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III)
LA VIE DE MARX (document audiovisuel)
- Terme fondé à partir du nom de Karl Marx,
philosophe, économiste, homme politique allemand du XIXème siècle (1818-1883).
- Au sens strict, le marxisme désigne la philosophie
de Karl Marx et
de Friedrich Engels (1820-1895), ami et collaborateur de Marx, avec
lequel il écrit de nombreux ouvrages.
- Au sens large, doctrine de ceux qui se sont
réclamés de Marx ou ont été influencés par lui : penseurs, représentants d’un
parti, d’un régime politique, etc. Diversité des courants marxistes au XXème
siècle qui ont fait subir à la pensée de Marx et d’Engels des déplacements et
des réarrangements (notamment Staline).
- Le marxisme est à la fois une théorie à prétention
scientifique et un projet politique révolutionnaire : il s’agit
d’analyser la nature et l’évolution du capitalisme, de dénoncer la misère et
l’exploitation qu’engendre le capitalisme, d’oeuvrer à l’instauration
révolutionnaire d’une nouvelle société sans classes sociales et sans
oppression.
- Influence considérable au XXème siècle:
· doctrine officielle
des régimes dits communistes jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin en
nov.1984;
· espoir de salut pour
des millions d’hommes;
· a profondément
marqué l’évolution des sciences humaines depuis cent ans (histoire,
psychologie, économie, sciences politiques, sociologie, etc.).
- L’aura extraordinaire du marxisme sur la
pensée et la politique a cessé de rayonner à partir des années 80 pour plusieurs raisons
: effondrement du système soviétique, crise des partis d’obédience marxiste
(les partis communistes, par exemple), déclin profond du marxisme dans
l’université. De même, les difficultés rencontrées par la classe ouvrière dans
ses luttes, l’entrée dans la crise économique à partir de 1973, l’expérience de
la désillusion politique avec le relatif échec de la gauche au pouvoir (en
France, par exemple, avec le parti socialiste), ont entraîné progressivement un
certain désenchantement et le sentiment d’une impossibilité à changer ou à
améliorer l’état de la société. D’où une vigilance, un doute qui fondent sans
conteste le rapport actuel des jeunes à la politique (voir le livre d’Anne
Muxel, Les jeunes et la politique, pp. 15-21, Hachette, 1996). La génération
des années soixante, au contraire, partage des croyances fortes, des marqueurs
politiques référés non seulement à des théories existantes, et souvent
dominantes, mais aussi à des pratiques cohérentes. Il y a des projets, des
revendications dirigées dans le sens d’une vision progressiste de la société ;
l’idée de “révolution” sous-tend nombre de comportements et d’espérances ; une
grande partie de la jeunesse se pense alors comme un groupe porteur de la
nécessité de transformer la société.
- La situation qui a suivi l’effondrement du
mur de Berlin (novembre 1989) a été marquée par une vigoureuse offensive
idéologique autour du thème de la “mort du communisme et du marxisme”, relayé
par celui de la “mort des idéologies”. C’était, semblait-il, le triomphe du
libéralisme (voir le livre de Francis Fukuyama, La fin de l’histoire) et l’isolement total pour les “derniers
marxistes”, particulièrement en France.
- Or, dès la guerre du Golfe sans doute (janvier-fèvrier
1991), on en est venu à parler d’un “retour de Marx” dont témoignent de nombreuses
publications manifestant une réflexion renouvelée et une modification de
l’attitude des éditeurs par rapport à ce qui se passait précédemment : le livre
de Jacque Derrida, en 1993, Les spectres
de Marx ; l’ouvrage d’Etienne Balibar, La
philosophie de Marx, dans la petite collection “repère” visant un large
public ; les deux livres de Daniel Bensaïd, Marx
l’intempestif et La discordance des temps, salués par le journal Le monde comme marquant ce même retour
de Marx. On peut également signaler la tenue, en septembre 1995, à l’université
de Paris X, d’un congrès international “cent ans de marxisme, bilan et
perspectives” , organisé à l’initiative de la revue Actuel Marx : trois continents furent représentés (Europe, Amérique
latine, Etats-Unis) et plus de cent cinquante communications tentèrent de
répondre à la question : jusqu’à quel point faut-il conserver une actualité à
la pensée de Marx ?
