens à ce qui semble inexpliqué et arbitraire, ordonne nos représentations dans un ensemble cohérent dont nos idées conscientes, telles un iceberg, ne sont que la partie visible. Cette hypothèse nous permet de comprendre aussi bien les actes psychiques normaux que ceux qui sont pathologiques. Sur un plan pratique, Freud affirme que la pratique psychanalytique est couronnée de succès.

 

- C'est donc notamment à partir du caractère profondément lacunaire de la conscience que Freud justifie son recours à l'hypothèse de l'inconscient. La conscience est ainsi incapable de rendre compte de phénomènes apparemment absurdes comme les rêves et les actes manqués.

 

a) Le rêve, voie royale menant à la connaissance de l'inconscient

 

- C’est à travers le rôle des associations oniriques révélé par l’exploration des névrosés que Freud s’avisa de l’importance propre des rêves. Le rêve apparaît comme une production psychique dotée de signification propre non seulement chez les névrosés, mais pour la “psychologie normale”. Freud découvre que le rêve est toujours motivé par un désir inconscient dont il est l’expression indirecte, déguisée, incompréhensible à première vue. Le rêve devient par là même le prototype de l’activité psychique inconsciente. Le rêve va se révéler comme la voie royale pour explorer l’inconscient. C’est par le rêve que la psychanalyse se révèle comme “art de l'interprétation”.

 

- Le rêve est d'abord utile, non seulement pour le psychanalyste mais aussi pour le rêveur. Il est le gardien du sommeil. Lorsqu'on est sous le coup d'un besoin interne (que l'on a soif par exemple) ou d'une perturbation externe (un bruit venant de l'extérieur), le rêve intègre ce sources d'excitation, ce qui nous évite de nous réveiller.

 

- Le rêve est à interpréter, à prendre comme un alphabet d’images. Freud distingue alors le contenu manifeste et le contenu latent :

 

5.               Le contenu manifeste : ce dont le rêveur se souvient au réveil (manifeste = visible); le rêve y est souvent absurde, incohérent;

 

6.               Le contenu latent : le rêve tel apparaît une fois déchiffré, ce qui est à l'origine de la production du rêve.

 

- Il y a un travail d’élaboration du rêve qui est le passage du désir au rébus. Le travail du rêve consiste à transformer le contenu latent du rêve en représentations suffisamment acceptables par la conscience. Parfois le travail du rêve échoue parce qu'il n'y a pas eu suffisamment de transformation : apparaissent alors les rêves d'angoisse et les cauchemars qui expriment l'irruption de contenus insupportables pour la conscience. La seule issue pour le rêveur est alors le réveil.

 

- Au cours de ce travail du rêve, il y a la suppression presque totale des articulations logiques du discours, transformation de pensées en images et recours à un vocabulaire symbolique. Par exemple, pour symboliser la castration, “le rêve emploie la calvitie, la coupe des cheveux, la perte d’une dent, la décapitation”. Le contenu manifeste est généralement laconique, condensé et ses signifiants essentiels sont décalés et contigus par rapport à ceux du contenu latent. Freud nomme ces deux derniers mécanismes : symbolisation, condensation et déplacement.

 

- La symbolisation : transformation des idées en images. Le rêve est fabriqué comme une bande dessinée. Dans l'interprétation du rêve, on remontera de l'image à la pensée, c'est-à-dire de l'image au désir caché. Symbolisation à la fois collective et personnelle.

 

- La condensation : il s'agit d'une compression; plusieurs personnes, objets, localités, etc. sont condensés en un seul. Exemple d’un visage de femme qui comporte des éléments masculins empruntés à une autre personne. Effet du travail d’élaboration du rêve par lequel des éléments latents ayant des traits communs se trouvent fondus ensemble dans le rêve manifeste.

 

- Le déplacement : une représentation intense est déplacée sur un détail anodin, de sorte que le rêve reçoit un autre sens. Le rêve renverse l'importance des éléments mis en scène : ce qui est très important dans le contenu latent se déplace sur un élément insignifiant du contenu manifeste du rêve.

 

- Le rêve montre donc l’inconscient à l’oeuvre chez tout sujet et éclaire sur cette autre formation jumelle qu’est le symptôme névrotique. Freud nous invite donc à " chercher dans le rêve lui-même l'articulation du désir et du langage " (Paul Ricoeur, De l'interprétation, Essai sur Freud, p.15). En effet, ce n'est pas tant le rêve rêvé qui peut être interprété que le texte du récit du rêve. A ce texte, le psychanalyste veut substituer un autre texte qui serait comme la " parole primitive du désir " (ibid.). Ce qui est au centre de l'analyse, en somme, c'est le langage du désir.

 

- D'où l'idée que la psychanalyse est une " sémantique du désir " (ibid., p.16) qui s'interroge sur la façon dont le désir fait échouer la parole et échoue lui-même à parler.

