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INTRODUCTION
: FAUT-IL CHERCHER UN SENS A L’HISTOIRE ?
I)
L’histoire : de quoi parlons-nous ?
II)
Problématique : la question du sens de l’histoire
I) LES
FONDEMENTS ET LES ORIGINES DE L’HISTOIRE
A) LES
FONDEMENTS DE L’HISTOIRE
B)
NAISSANCE ET DEVELOPPEMENT DE LA CONNAISSANCE HISTORIQUE
II) LES
AMBITIONS ET LES LIMITES DE LA SCIENCE HISTORIQUE : LES PROBLEMES
EPISTEMOLOGIQUES
B) LES
LIMITES DE LA SCIENTIFICITE DU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
III) LA
QUESTION DU SENS DE L’HISTOIRE
A) LA
NEGATION DU SENS DE L’HISTOIRE
B)
L’AFFIRMATION DU DEVENIR ORIENTE ET LA
QUESTION DU MAL
C)
LES PHILOSOPHIES DE L’HISTOIRE
D)
CRITIQUES DES PHILOSOPHIES DE L’HISTOIRE
CONCLUSION
GENERALE : LA FAILLITE DU SENS ET LE NIHILISME CONTEMPORAIN
EXERCICE
DE CONTROLE DE COMPREHENSION DU COURS
CORRECTION
DE L’EXERCICE DE CONTROLE DE COMPREHENSION DU COURS
1. Recherche, travail préparatoire :
Le mot histoire est employé dans différents sens. Ne dit-on pas : “ raconter une ou des histoires ”, “ faire des histoires ”, “ le cours de l’histoire ”, “ une histoire personnelle”, etc.
® Analyser l’usage du mot histoire dans chacune de ces expressions. Quels sont les points communs et les différences ?
Nous parlons du sens de l’histoire, du cours de l’histoire, de la fin de l’histoire. Quelles sont les significations de chacun de ces termes ?
Le sens de l’histoire : idée que l’histoire aurait une signification, une logique que l’on pourrait comprendre, et qu’elle ne serait pas soumise à un destin indépendant de la volonté des hommes ou livrée à la contingence, au pur hasard.
La fin de l’histoire : idée que l’histoire avancerait dans un certain sens, vers un certain but, vers une certaine fin. Conception d’une histoire orientée et en progrès.
Le cours de l’histoire : la suite des événements, le devenir de l’histoire.
Le mot histoire a plusieurs sens. Il est dérivé d’un mot grec qui signifie enquête, récit. Or, un récit peut porter sur des événements fictifs aussi bien que sur des événements objectifs : on parle aussi bien de l’histoire du Petit chaperon Rouge (récit imaginaire, fictif) que de l’histoire de la France ou de la seconde guerre mondiale (histoire réelle, objective).
1. A cela s’ajoute une autre ambiguïté : le terme d’histoire possède deux significations principales. L’histoire de la France, par exemple, ne renvoie pas seulement à l’ensemble des événements passés qui ont affecté le sol et le peuple de France, mais aussi à la discipline, la science qui étudie ce passé. Il y a donc d’une part l’histoire qui est écrite par les historiens : son but est la connaissance du passé des sociétés humaines ou, comme l’écrit Raymond Aron, « la science que les hommes s’efforcent d’élaborer de leur devenir ». Il y a d’autre part l’histoire comme succession des événements historiques ou comme devenir de l’humanité.
2. Le mot histoire peut donc
signifier soit l'ensemble
des changements, des événements qui ont eu lieu, soit la connaissance que
l'on peut prendre du passé, le récit qui peut en être donné.
L'histoire comme connaissance du passé et devenir historique.
Ces deux définitions sont, en réalité, liées.
En effet, si l'histoire est l'ensemble des changements qui se sont succédé dans les sociétés humaines dans tous les domaines d'activité - technique, économique, politique, religieux, artistique -, une histoire, quelle qu'elle soit, n'est connaissable qu'à partir du moment où des documents, des vestiges, des traces ont été consignés. L'histoire comme connaissance a elle-même d'ailleurs une histoire puisqu'elle n'a pas toujours existé et qu'elle s'est profondément transformée au cours des siècles (l'histoire de l'histoire : l'historiographie).
D'autre part, la conscience du passé est constitutive de l’existence historique : tant que nous n’avons pas conscience de ce que nous sommes et de ce que nous fûmes, nous n’accédons pas à la dimension propre de l’histoire. En cela, l’histoire comme connaissance est prise de conscience de l’humanité; elle tente de donner un sens et une valeur à l’action humaine. L'histoire correspond alors à l'exigence proprement humaine de garder la trace ou le souvenir de ce qui s'est passé, de donner un sens, une raison, une valeur à l'existence passée, présente et future (cf. Texte de Raymond Aron).
En ce sens, n’avoir pas d’histoire – comme cela s’est dit des animaux et des peuples primitifs – signifie simplement ignorer qu’on en a une. Le passé est alors à la fois le disparu (on ne saura sans doute jamais quelles furent les pensées des hommes de Nénaderthal) mais aussi le maintenu. Or, pour que le disparu soit pensé comme tel, encore faut-il qu’il soit maintenu comme disparu.
Cette ambiguïté du mot histoire renvoie d’abord au problème de la connaissance historique que nous examinerons dans un premier temps : il s'agit de réfléchir sur le travail de l'historien, sur la nature des vérités qu'il nous apporte, sur la temporalité qu’il met en oeuvre.
Elle renvoie
également à la question du sens de l'histoire. Vouloir donner du sens à l’histoire, c’est poser le problème non seulement d’une
intelligibilité, d’un ordre des événements historiques mais aussi d’une
direction, d’une orientation possible de l’histoire. L’idée d’un sens de
l’histoire implique alors que les événements du monde ne sont pas désordonnés,
que tous les hommes ont une commune destinée, même s’ils n’empruntent pas des
chemins semblables.
Or, l'histoire, telle que l'historien nous la révèle, a-t-elle une signification profonde, une cohérence, un ordre, une direction ? Les tragédies de l’histoire ont-elles finalement servi à réaliser des progrès ? Peut-on vraiment diriger cette histoire, ou doit-on la subir comme une fatalité ?
Cette notion d’un sens de l’histoire bute sur plusieurs difficultés.
Le spectacle apparent de l'histoire (les guerres, les conflits, les malheurs de toute sorte) peut donner à penser que les événements du monde sont désordonnées, que les faits et les gestes du passé ont lieu en pure perte, que les hommes, en empruntant des chemins dissemblables, n'ont aucune destinée commune. Les individus et les peuples semblent être les victimes impuissantes d’une histoire cruelle, insensée et sans auteur. Aujourd'hui, l’histoire semble être fatalité : la répétition des guerres et l’apparition de nouveaux et dramatiques problèmes de société suscitent un sentiment d’impuissance à l’égard du futur : la politique serait l’affaire des grands de ce monde et non des citoyens isolés; il semble qu’on ne puisse changer rien aux intérêts et aux passions qui jettent les hommes les uns contre les autres, au nom de leurs ethnies, de leurs Etats, de leurs religions, etc.
La notion de sens de l’histoire a été fortement compromise en notre siècle par sa mise en oeuvre politique, dans les Etats inspirés par le marxisme-léninisme : l’idéal d’une humanité réconciliée, qui semble sous-tendre la recherche d’un sens à l’histoire, s’est trouvé transformé en motif d’oppression idéologique.
Ce qui pose problème, dans l’idée d’un
sens de l’histoire, c’est finalement l’idée d’une
histoire orientée, finalisée, qui s’apparenterait à une religion du salut
terrestre et qui pourrait justifier les pires folies exterminatrices. D’un
autre côté, force est de constater que la débâcle des idéologies en notre fin
de siècle expose les sociétés au désespoir nihiliste que Nietzsche avait jugé
insupportable : « n’importe quel sens plutôt que pas de sens du
tout » (Généalogie de la morale,
3e dissertation, par. 28). L’idée d’un sens de l’histoire n’est-elle pas
alors nécessaire pour penser l’histoire et l’action humaine ?
La question : « Faut-il chercher un sens à l’histoire ? » revêt donc un enjeu de toute première importance, enjeu à la fois métaphysique, politique et éthique. Comment, en effet, penser le sens et le progrès historique sans tomber dans le nihilisme, le dogmatisme, le scientisme ou le totalitarisme ?
Pourquoi l’homme s’intéresse-t-il à son passé ? Pourquoi cherche-t-il à le connaître et pourquoi l’aime-t-il autant ? Comment l’histoire en tant que connaissance du passé est-elle née ? Comment cette discipline intellectuelle, qui se prétend être une science de l’homme, s’est-elle développée ?
1. L’historialité
de l’homme
On peut convoquer à nouveau le thème de la conscience : l’homme n’est pas seulement un être historique, au sens où ses actes s’inscrivent dans un temps qui ne cesse de s’écouler, mais un être « historial ». On parle « d’historialité » pour signifier la capacité proprement humaine de produire sa propre histoire et de ne pas se contenter de subir le temps comme un destin.
Comme nous le suggère le texte d’Aron, l’histoire est tradition, les animaux n’en ont pas précisément parce que la conscience du passé est constitutive de l’existence historique (cf. Les deux sens du mot « histoire » signalés dans l’introduction).
Cette possibilité est liée, selon Rousseau, à une faculté essentielle, la perfectibilité. Elle est la faculté de se perfectionner, de se transformer à l’infini, de construire sa conduite au gré des circonstances et de relayer la nature lorsqu’elle se montre défaillante. L’homme est capable de faire face à des situations imprévues en inventant des solutions inédites. La liberté, c’est d’abord le pouvoir de dire non à la nature en nous et hors de nous; c’est cette ouverture permanente vers les possibles dont témoigne sans cesse l’histoire humaine. L’homme est cet être qui surprend toujours. Et ce qui s’ouvre par cette possibilité d’enfreindre la règle, c’est aussi bien le pire que le meilleur.
Aussi les sociétés humaines progressent-elles et changent-elles sous l'effet d'une double historicité : celle de l'individu (l'éducation), celle de l'espèce (la politique). Ce qui fait l’identité des hommes, c’est qu’ils sont tous des hommes de culture. La nature de l’homme consiste alors, si l’on peut dire, à ne pas en avoir a priori. Nature absolument libre, l’homme peut se faire, se choisir, il n’a pas d’essence prédéfinie. C’est donc la liberté qui fait l’homme, ce pouvoir de choisir qui fait du sujet humain la cause première et volontaire de sa conduite, et en lequel résident la dignité et la responsabilité humaines. C’est cette ouverture permanente vers les possibles dont témoigne l’historicité humaine.
Pour l’espèce humaine, l’histoire a pris le relais de l’évolution biologique depuis l’homme de Cro Magnon : il n’y a plus d’évolution biologique sensible, mais des modifications techniques, culturelles. Seule l’humanité au sens strict possède une histoire : dans les sociétés animales, rien ne change, ou presque, d’une génération à l’autre ; l’animal ne peut pas dépasser ce que la nature a fait de lui : « […] un animal est au bout de quelques mois ce qu’il sera toute sa vie, et son espèce au bout de mille ans ce qu’elle était la première année de ces mille ans » (Rousseau, Discours sur l’origine de l’inégalité). Les animaux n'ont presque pas besoin d'éducation (l'espèce humaine qui, de toutes les espèces animales, connaît la période de juvénilisation la plus longue) : exemple des jeunes tortues qui trouvent spontanément, aussitôt sorties de l'oeuf, la direction de l'océan et savent immédiatement accomplir les mouvements qui leur permettent de marcher, de nager, de survivre.
L’homme, au contraire, reçoit un héritage culturel qui constitue le point de départ pour les innovations, les découvertes, les progrès que la génération nouvelle ajoute à l’héritage et transmet à la génération suivante.
2. La mémoire
Outre la perfectibilité, la liberté, la conscience, il y a, au fondement de l’histoire, la mémoire.
Vivre dans le présent ne nous donne aucun moyen de le comprendre. Des acteurs de l’histoire on pourrait dire ce que Jésus disait de ses bourreaux : « ils ne savent pas ce qu’ils font ». Une histoire immédiate est impossible : l’histoire du présent n’est pas dans les journeaux d’aujourd’hui mais dans les futurs livres d’histoire. De sorte que l’histoire traite moins du vécu que de l’avoir vécu. La mémoire, sous la forme notamment de l’écriture, libère en quelque sorte le phénomène de l’instat pour lui donner un sens en lui conférant une épaisseur temporelle.
Or, nous n’avons pas à proprement parler une mémoire, nous sommes une mémoire. Se souvenir, ce n’est pas seulement être, c’est faire être. Les amnésiques sont bel et bein perdus eux-mêmes ; ils ont perdu leur identité, leur être. Je suis ce que j’ai été. Par ailleurs, que seraient les siècles passés sans les traditions, les monuments, les documents, les livres, les musées qui en perpétuent le souvenir ? Et le sentiment d’appartenir à un même passé, de s’inscrire dans une même histoire, dans une même culture, n’est-il pas constitutif de l’identité d’un peuple ou d‘une nation ?
Or, il n’y a pas de mémoire sans choix. Le dictionnaire de l’Académie de 1694 définissait l’histoire comme la « narration des actions des choses dignes de mémoire ». On appelait alors historique ce qui était suceptible d’être imité, le passé servant d’idéal pour le présent et le futur. Or, pourquoi diable nous intéressons-nous au passé ? Le passé, puisqu’il est aboli, ne devrait pas nous préoccuper. Or, les hommes déploient des efforts infinis pour empêcher le passé de s’abolir : en témoignent les récits historiques, les biographies, les recherches généalogiques, les collectons de souvenirs, etc.
Première raison sans doute : il est impossible à l’homme de vivre dans le seul présent. Une figure fondamentale de notre intérêt pour le passé réside sans doute dans la nostalgie, le mythe d’un paradis perdu que nous portons en nous, comme le signale Alquié dans Le désir d’éternité. « Les seuls paradis sont les paradis perdus » (Milton, Paradise lost) : il n’y aurait pour l’homme de paradis possible que dans la nostalgie, dans ce qui est passé. Le passé, c’est à la fois la force des géniteurs et l’innocence de l’enfance. Le passé nous intéresse comme un rêve et nous comprenons dans le thème de l’enfance cet attachement viscéral pour le passé qui est davantage que de l’intérêt.
Deuxième raison également : si nous sommes intéressés par le passé, c’est parce qu’il a une façon nsistante et parfois insupportable de s’immiscer dans notre vie présente. Sur un plan psychologique et individuel déjà, nous sommes dépendants, dans notre présent, de ce que notre passé a été et il faut l’affronter pour pouvoir être dans ce présent et pour tracer notre avenir. C’est ce que montre la psychanalyse : le passé n’est pas seulement dans ce que nous avons perdu ; il détient la clef des mécanismes profonds qui sont à l’oeuvre en nous. Exemple du « travail du deuil » chez Freud qui se distingue en trois phases successives : d’abord une phase d’idéalisation de ce qui est perdu ; ensuite une phase dans laquelle le sujet s’identifie avec ce qu’il a perdu (phase de dépression) ; cette phase est suivie par une autre qui met terme au travail du deuil et qui consiste à tuer le mort.
En ce qui concerne notre intérêt pour le passé collectif – ce qui est proprement l’histoire -, une troisième raison, qui recoupe la seconde, et que nous étudierons dans une partie spécifique (il s’agit d’un autre fondement de l’histoire), se fait jour : nous nous intéressons au passé pour que notre présent ait un sens. C’est tout le problème de la causalité qui, nous le verrons, constitue un des grands problèmes épistémologiques de l’histoire et de la science en général.
3. La
causalité (analyse comparative d’un texte de Hegel et
d’un texte de Marx)
L’homme ne s’intéresse pas seulement au passé sur un mode affectif, onirique, mythique : il s’y intéresse intellectuellement pour une raison très simple : expliquer un phénomène, une situation, c’est en déterminer les causes. La causalité est au fondement de la démarche rationnelle et scientifique. Or, la relation de causalité est une relation de temporalité (la cause vient logiquement avant, l’effet après). De ce fait, le passé est la condition même de la compréhension du présent. Le présent ne peut fournir seul les moyens de sa propre élucidation.
Aussi cherchons-nous à comprendre les événements passés pour trois raisons essentielles : parce que le passé détermine et explique le présent ; parce que le passé contient une bonne part de notre identité : on est, comme on l’a dit, ce qu’on a été ; parce que nous sommes hommes et que rien d’humain ne nous est étranger (chaque génération, par exemple, bénéficie, comme l’a montré Marx, du travail accumulé par les générations antérieures) .
