La période artistique de l'International Situationniste 1957-1962
Les situationnistes épousent l'attitude des dadaïstes et surréalistes, recherchant un dépassement de l'art, réclamant parmi d'autres l'héritage d'Isidore Ducasse, Marcel Duchamp, Casémir Malévitch. Le point est de mettre fin aux pratiques artistique classiques. Ils auront recours à la psychogéographie, à l'urbaniste unitaire pour élaborer et expérimenter des situations éphémères et poétiques. Ils sont souvent incompris et rejetés par l'intelligentsia française : « Une soi-disant Internationale situationniste qui s'imagine apporter du nouveau en créant l'équivoque et la confusion » (Benjamin Peret in Bief, n0 1, 15 novembre 1958). Il est vrai que leurs thèses sont parfois ambiguës et peu claires, comme tente de l'expliquer Debord :
Il n'y a pas de situationnistes, je ne suis moi-même situationniste que du fait de ma participation en ce moment et dans certaines conditions, à une communauté pratiquement groupée en vue d'une tache, qu'elle saura ou ne saura pas faire. (Revue Internationale situationniste, août 1964)
Cette «tache » serait une activité
cherchant à faire les situations et non pas à les reconnaître
comme valeur explicative d'une pratique sociale ou de l'histoire individuelle.
Il s'agit de remplacer la passivité existentielle par la construction
des moments de la vie, remplacer le doute par l'affirmation ludique.
Contrairement à leurs prédécesseurs, les situationnistes
ne veulent pas interpréter les situations mais les transformer.
Il faut pour cela retrouver la liberté totale et la concrétiser
dans des actes et dans l'univers de l'imaginaire, hors des oppressions
quotidiennes.
Cette soif de liberté et cet
appel à l'imaginaire s'apparente comme un hommage au mouvement surréaliste.
D'ailleurs les situationnistes vont regrouper dans leur sillage et pour
un temps plusieurs groupes apparentés au surréalisme.
Debord va réussir à établir un noyau dur regroupant
lettristes de Paris, surréalistes de Belgique et Imaginiste Bahaus,
ce mixte culturel se voudra la glaise d'une véritable avant-garde
artistique européenne.
Les situationnistes, tout d'abord
entament un tournant artistique qui durera jusqu'à la leur 6eme
conférence. Ils recherchent à montrer combien les artistes
contemporains sont devenus victime de la société de consommation
: ils font de l'art comme on fait des affaires. En 1959, Asger Jorn
et Pinot-Gallizio montent des expositions à Paris de peintures dites
de «détournement ». Jorn achetait des tableaux d'artiste
inconnu au marché aux puces puis les transformait. Pinot-Gallizio,
il peignait d'immenses toiles (145m de long) qu'il vendait et coupait à
la mesure. Quant à Debord, il s'engage sur la voie littéraire.
En étroite collaboration avec Jorn, il travaille sur La fin
de Copenhague (1957, réalisé en vingt-quatre heures) et Mémoires
(collage d'éléments artistiques préfabriqués,
1958), expérimentant dans ces deux ouvrages le détournement
des formes d'expression populaire (ils utilisent comme supports des bandes
dessinées, publicités, plans et gravures anciennes et caricatures).
Le concept de Détournement
est réalisé par un détournement d'éléments
esthétiques préfabriqués, il ne peut donc y avoir
de peinture ou musique originellement situationniste. Ce qui est
situationniste est l'usage situationniste de ces moyens. Le détournement
est une mise en critique des sphères de cultures anciennes illustrant
ainsi le dépérissement de ces oeuvres utilisées comme
support artistique.
En 1959 et 1961, Debord renoue avec
le cinéma, réalisant deux films : Sur le passage de quelques
personnes à travers une assez courte unité de temps et Critique
de la séparation. Ces deux films essais s'inspirent des techniques
de détournement et des oeuvres de Malévitch. Le détournement
a de toute évidence des ramifications qui demandent à plonger
dans le domaine politique, ce que fera Debord et les situationnistes après
1961.