 

b) Les actes manqués, les lapsus

 

- Freud s’est aussi intéressé aux faux pas, aux erreurs qui dans nos actes et nos paroles viennent nous surprendre à un moment où on ne les attend pas : les oublis, les actes manqués, les lapsus qui contrarient la continuité des buts que consciemment nous nous étions fixés. Là encore, sous un aspect incompréhensible, toujours par surprise, se manifeste un voeu inconscient qui vient au jour sous la forme déguisée du lapsus, d’un oubli ou d’un raté quelconque.

 

- Les actes manqués sont ces actes innombrables qui manquent et ratent leur but intentionnel et expriment autre chose que lui : oubli momentané de noms propres, erreurs de lecture, maladresses, perte ou bris d’objets, actes ou gestes accomplis machinalement (tripoter ses doigts ou ses vêtements…). Ces petits faits de la vie quotidienne doivent être pris au sérieux; il convient de déceler leur sens et leur fonction chez l'individu. Ils révèlent les secrets les plus intimes, les mieux gardés de l'être. Ils prouvent l'existence du refoulement et donc de l'inconscient.

 

- Les lapsus sont des mots inattendus qui surgissent de la bouche d’un individu tout à fait par surprise. Il n’est pas le mot que consciemment il avait prévu de dire et trahit le désir inconscient du sujet. Les lapsus ne sont pas dus à l’inattention ou à la fatigue, ils ont un sens. Le lapsus témoigne de l’interférence de l’expression du désir avec ce qu’on voudrait ou devrait consciemment dire. On découvre alors que tout discours a un double sens, est équivoque, veut dire autre chose que ce qu’il dit. Le désir inconscient fait échouer la parole et échoue lui-même à parler clairement.

 

4) Bilan : la révolution psychanalytique

 

- L'hypothèse de l'inconscient s'avère donc, aux yeux de Freud, nécessaire et légitime : les symptômes psychopathologiques, les rêves, les actes manqués, les lapsus seraient incompréhensibles sans cette hypothèse. Freud entend donc dégager le sens caché de nos conduites : la psychanalyse se définit alors comme une interprétation géniale des comportements humains, un décryptage des sens cachés derrière le sens apparent.

 

- La psychanalyse nous est apparue comme une explication des phénomènes psychiques par des conflits de force (énergétique), mais aussi comme une exégèse du sens apparent par un sens latent (herméneutique). La théorie freudienne met en place une " logique du double sens " (ibid., p.59) où le langage est décrit comme fondamentalement distordu, dans la mesure où il veut dire autre chose que ce qu'il dit, il a un double sens, il est équivoque.

 

- L'inconscient désigne véritablement un texte à déchiffrer, une " récollection du sens " (ibid., p.38), de même que l'interprétation se présente comme un " exercice du soupçon " : entreprise de réduction des illusions et des mensonges de la conscience. La psychanalyse nous laisse ainsi à penser que la conscience n'est pas telle qu'elle croit être et que sa catégorie fondamentale est, comme le dit Ricoeur, le " rapport caché-montré ou, si l'on préfère, simulé-manifesté " (ibid., p.44).

 

- La psychanalyse est donc une authentique procédure de la démystification.  En cela, Freud est un des grands maîtres du soupçon, à la suite de Nietzsche et de Marx.

 

- Mais, loin d'être un détracteur de la conscience, Freud vise plutôt à une extension de celle-ci: " ce que veut Freud, c'est que l'analysé, en faisant sien le sens qui lui était étranger, élargisse son champ de conscience, vive mieux et finalement soit un peu plus libre et, si possible, un peu plus heureux " (ibid., p. 45). Par le discours, Freud nous enseigne la possibilité d'une mise en place d'un éclairement et d'une redistribution des désirs du Moi : " le Je advient où le ça était ", en ce sens que le sujet émerge à la place de la confusion et de l'obscurité des désirs inconscients. Le Je accède ainsi à la lumière de la conscience par le travail de la parole.

 

- A ce titre, le freudisme représente un acquis irréversible, et ce, bien que la psychanalyse connaisse, de nos jours, une époque de " vaches maigres " qui est le résultat direct des nombreux assauts critiques que la psychanalyse a subis du vivant même de Freud et surtout après sa mort en 1939.

 

C) LE PROCES DE L'INCONSCIENT

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- La psychanalyse a été l’objet de nombreuses critiques tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du mouvement psychanalytique. C’est notamment l’hypothèse de l’inconscient qui pose problème.

 

- En effet, Freud prétend que le sens préexiste dans l’inconscient et que le psychanalyste ne fait que le mettre à jour. Faut-il alors admettre que l’inconscient est conscient de ses propres pulsions, conscient de la censure et de ses interdictions, suffisamment intelligent pour se déguiser ? L’inconscient serait, dans cette hypothèse, conscient de lui-même et de la conscience. Mais n’est-ce pas paradoxal et profondément obscur ? Qui plus est, postuler l’existence en nous d’une pensée inconsciente n’est-ce pas compromettre gravement la liberté?