Il en est de même pour tout : l’idée nouvelle (en science, par exemple) émerge des idées anciennes, de même qu’une vague repasse par le chemin de la précédente pour aller un peu plus loin. D’où l’idée que l’on pourrait tirer des leçons de l’histoire : le passé, en effet, est un répertoire infini d’échecs et de réussites. Des leçons pourraient, semble-t-il, en être tirées. Par exemple, le souvenir du nazisme rend méfiant à l’égard du racisme et du totalitarisme. Si le passé permet de comprendre le présent, nous devrions pouvoir tirer des leçons de l’histoire, c’est-à-dire du passé. Or, y a-t-il des leçons de l’histoire ? Cette question est une autre façon de traiter la question : « quelle peut être l’utiltité de la connaissance du passé ? ».
Nous envisagerons cette problématique à partir de l’étude comparative de deux textes : un de Hegel (les leçons de l’histoire), l’autre de Marx (l’histoire comme farce).
L’idée qu’il n’y a pas de leçons de l’histoire aboutit à une sorte de paradoxe : la mémoire exprime davantage le sujet présent que l’objet passé. On ne pose jamais au passé que les questions auxquelles on sait répondre. Nous sommes intéressés par le passé puisque, de nos présents successifs, nous lui adressons toujours d’autres questions, nous revenons avec lui avec de nouvelles interrogations sans cesse renouvelées. C’est finalement notre présent qui renouvelle notre intérêt pour le passé plutôt qu’il ne nous écarte de lui. Le texte de Marx sur la frace de l’histoire permet de bien être en évidence ce point.
S’il n’y a pas de leçons de l’histoire, comme le montre Hegel, si chaque événement est singulier, par opposition à la répétition cyclique des manifestations naturelles, peut-on alors parler de « science historique » ? Ce problème épistémologique sera examiné dans la deuxième grande partie de ce cours. En attendant, penchons-nous sur la naissance et le développement de la connaissance historique. Quelle est l’histoire de l’histoire (ce qu’on appelle l’historiographie)
(documents annexes distribués aux élèves sur l’historiographie française, ainsi qu’une cartographie de l’historiographie contemporaine)
L’histoire proprement dite est née de la raison grecque et de l’écriture (pas d’histoire sans écriture). L’histoire est mémoire, substitution de l’authentique aux mythes, aux épopées, aux récits légendaires. Elle signifie d’abord l’élimination de tous les êtres et facteurs surnaturels. Un historien s’intéresse au réel.
Hérodote (485-425 av.jc.) est considéré comme le père de l’histoire. Comme Hippocrate, en médecine, dont Hérodote fut le contemporain, il se refusait à donner des causes surnaturelles à des phénomènes naturels. Hérodote a étudié les guerres médiques qui ont opposé les cités grecques unies sous l’égide d’Athènes à l’Empire perse de 490 à 479 av.jc. Hérodote décrit les guerres médiques et leurs causes lointaines.
L’autre père fondateur de l’histoire est Thucydide (460-396 av.J.-C) qui, dans La guerre du Péloponèse, mène enquête en rassemblant des informations de toutes sortes, en contrôlant ses sources et, surtout, en recherchant la cause générale de la guerre (l’impérialisme d’Athènes).
Hérodote et Thucydide ont inventé une nouvelle façon de regarder le passé et ont jeté les bases de la méthode historique : recueil srupuleux des témoignages, interrogation critique sur les faits rapportés, souci du détail, recherche des causalités et de leur enchaînement, conscience de la complexité et de l’enchevêtrement des événements, exposé objectif de ce que l’on sait, de ce que l’on ignore, de ce qui peut faire l’objet de débat, etc.
Le travail de l’historien n’est pas tant de raconter, à la façon du romancier, ce qui s’est passé. L’histoire n’est pas un récit mais une analyse ; elle révèle un travail de compréhension, une volonté de recherche explicative. L’historien est celui qui tente d’établir, à partir des faits, les causes, les enjeux, les conséquences de l’événement. L’historien ne se contente pas du pittoresque de la description, il a pour ambition essentielle d’extraire un certain ordre à partir du chaos des données.
Ne pas confondre la petite histoire et l’Histoire. La petite histoire est celle qui raconte au lieu d’expliquer, qui attache de l’importance aux détails et transforme en fait n’importe quel événement.
Principe essentiel de la rationalité scientifique, mis en évidence par Hérodote : les causes et les effets doivent se situer sur le même plan, on ne peut asigner les dieux comme causes d’évéements qui affectent la nature ou touichent les sociétés humaines. L’historien, de plus, est celui qui apportera ordre et clarté dans le fouillis où les faits s’entrecroisent et qui déterminera des relations entre ces faits. Quelle est alors l’intention historique depuis Hérodote ? Etablir des faits, parvenir à une connaissance valide et vraie, tenter une synthèse établissant des liens de causalité. Il ne s’agit pas de raconter ce qui s’est passé ; l’histoire n’est pas tant un récit qu’une analyse ; elle révèle un travail de compréhension, une volonté d’extraire un certain ordre à partir du chaos des donnéées, comme un biologiste cherhce des lois dans le fourmillement de la vie.
L’histoire de l’histoire se caractérise par la scientificité de plus en plus poussée des méthodes d’investigation, liée aux progrès techniques, scientificité qui, nous le verrons, peut donner l’illusion que l’histoire est une authentique science (c’est l’illusion que connaissent ou ont connue la plupart des sciences humaines. Cf. Le cours « constitution d’une science de l’homme »). Ces méthodes d’investigation (procédés de datation, critique documentaire, utilisation de l’informatique et des méthodes quantitatives, etc.) permettent à l’historien d’utiliser des documents fiables.
La constitution de l’histoire scientifique s’est faite en plusieurs temps (exemple de l’historiographie française – cf. Document joint) :
1. Aux alentours de 1830-1860 , l’école romantique (A. Thieery, Michelet, etc.) qui pose les prémices d’une histoire scientifique : histoire érudite, exaltant la grandeur des héros, particpant d’ailleurs à la construction nationale, volonté d’écrire « une histoire totale » (Michelet) à partir de documents originaux.
2. A partir de 1860, influence du positivisme (Taine, Ernest Renan, Fustel de Coulanges) : élaborrer une histoire rationnelle en s’inspirant des sciences de la nature. En 1876, Gabriel Monod fonde La revue historique où est développée une méthode positiviste, inspirée des travaux des historiens allemands. Lire encadré. Histoire qui s’attache essentiellement à la reconstruction minutieuse des événements, en dehors de toute interprétation. « Histoire-bataille », histoire événementielle qui recosntitue Waterloo, « histoire-biographie » qui dessine la vie de Napoléon. Histoire soucieuse des faits et des événements.
3. Renouveau des années 1900. Le grand tournant est celui de l’école des Annales qui ouvre l’histoire sur de nouveaux horizons.
3. Lire le document. L’école des Annales (Annales d’histoire économique et sociale), fondée par Marc Bloch et Lucien Febvre en 1929, va orienter nombre de travaux historiques contemporains. L’école des Annales se constitue notamment contre l’histoire évenementielle et positviste.
4. A l’événement, fuyant et impalpable, les Annales substituent de longues séquences, de longues durées, ouvertes à l’économie et à la sociologie. Le temps historique n’est plus linéaire mais il comporte des cassures, des ruptures, des discontinuités (intérêt, par exemple, pour l’histoire polpulaires, les révolutions, les émeutes…). On passe d’une histoire-récit à une histoire-problème fondée sur la descritpion des structures sociales et sur la mise au jour des tendances et des cycles longs du changement.
5. Une inflexion est donnée à ce projet des Annales, dans les années 1974, avec ce qu’on appelé la « nouvelle histoire » puis, à partir de 1988, par le « tournant critique ».
6. Le développement de la connaissance historique va dans le sens d’un élargissement spectaculaire du « territoire » (E.Leroy-Ladurie) des historiens, du champ de recherches. Elargissement géographique, temporel. Ouverture de l’histoire vers les problématiques des sciences humaines (économie, anthropologie…), déplacement de l’intérêt vers l’infra-histoire (histoire sociale, vie quotidienne, histoire des pauvres, des femmes…), la vie économique (histoire des prix, de la croissance, des entreprises, etc.), les configurations culturelles (histoire des moeurs,d es idées, des sentiments, etc.). L’histoire devient boulimique – elle traite de tout. Pendant l’histoire a été celle des rois, des batailles, des révolutions ; elle est devenue celle des hommes dans leur vie quotidienne. Il n’y a plus de limites au « territoire de l’historien ».
CONCLUSION :
L’intérêt intellectuel de l’homme pour son passé renvoie donc à la nécessité, pour donner un sens à son présent, d’en donner un au passé lui-même, le passé étant la condition même de la constitution du présent, même si, comme nous l’avons vu à travers le thème des leçons de l’histoire, la connaissance historique exprime davantage le sujet présent que l’objet passé. L’histoire, en tant que discipline, a elle-même sa propre histoire : les manières d’écrire l’histoire changent, évoluent tant sur le plan des méthodes d’investigation que sur celui des préoccupations. En tout cas, l’histoire prétend depuis longtemps proposer une connaissance scientifique du passé humain. C’est précisément cette prétention qu’il va s’agir maintenant d’examiner.
Dans cette partie, nous analyserons les finalités, les méthodes et les limites du travail de l’historien. Nous examinerons les problèmes épistémologiques que soulève la connaissance historique : problème du fait historique, de sa constitution, de sa mise en relation avec d’autres faits ; problème de la quantification et de ses limites ; problème de la vérité que produit le récit historique et du rapport entre le discours historique et la subjectivité. En clair, la connaissance historique peut-elle être objective ? En quoi consiste la vérité historique ? L’histoire peut-elle finalement se prévaloir du statut de science à l’instar des autres sciences comme la physique, la biologie, etc. ? Cette question devra être rattachée au cours intitulé « constitution d’une science de l’homme » consacré à l’épistémologie des sciences humaines.
Comment l’historien s’y prend-il pour comprendre le passé ? Quelles sont les caractéristiques de la connaissance historique ?
1. Les
méthodes et le problème de la quantification
Le matériau de base sur lequel travaille l’historien est l’ensemble des documents, écrits ou non, que le passé a légués, volontairement ou pas. Le travail sur les sources est un des piliers du métier d’historien.
L’historien est d’abord celui qui va directement aux documents, décrypte, analyse les documents, constitue des fiches. La rigueur de l’information tient d’abord au souci de trouver les bonnes sources et de les interpréter correctement. Il s’agit de reconstruire une image cohérente du passé avec les pièces d’un puzzle.
La tâche essentielle de l’historien est ce qu’on appelle la critique interne : vérifier l’authenticité supposée d’un document, fixer une date.
Problème aussi de la quantification des données. L’histoire est passée d’un langage qualitatif (celui du romancier : on parlait d’une population nombreuse, d’un pays riche, puissant, etc.) à un langage quantitatif : on mesure une population, la richessed ‘un pays, la force d’une armée. Invention de nouveaux signes ou concepts liés à ce travail de quantification : pyramide des âges, PNB, PIB, taux de natalité, taux de mortalité, taux de croissance, etc. Cette quantification est la condition de l’objectivité et de la rigueur en science.
Rôle fondamental de l’informatique pour traiter des données de plus en plus nombreuses et comlexes. Du coup, les problèmes de l’authenticité et de la datation échappent à l’intuition, à la subjectivité de l’expert pour être résolus en laboratoire. Avant d’être jugé ou expliqué, un phénomène doit être mesuré.
Mais si le chiffre semble donner à l’histoire son brevet de scientificité, la quantification en histoire a des limites qui permettent déjà de souligner les limites de la scientificité du travail de l’historien.
L’utilité de la quantification dépend d’abord des champs d’étude, certains s’y prêtant mieux que d’autres. Par exemple, il est clair que la démographie et l’économie se prêtent bien aux analyses quantitatives, tandis que les relations internationales, les phénomènes politiques, culturels s’y prêtent plus difficilement.
En second lieu, le nombre ne fait en histoire ni loi ni sens. C’est tout le problème des statistiques et des sondages en sciences sociales (exemple des sondages électoraux). Par exemple, les guerres ne son tpas toujours gagnées par les armées les plus puissantes ou les plus nombreuses (exemple de la guerre du Vietnam selon le nombre les américains devaient gagner mais la détermination d’un peuple à se battre pour son indépendance vaut bien des hélicoptères), les monnaies ne sont pas toujours les signes fidèles de l’économie. Tout n’est donc pas quantifiable en histoire. Rôle fondamental, en histoire, des facteurs psychologiques, moraux qui ne sont pas quantifiables.
Plus important peut-être, enfin, le repli vers le quantitiatif peut signifier le renoncement à l’intelligibilité, l’abandon empirique au « cela est ainsi », illusion d’une scientificité dans la forme et non dans le contenu. Ce problème est particulièrement vrai avec les sciences économiques.
2. Le
découpage du temps
Outre le problème des sources, l’historien est confronté à un autre grand problème, celui du découpage du temps. Comment périodiser l’histoire, diviser le passé en périodes historiques ayant une certaine unité ?
La signification donnée au fait historique dépend de l’échelle de temps choisie. Le découpage, par exemple, de l’histoire de l’humanité en préhistoire (période qui va de la naissance de l’homme à l’entrée dans l’histoire proprement dite que l’on situe avec l’invention de l’écriture, il y a environ 5000 ans en Mésopotamie), Antiquité (de la naissance des grandes civilisations en Mésopotamie au 3e millénaire avant J.C. – mésopotamienne, égyptienne – jusqu’à la chute de l’Empire romain au Ve sicècle ap.J.C.), Moyen Age (du Ve siècle jusqu’à la Renaissance : 1453 – prisze de Constantinople par les Turcs et 1492, découvete de l’Amérique par Colomb), Renaissance, époque moderne et contemporaine, est historiquement daté et revêt un caractère européocentriste. Cette périodisation perd de sa pertinence pour les civilisations non occidentales.
1. Le temps de l’historien ne se confond pas avec le temps historique correspondant à l’événement effectivement vécu. Pour tenter de dépasser les découpages liés à l’histoire politique de l’Europe, Braudel découpe l’histoire selon des temps différents. Dans La Méditerranée et le monde méditerranéen au temps de Philippe II, il propose de découper l’histoire en trois étages auxquels correspondent des niveaux d’explication et des temporalités différents. L’historien s’appuie sur la mémoire et les mémoires individuelle et collective sont des constructions; le passé est objet de constructions et de déconstructions successives.
2. Le premier étage : la longue durée du temps géographique, celle des rapports de l’homme avec son milieu. Par exemple, le mode de vie des paysans qui vivent dans un temps « long et presque immobile ». Leur histoire est « lente à couler et à se transformer, faite bien souivent de retours insistants, de cycles sans fin recommencés ».
3. Le deuxième étage : le temps conjoncturel et cyclique de l’économique, temps de l’histoire sociale, celle des groupes, des Etats, des sociétés. Là, les évolutions se comptent en décennies.
4. Une troisième temporalité correspond à l’histoire traditionnelle, l’histoire événementielle de l’individu et du politique, une histoire « à oscillation, brève, rapide, nerveuse… ».
5. Tout mode de périodisation induit une vision de l’histoire. La multiplicité des objets dont traite l’histoire entraîne une multiplicité des représentations du temps. Le temps de l’historien ne se confond pas avec le temps historique correspondant à l’événement effectivement vécu. Braudel, par exemple, propose d’articuler différentes échelles de temps en distinguant : la longue durée du temps géographique, le temps conjoncturel et cyclique de l’économique, l’histoire événementielle de l’individu et du politique. L’historien s’appuie sur la mémoire et les mémoires individuelle et collective sont des constructions; le passé est objet de constructions et de déconstructions successives.
3. De quelques
manières de faire de l’histoire
La connaissance du passé peut se faire de différentes manières, selon différents styles. L’historiographie contemporaine conjugue souvent ces différentes approches qui souvent n’arrivent pas à livrer une image globale, cohérente, synthétique de tel ou tel phénomène. L’histoire-problème
Elle adopte une démarche qui se veut scientifique : mettre au jour les causes d’un phénomène, dégager les structures, les logiques des phénomènes. S’interroger, par exemple, sur les causes de la révolution russe, la nature du nazisme.
