RAPPORT DE L'IGAENR ET DE L'IGEN (Inspection Générale de l'Education Nationale) SUR L'EVALUATION DE
L'ENSEIGNEMENT DANS L'ACADEMIE DE PARIS
Le mot du Recteur
L'Inspection Générale de l'Education nationale et l'Inspection Générale de l'Administration de
l'Education Nationale ont remis leur rapport d'évaluation de l'enseignement dans l'Académie de
Paris à Monsieur le Ministre de l'Education Nationale fin octobre 2004.
/
.../... 2.3. les directeurs d'école:
2.3.1. Les directeurs au service de la Ville de Paris
- Les directeurs des écoles de l'académie de Paris bénéficient d'un régime de décharge de
service supérieur à tous leurs collègues français : plus de 97 % d'entre eux qui dirigent une
école de cinq classes ou plus bénéficient d'une décharge totale d'enseignement tandis que 16
directeurs, dans des écoles de moins de 5 classes, bénéficient seulement d'une demi-décharge.
Ce régime particulier a, entre autres caractéristiques, celle d'être hors norme au plan national
et de traiter de la même manière un directeur d'une école de 5 ou 6 classes et celui qui en
dirige une de 10, 15 ou 19 classes.
C'est d'ailleurs l'un d'entre eux, chargé d'une très grosse
école, qui a récemment demandé à être déchargé de ses fonctions administratives et à revenir
au lot commun national. La Mairie va reprendre en charge ses affaires pour les confier à un
personnel administratif dédié, ce qui manifeste donc bien que le retour à une situation
ancienne est statutairement possible.
C'est la Ville de Paris qui finance la différence de régime des directeurs pour un coût annuel
de 13 M. d'euros. La raison officielle en est la prise en charge par ces fonctionnaires de tâches
administratives qu'ils accomplissent pour la commune.
Ce rôle (décompte des effectifs, services de cantine, services d'études, récolte d'argent, etc.)
que pourrait exécuter un agent administratif pèse d'un poids singulier dans l'activité des
fonctionnaires de catégorie A que sont les directeurs. Tous ceux qui ont été interrogés ont
déclaré que leur activité pour le compte de la Ville n'occupait pas moins de 50 % de leur
temps de travail. La mission a étudié de manière approfondie la réalité de telles affirmations.
L'examen précis des agendas et des tâches particulières fait apparaître, en fin de compte, une
occupation moyenne d'environ 25 à 30 %, selon les cas, du temps de travail des directeurs.
C'est sans doute l'accumulation de ces travaux sur certaines périodes particulières qui fait
penser aux directeurs qu'ils sont davantage mobilisés par la ville que ce n'est le cas. En effet,
la mission a vérifié qu'à d'autres périodes de l'année le travail était bien moindre.
Cette situation peut toutefois entraîner plusieurs conséquences négatives : elle place tout
d'abord les directeurs dans une relation de forte dépendance à l'égard de la Ville alors
qu'avant d'être à son service ils sont des fonctionnaires appartenant à la chaîne hiérarchique
de l'Etat ; elle leur donne un pouvoir administratif très important dans la vie de l'école qu'ils
dirigent ; elle tend à ce que les directeurs privilégient leurs tâches administratives aux dépens
de leur responsabilité pédagogique ; elle incite certains d'entre eux à établir une relation
distante vis à vis de leur IEN et de l'institution de l'éducation nationale en général.
52
Dans un domaine particulier le rôle joué par certains directeurs appelle la critique
la prévision des effectifs d'élèves. Depuis des années les différences entre les élèves attendus
et ceux effectivement présents dans les classes se maintenaient à un niveau important. Pour la
dernière rentrée, l'académie, se basant sur les données transmises par les directeurs, avait
prévu une augmentation de 1500 élèves dans le 1er degré. En réalité les écoles ont accueilli
600 élèves de moins que les effectifs antérieurs. La situation était telle que les autorités
académiques ont demandé aux IEN en octobre 2003 un comptage individuel des élèves dans
toutes les écoles de Paris. Les derniers chiffres obtenus ont confirmé l'évolution constatée et
l'existence de nombreux « fantômes » dans certaines écoles.