 

1.     L'inconscient, une hypothèse rétroactive et aporétique

 

- L'inconscient ne serait-il pas, en premier lieu, le résultat d'une construction a posteriori, c'est-à-dire d'une hypothèse rétroactive destinée à éclairer toutes les difficultés de la vie psychologique ?

 

- En effet, l'inconscient est insensible au temps mais il se souvient des traumatismes et des paroles de l'autre; il oppose une résistance à la cure parlée, il raisonne, imagine, identifie, oppose, masque, s'exprime, se cache, etc.  Cet inconscient n'est rien d'autre que la conscience elle-même, les opérations qu'on attribue à l'inconscient sont les opérations mêmes de la conscience quotidienne. Par un préjugé qui identifie conscience et conscience claire, on a rejeté dans les ténèbres de l'inconscient les activités obscures, affectives, contradictoires qui sont celles de la conscience.

 

- La théorie freudienne implique une sous-estimation des limites inhérentes à toute conscience de soi. Il s'agit d'une position idéaliste qui méconnaît les difficultés inhérentes à tout processus de prise de conscience. La psychanalyse pèche par excès de rationalisme : elle ne dévalorise la conscience que pour " surintellectualiser " l’inconscient. Un minimum d’aveuglement n’est - il pas nécessaire et indépassable ?

 

- La psychanalyse serait ainsi un croyance naïve à la possibilité de la pleine lucidité, de la pleine conscience : la psychanalyse n’attribue, en effet, l’inconscience qu’au refoulement, elle croit qu’il est possible de la vaincre grâce à la cure, et de voir clair en soi ; elle croit qu’il est possible au psychanalyste de voir ce que les autres ne voient pas, et de les connaître dans leur vérité

 

- L'inconscient n'est alors rien d 'autre que la projection, dans le passé de l'individu, de l'activité de la conscience. En réalité, ce sont les événements conscients rapportés par le patient dans sa parole qui éclairent le désir : ce sont les associations de la parole libre, les commentaires sur les rêves, les récits sur la vie affective qui permettent de définir le désir inconscient. C'est donc la conscience parlée qui éclaire l'inconscient et non l'inverse.

 

- L’inconscient n’est - il pas alors une création pure et simple du psychanalyste, en ce sens que l’inconscient ne vient à l’être que par l’interprétation. Le sens que révèle l’interprétation ne lui préexisterait pas mais s’engendrerait par elle. Les symptômes névrotiques, le rêve posséderaient bien un sens mais un tel sens serait celui auquel parviendrait le psychanalyste au terme d’un travail d’élucidation.

 

- L’inconscient serait, dans ce cas, une sorte « d'infra-conscience », un effort vers le langage, une expression archaïque, fragmentaire. Le sujet qui souffre serait, au fond, celui qui ne serait pas libéré du poids de l’habitude, des préjugés de l’enfance ; il ne réussirait pas à verbaliser, à donner une cohérence à sa vie. Le rôle du psychanalyste se limiterait à reconstituer, à partir des données fragmentaires que le sujet donnerait, un texte clair, lisible, cohérent. La fin de la cure ne serait jamais que l’acquiescement du sujet à la signification donnée par le psychanalyste, lequel serait comme un sorcier.

 

- On peut également déceler une contradiction dans la théorie freudienne. Freud affirme, en effet, que par la psychanalyse il est possible de prendre conscience de son inconscient, de remplacer « le ça par le moi ». Comment admettre que l’inconscient est conscient de ses propres pulsions, conscient de la censure et de ses interdictions et suffisamment intelligent pour se déguiser ? L’inconscient serait alors conscient de lui-même et de la conscience.

 

2) La scientificité de la psychanalyse

 

- La plus célèbre critique de la scientificité de la psychanalyse est venue de Karl Popper.

 

- Selon Popper, une théorie scientifique n’est jamais vérifiable empiriquement, c’est-à-dire confirmée par les faits. C’est la falsifiabilité qui est le critère de démarcation entre une vraie science et une pseudo-science. Seules peuvent être qualifiées de scientifiques les théories à la fois réfutables et non encore réfutées. Toute théorie est, en effet, provisoire. La démontrer, c’est tenter de la falsifier, c’est élaborer les conditions de la découverte de faits capables de l’infirmer. Le critère de scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester.

 

- La falsifiabilité désigne donc la capacité d’une théorie scientifique de se soumettre à une méthode critique sévère, comportant des tests expérimentaux cruciaux susceptibles de la réfuter.  