1. L’histoire compréhensive
L’objectif est de reconstituer l’univers mental, des événements tels que les ont vécus et ressentis les acteurs. Genre proche du roman historique, qui fait une place au récit, à l’art de l’écrivain. Rôle essentiel joué par l’imagination et la éflexionde l’historien . Pour comprendre un phénomène historique (une guerre, par exemple), il ne suffit pas de mettre en avant les faits mais de « regarder les choses avec les yeux de ces guerriers » (Georges Duby, L’histoire continue), tenter de regarder les choses avec les yeux du guerrier, de s’identifier avec les acteurs. Duby dit qu’il s’agit d’un « effort d’incorporation imaginaire », de « revitalisation » (ibid.) qui exigent que l’historien mette du sien, du subjectif.
2. L’anthropologie historique
Elle étudie les pratiques alimentaires, sexuelles, les modes vestimentaires, les relations de parenté.
3. La synthèse historique
Restituer une période, une société dans sa
globalité (par exemple, Braudel, La
méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II).
4. La monographie
Reconstituer dans le détail l’intégralité des données d’un objet historique très précis : la vie d’un village, par exemple (Le Roy-LADURIE, Montaillou ; village Occitan).
L’idéal, qui n’est pas encore atteint, serait une histoire globale ou totale qui réunirait le causal et le compréhensif, les ordres économique, social, culturel, politique, affectif, etc. Une histoire qui ferait place aux causes, aux structures, tout en faisant revivre les acteurs, leurs émotions, leurs rêves, leurs représentations, etc. Une histoire, en bref, qui saurait faire la place aux tendances et aux mouvements de fond tout en respectant la part des individualités et du hasard.
Si l’histoire est allée vers une scientifisation de plus en plus grande de ses méthodes, le statut de l’histoire comme science demeure problématique. C’est d’ailleurs le problème des sciences humaines en général dont l’histoire n’est qu’un exemple. Si la recherche historique revêt un caractère scientifique, il est toutefois évident que la scientificité de l’histoire n’a pas la même rigueur et le même degré d’objectivité des autres sciences. Quelles sont alors les limites de la scientificité du travail de l’historien et, surtout, quelles sont les raisons de ces limites ?
1. Les signes
de ces limites
Il y en a trois principaux :
1.
Le problème de la causalité
D’abord, le désaccord permanent des historiens pour expliquer et juger un même phénomène, désaccord qui, nous allons le voir, est lié en partie à la difficulté de l’établissement de la causalité en histoire. Alors que dans les sciences expérimentales les divergences initiales entre les scientifiques font place à une reconnaissance unanime, dès lors qu’un résultat a été trouvé, démontré et vérifié, cet accord n‘existe pas en histoire. Ils divergent sur la question des causes et des conditions, ainsi que du jugement global que l’on peut porter sur tel ou tel phénomène.
Le problème de la causalité, soulevé par Hume, est aggravé en histoire : d’abord, une cause n’est jamais observable en tant que telle et c’est pourquoi l’histoire du présent n’est pas dans les journaux d’aujourd’hui mais dans les futurs livres d’histoire ; seules peuvent être perçues des consécutions assez communes pour donner lieu à des hypothèses.
D’autre part, la répétition des phénomènes sur laquelle se fonde la science physique n’est pas repérable dans le monde humain (cf.cours sur le temps) : en histoire, il n’y a pas vraiment de lois donc pas de prédictibilité. L’historien peut juste se contenter de trouver des liens entre les faits. Et c’est justement, montre Hegel, parce que l’histoire n’obéit à aucune loi universelle qu’on ne peut en tirer aucune leçon.
Par ailleurs, corrélation n’est pas raison : les coïncidences existent. Toute la difficulté de l’historien est de savoir qu’une chaîne de causalité commence à tel maillon et s’arrête à cet autre. La chaîne de la causalité a de multiples ramifications. L’historien parle de facteurs plutôt que de causes. Par exemple, une famine apparaît après une mauvaise récolte, celle-ci étant due à la sécheresse : on affirmera pâs pour autant que le climat est la cause de la famine. L’historien doit également prendre en compte d’autres facteurs tout aussi déterminants comme les facteurs économiques et sociaux sans lesquels une mauvaise récolte semblable n’aurait pas les mêmes conséquences catastrophiques. La notion de facteur permet de souligner l’enchevêtrement ou l’entrecroisement de multiples réseaux de causalités.
1. 2
L’impossibilité de faire la moindre expérience
Les hypothèses élaborées par les historiens ne peuvent pas véritablement être vérifiées. On ne peut revenir en arrière. Les hypothèses en histoire, à la différence des hypothèses dans les autres sciences, sont invérifibales, excepté les hypothèses qui puvent être confirmées par des documents. Certains historiens, par exemple, ont vu dans la faiblesse de Louis XVI l’une des causes de la Révolution française. Comment vérifier l’hypothèse ? On ne peut revenir en arrière, déloger L.XVI de son trône, mettre un autre roi à sa place et voir ce qui se passera.
1. L’imprévisibilité
La connaissance du passé ne nous assure aucune prévision, aucune connaissance du futur. L’histoire, à la différence de l’astronomie, n’induit aucune prédictibilité. En astronomie, la connaissance des lois de la mécanique céleste permet de prévoir les éclipses du solei, l’amplitude des marées. En histoire, les phénomènes ne sont pas suffisamment répétitifs pour qu’on puisse en tirer des lois : aucune guerre ne se apsse exactement comme une autre, toute crise est nouvelle – notion de primultimité.
Exemple : un historien expert en questions monétaires n’est pas mieux placé que quiconque pour prévoir le cours du dollar dans la semaine qui vient.
Au total, la volonté affichée par la connaissance historique d’être une connaissance objective et rigoureuse du passé, rencontre des limites. Quelles sont les raisons de ces limites ?
2. Les raisons
de ces limites
Ces raisons sont à mettre en relation avec la spécificité de l’objet qu’étudie l’historien : le passé humain.
1.1- La primultimité derechef
Seul ce qui peut être conceptualisé peut devenir objet de connaissance. Il n’y a de science que du général : par exemple, on peut conceptualiser la chute des corps ; que ce soit plume ou pomb, tous les corps tombent de la même façon. Qu’en est-il des événements historiques ?
Ils ne se déroulent jamais deux fois de la même façon , chacun d’eux est singulier (cf. Texte de Hegel sur les leçons de l’histoire). Rappelons les deux textes de Marx et de Hegel : toutes les fois que l’on a compris un événement come le retour d’un événement antérieur (1939 – la seconde guerre mondiale - comme un 1914 – la 1ère guerre ; 1973 – la crise pétrolière – comme un 1929), l’on s’est condamné à n’y rien comprendre et l’on a pratiqué la pire des politiques – celle qui consiste à croire qu’il suffit d’appliquer des recettes toutes pour agir.
Par ailleurs, si expliquer, c’est réduire l’inconnu au connu, dégager des constantes, des généralités, comment expliquer scientifiquement un fait historique ? Dans l’histoire, il n’y a pas de constante universelle à la différence de l’univers physique. Par exemple, ce qui est néfaste à une époque peut s’avérer bénéfique à une autre, et inversement. Rien ne revient, rien ne se répète – d’où l’impossibilité de formuler la moindre loi en histoire.
2. 2 - La subjectivité
Autre raison : il ne suffit pas en histoire de constater un fait, il faut l’interpréter. Les faits sont faits par l’historien . Parler de Croisade, de Renaissance présuppose tout un travail de l’esprit. Les contemporains n’ont pas conscience qu’ils vivent au Moyen-Age, par exemple. Les faits ne s’imposent pas d’eux mêmes. Le chimiste qui étudie une substance, étudie un objet extérieur, étranger, il n’a rien à voir avec l’objet qu’il considère.
Or, l’historien étudie un objet vis-à-vis duquel il ne peut se sentir étranger, cet objet est un objet humain. Lorsque l’objet est de même nature que le sujet qui l’étudie, l’idéal d’objectivité absolue – de détachement, de désintéressement – est impossible.
La subjectivité commence en amont avec le choix de l’objet d’étude. L’interprétation historique ne peut faire l’économie de présupposés d’ordre philosophique. De toutes les causes et conditions possibles d’un événement, d’une société, etc., laquelle paraît déterminante ?
Certains historiens font la part belle aux grands hommes et aux facteurs idéologiques (les libéraux) : exemple, sans Lénine, pas de Révolution russe ; les croisades sont des guerres de religion. Pour d’autres (les marxistes), l’histoire s’explique essentiellement par des facteurs techniques et économiques : les grands hommes sont porteurs de forces qui les dépassent.
Autre exemple : comment interpréter la politique nazie d’extermination du peuple juif ? Dans les années 60 et 70 en Allemagne, une querelle d’historiens eut pour objet l’interprétation du nazisme. Selon certains historiens (les « fonctionnalistes »), la décision prise en 1942 à la conférence de Wannsee d’exterminer tous les juifs d’Europe est la conséquence nécessaire de l’histoire de l’Allemagne depuis le début du siècle (pangermanisme, antisémitisme, défaite de 1918, chaos économique et social de l’après-guerre, crise de 1929, arrivée des nazis au pouvoir), etc. Selon d’autres historiens (les « intentionnalistes »), l’extermination des juifs a été personnellement décidée par Hitler. Dans ce débat, ce qui est en jeu c’est la question de l’importance respective de la nécessité et du hasard en histoire : selon les fonctionnalistes, l’extermination des juifs est déterminée par le passé de l’Allemagne et les circonstances de la guerre ; selon les intentionnalistes, le pouvoir d’un seul individu (Hitler) demure décisif. Plus le rôle de l’individu est grand, plus la part de hasard est étendue (et si Hitler était mort en 1939 ? Et si Lénine n’avait pas existé ? Pascal à propos du nez de Cléopatre).
Donc pas d’histoire sans philosophie et sans idéologie. L’abondance des documents et la précision scientifique ne suffisent pas à trancher dans un tel débat. L’historien ne peut faire l’économie du hasard, de la nécessité, de la liberté, des intentions, des motivations. Il ne peut pas non plus échapper au jugement et à l’engagement. Toutes ces questions sont de nature philosophique et non pas scientifique.
Signalons aussi qu’aucun historien ne peut sortir de son présent. « Il n’y a d’histoire que du présent » (Lucien Febvre). La tendance d’une époque est de regarder le passé non tel qu’il est mais telle qu’elle est. Chaque époque tire à elle le passé comme une couverture. Difficulté donc de mettre entre parenthèses la subjectivité de l'observateur : Raymond Aron montre que l'historien ne saurait survoler l'histoire; il vit dans l'histoire, il appartient à une époque, un pays, une classe sociale; l'histoire est un acte de l'historien qui appartient lui-même à un moment de la réalité historique; l'historien constitue sa vision de l'histoire à partir de perspectives philosophiques ou politiques.
Par ailleurs, la connaissance que nous prenons des faits humains s'introduit comme nouveau facteur déterminant dans la réalité de ces faits eux-mêmes (difficulté d'apprécier l'importance de ce facteur perturbant) : exemple, en ethnologie, perturbation liée à la présence de l'ethnologue lui-même.
1.
- Expliquer et comprendre
D’où la distinction, opérée par Dilthey, entre expliquer et comprendre.
L'explication est le propre des sciences physiques : il s'agit de déterminer les conditions d'un phénomène, en dégageant des lois qui ignorent le particulier.
La compréhension, qui devrait caractériser les sciences humaines, est le souci de se placer au point de vue du sujet, de la conscience, pour revivre à l'intérieur les phénomènes étudiés. Par exemple, on peut certes expliquer l'amour par des raisons physiologiques, psychologiques, sociologiques, etc. Mais pour comprendre ce phénomène le savant doit en quelque sorte l'avoir en quelque manière éprouvé. De plus, il n'y a pas d'action mécanique de l'environnement sur l'homme : les facteurs matériels ne modifient l'homme que dans la mesure où il leur donne une signification en les intégrant dans son univers mental. Il n'est pas possible d'abstraire un fait de conscience vécu par un individu de la situation d'ensemble de cet individu, ni cette situation d'ensemble de son contexte social et historique.
On ne saurait se contenter d'expliquer les comportements humains en mettant en relation leurs aspects mesurables. Il faut aussi les comprendre, c'est-à-dire découvrir leurs significations. Contre les sciences humaines positivistes qui considérant l'homme comme un objet, certains courants des sciences humaines se sont orientés vers une approche phénoménologique désireuse de comprendre l'homme comme sujet, en tenant compte du fait qu'il vit par et dans un monde de significations (psychanalyse, psychologie de la forme, anthropologie culturelle…).
2. –
L’expérimentation
Le physicien et le chimiste travaillent au laboratoire dans des conditions bien déterminées (de température, de pression) et observent des réactions qui dépendent de facteurs en nombre limité. L'investigation d'un fait humain, au contraire, réclame une analyse quasi infinie. On ne peut qu'exceptionnellement isoler des séries de faits comme le chimiste ou le physicien au laboratoire. Par exemple, Durkheim découvre dans des statistiques qu'en Prusse les protestants se suicident plus que les catholiques. Il néglige en fait de nombreux facteurs : les catholiques prussiens sont en majorité des ruraux d'origine polonaise; leur faible taux de suicide s'explique-t-il par leur religion, leur situation de campagnards, leur origine nationale ?
D'autre part, l'expérimentation n'est pas toujours possible : on peut y suppléer par des analyses statistiques et un traitement mathématique des données obtenues. Les sciences humaines utilisent d'ailleurs de plus en plus l'outil mathématique. Mais la rigueur du traitement mathématique d'une enquête d'opinion, par exemple, ne garantit pas la sûreté des méthodes d'information et des interprétations. L'essentiel est d'interpréter, de saisir la signification des comportements humains (on ne peut éviter aussi facilement les interprétations arbitraires et les extrapolations abusives).
Conclusion :
Singularité des événements historiques, nécessité des présupposés philosophiques et idéologiques, impossibilité de quantifier toutes les données, irréductibilité de la subjectivité de l’historien, rôle fondamental de la liberté, du hasard, des significations, toutes ces raisons interdisent à l’historien la voie royale des sciences exactes. Faut-il s’en plaindre ? Cela dévalorise-t-il l’histoire ? Il s’agit plutôt de reconnaître la spécificité de la connaissance historique qui ne peut se calquer sur le modèle des sciences expérimentales précisément parce que l’objet de connaissance est l’homme. L’histoire est une connaissance interprétative à vocation scientifique plutôt qu’une science. Elle ne peut présenter un corpus de vérités définitives. Le travail d’interprétation est infini. Si vérité il y a, elle procède d’un effort de totalisation, de synthétisation des points de vue possibles à partir d’un souci de rigueur, d’objectivité relative, de critique documentaire.
Les deux sens du mot « sens » - signification (intelligibilité, cohérence : « le sens d’un mot ») et direction (orientation vers un but : « une voie à sens unique ») – sont liés. Le sens d'une phrase, c'est ce qu'elle veut dire : sa signification est en même temps son but. La signification donne une utilité, une destination. Le sens d'un acte ( ce qui permet de le comprendre), c'est le résultat qu'il vise. Par exemple, en psychanalyse, dégager le sens d'un symptôme, c'est découvrir le but vers quoi il tend. A contrario, un acte insensé est un acte dont on ne voit guère ni la signification ni le but. Le sens – comme signification – donne un sens – comme destination.
Dès lors, demander si l’histoire a un sens, cest poser deux questions intimement liées : cet entassement prodigieux de civilisations, de conquêtes, de guerres, d’actions humaines, que signifie-t-il ? Tout cela va-t-il quelque part ? L’histoire ne nous est connue que par le travail des historiens. Mais l’entrecroisement des causalités mises en évidence par les diverses écoles d’historiens ne donne à penser l’histoire que comme une suite de hasards, tant que ces causalités ne sont pas coordonnées entre elles (problème de l’histoire totale). S’il faut chercher un sens àl’histoire, c’est d’abord parce que ce sens ne se laisse pas voir immédiatement.
Comme nous l’avons signalé dans l’introduction, le spectacle apparent de l'histoire (les guerres, les conflits, les malheurs de toute sorte) peut donner à penser que les événements du monde sont désordonnées, que les faits et les gestes du passé ont lieu en pure perte, que les hommes, en empruntant des chemins dissemblables, n'ont aucune destinée commune. Mais l’incohérence de l’histoire est un scandale pour la raison : tandis que la nature paraît sagement ordonnée, les hommes sont censés être rationnels, mais se conduisent de la manière la plus déraisonnable (inintelligente, voire criminelle), contraire aux exigences qui rendraient leur conduite sensée. Dire que l'histoire n'a pas de sens, c’est la désigner comme incohérente, désordonnée, absurde, aléatoire, contingente, sans finalité. D’autre part, l’idée d’une rationalité de l’histoire n’est-elle pas sinon illusoire, du moins dangereuse ?