- En réalité, la situation actuelle du
marxisme est celle d’un grand éclatement, de réalités diffuses et ambiguës qui
s’incarnent dans une nébuleuse de revues : Actuel
Marx (revue à statut universitaire, animée par des professeurs de
philosophie se revendiquant clairement du marxisme), la Revue M (initiée par les dissidents du parti communiste français) ,
La Pensée (publication du PCF), Critique communiste (revue de la Ligue
communiste révolutionnaire), et un ensemble de publications dont la référence
au marxisme est plus ou moins explicite (Le
monde diplomatique, Alternatives
économiques, etc.).
- Quant aux organisations politiques, et en
se limitant à la France, le panorama du marxisme est également contrasté : les
seuls partis qui se revendiquent du marxisme sont le Parti Communiste Français,
le courant trotskyste (notamment la Ligue communiste révolutionnaire d’Alain
Krivine et Lutte ouvrière d’Arlette Laguiller, candidate aux dernières
élections présidentielles), les communistes libertaires (mouvance de
l’anarchisme). Dans le parti socialiste, on peut trouver certains courants qui
se réclament du marxisme, soit anciens (Poperen), soit récents (des anciens
trotskystes du parti communiste internationaliste de Pierre Lambert animent,
par exemple, une revue dirigée par Pierre Broué, Le marxisme aujourd’hui ).
- Une telle diversité montre bien qu’on ne
peut pas parler de marxisme au singulier et qu’il existe une arborescence de
courants de pensée différents et souvent antagoniques :
· Le réformisme : courant qui se constitue
au sein de la seconde Internationale (1889-1914) et auquel se rattachent, après
la seconde guerre mondiale, les partis socialistes occidentaux et les partis
communistes. Il s’agit de concilier la liberté politique et la justice sociale
sans faire la révolution, en aménageant pacifiquement le système capitaliste.
· Le marxisme-léninisme : courant qui se
développe dans la IIIème Internationale (1919) et qui va devenir la doctrine
officielle de différents régimes communistes de l’après-guerre. Idée léniniste
d’un part d’avant-garde de la classe ouvrière réunissant des révolutionnaires
professionnels pour mener à bien la révolution et l’avènement de la société
socialiste. Il y a plusieurs tendances :
· le stalinisme : adapter le projet
marxiste aux conditions de la Russie (thème du socialisme dans un seul pays);
le stalinisme peut être interprété comme une dérive totalitaire et dégénérée,
dans des situations historiques bien particulières, du marxisme (cf. L’analyse
trotskyste) ;
· le maoïsme, le titisme,
etc.
· Les théologies de la libération : elles apparaissent
en Amérique latine dans les années 70 : alliance de Jésus et de Marx Þ expériences cubaine et nicaraguayenne (au Nicaragua, lors
de la révolution de 1979, trois jésuites participent au gouvernement
sandiniste, au grand dam de la hiérarchie catholique).
· Le gauchisme : l’anarchisme, le
trotskysme, le che-guevarisme. Ce terme a d’abord été forgé par Lénine pour
désigner certains révolutionnaires “trop pressés” qui prônent l’action
révolutionnaire immédiate (sans parti, utilisation de moyens illégaux).
Expression péjorative également utilisée par les militants des partis communistes
officiels pour critiquer les membres des groupes révolutionnaires qui
dirigeaient le mouvement de mai et de juin 1968 et qui étaient accusés de
pratiquer une politique aventureuse.