 

- Ce qui caractérise, selon Popper, un énoncé métaphysique ou idéologique, c’est l’impossibilité d’établir à son endroit un protocole d’expérience susceptible de le réfuter. Un énoncé métaphysique ou idéologique n’est ni démontrable ni réfutable. Ce qui définit, au contraire, la scientificité, c’est la falsifiabilité, et c’est ce critère qui permet d’établir une démarcation entre science et non science

 

- Or, la psychanalyse n’est pas une science: les théories psychanalytiques “sont purement et simplement impossibles à tester comme à réfuter. Il n’existe aucun comportement humain qui puisse les contredire”. La psychanalyse est une théorie qui a réponse à tout. Cette capacité de tout expliquer, présentée comme le point fort de la théorie, est considérée, au contraire, par Popper comme son point le plus faible. Une théorie qui fait du complexe d’Oedipe le noyau de la névrose, la clef du devenir humain, peut expliquer tous les comportements imaginables, et aucun ne peut la mettre en défaut. Quelle que soit la critique qu’on lui adresse, aussi pertinente soit-elle, elle tourne à l’avantage de la psychanalyse car elle est aussitôt interprétée en termes de résistance. La psychanalyse est ainsi un système herméneutique irréfutable.

 

3) Les critiques d'Alain et de Sartre

 

- La psychanalyse se trouve contestée par une philosophie de la liberté pour laquelle l’Inconscient introduirait un déterminisme radical dans mes actes et pensées, et supprimerait ma liberté. Beaucoup de philosophes reprochent à la psychanalyse d’être réductionniste, c’est- à – dire de ramener la vie psychique à un jeu de forces pulsionnelles et affectives qui ne laisse guère de place à l’activité rationnelle, de rendre impensable la recherche de la vérité objective, de réduire en l’homme le supérieur à l’inférieur.

 

- Alain a mis en évidence les dangers éthiques du freudisme. S'il ne s'agit nullement de contester la réalité de l'inconscient, il convient toutefois de refuser les mythes dangereux qu'il pourrait envelopper et véhiculer : l'irresponsabilité notamment. " Il faut éviter plusieurs erreurs que fonde le terme d'inconscient. La plus grave de ces erreurs est de croire que l'inconscient est un autre Moi; un Moi qui a ses préjugés, ses passions et ses ruses; une sorte de mauvais ange, diabolique conseiller…"

 

- On parle d’inconscient là où il n’y a, au fond, qu’instinct ou mécanisme. Imaginer l’inconscient comme un personnage n’est qu’une manière de « donner dignité à son propre corps ». Qui plus est, reconnaître l’existence d’un inconscient psychique c’est reconnaître l’existence d’un autre Moi qui me gouvernerait à mon insu, c’est une abdication de soi et de sa responsabilité.

 

- Alain rapproche l'idée freudienne d’une autre erreur : la croyance en l’hérédité. Une telle croyance nous dépouille, en réalité, de la maîtrise de notre vie. Elle nous fait imaginer « qu'une même vie va recommencer », une vie analogue à celle du père. Le texte s’achève alors sur le rejet de toute forme de déterminisme et sur l’affirmation de la pleine maîtrise de soi du sujet.

 

- Dans un perspective un peu similaire, Sartre, dans L'Etre et le Néant, refuse de faire de l'inconscient le maître de nos actes et de nos choix. Ne cherchons jamais d'excuses à nos actes et ne nous abritons pas derrière notre inconscient, veut au fond dire Sartre lorsqu'il critique Freud.

- En effet, comment concevoir une conscience qui ignorerait ce qu'elle refoule et rejette ? Comment est-il possible de refouler une représentation si on ne commence pas par en avoir conscience ? Comment l’analysé pourrait-il finir par reconnaître la vérité d’une interprétation, s’il ne savait pas en fait ce qu’il prétendait ne pas savoir ? Les phénomènes décrits par Freud ne sont que des cas particuliers de ce phénomène général qu’est la « mauvaise foi » : chacun écarte, en effet, de sa pensée les aspects du réel qui le gênent et tend à ne voir que ce qu’il a envie de voir.

 

- Mais comment ce mensonge à soi est-il possible ?

 

- D’abord parce qu'il y a toujours un décalage entre notre vécu et la représentation que nous en avons. La mauvaise foi renvoie fondamentalement à la condition humaine : caractérisé par cette mise à distance qu’est la conscience, l’être humain ne peut jamais coïncider avec lui-même, il « est ce qu'il n'est pas et il n'est pas ce qu'il est ». La spontanéité ou l’authenticité absolues sont, par conséquent, interdites : croire, c’est toujours affecter de croire ; dans tout sentiment ou comportement il y a une dimension de jeu et d’automystification.

 

- Aussi existe-t-il, dans toute vue, une part de mensonge. C’est dire que ce mensonge contient une part de vérité puisqu’aucune forme de sincérité absolue n’est possible.

 

- Par cette critique du freudisme, Sartre entend donc sauvegarder la liberté souveraine de la conscience, ainsi que l'unité et la transparence de la conscience.