>>> Ces « différences » ont des conséquences graves. Elles se traduisent par le financement par le
ministère de moyens supplémentaires au détriment d'autres académies réellement
déficitaires ; elles interdisent des fermetures de postes dans certaines écoles alors que les
effectifs le justifieraient (dans une école visitée par la mission et qui n'est pas située en REP,
il est maintenu depuis plusieurs années 9 emplois pour 174 élèves alors que 7 maîtres
suffiraient pour accueillir un effectif moyen de 25 élèves) ; de nombreuses places sont
maintenues vacantes dans les écoles maternelles alors que des enfants « inscrits » par la
mairie n'y ont pas été « admis ».
Les efforts entrepris récemment par l'académie pour clarifier la situation doivent être
poursuivis avec opiniâtreté. Il est assez facile, pour la mairie comme pour l'académie, de
repérer les écoles qui ne jouent pas le jeu sincère sur les prévisions d'effectifs. Leurs
directeurs doivent être rappelés à leur devoir. En outre, à présent que le nouveau logiciel
municipal de gestion des effectifs, GEPI, est disponible dans chaque circonscription, il est
indispensable que les IEN eux-mêmes « prennent la main » sur le système et interviennent
directement dans les fichiers comme ils ont toute légitimité à le faire et comme la municipalité
elle-même le souhaite. Des actions de formation continue pourraient éventuellement être
organisées dans ce sens à leur attention.
2.3.2. le rôle d'animation et de pilotage pédagogique des directeurs
Ce rôle est très diversement assumé par les directeurs et les visites effectuées par la mission,
de même que les observations des IEN et des maîtres eux-mêmes, ont confirmé l'extrême
variabilité de l'engagement pédagogique de ces responsables de terrain. On constate tout
d'abord, à Paris comme ailleurs, l'effet de leur absence de statut. A cette difficulté s'ajoute le
refus, par nombre d'enseignants, de reconnaître au directeur un rôle de pilotage, voire
d'animation pédagogiques au prétexte qu'ils ne sont pas leur supérieur hiérarchique.
A Paris,
rares sont encore les directeurs qui entrent dans les classes, assistent à des séquences, donnent
des conseils professionnels.
En pratique, trop peu d'entre eux, occupés à des travaux administratifs d'exécution, se mêlent
de pédagogie alors qu'ils ont été choisis et formés pour cela.
C'est ainsi que, dans une école
visitée au début du mois de décembre, le directeur n'avait encore ni rendu visite dans sa classe
ni même invité dans son bureau la jeune maîtresse débutante à laquelle il avait confié un CP.
Cependant, et en particulier dans les circonscriptions difficiles ou dynamiques, l'intervention
des directeurs se révèle efficace et utile : dans telle école maternelle, la directrice conduit des
ateliers de langage et joue un rôle clé dans le pilotage pédagogique, dans telle école
élémentaire le directeur prend en charge l'objectif de continuité, notamment en organisant des
évaluations communes à un niveau en cours ou en fin de cycle, dans telle autre le responsable
développement de la culture de l'évaluation et de la pédagogie différenciée, pour les parcours
particuliers dans le cycle, pour le travail concerté avec les RASED.
C'est dire que des avancées pédagogiques sont possibles même dans la situation actuelle. Il y
faut de la détermination et du savoir-faire de la part des directeurs, une approche très
professionnelle (lectures, formation continue, auto-formation) pour les questions
pédagogiques vis à vis des maîtres qui leur sont confiés, une liberté d'esprit gagnée sur le
temps consacré aux besognes administratives, un soutien affirmé de la part des IEN et des
autorités académiques. A cet égard des efforts simultanés doivent être faits pour que les
directeurs d'école soient mieux encadrés et leurs responsabilités mieux reconnues dans le
même temps qu'ils se sentiront eux-mêmes davantage partie prenante de la hiérarchie
académique, ce qu'ils sont effectivement.
2.3.3. les rémunérations complémentaires et divers avantages
Outre la décharge entière de service qui concerne presque tous les directeurs de Paris, ceux-ci
bénéficient de divers avantages complémentaires.