- Au reste, ce qui a permis de parler de
“marxisme”, c’est la constitution des orthodoxies de partis ou d’Etats. Il y a
certes, dans la théorie marxiste, un noyau dur : l’analyse et la critique du
capitalisme, de la logique marchande qui, aujourd’hui davantage qu’au XIXème
siècle, s’est emparée de tout (les biens matériels, la culture, l’information,
l’environnement, le corps avec le commerce d’organes …). Mais l’oeuvre de Marx
propose plutôt des pistes, pas toujours cohérentes d’ailleurs, des thèmes
(l’aliénation, la lutte des classes, le communisme, etc.) qui sont en plein
dans notre présent et qui peuvent nous aider à nouer un dialogue avec
l’histoire et le progrès .
- Marx et Engels étaient des intellectuels
bourgeois et non des ouvriers Þl’engagement de Marx
et d’Engels auprès des ouvriers est le fruit d’un engagement intellectuel et moral.
- Cet engagement résulte d’une confrontation
avec des situations sociales qui se développent devant leurs yeux et qui les
influencent profondément : grèves, misère ouvrière, révolutions (celle de
1848), insurrections (la Commune de Paris), naissance du mouvement ouvrier
(associations, syndicats, etc.), etc.
- Marx et Engels ont progressivement unifié
et transformé la philosophie allemande, l’économie politique anglaise, le
socialisme français.
- Projet général : analyse, à la suite de
Rousseau et de Hegel, de la déshumanisation de l’homme dans les sociétés
modernes. Il s’agit de combattre toutes les institutions et conditions dans
lesquelles l’être humain est un être exploité, mutilé, incapable de se réaliser
pleinement.
1) Une théorie de l’exploitation et de l’aliénation
- Marx examine, dans Le capital
notamment, le fonctionnement du capitalisme. Il montre que :
· la production
capitaliste consiste essentiellement en la production de marchandises destinée à être vendue
sur le marché (tout devient marchandise: les biens, le temps, les loisirs, le
corps humain…);
· la production est
effectuée dans des conditions de propriété privée des moyens de production Þ le pouvoir de disposer des
forces productives (instruments de travail : machines, outils, etc., les
travailleurs) n’appartiennent pas à la collectivité mais à des firmes séparées
(sociétés anonymes, groupes financiers, familles, etc.);
· la production est
régie par les impératifs
de la concurrence;
· le but de la
production est de réaliser le maximum de profit;
· l’ouvrier vend sa
force de travail au capitaliste pour le
prix d’un salaire. Mais le capitaliste n’achète pas tout le travail effectué
par l’ouvrier, il lui paye uniquement ce qu’il lui faut pour vivre (nourriture,
logement, habillement, etc.);
· l’ouvrier peut
produire plus de richesses qu’il n’en nécessite pour vivre. Dans sa journée
(ex: 8 heures), l’ouvrier travaille d’abord pour son entretien (temps de
travail nécessaire : 4 heures, par exemple), puis il continue à travailler
gratuitement pour le capitaliste : ce travail supplémentaire (sur-travail
: 4 heures qui restent sur sa journée de travail) est appelé plus-value;
· la source unique du profit est la
plus-value, c’est-à-dire le surtravail de l’ouvrier. Le travailleur ne reçoit pas
les fruits de la richesse qu’il produit, le profit est confisqué entre les
mains du capitaliste, propriétaire des moyens de production;
· le développement du
machinisme, sous l’impératif de la recherche du maximum de profit, implique une
subordination de
plus en plus brutale du travailleur à la machine, aux lois du marché
: aliénation Þ le travail humain est réduit
à une marchandise; l’homme est réduit au rang de simple chose; le travail de
l’ouvrier est un travail forcé; l’objet qu’il produit semble lui échapper Þ au lieu que le travail soit
approprié à l’homme, afin de satisfaire ses besoins, c’est l’homme qui est
approprié à la machine, selon les fins, purement économiques, du profit.