 

4) Conclusion sur les critiques du freudisme

 

- La théorie freudienne semble donc poser plus de questions qu'elle n'en résout, malgré sa prétention à apporter un gain de sens et à constituer une hypothèse légitime et nécessaire fondée sur le caractère lacunaire de la conscience.

 

- L'idée d'un inconscient psychique et tout le cortège conceptuel qui l'accompagne apparaissent non seulement comme étant éminemment contradictoires, aporétiques, empreints d'un dogmatisme doctrinal généralisé, mais aussi comme signifiant un renoncement à soi, c'est-à-dire à la liberté.

 

- Le concept d'inconscient demeure énigmatique. S'il est non seulement différent de la conscience mais tout autre qu'elle, l'inconscient est situé en continuité avec elle, de telle sorte notamment que la conscience est un destin possible pour des représentations inconscientes. On peut parler d'une certaine indétermination quant au statut de l'inconscient.

 

 

CONCLUSION GENERALE : LES TACHES DU SUJET

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- Ces critiques, pour pertinentes qu'elles soient, négligent cependant deux aspects fondamentaux de la psychanalyse qu'il convient de dégager en conclusion.

 

- D'abord, la psychanalyse n'introduit nullement la fatalité dans la vie de l'homme et ne saurait contredire l'exigence morale. Au contraire de ce que pensent Alain et Sartre, la démarche de Freud est, sous un angle, profondément éthique : la cure vise en effet à restaurer une liberté déviée et désigne un accouchement de l'âme et de la liberté. Comme le dit Ricoeur, " L'analyste est l'accoucheur de la liberté…La psychanalyse est une guérison par l'esprit; le véritable analyste n'est pas le despote de la conscience malade, mais le serviteur d'une liberté à restaurer. En quoi la cure, pour n'être pas une éthique, n'en est pas moins la condition d'une éthique retrouvée là où la volonté succombe au terrible " (Philosophie de la volonté, Le volontaire et l'involontaire).

 

- La psychanalyse demeure donc comme quête du sens et accouchement spirituel. Si le moi est en lien dialectique avec les pénombres de l'inconscient, la cure psychanalytique a pour but de rendre au sujet aliéné dans son passé la possession de lui-même.

 

- A travers l'interrogation sur l'inconscient, c'est finalement à l'énigme de la conscience elle-même que nous sommes confrontés, énigme sans doute plus difficile que celle de l'inconscient. Ce que Freud tente de saisir au centre de la conscience, c'est bel et bien une dimension irréductible d'obscurité. La conscience ne désigne plus, dès lors, une faculté de représentations de part en part consciente d'elle-même et transparente à elle-même, mais cet empiétement, cette appartenance réciproque de l'homme et du monde, de sorte que la conscience et l'inconscience ne font plus alternative. 

 

- Qu'est alors l'inconscient, sinon l'autre nom peut-être d'une conscience archaïque et primordiale, infra – ou pré-conscience, obscure en son fond ? Il y a une dimension essentielle d'obscurité au coeur même de la conscience qui renvoie à son appartenance irréductible au monde, à la nécessité pour elle d'être en permanence jetée hors d'elle-même. Aussi pourrait-on penser que l'inconscient n'est pas tant une composante du psychisme que la dimension du retrait, de l'obscurité inhérente à l'acte même de se représenter le monde.

 

- Dans cette perspective, que deviennent le sujet et la question de l'identité personnelle ? A défaut d'une réalité substantielle à saisir qui semble se résoudre en une pure illusion, il conviendrait de penser la subjectivité comme une tâche à réaliser plutôt que comme une identité rassurante.

 

- Les critiques de ce que nous avions appelé " l'illusion substantialiste " nous invitent à renoncer à l'idée d'un sujet défini comme  "contenu" ou " chose ". La subjectivité ne désigne pas telle ou telle chose mais ce qui advient dans la constitution même de la chose. Le sujet est celui qui " a à ", il se définit par sa fonction, dans sa capacité de s'y vouer. Le sujet est celui qui fait telle ou telle chose, de sorte qu'on est toujours sujet pour quelque chose.

 

- Le sujet est donc là où est son oeuvre, il est dans le dehors de ce qu'il a à faire, il se définit par les tâches auxquelles il est mobilisé. Aussi la subjectivité semble-t-elle correspondre à la structure de l' "avoir à ", de l'" avoir à répondre de ". Selon Kant, le sujet se détermine d'abord et essentiellement en ce qu'il doit faire, le devoir mesurant sa subjectivité comme exigence de responsabilité.

 

-   L'identité fondamentale du sujet est celle de la personne, le sujet étant celui qui est impliqué à telle ou telle chose. Dimension morale, pratique de l'identité que nous allons notamment approfondir dans le cours suivant consacré à la question d'autrui. S'il n'y a pas de subjectivité qui précède la question " qui ? ", c'est que le sujet est celui qui est responsable, qui a à répondre. Nous avons à être, comme le montrent les existentialistes, de sorte que, pour reprendre le titre d'un ouvrage de Cesare Pavese (Le métier de vivre), exister est un métier, une tâche incessante à accomplir.

