GUY DEBORD ET LE LETTRISME



    Guy Debord est né à Paris en 1931 et s'est suicidé en 1994 aux suites d'une polynévrite alcoolique.  Dans ce cas ci, une seule phrase peut être suffisante pour dévoiler le drame d'une existence, soixante trois années mouvementées pour cet homme qu'on a simultanément applaudit  ou joyeusement livré au bourreau. Si l'on fait un bilan, les faits et gestes de Debord ont suscité plus de haine que de respect.  Ce n'est qu'avec l'arrivée d'une nouvelle génération de jeunes intellectuels et journalistes, que l'on a commencé à approcher l'oeuvre de G.Debord d'une manière «plus cartésienne». Debord est environné par le scandale, mais reste à savoir ce qui est scandaleux : les idées de Debord ou la société coincée, gaulliste, bourgeoise qu'il affronte ?  Il faudra attendre que les frasques de mai 1968 soient oubliées, pour que son oeuvre puisse être livrée aux yeux d'une critique plus juste et attentive.

    Dans un premier temps il serait bon de consulter une brève biographie1 de G.Debord et ses oeuvres, ceci aidant à mieux jauger l'homme en question. Il est très difficile de répondre à la question : Qui fut Guy Debord ?  C'est un homme clandestin par goût ou par nécessité, une figure des plus énigmatiques, des plus obscures ? une obscurité que ses livres les plus récents n?ont fait que renforcer. Mais toujours est-il qu'il est de plus en plus cité, commenté, reprit, détourné.  Docteur et agitateur en rien est sa formule d'introduction, son officielle carte de visite.  Tout chez lui, transpire l'anomalie, il fut tour à tour un penseur inclassable, un polémiste brillant, un cinéaste suscitant le scandale.  Dans cette étude je m'intéresserai plutôt à l'écrivain et son rôle au sein du situationnisme, un des derniers mouvements d?avant-garde de ce siècle.

    Les racines du situationnisme sont étroitement liées au Lettrisme.  Si l?on critique l'engagement trop extrémiste des situationnistes, il faut se rappeler que Guy Debord ne vient pas d?un substrat politique gauchiste ou Léniniste.  C'est en artiste qu'il a fondé le situationnisme, et non en politicien.  Sa prose, son écriture stylistique font transparaître l'écrivain poète, un homme qui désirait faire de la poésie sans poème, il vivait dans la poésie de l'action.
    En 1951 il rencontre Isidore Isou (fondateur du lettrisme 1945),  lors du 4eme festival de Cannes, admiratif de son premier film (Traité de bave et d?éternité), il décide de joindre le mouvement lettriste.  Le lettrisme est né en réponse au contrôle poussif de Breton sur le surréalisme jugé trop dirigiste par certain artiste. Il participe aux activités du groupe et réalise un film dans la lignée du mouvement lettriste : Hurlements en faveur de Sade, une alternance d'écrans blancs et noirs sur lesquels sont superposés des dialogues.  La projection du film crée un scandale que Debord s'empressa d'aviver, recherchant l'attention du public.  Isou désavoue la position trop radicale et l'attitude révolutionnaire de Debord, amorçant ainsi une séparation officielle.  Debord, heureux de se débarrasser du messianisme d'Isou, fonde l'international lettriste, recrutant ses membres parmi la jeunesse rebelle, écumant les bars de Saint Germain des prés, griffonnant sur les murs de la rive gauche :  « L'éther est en vente libre », « Ne travaillez jamais », « Laissez nous vivre », slogans précurseurs de la révolte étudiante de mai 1968.  En dehors de ces amusement, les lettristes inaugurent la revue Potlatch, basée sur une critique de l'actualité internationale.
    Les lettristes prennent part à différentes manifestations auprès des surréalistes : Les deux groupes dénoncent la commémoration du centenaire de Rimbaud en 1954, dénoncent le retour et la politique du général De Gaulle en Algérie, dénonce une politique utilisant la bombe atomique comme pilier de soutient.  Des dissensions existent entre les deux groupes : Les surréalistes reprochent aux jeunes lettristes le parfum marxiste de leurs slogans, mais dans bien des cas ils font front commun.  Debord collabore à la revue belge Lèvres nues, revue d'inspiration surréaliste ou il publie avec Wolmam un mode d'emploi du détournement.
    Les lettristes s'associent aussi aux thèses antifonctionnalistes d'Asger Jorn fondateur de COBRA (COpenhague, BRuxelles et Amsterdam), mouvement d?avant-garde artistique et du MIBI (Mouvement International Bahaus Imaginiste) réfutant la pédagogie idéologiquement favorable au fonctionnalisme (prôner par Le Corbusier) et au caractère trop abstrait du Neo-Bahaus (Bahaus de Gropuis).  Asger Jorn publiera plusieurs textes dans la revue Potlatch et apposera sa signature au coté de Debord et Wolman lors de la rédaction de certain tract soutenant les actions de l'international lettriste.  En 1957, l'International lettriste se fuse avec le Bahaus Imaginiste de Jorn et le comité psychogéographique de Londres pour créer l'Internationale Situationniste.  Guy Debord définit les grandes lignes de la tendance situationniste et sera le directeur de la revue Internationale situationniste.
 
 

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