2) Les lois d’évolution
du capitalisme
- La concurrence conduit le
capitalisme à réinvestir en permanence une partie du profit dans l’amélioration
de son outil de production. D’où :
· la tendance à la mécanisation de plus en plus
grande de la production;
· la concentration des entreprises aux mains de
quelques capitalistes, les plus puissants;
· l’augmentation du
chômage et la baisse relative des salaires
Þ paupérisation
croissante de la population;
· la baisse tendancielle du taux de profit : le capitaliste
préfère investir dans des machines, qui augmentent la productivité (donc le
profit) et qui ne se révoltent pas, plutôt que dans des salaires.
L’augmentation du capital constant (machines, bâtiments) fait baisser le
capital variable (les salaires). Seul le capital variable, le travail humain
produisent du profit Þ le profit baisse.
· crises périodiques de surproduction : les capacités de
production sont sans cesse augmentées, au détriment des capacités de
consommation. Cela entraîne la misère, le chômage, la guerre, qui sont des
moyens , pour le capitalisme, de restaurer le profit et de pallier ses
contradictions. Ces crises et contradictions doivent s’aggraver et permettre le
renversement révolutionnaire du système capitaliste.
- Selon Marx, la paupérisation qu’engendre le
capitalisme conduit à la révolte des opprimés contre le système capitaliste :
· dans la société
capitaliste, il y a une lutte permanente qui met aux prises deux classes
fondamentales : la
bourgeoisie et le prolétariat;
· cette lutte doit
conduire à la révolution
si les travailleurs savent s’organiser en un parti politique autonome et
clairement révolutionnaire.
- Cette lutte des classes n’est pas propre au monde
capitaliste : elle est le moteur de l’histoire.
- Le but de la révolution est de substituer à la
société bourgeoise une société communautaire sans classes, dans laquelle la solidarité
sociale remplace le désir d’enrichissement individuel comme mobile essentiel
d’activité Þ permettre le développement
harmonieux de tous les individus.
- Conditions : abondance de biens, développement
prodigieux de la technique moderne permettant la disparition de la pénurie et
l’élévation du niveau de qualification de l’humanité. Mais aussi
transformations progressives des mentalités, des rapports entre les individus,
de la société en général.
- Les étapes de la construction de la
société sans classes sont :
·
étape de transition du capitalisme vers le socialisme :
· la dictature du prolétariat: l’Etat subsiste
pour défendre l’intérêt des travailleurs, mais commence aussitôt à dépérir;
· survie partielle de
la production marchande et de l’économie monétaire, de plusieurs classes et
couches sociales;
· planification,
appropriation collective des grands moyens de production;
· développement de la
démocratie et de l’auto-gestion.
· étape du socialisme :
· dépérissement des
classes sociales par la disparition de l’économie marchande et monétaire;
· disparition de
l’Etat;
· autogestion,
socialisation des moyens de production, le surtravail du travailleur revient à
la société tout entière;
· la rétribution de
chacun, même si les besoins de base sont gratuitement satisfaits, continue à
être mesurée en fonction de la quantité de travail fournie à la société.
· étape du communisme :
· principe général: “de chacun selon
ses capacités, à chacun selon ses besoins”;
· disparition de la
division du travail, de la séparation du travail manuel et intellectuel;
· la société est
organisée sous la forme de communes libres de producteurs-consommateurs,
capables de s’administrer eux-mêmes sans aucun organe séparé.
- Le communisme est donc l’étape supérieure, ultime,
du développement historique après le renversement du système capitaliste. Marx
s’est néammoins refusé à “donner des recettes pour les marmites de l’avenir”;
l’organisation concrète de cette société n’est pas proposée.
- Pour Marx le communisme n’est pas une
utopie; il est certes un idéal, une idée régulatrice, un pari sur la
rationalité de l’humanité, mais il est inscrit dans le développemnt de
l’histoire humaine et suppose que soient réalisées des conditions à la fois
économiques, politiques, sociales, culturelles.
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