 

LA CONSCIENCE  - THEMES DE RECHERCHES COMPLEMENTAIRES

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- Vous pourriez notamment approfondir les critiques des philosophies du sujet qui tendent à considérer la conscience comme une source d’illusions et comme un phénomène. Ces critiques sont très bien résumées dans le petit livre d’André Ouzoulias, La conscience, Collection Philosopher, Editions Quintette.

 

- La phénoménologie (en particulier Husserl et Merleau-Ponty).

 

- Le bouddhisme et le statut de la conscience et de la subjectivité.

 

- Les sciences cognitives (dans leur rapport au bouddhisme notamment : cf. F.Varela / E.Thompson / E.Rosch, L'inscription corporelle de l'esprit, sciences cognitives et expérience humaine, éd. du Seuil, 1993.

 

- On peut également réfléchir aux thèmes suivants : l’âme et le corps; les machines peuvent-elles penser ?

 

 

LA CONSCIENCE - SUJETS DE DISSERTATION

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- La conscience de soi suppose-t-elle autrui ?

- De tout ce que je suis ou de tout ce que je possède, que puis-je considérer comme  

véritablement à moi ?

- Suis-je responsable de ce que je suis ?

- La conscience de soi est-elle une connaissance ?

- Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?

- Est-on d’autant plus libre qu’on est plus conscient ?

 

 

LA CONSCIENCE - LECTURES CONSEILLEES

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-        Dans Notions de philosophie, sous la direction de Denis Kambouchner, Gallimard, 1995, les articles suivants : Barbaras R., " Le conscient et l'inconscient" (Tome I); Jocelyn Benoist, " La subjectivité " (Tome II); Pierre Guenancia, " L'identité " (Tome II).

 

-        Descartes : Méditations métaphysiques (en particulier les trois premières méditations), PUF, Collection Quadrige.

 

-        Husserl : Méditations cartésiennes, Vrin.

 

-        Robert Misrahi, Les figures du moi et la question du sujet depuis la Renaissance, " Prépas Philosophie ", Armand Colin.

 

-        Ouzoulias André, La conscience, Collection Philosopher, Editions Quintette (un excellent petit livre de synthése, facile à lire, insistant surtout sur les critiques des philosophies du sujet).

 

-        Sartre : L’Etre et le Néant (en particulier : introduction, deuxième partie, chapitre I, et troisième partie, chapitre I), Gallimard.

 

 

 

LA CONSCIENCE  - DEFINITIONS A CONNAITRE

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- La conscience (sens psychologique) : connaissance, intuition, sentiment qu’a l’homme de ses pensées, de ses sentiments, et de ses actes. A noter que le premier degré de la conscience se rencontre chez les animaux : c’est essentiellement la sensibilité au plaisir, à la douleur et aux impressions produites par tout l’environnement extérieur.

 

- Conscience immédiate ou spontanée : simple présence de l’homme à lui-même au moment où il pense, sent, agit, etc. Faculté de se représenter soi-même ses propres états mentaux ou psychiques.

 

- Conscience seconde ou réfléchie : capacité de faire retour sur ses pensées ou actions, de les analyser, voire de les juger.

 

- Conscience morale : faculté que possède chaque homme d’être lui-même le juge de ses actions, comme de celles de n’importe quel être humain.

 

- Le moi : au sens psychologique, conscience que possède le sujet de son individualité.

 

- L’identité : l’identité du sujet, c’est d’abord son altérité, c’est-à-dire ce qui fait que chacun est un individu unique, autre que les autres. L’identité, c’est ensuite ce qui fait que, bien qu’en constante évolution, je suis toujours le même, au fil du temps. C’est en vertu de cette identité personnelle que je peux m’engager pour l’avenir et que les autres me demandent de répondre de mes actes passés. Je peux alors être reconnu comme une personne, moralement et juridiquement responsable.

 

 

 

L'INCONSCIENT - THEMES DE RECHERCHES COMPLEMENTAIRES

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-        La théorie freudienne proprement dite : les rêves, les névroses, la sexualité, la folie, le complexe d’Oedipe …(lire Introduction à la psychanalyse de Freud).

 

-        La cure psychanalytique (voir le film Les mots pour le dire d’après le livre de Marie Cardinal).

 

-     Psychanalyse et psychiatrie (Manuel de psychiatrie d’Henri Ey).

 

-        La folie (lire, entre autres ouvrages, La folie de Jaccard).

 

-        L’application de la psychanalyse à l’analyse des phénomènes sociaux et culturels : art, folklore, religion, mythes, contes, légendes…(ouvrage intéressant de Bruno Bettelheim, Psychanalyse des contes de fée).