1. L’absurdité
de l’histoire
A. Camus, Le mythe de Sisyphe : Sisyphe est le personnage emblématique de l’absurdité de l’existence. Il fut condamné, en châtiment de ses crimes, à rouler, dans les Enfers, un gros bloc de rocher jusqu’en haut d’une montagne ; à peine était-il ern vue du sommet qu’une force magique lui détachait la pierre des mains ; le roulait roulait jusqu’en bas, et Sisyphe devait tout recommencer. Et ceci dans l’éternité. D’où vient ici le sentiment de l’absurdité ? Qu’est-ce qui, d’une façon générale, constitue l’absurdité d’une situation ? La répétition, l’absence de but rationnel, la souffrance.
1. – La
répétition
Il y a une répétition rassurante (celle des anciens mythes de l’éternel retour) et il y a celle, harassante, qui cloue l’homme à une tâche sans fin. Exemple du fameux « métro-boulot-dodo ». L’histoire nous donne à voir le triste spectacle de la guerre qui fait revivre toujours les mêmes horreurs, des peuples qui se libèrent d’une tyrannie pour replonger dans une autre semblable. Idée que l’histoire n’avance pas, qu’elle piétine, qu’elle bégaie.
2. – L’absence
de but rationnel
Idée que les efforts des générations, les sacrifices, les énergies dépensées ont eu lieu en pure perte (ex. De la guerre). Absence de Dieu, le progrès comme idole. Perspective nihiliste : « rien ne vaut la peine de rien » (Léo Ferré). Le nihilisme est la doctrine qui a fortement marqué la pensée russe au XIXe siècle. Le nihilisme russe proclame la négation de toutes les valeurs reconnues comme fondamentales, transcendantes ou sacrées; le nihilisme, en proclamant le " rien ", nie toute valeur transcendante et n'accorde d'importance qu'à la destruction et à la mort. Sur le plan politique, le nihilisme appelle à une destruction de l'Etat, à une suppression de toute autorité, au nom d'un idéal de liberté très proche de l'anarchisme Le nihilisme trouve dans l'oeuvre de Dostoïevski notamment des premières illustrations littéraires, sous la forme de personnages liant l'affirmation de l'inexistence de Dieu à celle d'une égalisation de toutes les actions et valeurs – " Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis! ".
D’autre part, pour que l’histoire eût un sens, il faudrait qu’elle fût une, que l’humanité constituât une grande famille, avec une démarche commune. L’ethnocentrisme s’oppose à cette idée mais aussi un certain relativisme : il n’existe pas d’humanité abstraite, au sens de soustraite aux différences culturelles, la nature humaine en se réalisant qu’en s’inscrivant dans des cultures particulières. Il ne saurait donc y avoir de règles universelles, les normes variant avec les sociétés.
3.
– La souffrance
Hegel : l’histoire universelle n’est pas « le lieu de la félicité. Les périodes de bonheur y sont des pages blanches ». Les peuples heureux n’ont pas d’histoire. Le bonheur est inconciliable avec l’histoire. Joyce : « L’Histoire est un cauchemar dont j’essaie de me réveiller ». Si l’homme est un être historique et fini, il ne saurait y avoir pour lui de bonheur éternel et infini. « Aussi le prétendu bonheur serait-il un arrêt de l’histoire, un refus de cette inquiétude humaine qui est source de dépassement et de progrès » (Jean Lacroix, Le désir et les désirs, p. 78). Hegel va même jusqu’à affirmer que les peuples heureux n’ont pas d’histoire - cela sans doute est également vrai pour les individus).
On peut dès lors se demander si toutes les souffrances accumulées au cours de l’histoire ont un sens : pourquoi tous ces sacrifices ? Ces souffrances sont-elles la voie du bonheur, d’un plus grand bien ? Par exemple, La tragédie d’Auschwitz a-t-elle un sens ? Lévinas prétend justement que le sens d’Auschwitz est qu’il n’a pas de sens. Lui en donner un, justifier Auschwitz pour, par exemple, conserver le concept de Dieu (Dieu : le sens du sens, le haut de gamme du sens), n’est-ce pas finalement justifier l’injustifiable et s’interdire de penser le mal le plus radical dans ce qu’il a d’abject, de profondément énigmatique et ineffable ? Donner un sens à Auschwitz, n’est-ce pas insulter la mémoire des victimes et absoudre, d’une certaine façon, les bourreaux ? Donner un sens à la souffrance et en faire le passage nécessaire d’un plus grand bien (thème des lendemains qui chantent, de l’enfer comme antichambre du paradis : « C’est l’heure des brasiers et il ne faut voir que la lumière », José Marti), n’est-ce pas nier la souffrance et en gommer l’indicible horreur ?
Au total, l’omiprésence de la destruction, de la mort, de la souffrance sous toutes ses formes (guerres, crises économiques, misère, etc.) – voilà qui donne le sentiment d’une absurdité et d’une cruauté de l’histoire.
2. Le hasard
Il existe une autre
façon de nier le sens de l’histoire : c’est d’y repérer le rôle prédominant du
hasard.
Le hasard n’est pas ce qui n’a pas de cause : rien de ce qui existe n’est dépourvu de cause (c’est ce que Leibniz appelle le principe de raison suffisante : tout ce qui existe a une raison d’être). Mais il existe des événements que nous ne pouvons pas prévoir, soit à cause de la faiblesse de nos moyens d’information, soit à cause d’un trop grand nombre de causes convergentes : exemple du numéro gagnat de la roulette. Lorsque nous disons que la dame de pique a été tirée par hasard, nous voulons dire qu’il n’y a pas eu d’intention à l’origine de cette carte tirée – mais il était néanmoins nécessaire que cette acrte se fût trouvée là où elle était.
Du coup, le hasard n’est pas nécessiarment la contingence : un événement contingent est un événement qui aurait pu ne pas arriver. Par exemple, l’arrêt de la bille de la roulette sur un numéro donné est nécessaire, une fois données les conditions initiales (vitesse de rotation de la roue, force du jet de la bille, etc.) ; mais comme cet événement n’est ni voulu ni prévisible (seul Dieu qui pourtant, comme le dit Einstein, ne joue pas aux dés !), on le qualifiera de hasard.
Cette idée nous est suggérée par la physique aujourd’hui. Le chaos est un système sensible à la plus faible variation de ses conditions initiales et dont l’état futur n’est pas prédictible, c’est-à-dire calculable par des équations, parce qu’il semble se comporter de façon totalement désordonnée exemple de l’évolution de l’atmosphère terrestre qui ne eput être prévue, sauf à, très court terme. Dans un tel système, l’état final n’est pas dérivable de son état antérieur : on parle d’état non ergodique. Le monde, et l’histoire a fortiori, avec ses milliards d’êtres humains agissant en tout sens, peut être assimilé ainsi à un chaos dans lequel le plus léger déplacment de forces (exemple de la bourse) a des conséquences incalculables.
Certains philosophes ont fait du hasard le maître de l’histoire placée sous le signe d’une raducale contingence. Pascal écrit ainsi que le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde eût été changée : moins belle, la reine d’Egypte n’aurait pas fait aussi longtems oublier à Antoine ses devoirs politiques ; Octave n’en aurait pas profité pour préparer son accession au trône, il ne l’aurait pas emporté sur Antoine. Sans la beauté de Cléopâtre, Antoine serait devenu l’empereur de Rome à la place d’Octave – et tout cela à cause d’un nez. Pascla montre, à travers cet exemple, la vanité de l’histoire humaine.
En insistant sur le rôle déterminant du hasard en histoire, on majore, par conséquent, le rôle des individus (cf. Supra) : idée que les grands événements tiennent souvent à des riens, qu’il suffit d’un homme, ou de son absence, pour que le cours des événements change de direction.
3. L’histoire
cyclique
L’idée que l’histoire est un éternel recommencement peut contribuer à renforcer cette négation d’un devenir historique sensé et orienté et accentuer le sentiment de l’absurdité de l’histoire, du moins du point de vue d’une conception occidentale d’une histoire cumulative et progressive.
On trouve cette idée dans la conception cyclique de l’histoire : les événements reviennent après un laps de temps plus ou moins long : les sociétés « primitives », l’Inde, etc. Les sociétés dites primitives sont des sociétés contre l’histoire : pour elles, l’histoire ne fait ens ni pour leur présent ni pour leur futur. Thème de la tradition : la tradition est l’actualisation d’une valeur ancienne ; le passé informe le présent et l’avenir. Le cycle atténue l’imprévisibilité des événements. Les sociétés anciennes changeaient très lentement, à la différence des nôtres. Le mythe, le rite sont du temps immobile, une réactualisation dans le présent d’une origine imaginaire (« il était une fois »…).
Si le temps est une roue qui tourne, le présent est éternel, l’éternel présent est un éternel passé. Le temps y est vu comme refermé sur lui-même, comme un éternel recommencement. Conception très ancienne : mythe du serpent Ouroboros qui se mord la queue et se nourrit continuellement de lui-même.
On peut comprendre la genèse de cette idée : l’expérience nous donne maints exemples de ces « retours » : retour régulier des saisons, alternance des jours et des nuits, naissance-vie-vieillesse-mort-renaissance (Inde), retour apparent dans l’histoire de situations analogues (périodes de troubles suivies de périodes de répression et d’ordre, périodes d’abondance et périodes d’austérité, retours des modes vestimentaires ou autres, etc.). Nous avons vu, à travers le problème des leçons de l’histoire, qu’il ne faut pas confondre analogue et identique : on peut certes trouver des analogies entre la Révolution russe et la Révolution française,mais elles se sont produites chacune avec ses particularités (personnages, péripéties, causes ou facteurs différents).
Cette conception est problématique à plusieurs titres. D’abord, le mythe de l’éternel recommencement est aujourd’hui impossible à soutenir, en tout cas dans nos sociétés qui avancent à grand pas : la science nous explique que rien n’est éternel (nous sommes programmés pour la mort, nous sommes, comme le dit Heidegger, des êtres-pour-la-mort), pas même les étoiles. Le soleil se meurt, la lune ne repasse jamais par le même point dans l’espace.
L’histoire elle-même est l’épreuve de l’irréversibilité du temps : rien ne recommence. Par exemple, les ruines des civilisations disparues ne pourront jamais être relevées (exemple de Pompéi + Péplum d’Amélie Nothomb). Rien ne se répète dans l’histoire : pas deux guerres, pas deux crises, pas deux révolutions identiques : 1939 n’est pas un 19714 bis, 1968 n’est pas le frère de 1848, la crise de 1974 n’a rien à voir avec celle de 1929, etc.
Soulignons d’autre
part que cette
idée d’un éternel recommencement est l’idée la plus désespérante qui soit :
il s’agit là d’une éternité cauchemardesque qui ajoute à l’irréversibilité l’absurdité de la
répétition identique. C’est aussi une idée paradoxale : cette
succession de cycles a-t-elle eu un commencement ? Si oui, on peut
supposer qu’elle aura une fin. Dans ce cas, pourquoi ces répétitions ?
Problème du fini et de l’infini : s’il y a eu un commencement, un premier
cycle (par exemple, le mythe originel, l’acte créateur), avons-nous été libres
cette première fois ? Et qu’y avait-il avant ce commencement ? Si
nous avons été libres au commencement, pourquoi ne le sommes-nous plus ensuite,
pourquoi ces répétitions stériles puisque nous ne pouvons rien changer ?
Pourquoi ce bégaiement du temps ?
Autre aporie :
à l’intérieur de chaque cycle comme dans leur répétition, il y a bel et bien
succession temporelle – ordre (avant, après), irréversibilité ; même s’ils
sont identique, chaque cycle se situe nécessairement après un autre et avant un
autre.
En somme, cette
idée d’un éternel recommencement heurte autant notre raison que notre
affectivité.
Conclusion :
L’idée d’un sens de l’histoire semble donc contraire non seulement à la réalité historique elle-même mais encore à un certain nombre de conceptions du temps : la répétition infernale des événements, l’absence de but rationnel et de sens a priori ou transcendant de l’existence, la mort, la souffrance, mais aussi le hasard, l’irrationalité des comportements humains, tout cela rend l’idée d’une rationalité de l’histoire illusoire, voire dangereuse, comme on l’a vu avec l’exemple de la Shoah. Or, peut-on en rester au constat pessimiste de l’absurdité de l’histoire ?
Est-il vain de vouloir chercher un sens à l’histoire ? Et est-il certain que l’histoire est dépourvue de signification et de finalité ? Si l’histoire n’a peut-être pas un sens, du moins a-t-elle peut-être du sens. Quelle signification convient-il de donner à la notion de sens pour que l’on puisse s’autoriser à parler d’un sens de l’histoire ? Si sens il y a, de quel sens s’agit-il ? Quelle est la fonction de cette notion de sens historique ou de devenir orienté ? A quel besoin fondamental renvoie-t-elle ?
1) Le problème de la théodicée et la
question du mal
La présence du mal est un problème fondamental pour penser l’idée d’un sens de l’histoire. Comment concilier, en effet, le mal et la perspective d’un devenir historique orienté ? D’où vient le mal que nous faisons ? D’où vient que nous faisons le mal ? D’où vient le mal que l’homme fait à l’homme, le mal humain ? Peut-on l’expliquer, voire le justifier ?
1. – L’origine
du mal
Distinguons :
Le mal cosmologique : le mal présent dans l’univers (corruption, dégradation naturelle, souffrance, mort ;
Le mal cosmique : le mal que l’homme fait à l’homme (violence, meutre, meurtre de
masse). Ce mal comprend : le mal fait selon des motifs et des
mobiles ; le mal radical – la Shoah -, fait dans le seul but de faire le
mal.
L’objet de l’histoire, de l’historien : le mal humain tel qu’il se donne à voir à travers les guerres, les massacres, etc. L’événement construit par l’historien est le mal en action. L’historien est celui qui explique le mal, si monstrueux soit-il puisque chaque événeemt est censé avoir une cause. E travail de l’historien, nous l’avons vu, consiste à déterminer les raisons du massacre, à retrouiver la trame des décisions, des événements. L’historien rationalise et humanise le mal, en l’insérant dans une chaîne de faits. L’histoire succède à la mythologie ou à la narration biblique : elle veut illuminer les bas-fonds de l’humain, comprendre et expliquer le mal.
Or, le danger du travail historique face à la question du mal réside dans le glissement inéluctable vers l’apologétique du mal lorsqu’on en cherche la cause. Vouloir comprendre le mal, c’est vouloir l’expliquer, donc le fonder, le justifier. L’historicisation du mal aboutit à une relativisation du mal qui n’est plus considéré comme unique ou exceptionnel.
A la
question : « pourquoi le mal ? », l’historien n’apporte aucune réponse.
On peut décrire les actes de l’extérieur, on ne réussira jamis à expliquer
pourquoi les nazis ont commis ce qu’ils ont fait. La théologie, plus que
l’histoire peut-être, apporte une explication à la question du mal, encore que,
comme nous le verrons, la réponse théologique soit elle-même insatisfaisante.
1.2 – Le mythe adamique de l’origine du
mal
Dans la perspective judéo-chrétienne, la question du sens de l’histoire est envisagée à partir d’une source transcendante – Dieu – qui se révèle dans la temporalité de l’histoire. Cette question du sens de l’histoire est articulée directement sur le problème du mal. Dans la Bible, le mal est pensé comme péché (latin peccatum : la faute). Le péché est une faute ayant le caractère d’une offense à Dieu, engageant une responsabilité personnelle du fait d’une libre désobéissance, ou exprimant la nature foncièrement impure de l’homme. Cette notion a surtout un caractère religieux.
Le mythe de la faute adamique est
l’archétype de l’explication de l’origine du mal. La
souffrance (la mortalité, la douleur de l’enfantement, la nécessité du labeur)
s’introduit dans le monde à la suite de la transgression par l’homme de la loi
divine, comme sa juste rétribution. Le mal physique découle du mal moral. L’origine du
mal est rapportée à un ancêtre de l’humanité. Cette origine est définie comme
un événement qui consiste dans le passage de l’innocence au péché, comme une
véritable catastrophe dont l’homme est responsible. Le mythe de la chute nous
dit le surgissement du mal dans une création déjà là et originellement bonne.