Il y a d'abord ceux qui relèvent de leur
statut de fonctionnaires d'État et qui sont les mêmes que pour leurs collègues de province.
Mais les directeurs perçoivent également, de la part de la Ville de Paris, des traitements
accessoires, souvent conséquents, recensés dans un bulletin de salaire distinct.
Ils bénéficient
aussi fréquemment d'un logement de fonction, ce qui, dans la capitale, représente un avantage
en nature particulièrement attrayant (les directeurs, lorsqu'ils sont professeurs des écoles,
paient un loyer mensuel égal à l'indemnité représentative, soit 217 euros par mois) 27.
La mission considère que les indemnités que perçoivent les directeurs de la part de la
municipalité représentent un avantage qui est déjà compensé par la décharge totale de service,
de telle façon que l'on peut dire que la Ville de Paris paie deux fois pour l'accomplissement
des mêmes tâches 28.
Malgré le versement de ces rémunérations complémentaires et contrairement à la
réglementation, le rectorat, employeur principal, ne tient pas de fichier de cumul et ne
rapproche pas les bulletins de salaire édités d'une part par le Trésor public, d'autre part, par la
Mairie, laquelle ne lui fournit d'ailleurs pas de copies. Il se trouve ainsi dans l'incapacité de
jouer son rôle normal vis à vis des services fiscaux. La régularisation est ici indispensable.
>>> Au total, les directeurs bénéficient de conditions de travail, de logement et de salaire
particulièrement attrayantes.
Une des stratégies mises en place pour obtenir des rémunérations
complémentaires (on pense ici tout particulièrement à la « barre » des dix classes qui est
déterminante en matière d'avantages financiers) consiste à faire affecter à l'école une ou
plusieurs classes particulières (CLIS, CLIN, etc.) ou à y faire rattacher les maîtres spécialisés
du RASED qui font alors bénéficier le directeur des rémunérations qu'entraîne l'existence
d'une classe d'adaptation.
27 on trouvera en annexe 3 un état et une analyse détaillés des rémunérations accessoires des directeurs
28 Il existe en outre une particularité dans le domaine des primes qui consiste à réserver un régime plus
avantageux aux personnels exerçant dans le 18ème arrondissement. L'explication de cette spécialité n'a pu être déterminée.
Ce dernier point permet d'expliquer pourquoi, malgré des textes officiels nationaux déjà
anciens et les recommandations répétées, les maîtres E des RASED ne sont toujours pas
rattachés à leur circonscription, ce qui rendrait pourtant leur intervention au sein du réseau
plus cohérente et faciliterait le travail des IEN. Il est vivement recommandé aux autorités
académiques de prendre enfin cette décision.
2.3.4. recommandations concernant les directeurs d'école :
- Il est recommandé à l'académie de Paris d'établir le choix des directeurs d'école en
fonction du seul profil des candidats, indépendamment de tout barème qui ne donnerait
pas la préférence à des critères de compétence professionnelle.
Dans cet esprit, il est
recommandé d'abandonner le système actuel qui donne une priorité aux personnels
parisiens de manière à faciliter l'entrée dans l'académie de personnels jeunes et motivés.
- Sur la question du partage de leur tâches entre l'académie et la ville, une convention
pourrait être établie pour faire évoluer la situation.
En effet, avant que d'être les
« intendants » pour le compte de la Ville, les directeurs sont d'abord, au nom de l'État, les
garants locaux de l'intérêt des élèves. Pourrait-on envisager une solution globale dans le
cadre d'une plus grande déconcentration des tâches, au niveau des circonscriptions
d'action scolaire de la Ville de Paris, par exemple ?
- La prise en charge de ces tâches quotidiennes par des agents municipaux (de la Dasco) remettrait
évidemment en cause le système des décharges de service, Paris étant alors aligné sur le
régime commun. Cette évolution pourrait se faire progressivement.
>>> Une fois déchargés
des tâches administratives, les directeurs pourront être sollicités à nouveau pour s'engager
plus résolument dans le pilotage pédagogique de leur école et l'animation de ses
enseignants, en liaison avec l'IEN et les autorités académiques.
./ .