 

 

L'INCONSCIENT – SUJET DE DISSERTATIONS

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1) Existence d’un Inconscient

 

           - Sur quelles raisons pouvons-nous nous appuyer pour admettre l’existence d’un

              Inconscient?

            - L’existence d’un Inconscient est-elle une hypothèse ou une certitude ?

            - Peut-on refuser l’idée d’un Inconscient psychique ?

            - Peut-il y avoir une science de l’Inconscient ?

            - La duplicité de la conscience rend-elle inutile l’hypothèse de l’Inconscient ?

 

2) Liberté / Déterminisme

 

            - L’idée d’Inconscient exclut-elle l’idée de liberté ?

            - Le recours à l’Inconscient autorise-t-il l’alibi de l’inconscience ?

            - La notion d’Inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l’homme ?

            - La libération passe-t-elle par le refus de l’Inconscient ?

 

3) Importance et valeur de l’Inconscient

 

            - La connaissance des lois de l’Inconscient nous console-t-elle du désordre de notre                         conscience ?

            - L’Inconscient permet-il autant que la conscience de définir l’homme ? (A93)

            - L’hypothèse de l’Inconscient contredit-elle l’exigence morale ?

            - Les rêves ont-ils un sens ?

            - “Nous avons été enfants avant que d’être hommes...”  Quelles conséquences ?

            - L’Inconscient est-il en nous nature ou histoire ?

            - Quelle conception de l’homme l’hypothèse de l’Inconscient remet-elle en cause ? (S95)

 

 

L'INCONSCIENT - DEFINITIONS A CONNAITRE

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-        L’inconscient :

 

·       Au sens « descriptif », ce qui ne possède pas de conscience ou qui échappe à la conscience ; caractère de ce qui n’est pas actuellement conscient, ou qui n’est pas susceptible de le devenir.

 

·       Au sens « topique », un des systèmes définis par Freud dans le cadre de la première topique, et constitué de contenus refoulés qui se sont vu refuser l’accès au système préconscient-conscient par l’action du refoulement. Dans le cadre de la deuxième topique, le terme inconscient est surtout employé sous sa forme adjective : inconscient n’est plus le propre d’une instance particulière puisqu’il qualifie le ça et pour une part le moi et le surmoi.

 

-        Le moi : dans la seconde topique, une des instances du psychisme représentant la volonté, la pensée, la conscience. Une partie du moi est inconsciente, celle qui, la plus proche du ça, est chargée de refouler les pulsions (mécanismes de défense) ou de les adapter aux conditions imposées par le monde extérieur.

 

-        Le ça : dans la seconde topique, une des instances du psychisme représentant le pôle pulsionnel et inconscient.

 

-        Le surmoi : dans la seconde topique, une des instances du psychisme, issue du ça, héritière de la morale et de la civilisation ; instance répressive constituée par l’intériorisation des interdits parentaux..

 

-        Le psychisme : ensemble des phénomènes conscients et inconscients ; la réalité psychique de l’homme considéré comme une totalité.

 

-        Topique : du grec topos qui signifie lieu. Théorie des lieux psychiques supposant une différentiation de l’appareil psychique en systèmes ayant des fonctions différentes.

 

-        Libido : énergie constituée par l’ensemble des pulsions d’ordre sexuel.

 

-        Sexualité : ce terme ne désigne pas seulement les activités et le plaisir qui dépendent du fonctionnement de l’appareil génital, mais toute une série d’excitations et d’activités, présentes dès l’enfance, qui procurent un plaisir irréductible à l’assouvissement d’un besoin physiologique fondamental (respiration, faim, fonction d’excrétion, etc.), et qui se retrouvent à titre de composantes dans la forme dite normale de l’amour sexuel. Est sexuel ce qui permet d’obtenir du plaisir à partir de diverses zones du corps. Le mots sexuel a, dès lors, un sens plus étendu et embrasse nombre d’activités sans rapport avec les organes génitaux.

 

-        Pulsion : représentant psychique des excitations issues de l’intérieur du corps (la faim, la respiration, la sexualité) et parvenues au psychisme, orientant le sujet vers un objet susceptible de lui apporter la satisfaction.  La pulsion a donc sa source dans une excitation corporelle (état de tension) ; son but est de supprimer l’état de tension qui règne à la source pulsionnelle.

 

-        Névrose : affection nerveuse, sans lésion organique reconnue, n’altérant pas gravement la personnalité, comme le fait la psychose, s’accompagnant d’une conscience pénible de la maladie (obsession, phobie, névrose d’angoisse, hystérie). Les symptômes névrotiques résultent d’un conflit affectif ayant ses racines dans l’histoire infantile du sujet. Ces symptômes sont : troubles du comportement, de l’affectivité, de la pensée, manifestant une défense contre l’angoisse, et constituant, à l’égard d’un conflit interne, un compromis dont le sujet tire un certain profit.