L’homme est désigné comme étant lui-même la source du mal.
Le mythe adamique
est l’histoire
de la tentation qui écartèle le péché entre plusieurs responsables.
Selon Ricoeur, on peut parler d’une diffraction du péché en une chaîne
compliquée d’intermédiaires.: il y a l’homme tenté qui est à l’origine le « zéro
éthique » (Laplantine, in Le
philosophe et la violence, p.76) ; puis la tentatrice tentée, Eve tentant
l’homme mais séduite par le serpent ; Satan, le tentateur ; enfin, il y a l’objet de la
tentation : devenir semblable à Dieu, franchir la limite qui
sépare la créature du Créateur. Le péché est le fait de l’homme qui, prenant
conscience de lui-même et se plaçant au centre de l’univers, impose sa mesure à
tout ce qui l’entoure ; le péché consiste dans la prétention de s’égaler au Créateur.
Eve signifie l’occasion de la chute ; elle est la fragilité du coeur de l’homme toujours prête à
désirer le « mauvais infini » : idée que l’homme a un penchant
au mal.
Le personnage de Satan
suggère une
extériorité du mal par rapport à l’homme, structure cosmique du mal.
Il y a un « déjà là » du mal que l’homme ne commence pas absolument.
L’homme n’est pas le méchant absolument mais le méchant par contagion.
La Bible ne parle du péché que dans la
perspective du salut. Ce qui caractérise le
judéo-christianisme, ce n’est pas tant le pessimisme de la chute que l’optimisme de la
croix. Le sens véritable de l’humanité actuelle se trouve découvert
de façon rétroactive, d’avant en arrière : non à partir de l’homme-Adam,
mais à partir de l’homme-Christ. Grâce que Dieu a faite à l’homme en Jésus Christ,
don à partir duquel l’homme peut se connaître comme pécheur. Dieu, par la
croix, révèle à l’homme la gravité et la profondeur de son mal. Le Christ est
venu dans le monde pour supporter la souffrance jusqu’à la passion et jusqu’à
la mort. Il n’est pas venu pour détruire la croix mais pour s’étendre dessus.
Trilogie création-péché-rédemption.
Or, comment Dieu
a-t-il pu se laisser vaincre par le péché d’Adam ? Le christianisme évite
le dualisme (le chritianisme est un monothéisme radical et intégral qui exclut
le dualisme) en expliquant que Satan n’est pas un autre Dieu mais une créature
de Dieu ; Satan fait partie de la création, insoumis à Dieu, il est vaincu
par le Christ. La question rebondit avec la présence, dans l’histoire, d’un mal
encore plus radical, la Shoah qui a fait subir à la foi religieuse le plus
grand traumatisme. Pourquoi Dieu n’est-il pas présent lorsque le meurtre est
commis, pourquoi n’intervient-il pas ? Comment le mal est-il possible, si
l’on concçoit Dieu comme étant le maître de l’histoire ? Comment le mal
a-t-il pu être crée par un Dieu bon ? L'omnipotence de Dieu entre en
contradiction avec sa bonté. L'existence du mal sur la terre semble limiter la
puissance de Dieu, sa bonté, sa connaissance Les théodicées prétendent répondre
à ces questions.
2) Le principe du meilleur (Leibniz)
2.1 – Le meilleur des mondes possibles
Théodicée, néologisme forgé par Leibniz pour intituler son livre de 1710 Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal. Il s'agit d'une justification de Dieu. Le mal fonctione ici comme preuve ontologique de l’existence de Dieu. Le problème est le suivant : face au mal, ou bien Dieu, qui est tout-puissant, est coupable d’avoir laissé faire les meurtriers, ou bien Dieu n’est pas tout-puissant : est-il possible alors d’envisager la culpabilité et l’impuissance dans l’idée divine ? Si Dieu existe, sa présence s’impose, s’il refuse de se manifester, c’est qu’il est immoral et inhumain, il laisse faire, il est complice, il s’est allié à l’ennemi, à Satan. Or, l’idée d’un Dieu immoral est aussi contradictoire que celle d’un cercle carré. Voyons la réponse qu’apporte Leibniz à ces questions.
Pour Leibniz, l’histoire a un sens, c’est-à-dire à la fois une direction et une signification qui correspondent à un développement rationnel que l’on peut expliquer. Le mal, la souffrance, le négatif dont l’histoire des peuples est encombrée sont autant de moments nécessaires à ce développement.
Il existe certes une infinité de mondes possibles, mais Dieu, dans sa perfection, n’a pu créer que le meilleur, le nôtre. Dieu aurait pu créer un autre monde que le nôtre. S'il a créé celui-ci, c'est qu'il devait le faire. Ce monde réalise un maximum de diversité pour un minimum de désordre ; il est celui dont les éléments sont arrangés de façon optimale, pour réaliser le maximum de bien pour le minimum de mal.
Dieu n’est donc pas responsable du mal présent dans l’histoire; celui-ci ne résulte que de l’imperfection inhérente à toutes les créatures. Le monde historique est alors, sinon la perfection impossible, du moins le meilleur qui soit compatible avec l’état de cette créature finie qu’est l’homme. Dieu se trouve ainsi disculpé de l'existence du mal sur la Terre. Du point de vue du Tout, la part de mal que renferme le monde est la plus petite possible. Seul notre point de vue limité peut nous donner l'illusion qu'un autre monde était possible, qui eût comporté moins de mal que le nôtre.
Problème : justifier le mal, c'est en montrer la nécessité. Par exemple, si le salut de l'humanité exige la mort du Christ, si celle-ci ne peut se produire que par la trahison de Judas, Judas doit avoir été prévu de toute éternité dans le plan divin, l'acte de trahison de Judas doit être inscrit dans l'essence éternelle de Judas par le décret de la Providence. Contradiction : l'action libre de Judas apparaît comme absolument nécessitée; paradoxalement la bonté divine se manifeste par l'action mauvaise à laquelle elle incline une créature que pourtant elle damnera par sa faute. La bonté de la Providence décrite par Leibniz est paradoxalement doublement mauvaise: elle prévoit le péché des créatures comme le moyen nécessaire des ses propres plans; elle condamne la créature pécheresse pour une faute définie comme inévitable et même souhaitable.
Or, selon Leibniz, la sagesse de Dieu lui fait connaître le meilleur des mondes possibles, sa bonté le lui fait choisir et sa puissance le lui fait produire. Le problème de l'existence de Dieu et de la théodicée se pose en termes de compatibilité des perfections, c'est-à-dire de l'usage que Dieu a fait, en créant le monde, de ses perfections.
Le Dieu de Leibniz est comparable à un entrepreneur ou à un industriel, c'est-à-dire à un acteur agissant sous contraintes, cherchant à optimiser ses résultats. Le Dieu de Leibniz respecte le principe du meilleur, qui est une des formes du principe de raison suffisante : rien n'est sans raison; Dieu est raisonnable, il avait une bonne raison de créer ce monde plutôt qu'un autre, et cette raison est que ce monde est le meilleur des mondes possibles.
Parmi les mondes possibles, Dieu choisit le meilleur, celui qui contient néanmoins du mal; le critère du choix est d'avoir " autant de variété qu'il est possible, mais avec le plus grand ordre qui se puisse " (Monadologie, par. 58). Un monde où le mal n'existerait pas est théoriquement possible, mais serait moins bon, c'est-à-dire moins varié, moins ordonné que le monde actuel.
La perfection est définie mathématiquement comme le rapport optimal entre l'ordre et la variété. Un chose est plus parfaite qu'une autre, quand, à proportion, elle offre à l'entendement une matière plus riche et mieux organisée, quand elle présente à la fois plus de détails et plus d'ordre. La sagesse demande la variété : multiplier la même chose, si noble soit- elle, est une pauvreté (ex. : avoir mille ouvrages bien reliés du même auteur).
Ce " meilleur monde " n'est pas celui qui est sans mal : un monde absolument sans mal (sans homme qui pèchent et souffrent) serait moins riche et moins parfait. Le meilleur des mondes est celui dans lequel un peu de mal permet le maximum de bien. Il faudrait pouvoir tout voir et bien voir comme Dieu et on ne pourrait manquer de tout vouloir et de bien vouloir, comme lui, de vouloir ce monde avec tous les maux qu'il comporte.
Nécessité d'une imperfection originelle des créatures : si la créature n'était pas limitée, imparfaite, elle serait Dieu lui-même. S'il y a du mal, c'est qu'il est impossible qu'un monde réel n'en contienne pas. Celui qui demande la suppression de tel ou tel mal change l'harmonie générale de l'univers, le monde qui en résulterait serait moins parfait que celui qui est. Comme tout est lié dans l'univers, rien ne peut être changé sans que tout soit changé en même temps.
Chaque fois que nous accordons de l'importance à un mal, nous le faisons d'un point de vue trop particulier, nous ne comprenons que les effets les plus immédiats de ce mal. Si nous nous élevons à un degré de généralité plus grand, nous constatons que ce mal permet un plus grand bien. Tout mal est un moindre mal.
Ce n'est pas non plus parce que tout est certain dans la pensée divine, que tout est nécessaire dans le monde qu'il crée. Dieu tient compte de notre liberté individuelle qu'il inscrit dans la suite des choses qu'il crée. Un monde où nous sommes libres est encore meilleur qu'un monde où nous serions esclaves du destin. Nous participons pour notre part à l'accomplissement de la volonté de Dieu.
2.2 – Les difficultés de la théodicée
leibnizienne
Mais le Dieu de Leibniz n'est pas vraiment puissant : il ne peut rien vouloir qu'il n'ait conçu comme étant meilleur; il ne peut rien faire d'autre que ce qu'il doit faire; et il doit faire ce qui, de toute façon, tend par soi-même à être fait.
D'autre part, ce Dieu n'est pas
vraiment bon, sa bonté n'est que verbale, elle n'a rien à voir avec
la bienveillance espérée par la créature souffrante. Philosophie qui nous
empêche du de penser le mal en tant que tel : le mal n'existe pas vraiment, il
n'est que l'illusion dont sont victimes les malvoyants que nous sommes. Or, à
quoi bon un Dieu qui ne s'occupe pas des détails (martyre d'un enfant,
sacrifice d'un peuple, par exemple) ? Dieu qui, en réalité, ne se soucie pas du
mal. Dieu calculateur, sourd, clairvoyant en tout et aveugle aux parties.
Pour Leibniz, comme
nous venons de le voir, la création des existants par Dieu est un choix
rationnel, guidé par le souci de l'harmonie. Or, les théologiens chrétiens rejettent cette
théorie rationaliste de la création des êtres. Pour eux, la
création n'a rien à voir avec une
déduction. En effet, c'est par un acte d'amour mystérieux et gratuit que Dieu a créé tout ce
qui existe.
2.3 - Le concept de Dieu après
Auschwitz
Hans Jonas, dans son livre Le concept de Dieu après Auschwitz, se demande : « Quel Dieu a pu laisser faire cela ? ». Cela, c’est précisément la Shoah. Or, selon Jonas, ce n’est pas l’idée de Dieu qu’il faut remettre en question mais la conception que l’on s’en fait. L'expérience d'Auschwitz met en question le concept traditionnel de Dieu. Nécessité de le repenser à neuf.
Les explications traditionnelles du mal sont insatisfaisantes : dans le platonisme et le néo-platonisme, Dieu est un médium passif – la matière – qui ne permet qu’une incarnation imparfaite du divin. Le manichéisme et le gnosticisme introduisent une force active du mal égale à la force du bien. Le platonisme ou le néo-platonisme s’empêchent de reconnaître l’existence d’un mal voulu ; le manichéisme et le gnosticisme ruinent le monothéisme lui-même.
La solution de Jonas consiste dans l’idée d’un acte par lequel Dieu, en créant le monde, se dépouille en sa faveur des privilèges du créateur.
Le concept de Dieu comprend trois attributs : la souffrance, le devenir, le souci. Si Dieu existe, il a souffert à Auschwitz, Dieu n’est pas une instance supra-temporelle, impassible, immuable, il est en devenir au contraire. Ce Dieu est affecté par ce qui se passe dans le monde, il se temporalise. Ce qui est remis en question, c’est l’idée d’un Dieu omniscient et omnipotent qui intervient dans l’histoire. Idée d’un Dieu souffrant, d’un Dieu altéré, affecté par ce qui se passe dans le monde, d’un Dieu soucieux, manquant, contrit, contracté.
Du coup, si Dieu est affecté par la vie de ses créatures, il a une certaine passivité : l'acte créateur commence par le retrait de la divinité et par son acceptation de dépendre de ses créatures afin d'atteindre sa plénitude. Dans la Bible, Dieu pâtit de l'orgueil des hommes, il souffre avec eux. Par l'acte de créer, Dieu s'est privé lui-même de la possibilité d'intervenir. Il n'est pas un sorcier prêt à agir lorsque le péril menace. L'omnipotence n'appartient pas à Dieu, mais l'humilité et l'impuissance.
Nécessité pour Dieu de s'autolimiter, de se retirer, de retenir sa puissance, pour libérer un espace dans lequel le monde puisse prendre place et les hommes jouir de leur liberté. L’image de Dieu passe tout entière sous la garde de l’homme. C’est à l’homme qu’il appartient d’accomplir l’image de Dieu ou de la détruire. Dieu existera, si l’homme choisit de le faire exister ; Dieu mourra (son image, son nom auront disparu de la création – si l’homme choisit de l’ignorer et de le faire mourir.
Un Dieu tout puissant est contradictoire. De même qu’il suit du concept de droit que l’on ne peut avoir « tous les droits », de même il découle du concept de puissance que le tout-puissance est une notion en soi contradictoire. Comparaison avec la liberté dans le domaine humain: la liberté " existe et s'anime en se mesurant à cette nécessité ", " La liberté absolue serait une liberté vide, qui se supprime elle-même ". Une puissance absolue serait dépourvue d’objet : toute puissance agit nécessairement sur une autre qu’elle doit vaincre et qui lui oppose sa résistance. Il faut que la puissance soit partagée pour qu'il y ait en soi puissance. Un Dieu tout-puissant serait totalement insondable, énigmatique, inintelligible. Or, le Dieu de la Torah est un Dieu qui, étant révélé, peut être en partie compris.
Nier la toute-puissance de Dieu n’est pas affirmer son impuissance. Si Dieu n’est pas intervenu, c’est parce qu’il ne le pouvait pas, c’est parce qu’en créant le monde, Dieu s’est dépouillé de toute sa puissance. Idée d’un Dieu qui se nie lui-même pour faire place au monde et à son devenir. Ce Dieu n’a plus rien à offrir, c’est à l’homme de le lui donner, c’est nous qui pouvons aider Dieu plutôt que Dieu nous aide. Lire H. Jonas, op.cit., pp 43-44.
Conséquence : c’est précisément à cause d’Auschwitz que le juif a le devoir de croire dans le Dieu de l’histoire. Il est en quelque sorte interdit de donner à Hitler une victoire posthume.
3. Impuissance
de Dieu, désespoir de l’homme : les difficultés des théodicées
Cette conception est problématique, elle pose des questions radicales.
D’abord, Dieu peut-il, sans perdre sa divinité, cesser d’être celui qui donne ? L’homme peut-il, sans cesser d’être homme, décider de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ? L’homme qui peut donner à Dieu, c’est ‘homme agissant. Mais l’homme souffrant ? Que lui reste-t-il à donner, sinon sa souffrance elle-même ? Le souffrant ne peut pas donner ce qu’il n’a pas. Un Dieu qui ne peut rien et qui ne done rien ajoute seulement son impuissance à l’impuissance de sa créature. Le don de l’existence, auquel Dieu est censé avoir voulu borner son action, ne ressemble-t-il pas à un abandon ? Cet abandon ne rend-il pas Dieu à la fois inutile et incertain ? Aide-toi et le Ciel ne t’aidera pas.
On doit ainsi se demander si un Dieu qui se retire de sa création et l’abandonne à elle-même n’est pas un Dieu qui s’anéantit en celle-ci ? N’aboutit-on pas finalement à un athéisme ? La soution de Jonas complique encore plus le problème : pourquoi Dieu a-t-il renoncé à sa puissance ? Un Dieu sans puissance n’est-ce pas un homme sans espérance ? Un homme qui se voit confié par Dieu la garde de sa création est un homme qui ne peut se confier qu’à lui-même.
En somme, l’idée d’un Dieu impuissant est un paradoxe, une contradiction qui désespère la raison et la foi.