 

-        Psychose : maladie mentale grave, entraînant une modification profonde et durable de l’identité et généralement de la personnalité, et se caractérisant par une transformation radicale du rapport du sujet à la réalité (paranoïa, schizophrénie, mélancolie, manie). La psychose se distingue de la névrose en ceci que le sujet ne sait pas, ou n’admet pas, qu’il est malade.

 

-        Résistance : ce qui, au cours de la cure psychanalytique, dans les actions et les paroles de l’analysé, s’oppose à l’accès de celui-ci à son inconscient.

 

-        Transfert : projection sur la personne de l’analyste de sentiments initialement éprouvés à l’égard de personnes proches. Répétition de prototypes infantiles vécue avec un sentiment d’actualité marqué.

 

-        Refoulement : opération par laquelle le sujet cherche à repousser ou à maintenir dans l’inconscient, hors de la conscience,  des représentations (pensées, images, souvenirs) liées à une pulsion. Le refoulement se produit dans les cas où la satisfaction d’une pulsion risquerait de provoquer du déplaisir à l’égard d’autres exigences. Processus psychique universel à l’origine de la constitution de l’inconscient comme domaine séparé du reste du psychisme.

 

-        Censure : fonction qui tend à interdire aux désirs inconscients l’accès au système préconscient-conscient.

 

-        Condensation : un des mécanismes propres au système inconscient et à l’oeuvre dans le symptôme, dans le rêve, dans les diverses formations de l’inconscient. Plusieurs éléments ou représentants se rassemblent dans une représentation unique ; compression qui fait qu’un petit nombre d‘images du contenu manifeste du rêve, par exemple, évoque une diversité beaucoup plus grande d’idées latentes (par exemple, le rêve présente sur une même personne des traits appartenant à plusieurs personnes ; la mer signifie à la fois l’élément marin et la mère).

 

-        Déplacement : un des mécanismes propres au système inconscient. L’intérêt est déplacé des pensées importantes à des éléments indifférents ; ce qui est extérieur et accessoire est placé au centre, et inversement.

 

 

L'INCONSCIENT - LECTURES CONSEILLEES

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-        T. Bonfanti et M. Lobrot, La psychanalyse, Hachette supérieur ("Les fondamentaux"), 1999.

 

-        R. Bouveresse-Quilliot et R. Quilliot, Les critiques de la psychanalyse, Que sais-je ?, PUF, 1991.

 

-        J.P. Chartier, Introduction à la pensée freudienne, Les concepts fondamentaux de la psychanalyse, Petite bibliothèque Payot, 1993.

 

-        Freud : Introduction à la psychanalyse (Payot), Psychopathologie de la vie quotidienne (Payot), Cinq psychanalyses (PUF).

 

-        P. Raikovic, Le sommeil dogmatique de Freud (Kant, Schopenhauer, Freud), Les Empêcheurs de penser en rond, 1994.

EXERCICE DE CONTROLE DE COMPREHENSION DU COURS

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Encadrer V ou F suivant que l’affirmation est vraie ou fausse

 

1.     La conscience morale est la faculté de penser à la première personne            V    F

 

2.     La conscience psychologique est la faculté que possède chaque homme d’être lui-même le juge de ses actions.      V   F

 

Répondez brièvement aux questions suivantes

 

3.     Quelles sont les différentes formes de la conscience ?

4.     Quel est, selon Bergson, le rôle de la conscience ?

5.     Qu'entend-on par " sujet " et " objet " ? Que nous révèle cette distinction terminologique ?

6.     Qu'est la " solitude ontologique " ? Que nous enseigne-t-elle sur l'expérience de la subjectivité ?

7.     Que nous apprend le stade du miroir ?

8.     Expliquez ce qu'est l'intentionnalité.

9.     En quoi peut-on dire que la conscience est " négation " ou " négativité " ?

10.  Définissez le sens des notions suivantes : l'identité, le moi, la substance.

11.  Résumez la conception cartésienne de la conscience.

12.  Que faut-il entendre par " illusion substantialiste " ? Que nous dit Hume à ce sujet ?

13.  Que nous enseigne Pascal sur le moi et ses qualités ?

14.  Comment le bouddhisme appréhende-t-il la question du moi et de la subjectivité ?

15.  Que désigne le terme " inconscient " ?

16.  Généalogie du concept freudien d'inconscient.

17.  Qu'est-ce que la psychanalyse ? Quelle est son originalité ?

18.  Qu'est-ce qu'une " topique " ?

19.  La première et la deuxième topiques. La différence.

20.  Expliquez ce qu'est le " travail du rêve ".

21.  Quels sont les apports principaux du freudisme ?

22.  Quelles sont les principales critiques adressées à la théorie freudienne ?

23.  Quelles sont les limites de ces critiques ?

 

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