La perspective de la théodicée consiste par ailleurs à donner un sens au mal en en faisant un événement fondateur (cf. Le mythe adamique) et en montrant qu’Auschwitz ou le Golgotha assurent le salut de l’humanité. Plusieurs questions se posent : peut-on fonder une religion sur la douleur ? La souffrance et la crucifixion assurent-elles le salut de l’humanité ? La théologie fournit-elle vraiment une réponse à la question du mal ? Sa faiblesse n’est-elle pas justement de donner un sens au mal et de justifier le concept de Dieu ? Le mal n’est-il pas justement ce qui résiste à la compréhension humaine, ce qui échappe à toute conceptualisation et qui ne peut se dire que par le langage du mythe, de la religion ou de l’art (la sublimation), avec le double danger, pour l’art, du moralisme et de l’apologétique.
Face au mal, y a-t-il vraiment un sens, une rédemption ? Et si l’on est croyant, dans ce cas, la croyance en Dieu devient un pur acte de foi malgré la présence du mal. Idée qu’il faudrait croire en Dieu, en dépit de tout, aimer pour aimer. En tout cas, la foi repose sur la question sans réponse que pose le mal.
Conclusion : la conception
chrétienne de l’histoire
La conception chrétienne nous donne à voir un sens de l'histoire qui est connu depuis longtemps: une révélation, au cours même de l'histoire, en a délivré le sens et en a fixé le devenir jusqu'à son terme. L'histoire est pour le chrétien l'attente de ce qu'il connaît déjà depuis longtemps et que révèle les paroles du Christ ; cette attente est traduite dans le concept d’espérance. Le chrétien voit dans l'histoire une pédagogie divine par laquelle Dieu parle aux hommes à travers l’histoire et par laquelle les hommes s'habituent peu à peu à Dieu. Le moteur de l’histoire est donc une cause extérieure et antécédente au mouvement historique. On a donc ici une vision téléologique de l’histoire, que l’on va retrouver dans les grandes philosophies de l’histoire, le terme « téléologie » indiquant que l’histoire est un devenir qui s’oriente dans une certaine direction déterminée dès le début de cette histoire.
Les philosophies de l’histoire (hegel, Marx, Kant) ont comme noyau le concept de sens de l’histoire. Alors que les constructions proposées par les historiens sont multiples et variées, nous laissant dans l’éparpillement analytique, les grandes philosophies de l’histoire proposent une synthèse véritable et ultime de l’histoire, pour intégrer les divers moments historiques ; l’histoire est prise comme totalité possédant un ordre profond, un but et une fin. Cette notion de sens de l’histoire renvoie à un besoin d’intelligibilité profond de l’esprit humain.
1. L’histoire
comme processus : la raison dans l’histoire (texte
de Hegel, in La
raison dans l’histoire, p. 179 du livre de TL, p 96 du livre de
TES)
Comme la philosophie de Leibniz, la philosophie de l’histoire de Hegel est une “ théodicée ”, avec ce renforcement que la raison divine n’est plus pour Hegel transcendante à l’histoire (Dieu séparé de la création) mais lui est intérieure, immanente. L’histoire va devenir le lieu de la nécessité étant, par essence, rationnelle. Il montre qu’il est possible de découvrir la logique profonde et cohérente du déroulement de destins individuels. Le processus historique a sa logique propre, qui est interne, et cette logique est celle de la raison.
Idée d’abord d’une rationalité absolue du monde dont témoigne l’histoire humaine. Hegel entend par esprit, à la fois ce qui connaît et ce qui anime rationnellement les phénomènes, pétrit le monde mouvant et vivant : l’esprit est en même temps principe de connaissance des phénomènes et principe d’organisation de ces phénomènes, de cette réalité. Dès lors, l’esprit qui découvre la rationalité des phénomènes se reconnaît lui-même dans le monde. Le réel lui-même est rationnel.
Hegel affirme ainsi qu’il est possible de découvrir la logique profonde des événements. Le processus historique a sa logique propre, qui est interne, -logique qui est celle de la raison. La raison esr considérée comme un principe divin immanent au monde. L’histoire n’est pas le royaume du hasard, mais elle n’est pas non plus celui du mal : l’existence du mal historique (crimes, guerres, etc.) n’apporte en rien la preuve que l’histoire est absurdité ou folie. Le mal est le moyen par lequel l’Histoire s’accomplit, la ruse, le détour de la raison dans l’histoire. Si guerres et souffrances jalonnent l’histoire, c’est que la raison pour se réaliser doit passer par ces épreuves. Celles-ci sont l’occasion pour la raison de progresser. Le mal n’est jamais que l’occasion d’un mieux.
Idée d’un plan caché échappant à la conscience des individus : l’histoire universelle apparaît comme un processus, lent, obscur, douloureux par lequel l’humanité passe de l’inconscient au conscient. Idée d’une ruse de la raison : la raison, par une ruse, tire parti des actions humaines pour faire avancer l’humanité sur la voie de la perfection; les individus croient réaliser leurs propres buts, défendre leurs intérêts; et ils ne font qu’accomplir, sans s’en rendre compte, un destin plus vaste qui les dépasse (César, par exemple, combat pour son profit personnel mais fonde l’Empire romain). L’histoire n’est pas véritablement faite par l’action des hommes, les hommes ne sont que les instruments et les serviteurs de l’histoire universelle. La signification véritable de l’histoire échappe aux individus (même logique que la théodicée leibnizienne).
Hegel pense l’histoire comme rationalité, c’est-à-dire comme trajet de la raison, en expliquant tout ce qui se produit par la fin visée. Hegel explique chaque moment du déroulement historique par le moment suivant. L’histoire est rationnelle parce qu’elle progresse. Ce qui progresse, c’est la liberté, de sorte qu’on ne peut saisir le sens de l’histoire qu’à condition d’expliquer celle-ci par le progrès de la liberté qui tend à devenir réalisée et consciente d’elle-même.
Peu à peu, par des transitions qui sont des bouleversements et des révolutions, la liberté étend son règne. On trouve ainsi au cours de l’histoire du monde des formes successives de la liberté qui seront dépassées les unes par les autres pour arriver à la forme idéale réalisée. L’histoire est la prise de conscience de la liberté dans le monde. Hegel distingue ainsi quatre moments :
1. Le despotisme oriental qui affirme qu’un seul homme est libre (particulier); l’avènement des aristocraties grecque et romaine : reconnaissance que quelques hommes sont libres (particulier);
2. l’avènement du christianisme : reconnaissance que l’homme en tant qu’homme est libre; cette reconnaissance est celle de la liberté purement intérieure; elle n’est pas réalisée car les conditions objectives sont celles de l’esclavage (universel abstrait);
3. la dernière étape doit être celle de la liberté effective, concrète, qui sera réalisée grâce à l’édification de l’Etat moderne (universel concret). La raison se comprend comme liberté effective lorsque coïncident les intérêts du citoyen et les impératifs de l’Etat.
La philosophie de Hegel est une philosophie déterministe : les événements historiques sont indissolublement ou nécessairement liés les uns aux autres; toute chose a sa raison d’être; l’apparition des grands hommes est déterminée par l’ensemble des circonstances et de la situation historique, de sorte que chaque moment de l’histoire a en quelque sorte les hommes d’Etat qu’il mérite.
C’est aussi une philosophie idéaliste : affirmation de l’identité du rationnel et du réel ; idée que le réel est explicable de part en part.
Il s’agit enfin d’une théorie dialectique : la raison se réalise par son contraire, la déraison, par le jeu chaotique des intérêts et des passions particuliers (le droit se réalise par la force…). Le progrès ne se produit qu’à travers des crises et des luttes, il se fait par bonds successifs qui correspondent à la solution d’une crise. Histoire comme processus immanent.
Mais à la différence des théodicées qui justifient le mal lui-même au nom des voies cachées d’une providence incompréhensible à l’homme, pour Hegel c’est le rationnel qui est le moteur de l’histoire : on ne peut alors pas justifier d’avance l’esclavage, l’inquisition, les camps de concentration, les chambres à gaz, etc. Les chambres à gaz, par exemple, ne seraient pas pour Hegel un phénomène rationalisable : si dialectique que soit le progrès de la raison, il ne saurait passer par des ruses qui en nieraient le principe même; de même, si la guerre est justifiée, c’est en tant qu’il croit qu’elle doit devenir de plus en plus raisonnable, de moins en moins inhumaine, éloignée de la barbarie.
2) Le matérialisme historique (texte de Karl Marx, in Contribution à la critique de l’économie politique, donné en devoir à la maison)
Marx développe lui aussi une philosophie de l’histoire (« le matérialisme historique »), héritée de Hegel, mais où le sens de l’histoire n’est pas la raison « idéaliste » hégélienne mais une dialectique qui serait immanente au développement économique. C’est la production matérielle de la vie qui crée l’histoire, production entendue comme un rapport complexe entre des forces productives (l’ensemble des moyens matériels et des puissances de tous ordres dont dispose la société humaine à une période historique déterminée) et des rapports de production (relations sociales nouées dans le processus de production).
Idée donc que ce sont les conditions matérielles d’existence – les rapports de production économique et le développement des forces productives – qui forment la « base réelle » (l’infrastructure économique) déterminant la conscience des hommes, leurs représentations, les superstructures idéologiques, juridiques et politiques.
Le texte donné en devoir soutient que le nerf de l’évolution historique est la contradiction entre rapports de production et forces matérielles de production. Cette contradiction suscite perpétuellement des conflits : la lutte des classes est finalement le noyau de l’histoire unitaire, c’est elle qui donne un sens global à l’évolution historique : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » (Manifeste du parti communiste). On peut en effet se demander si cette conception matérialiste de l’histoire ne minore pas considérablement, comme celle de Hegel, le rôle des individus dans l’histoire. Or, rôle essentiel joué par la politiques sous la forme justement de la lutte des classes. Le moteur de l’histoire est le rapport social conflictuel. La temporalité historique est enracinée dans le présent et l’événement. Le communisme, qui est la société sans classes et sans Etat, est un combat, l’effet de la lutte des classes, et non un simple idéal vers lequel l’histoire tendrait.
Marx, penseur du possible, des crises, des conflits. Représentation non linéaire du développement historique. Rôle fondamental du concept de révolution. L’histoire n’a pas de fin, il n’y a pas de paradis du tout, il n’y a rien de définitif, d’absolu, de sacré. L’avenir est par essence imprévisible. Idée d’un progrès relatif et instable. L’histoire des hommes est ce qui se construit à partir de la réalité présente.
3) La conception éthique de l’histoire :
Kant
Reprise de
l’articulation sens / fin : pour qu'il y ait du sens il faut qu'il y ait la fin.
Dans Idée d’une histoire universelle au
point de vue cosmopolitique, Kant constate que le « tissu de
folie, de vanité puérile et de soif de destruction » qui semble
caractériser l’histoire humaine indique quelque chose de purement humain. En
effet, le comportement des castors, abeilles et autres fourmis est tout à fait
ordonné et semble suivre un plan implacable.
Kant suppose qu'à travers la déraisonnabilité des individus se manifeste malgré
tout un "dessein de la
nature".
S'il y a une
"ruse" ici, ce n'est pas comme chez Hegel une "ruse de la
raison" dans l'histoire mais une ruse de la nature. La nature place la raison
dans l'homme au point que cette raison se laisse ruser par ce dessein de la
nature. La nature est conçue comme cette dispentiatrice qui a déposé la raison
dans l'homme comme elle a déposé d'autres facultés dans d'autres espèces. La
finalité de la nature, qui est le développement de la raison jusqu'à ce que
l'homme accède à une condition cosmopolitique parfaite, transcende, à leur
insu, les individus humains. La nature use d'un moyen pour atteindre son
dessein: l'antagonisme entre les hommes, "l'insociable sociabilité"
des hommes.
Cette formule
kantienne exprime les tendances de chaque homme: insociabilité et sociabilité,
ou plutôt la sociabilité affectée d'insociabilité. Prise au niveau de
l'individu, le conflit de ces
deux tendances en chacun de nous ne peut engendrer que des comportements non
raisonnables; ainsi, si l'on s'en tient au niveau individuel, l'histoire ne
peut avoir ni intelligibilité ni sens. Mais au niveau de l'espèce, il en va
autrement: cette tension développe les facultés de l'espèce: une histoire
progressive devient alors possible, à la fois
intelligible (puisque dès lors les comportements individuels sont expliqués
par le destin de l'espèce) et téléologique (un destin se manifeste dans le
développement de la raison).
Où est donc la raison, caractéristique de l'homme ? L'observation de la folie de la vie humaine montre aisément qu'elle n'est pas dans l'individu. Elle est dans l'espèce. L'homme est dès lors l'espèce rationnelle. Ce qui est déraisonnable, destructeur, au niveau de l'individu, exprime au niveau de l'espèce, un dessein raisonnable constructif. Si, au niveau de l'individu, nulle histoire ne peut être perçue, au niveau de l'espèce, l'histoire est le développement de la raison. L’espèce seule est capable d’une réalisation progressive de la liberté parce qu’elle se déploie dans l’histoire. Le douloureux travail qui permet à la rationalité et à la liberté d’advenir s’effectue, dans l’espèce, à son insu.
Idée donc que le progrès de l'humanité est " pathologiquement extorqué ", c'est-à-dire arraché au conflit des passions. Kant entend dépasser l'optimisme naïf d'un progrès linéaire, sans tomber pour autant dans le pessimisme radical. Ce n'est pas pour l'amour du bien que l'homme parvient s'élever mais par la discorde, " l'insociable sociabilité ". La finitude de l'homme, l'antagonisme immanent à la nature des passions est le facteur du perfectionnement humain. C’est la détresse que les hommes s’infligent les uns aux autres qui force l’homme à être raisonnable et faire advenir l’ordre de la loi et de la raison.
C’est antagonisme social fécond se retrouve entre les Etats sous la forme de la guerre. A force de conflits, devrait s’imposer la nécessité d’une fédération des Etats, d’un droit international, pour la paix perpétuelle ; la guerre est le moyen de la paix considérée comme la fin de l’histoire mondiale, l’idéal de ce qui devrait être.
Quelle est
l'originalité de la téléologie de l'histoire développée par Kant ? Elle est à
signaler sur deux plans: celui de la connaissance (plan épistémologique) et
celui de la
réalité (plan ontologique).
Sur le plan de la connaissance postuler un but final de l'histoire est une nécessité
méthodologique: puisqu'on en peut pas déceler de but raisonnable
chez les individus, il convient de rechercher si l'on ne trouve pas un
"dessein de la nature" dans
le cours de l'espèce, faute de quoi l'activité humaine serait condamnée à demeurer inintelligible.
Ce qui prouve que Kant envisage le "but final" essentiellement comme
un fil conducteur méthodologique, bien plus que comme une certitude
transhistorique, c'est la lecture de cette
phrase. Ce plan
de la nature est au fond une hypothèse.
Il est méthodologiquement proche de ce qu'est "l'homme naturel" chez
Rousseau: un être qui n'a jamais existé, qui n'existe pas, qui n'existera
probablement jamais mais dont il est important d'avoir une idée juste pour
comprendre ce qu'est l'homme civilisé.
Le but final
proposé par Kant n'est pas une "fin" au sens hégélien et marxien du
terme. Pour Hegel et Marx, la fin de l'histoire se réalise effectivement à
travers une politique précise: pour Hegel l'histoire s'achève dans l'Etat
moderne qui est "la réalisation de la liberté", tandis que pour Marx
elle s'achèvera dans la société sans classes.
Kant au contraire n'envisage pas une fin de l'histoire réalisant effectivement
un but final: le but final est plutôt une tendance vers un maximum qui pourrait
bien demeurer tout à fait idéal. La notion de fin chez Kant désigne un dessein moral,
une invitation de l’homme à maîtriser sa nature. Espérance d’un
monde où les hommes vivraient selon la raison, qui permet à l’homme d’avancer
et de ne pas sombrer dans le pessimisme. La notion de fin est à penser ici
comme possible : l’espérance est ce dont l’impossibilité n’a pas été
démontrée.
La raison ici ne
désigne pas une nouvelle Providence mais l’effort d’une humanité responsable qui advient.
L’histoire ne s’accomplit que par nos efforts. La vertu est le travail
incessant pour la réalisation de la paix, de la liberté, de la raison. La vertu
suppose les crupile : on n’est jamsi pleinement certain de bien faire mais
simplement assuré de vouloir le faire, d’être de bonne volonté. La fin comme
catégorie du risque, de l’action, du possible, de l’espérance, de l’exigence,
du devoir, idée régulatrice unifiant la morale et la politique.
4) Conclusion : la fonction d’une
téléologie de l’histoire
Au total, on peut concevoir l’idée d’un sens de l’histoire soit à partir d’une finalité transcendante (les théologies de l’histoire), soit à partir d’une finalité immanente (Hegel, Marx), voire éthique (Kant).
Contrairement au christianisme, chez Hegel et Marx, le sens de l'histoire n'est pas donné en bloc, d'un seul coup en plein milieu de l'histoire: il n'est connu qu'à la fin, qu'au dernier acte, parce qu'il ne se dévoile que petit à petit. On l’a vu, le christianisme, bien qu’assouplit par l’argument de la pédagogie divine, suppose que Dieu vient du dehors de l'histoire au beau milieu de cette histoire nous délivrer le sens qui était préparé depuis longtemps et que les temps suivants ne feront qu'accomplir.
A l'opposé, pour Hegel et Marx , ce sens n'est pas donné du dehors: il se découvre laborieusement au dedans, au sein même de cette histoire. Dans le christianisme, le sens de l'histoire est donné à la conscience humaine par Dieu. Chez Hegel à l'inverse, l'homme découvre lui-même le sens de l'histoire parce que l'histoire devient de plus en plus consciente d'elle-même dans la raison humaine. Chez Marx, c'est l'histoire qui délivre son sens, si bien qu'au stade communiste (comme le dit Marx dans les Manuscrits de 1844) "le mouvement de l'histoire est conçu et devenu conscient dans sa totalité".
C'est pourquoi si pour le chrétien
l'histoire est une attente, pour Hegel et Marx elle est plutôt un processus
qu'on appelle "progrès". Pour les chrétiens, la vérité est dite,
révélée, pour les philosophes de l’histoire la vérité est en progrès.
Avec Kant
s’esquisse une conception éthique du sens de l’histoire où l’histoire n’est pas
tant un processus que le produit d’une exigence, d’un effort de l’humanité pour
se réaliser elle-même à son insu.
Quelle est
finalement la
fonction d'une téléologie de l'histoire ? Une téléologie de
l'histoire sert à comprendre, à espérer et à agir en unissant l'humanité dans un
tout. L'histoire est celle de toute l'humanité, - « l'histoire
universelle » comme dit Kant. Le
Christ, en venant mourir sur la croix, signifie que Dieu donne le sens de
l'histoire une fois pour toutes et pour
toute l'humanité. De même le principe de la lutte des classes posé par Marx et
Engels au début du Manifeste du parti Communiste concerne toutes les sociétés
sans exception: ce principe, téléologique dans son essence, assure l'unité de
l'humanité.
Unifier l'humanité
sous le sens de l'histoire permet une intelligibilité universelle systématique:
aucun cas particulier ne demeurera sans explication en rapport avec ce sens de
l'histoire. Il n'y aura rien d'énigmatique dans l'histoire. Les téléologies de
l'histoire permettent donc d'évacuer toute zone d'ombre de l'histoire.
Permettant de comprendre, la téléologie de l'histoire permet d'espérer et
d'agir: "Savoir pour prévoir, prévoir pour pouvoir" disait Aug.Comte.
Savoir, c'est-à-dire comprendre; prévoir, c'est-à-dire espérer; pouvoir, c'est-à-dire
agir.
Or, n’est-ce pas cette prétention à l’unité,
à l’universalité et à la totalisation qui pose problème et rend les
philosophies de l’histoire tout à fait contestable ?
Postuler que l’histoire a un sens et une fin semble problématique pour bien des auteurs contemporains. Cette idée d’un sens de l’histoire n’est-elle pas illusoire, voire dangereuse et porteuse d’une logique totalitaire ? N’est-ce pas finalement la définition du sens de l’histoire comme fin qui pose problème ? Et si tel est le cas, n’est-il aps alors possible de déconnecter le sens et la fin pour conserver à la notion de sens de l'histoire son aspect fécond et régulateur ?
1.
Une histoire ou des
histoires ?
Nous avons que les
téléologies historiques supposent que l'humanité et l'histoire soient unes,
bref qu'existe une histoire universelle de l'homme. Qu'est-ce qui nous dit
pourtant qu'il y a
une humanité et non pas des humanités ? Qu'il y a une histoire et non pas des
histoires ? La plus grande faiblesse peut-être des théories du sens de
l’histoire, c’estd ‘avoir présupposé un sens, comme s’il n’y en avait qu’un, de
l’Histoire, comme s’il n’y en avait qu’une.
Lévi-Strauss fait
observer, dans Race et Histoire que, spontanément, nous bornons l'humanité aux
limites de notre village. Au-delà vivent les non-hommes, les barbares. Bergson,
dans Les
deux sources de la Morale et de la Religion, le dit également: « nous
aimons naturellement nos parents et nos concitoyens, tandis que l'amour de
l'humanité est acquis ». Pourquoi cet amour est-il acquis et non pas
naturel ? Parce que l'humanité n'est pas une évidence donnée par la sensibilité
chaque jour, mais qu'elle est un concept construit, une idée abstraite et
artificielle, parce que son contenu est fait essentiellement d'invisible (nul
jamais n'a vu l'humanité), d'impalpable, d'immatériel. Invisible, immatérielle:
telle est l'humanité (une idée,un concept, une valeur).
D’autre part, depuis que l’homme a colonisé la Terre jusqu’à notre siècle, des milliers de société ont vécu dans une totale ignorance les unes des autres. Rien ne nous autorise à penser que ces cultures ont suivi des chemins parallèles, encore moins convergents. L’Histoire universelle des philosophies de l’histoire est une histoire européocentriste oublieuse des autres cultures. Or, les sociétés différentes constituent des histoires différentes, qui ne vont pas au même rythme ; au sein de chaque société, il est possible de distinguer des plans différents (cf. Braudel).
Il faut toutefois préciser que l’histoire tend aujourd’hui à devenir universelle, dans la mesure où, avec la mondialisation des échanges et de la technique, la Terre voit son histoire unifiée. Cette mondialisation est-elle pour autant une véritable universalité, respecteuse des divesrités culturelles ou bien n’est-elle qu’une uniformisation autour des valeurs et du mode de vie occidental. Problème de l’articulation de l’universel et du relatif qui est un des grands enjeux du millénaire. L’histoire de l’humainté : unité biologique de l’espèce humaine (tronc commun, origine commune en Afrique), puis civilisation de la Terre, éparpillement, diversité culturelle ; enfin (nous y voilà !), la réunification culturelle et politique. C’est ce que Kant appelle le cosmopolitisme qui donne rétrospectivement à l’histoire son sens. Sous quelle forme et autour de quelles valeurs (les droits de l’homme, la démocratie…) ?
Signalons également le caractère ambigü et relatif de la notion de progrès, entendu comme évolution positive. Si le progrès est indiscutable en science, il n’a aucun sens en art ; tous les dmaines de la cvilisation et de l’histoire présentent un mélange de progrès, de stagnations et de régressions. Le progrès ne peut être considéré comme le sens de l’histoire, la décadence non plus. L’appréciation du progrès dépend des critères choisis. Idée d’un progrès non pas linéaire, constant, absolu, mais relatif, discontinu, multiforme.
Enfin, pour la plupart des histoiriens contemporains, la philosophie de l’histoire est récusée ; il n’y a pas une histoire dans laquelle se fondent les événements enchaînés par un sens, mais des histoires. La volonté d’intéger tous les faits essentiels dans un système cohérent conduit à délaisser l’étude des événements de la vie quotidienne, jugés de faible intérêt dans cette perspective. Notre époque voit s’épanouir des études historiques isolées qui prennent pour objets d’études systématiquement isolés l’histoire de groupes locaux ou l’évolution des usages de la vie quotidienne.
Au total, c’est l’idée qu’il y aurait un sens, une fin, une humanité qui semble le plus poser de difficultés dans l’idée d’un sens de l’histoire.
2)
Totalitarisme et philosophie de l’histoire
Postuler que l’histoire a un sens peut mener directement, selon certains auteurs, à la terreur politique et à l’arbitraire. Les origines du totalitarisme serait ainsi à chercher dans ces visions téléologiques et totalisantes de l’histoire.
Faut-il pour autant
renoncer à l’idée d’un sens de l’histoire ? Il convient, pour conserver à
cette idée sa dimension régulatrice, de
dissocier le
sens et la fin ou bien de donner au concept de fin un autre sens que
celui de cessation, de terme ou d’arrêt des événements. Il y a sans doute de
fort bonnes raisons d'abandonner la notion de « fin de l'histoire »
et tout le discours téléologique qui l'accompagne (cf. Les critiques
précédemment évoquées). Mais le discrédit de la notion de sens de l'histoire
doit être lu comme symptôme politique d'une époque.
Plusieurs facteurs caractérisent notre époque : la faillite du sens (politique, religieux, historique…), la retombée des idéologies et utopies que d’aucuns ont enterrées, le triomphe de l’individualisme. Notre univers contemporain est marqué par une crise des fondements : c’est ce que Nietzsche nomme le « nihilisme », lequel désigne le phénomène spirituel lié à la mort de Dieu et des idéaux suprasensibles, à l’effacement du sens. La mort des grands récits totalisants (ce qu’on appelle le « postmodernisme ») – la pensée des Lumières, le marxisme, les grandes utopies du XIXe siècle, etc.-, des idéologies n’est qu’une dimension de ce nihilisme. C’est le triomphe, signalé par Lipovetsky dans L’ère du vide, de l’individu narcissique, postmoderne, et, avec lui, des valeurs hédonistes et consuméristes (« style cool », décontracté…).
Nous n'avons pas encore les moyens
intellectuels capables de surmonter la crise du sens de l'histoire et de nous
mettre en état de répondre à notre question initiale. C’est pourquoi il
convient de revisiter les grandes philosophies de l’histoire pour y trouver
peut-être de quoi rendre intelligible notre époque (ainsi a-t-on pu parler,
après la guerre du Golfe, d’un retour de Marx).
Il ne paraît pas légitime de répudier toute notion de sens et de fin de l’histoire, notion dynamique et régulatrice. La fin ne signifie pas l’arrêt du temps (au sein de la démocratie libérale, par exemple, dans la version qu’en donne Francis Fukuyama dans La fin de l’histoire ou le dernier homme), dans la mesure où l’histoire est le lieu de l’existence exposée et dramatique : l’homme, comme l’a bien montré Hegel, est négativité, travail spirituel, effort. L’existence humaine est tout entière dramatique et dialectique, ne se laissant pas enfermer dans quelque système que ce soit ; l’avenir de l’homme est précisément a-venir, aléatoire, problématique. Notre transcendance ne peut connaître de fin. La conscience humaine voudrait en vain s’apaiser, se fixer dans une inertie sans pensée. Or, l’histoire est précisément une dialectique de la négativité et de l’inquiétude humaine qui conduit à mettre totalement en question la notion d’une transparence totale.
Pour conserver à la
notion de sens de l’histoire toute sa portée, il faut l’articuler sur celle de
fin entendue comme but, dessein, « ce que l’homme, ceque l’humanité
visent, ce qu’ils attendent ou ce qu’ils veulent atteindre » (Eric Weil).
Par « fin de l’histoire », il faut concevoir un dessein éthique, une
finalité tentant d’informer et de maîtriser l’action humaine. Fin et sens de
l’histoire désignent une idée régulatrice unifiant le cours dynamique des
événements.
La fin de
l’histoire ne signifie donc pas qu’il n’y aura ou n’y aurait plus d’événements,
de crises, d’antinomies. Elle ne signifie pas que « les hommes ne mourraient
plus, ou que les amoureux seraient nécessairement heureux, tous les enfants
doués, tous les humains bons et beaux. Elle ne signifie pas, non plus, qu’après
la fin de l’histoire, il ne puisse plus y avoir de tragédies et de souffrances
de l’individu » (Eric Weil). La fin de l’histoire n’est ni l’âge d’or ni
la vie au paradis terrestre mettant fin aux vrais conflits, mais un projet dynamique
et moral informant la pratique politique authentique.
I) Le sens de l’histoire
- L’histoire a-t-elle un sens ?
- Faut-il chercher un sens à l’histoire ?
- L’histoire est-elle un destin ?
- Les événements historiques sont-ils, par nature, imprévisibles ?
- L’histoire est-elle un éternel recommencement ?
II) Le rôle des hommes dans l’histoire
- Les individus ont-ils prise sur le cours de l’histoire ?
- Les hommes font-ils librement leur histoire ?
- Est-ce l’homme qui fait l’histoire ou bien l’inverse ?
- Peut-on modifier le cours de l’histoire ?
- Y a-t-il des leçons de l’histoire ?
III) La connaissance historique
- L’histoire est-elle une science ?
- Pourquoi nous intéressons-nous au passé ?
- Faut-il enterrer le passé ?
- Peut-on être l’historien de son temps ?
- L’historien peut-il être impartial ?
- Que nous apprend l’histoire ?
- Hegel, La raison dans l’histoire, éd. 10/18
- Marx-Engels, L’idéologie allemande, éd.sociales
- Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, éd. Aubier
- Braudel (F), Ecrits sur l’histoire, éd. Flammarion
- Lévi-strauss (Cl), Race et histoire, chap.V & VI, éd. Gonthier (Médiations)
- Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire ?, Seuil, 1978
-
L’histoire :
1) Etymologie : du grec historia (recherche), de historein (chercher à savoir, rapporter ce qu’on sait).
2) Transformation dans le temps des sociétés humaines ; succession des états par lesquels passe une réalité (individu, pays, civilisation, théorie, etc.).
3) Discipline à vocation scientifique qui est l’étude de l’histoire au sens indiqué précédemment et qui a pour objet sa reconstitution et son explication (R. Aron : « la science que les hommes s’efforcent d’élaborer de leur devenir »).
- Philosophies de l’histoire : conceptions selon lesquelles, par delà la contingence des individus et des événements, l’histoire possède un sens, qui explique tout le passé de l’humanité et oriente à l’avance son avenir. « Une philosophie de l'Histoire suppose que l'Histoire humaine n'est pas une simple somme de faits juxtaposés - décisions et aventures individuelles, idées, intérêts, institutions- mais qu'elle est, dans l'instant et dans la succession, une totalité en mouvement vers un état privilégié qui donne le sens de l'ensemble » (Merleau-Ponty, Humanisme et terreur). Les grandes philosophies de l’histoire sont essentiellement celles de Kant, Hegel, Marx.
- Le sens : la direction d’un mouvement, l’orientation d’un processus ; la destination des êtres humains et de leur histoire, la raison d’être de leur existence et de leurs actions, le principe conférant à la vie humaine sa valeur (« le sens de l’existence »).
-
Sens de l’histoire : on
retrouve dans cette expression les acceptions du terme sens : la direction (l'histoire va-t-elle quelque part ?), la
signification (l'histoire délivre-t-elle un message ?), la valeur également
(quelle est la valeur de l'histoire ?). Le sens de l'histoire (« une
totalité en mouvement ») est désigné par une direction
(« vers ») et une fin de l'histoire (l' « état privilégié qui
donne sens à l'ensemble »).
- Absurde : du latin ab, surdus (sourd, discordant, incohérent) : contraire à la raison et au bon sens ; aberrant, déraisonnable ; absence de sens, de raison d’être, de finalité de la condition humaine.
-
Le hasard : ce qui ne
correspond à aucun principe de détermination,
aucune cause connue ; concours entre plusieurs séries causales
indépendantes (exemple du pot de fleurs donné en cours). Aujourd’hui, caractère
des phénomènes dont les déterminismes relèvent du calcul des probabilités.
- Théodicée : mot créé par Leibniz en 1710. Justification de Dieu destinée à prouver qu’il est innocent du mal du monde.
-
Déterminisme historique : conception
philosophique selon laquelle l’histoire est régie par des causes et dont
l’évolution est explicable par des lois.
- Matérialisme historique : théorie de l’histoire et doctrine d’action révolutionnaire de Marx et d’Engels. Selon le matérialisme historique, la structure économique, qui est la base de la société, engendre les superstructures idéologiques (politique, droit, religion, morale, philosophie, arts, etc.). Infrastructure et superstructure exercent des actions réciproques les unes sur les autres.
1.
Les deux sens du mot « histoire ».
2.
Quelle peut être l’utilité de la connaissance du
passé ?
3.
Y a-t-il des leçons de l’histoire ?
4.
Quel est le projet de la connaissance
historique ?
5.
Quels sont les principaux problèmes épistémologiques
que pose la connaissance historique ?
6.
Quelles sont les difficultés soulevées par la quantification
en histoire ?
7.
Les limites de la scientificité du travail de
l’historien : signes et raisons.
8.
Quels sont les éléments qui donnent à penser que
l’histoire n’a pas de sens ?
9.
Qu’est-ce que la théodicée ?
10.
La conception leibnizienne. Ses limites.
11.
Peut-on encore penser Dieu après Auschwitz ?
12.
Quelles sont les difficultés des théodicées en
général ?
13.
Quels sont les présupposés des philosophies de
l’histoire ?
14.
Qu’est-ce que la ruse de la raison ?
15.
Comment Marx explique-t-il l’histoire ?
16.
L’originalité de la conception kantienne de
l’histoire.
17.
La fonction d’une téléologie de l’histoire.
18.
Les principales critiques des philosophies de
l’histoire.
19.
Que nous révèlent ces critiques sur la question du
sens de l’histoire ?
1.
Les deux sens du mot « histoire ».
- Etymologie : du grec historia (recherche), de historein (chercher à savoir, rapporter ce qu’on sait).
- Transformation dans le temps des sociétés humaines ; succession des états par lesquels passe une réalité (individu, pays, civilisation, théorie, etc.).
- Discipline à vocation scientifique qui est l’étude de l’histoire au sens indiqué précédemment et qui a pour objet sa reconstitution et son explication (R. Aron : « la science que les hommes s’efforcent d’élaborer de leur devenir »).
2.
Quelle peut être l’utilité de la connaissance du
passé ?
- Le passé est la condition même de la compréhension du présent. Le présent ne peut fournir seul les moyens de sa propre élucidation. Nous cherchons à comprendre les événements passés pour trois raisons essentielles : parce que le passé détermine et explique le présent ; parce que le passé contient une bonne part de notre identité : on est, comme on l’a dit, ce qu’on a été ; parce que nous sommes hommes et que rien d’humain ne nous est étranger (chaque génération, par exemple, bénéficie, comme l’a montré Marx, du travail accumulé par les générations antérieures) .
3.
Y a-t-il des leçons de l’histoire ?
- Idée que l’on pourrait tirer des leçons de l’histoire : le passé, en effet, est un répertoire infini d’échecs et de réussites. Des leçons pourraient, semble-t-il, en être tirées. Par exemple, le souvenir du nazisme rend méfiant à l’égard du racisme et du totalitarisme. Si le passé permet de comprendre le présent, nous devrions pouvoir tirer des leçons de l’histoire, c’est-à-dire du passé.
- Hegel : la seule leçon qu’on peut tirer de l’histoire est qu’il n’y en a pas. L’histoire nous enseigne précisément qu’elle ne nous enseigne rien. C’est la singularité et l’originalité de chaque époque qui empêchent d’opérer des généralisations, d’établir de prétendues règles ou lois générales d’action : les faits historiques sont uniques. Mais comme le passé ne se répète jamais intégralement, qu’il n’y a jamais de deuxième fois à propremen tparler (c’est ce que Jankélévitch appelle la « primultimité »), chaque époque est confrontée à des spécificités auxquelles il convient d’apporter des réponses inédites.
- L’idée qu’il n’y a pas de leçons de l’histoire aboutit à une sorte de paradoxe : la mémoire exprime davantage le sujet présent que l’objet passé. On ne pose jamais au passé que les questions auxquelles on sait répondre. C’est finalement notre présent qui renouvelle notre intérêt pour le passé plutôt qu’il ne nous écarte de lui.
4.
Quel est le projet de la connaissance
historique ?
- Etablir des faits, parvenir à une connaissance valide et vraie, tenter une synthèse établissant des liens de causalité. Il ne s’agit pas de raconter ce qui s’est passé ; l’histoire n’est pas tant un récit qu’une analyse ; elle révèle un travail de compréhension, une volonté d’extraire un certain ordre à partir du chaos des donnéées, comme un biologiste cherhce des lois dans le fourmillement de la vie.
5.
Quels sont les principaux problèmes épistémologiques
que pose la connaissance historique ?
- Problème du fait historique, de sa constitution, de sa mise en relation avec d’autres faits ; problème de la quantification et de ses limites ; problème de la vérité que produit le récit historique et du rapport entre le discours historique et la subjectivité.
6.
Quelles sont les difficultés soulevées par la
quantification en histoire ?
- La quantification en histoire a des limites qui permettent déjà de souligner les limites de la scientificité du travail de l’historien. L’utilité de la quantification dépend d’abord des champs d’étude, certains s’y prêtant mieux que d’autres. Le nombre ne fait en histoire ni loi ni sens. Le repli vers le quantitiatif peut signifier le renoncement à l’intelligibilité, l’abandon empirique au « cela est ainsi », illusion d’une scientificité dans la forme et non dans le contenu.
7. Les limites de la scientificité du travail de l’historien : signes et raisons.
- La singularité des événements historiques, nécessité des présupposés philosophiques et idéologiques, impossibilité de quantifier toutes les données, irréductibilité de la subjectivité de l’historien, rôle fondamental de la liberté, du hasard, des significations - toutes ces raisons interdisent à l’historien la voie royale des sciences exactes.
8. Quels sont les éléments qui donnent à penser que
l’histoire n’a pas de sens ?
- L’absurdité sde l’histoire : la répétition, l’absence de but rationnel, la souffrance, le hasard. L’histoire cyclique (histoire comme éternel recommencement).
1.
Qu’est-ce que la théodicée ?
- Justification de Dieu destinée à prouver qu’il est innocent du mal du monde.
10. La conception leibnizienne. Ses limites.
- Il existe certes une infinité de mondes possibles, mais Dieu, dans sa perfection, n’a pu créer que le meilleur, le nôtre. Dieu aurait pu créer un autre monde que le nôtre. S'il a créé celui-ci, c'est qu'il devait le faire. Ce monde réalise un maximum de diversité pour un minimum de désordre ; il est celui dont les éléments sont arrangés de façon optimale, pour réaliser le maximum de bien pour le minimum de mal. Dieu n’est donc pas responsable du mal présent dans l’histoire; celui-ci ne résulte que de l’imperfection inhérente à toutes les créatures. Le monde historique est alors, sinon la perfection impossible, du moins le meilleur qui soit compatible avec l’état de cette créature finie qu’est l’homme. Dieu se trouve ainsi disculpé de l'existence du mal sur la Terre. Du point de vue du Tout, la part de mal que renferme le monde est la plus petite possible. Seul notre point de vue limité peut nous donner l'illusion qu'un autre monde était possible, qui eût comporté moins de mal que le nôtre.
- La perfection est définie mathématiquement comme le rapport optimal entre l'ordre et la variété. Un chose est plus parfaite qu'une autre, quand, à proportion, elle offre à l'entendement une matière plus riche et mieux organisée, quand elle présente à la fois plus de détails et plus d'ordre. La sagesse demande la variété : multiplier la même chose, si noble soit- elle, est une pauvreté (ex. : avoir mille ouvrages bien reliés du même auteur).
- Ce " meilleur monde " n'est pas celui qui est sans mal : un monde absolument sans mal (sans homme qui pèchent et souffrent) serait moins riche et moins parfait. Le meilleur des mondes est celui dans lequel un peu de mal permet le maximum de bien. Il faudrait pouvoir tout voir et bien voir comme Dieu et on ne pourrait manquer de tout vouloir et de bien vouloir, comme lui, de vouloir ce monde avec tous les maux qu'il comporte.
- Nécessité d'une imperfection originelle des créatures : si la créature n'était pas limitée, imparfaite, elle serait Dieu lui-même. S'il y a du mal, c'est qu'il est impossible qu'un monde réel n'en contienne pas. Celui qui demande la suppression de tel ou tel mal change l'harmonie générale de l'univers, le monde qui en résulterait serait moins parfait que celui qui est. Comme tout est lié dans l'univers, rien ne peut être changé sans que tout soit changé en même temps.
- Ce Dieu n'est pas
vraiment bon, sa bonté n'est que verbale, elle n'a rien à voir avec
la bienveillance espérée par la créature souffrante. Philosophie qui nous
empêche de penser le mal en tant que tel : le mal n'existe pas vraiment, il
n'est que l'illusion dont sont victimes les malvoyants que nous sommes. Or, à
quoi bon un Dieu qui ne s'occupe pas des détails (martyre d'un enfant,
sacrifice d'un peuple, par exemple) ? Dieu qui, en réalité, ne se soucie pas du
mal. Dieu calculateur, sourd, clairvoyant en tout et aveugle aux parties.
- Pour Leibniz,
comme nous venons de le voir, la création des existants par Dieu est un choix
rationnel, guidé par le souci de l'harmonie. Or, les théologiens chrétiens rejettent cette
théorie rationaliste de la création des êtres. Pour eux, la
création n'a rien à voir avec une
déduction. En effet, c'est par un acte d'amour mystérieux et gratuit que Dieu a créé tout ce
qui existe.
11.
Peut-on encore penser Dieu après Auschwitz ?
- C’est précisément à cause d’Auschwitz que le juif a le devoir de croire dans le Dieu del’histoire. Il est en quelque sorte interdit de donner à Hitler une victoire posthume. L'expérience d'Auschwitz met en question le concept traditionnel de Dieu. La solution de Jonas consiste dans l’idée d’un acte par lequel Dieu, en créant le monde, se dépouille en sa faveur des privilèges du créateur. Ce qui est remis en question, c’est l’idée d’un Dieu omniscient et omnipotent qui intervient dans l’histoire. Idée d’un Dieu souffrant, d’un Dieu altéré, affecté par ce qui se passe dans le monde, d’un Dieu soucieux, manquant, contrit, contracté.
- Du coup, si Dieu est affecté par la vie de ses créatures, il a une certaine passivité : l'acte créateur commence par le retrait de la divinité et par son acceptation de dépendre de ses créatures afin d'atteindre sa plénitude. Par l'acte de créer, Dieu s'est privé lui-même de la possibilité d'intervenir. Nier la toute-puissance de Dieu n’est pas affirmer son impuissance. Si Dieu n’est pas intervenu, c’est parce qu’il ne le pouvait pas, c’est parce qu’en créant le monde, Dieu s’est dépouillé de toute sa puissance. Idée d’un Dieu qui se nie lui-même pour faire place au monde et à son devenir. Il n'est pas un sorcier prêt à agir lorsque le péril menace. L'omnipotence n'appartient pas à Dieu, mais l'humilité et l'impuissance.
- Nécessité pour Dieu de s'autolimiter, de se retirer, de retenir sa puissance, pour libérer un espace dans lequel le monde puisse prendre place et les hommes jouir de leur liberté. L’image de Dieu passe tout entière sous la garde de l’homme. C’est à l’homme qu’il appartient d’accomplir l’image de Dieu ou de la détruire.
- Un Dieu tout puissant est contradictoire. Une puissance absolue serait dépourvue d’objet : toute puissance agit nécessairement sur une autre qu’elle doit vaincre et qui lui oppose sa résistance. Il faut que la puissance soit partagée pour qu'il y ait en soi puissance. Un Dieu tout-puissant serait totalement insondable, énigmatique, inintelligible. Or, le Dieu de la Torah est un Dieu qui, étant révélé, peut être en partie compris.
12.
Quelles sont les difficultés des théodicées en
général ?
- Paradoxe d’un Dieu impuissant, contradiction qui désespère la raison et la foi : Dieu peut-il, sans perdre sa divinité, cesser d’être celui qui donne ? L’homme peut-il, sans cesser d’être homme, décider de l’existence ou de l’inexistence de Dieu ? Le don de l’existence, auquel Dieu est censé avoir voulu borner son action, ne ressemble-t-il pas à un abandon ? Cet abandon ne rend-il pas Dieu à la fois inutile et incertain ? La soution de Jonas complique encore plus le problème : pourquoi Dieu a-t-il renoncé à sa puissance ? Un Dieu sans puissance n’est-ce pas un homme sans espérance ? Un homme qui se voit confié par Dieu la garde de sa création est un homme qui ne peut se confier qu’à lui-même.
- La perspective de la théodicée consiste par ailleurs à donner un sens au mal en en faisant un événement fondateur (cf. Le mythe adamique) et en montrant qu’Auschwitz ou le Golgotha assurent le salut de l’humanité. Plusieurs questions se posent : peut-on fonder une religion sur la douleur ? La souffrance et la crucifixion assurent-elles le salut de l’humanité ? La théologie fournit-elle vraiment une réponse à la question du mal ? Face au mal, y a-t-il vraiment un sens, une rédemption ? Et si l’on est croyant, dans ce cas, la croyance en Dieu devient un pur acte de foi malgré la présence du mal. Idée qu’il faudrait croire en Dieu, en dépit de tout, aimer pour aimer.
13.
Quels sont les présupposés des philosophies de
l’histoire ?
- L’histoire n'est
pas une simple somme de faits juxtaposés - décisions et aventures
individuelles, idées, intérêts, institutions- mais elle est, dans l'instant et
dans la succession, une totalité en mouvement vers un état privilégié qui donne
le sens de l'ensemble". La plupart des philosophes de l'histoire désignent
le sens de l'histoire ("une totalité en mouvement") par
une direction ("vers") et une fin de l'histoire (l' "état
privilégié qui donne sens à l'ensemble"). Refus de la contingence, une
exigence de sens, un enchaînement événementiel doué de sens, thèse métaphysique
qui rend l'histoire intelligible par une explication téléologique. Unité et
universalité de l’histoire (notion d’histoire universelle) et de l’humanité.
14.
Qu’est-ce que la ruse de la raison ?
- La raison, par une ruse, tire parti des
actions humaines pour faire avancer l’humanité sur la voie de la perfection;
les individus croient réaliser leurs propres buts, défendre leurs intérêts; et
ils ne font qu’accomplir, sans s’en rendre compte, un destin plus vaste qui les
dépasse
15.
Comment Marx explique-t-il l’histoire ?
- Marx développe lui aussi une philosophie de l’histoire (« le matérialisme historique »), héritée de Hegel, mais où le sens de l’histoire n’est pas la raison « idéaliste » hégélienne mais une dialectique qui serait immanente au développement économique. C’est la production matérielle de la vie qui crée l’histoire, production entendue comme un rapport complexe entre des forces productives (l’ensemble des moyens matériels et des puissances de tous ordres dont dispose la société humaine à une période historique déterminée) et des rapports de production (relations sociales nouées dans le processus de production).
- Idée donc que ce sont les conditions matérielles d’existence – les rapports de production économique et le développement des forces productives – qui forment la « base réelle » (l’infrastructure économique) déterminant la conscience des hommes, leurs représentations, les superstructures idéologiques, juridiques et politiques.
- Le texte donné en devoir soutient que le nerf de l’évolution historique est la contradiction entre rapports de production et forces matérielles de production. Cette contradiction suscite perpétuellement des conflits : la lutte des classes est finalement le noyau de l’histoire unitaire, c’est elle qui donne un sens global à l’évolution historique : « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » (Manifeste du parti communiste). On peut en effet se demander si cette conception matérialiste de l’histoire ne minore pas considérablement, comme celle de Hegel, le rôle des individus dans l’histoire. Or, rôle essentiel joué par la politiques sous la forme justement de la lutte des classes. Le moteur de l’histoire est le rapport social conflictuel. La temporalité historique est enracinée dans le présent et l’événement. Le communisme, qui est la société sans classes et sans Etat, est un combat, l’effet de la lutte des classes, et non un simple idéal vers lequel l’histoire tendrait.
16.
L’originalité de la conception kantienne de
l’histoire
- Sur le plan de la connaissance postuler un but final de l'histoire est une nécessité
méthodologique, une hypothèse plus qu’une réalité. La notion de fin chez Kant désigne un dessein moral,
une invitation de l’homme à maîtriser sa nature. Espérance d’un
monde où les hommes vivraient selon la raison, qui permet à l’homme d’avancer
et de ne pas sombrer dans le pessimisme. La notion de fin est à penser ici
comme possible.
17.
La fonction d’une téléologie de l’histoire.
- Comprendre, espérer, agir en unissant l'humanité dans un tout.
18.
Les principales critiques des philosophies de
l’histoire.
- L’articulation du sens et de la notion de fin. La critique relativiste. L’origine du totalitarisme.
19.
Que nous révèlent ces critiques sur la question du
sens de l’histoire ?
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