La société du spectacle
Après cette crise de l'IS, Debord fait chemin seul et travail à la publication de La société du spectacle, écrite l?année précédente les événements de mai 68. Sa rencontre et nouvelle amitié avec Gérard Lebovici, fondateur des éditions Champ libre, sera déterminante pour la carrière des deux hommes. Lebovici rééditera La société du spectacle en 1971, ainsi qu?organisera une diffusion continue des oeuvres cinématographiques de Debord au Studio Cujas (petite salle de cinéma à Paris).
La société du spectacle
est considérée à juste titre comme, non pas l?unique,
mais comme la principale source des théories situationnistes.
Le livre est une suite de deux cents vingt et un articles répartis
sur neufs chapitres.
Dans un premier temps, Debord nous
expose ce qu'il appelle La séparation achevée (Chapitre 1).
Cette séparation une tentative de représentation du réel
et d?une part du vécu. Il faut comprendre que Le spectacle
représente la société comme un élément
d?unification, c'est un rapport social entre des personnes médiatisées
par des images. Il peut être présenté sous forme
de publicité, de propagande, d'information ou de consommation directe
de divertissements. Le spectacle est la justification du temps vécu
hors du temps de travail, il est le langage de la séparation généralisée.
Dans le deuxième chapitre,
La marchandise comme spectacle, Debord nous démontre que Le spectacle
a réussit à changer la nature de la sensibilité humaine,
nous sommes entrés dans une ère de fétichisme marchand.
Cela introduit un des thèmes principaux de la philosophie debordienne
: Nous avons changé la nature de notre «quête»,
au lieu de rechercher la connaissance du soi (être), nous cherchons
à satisfaire notre ego en consommant (avoir). Ce changement
est le résultat d'un lent travail de lavage de cerveau de la part
du monde médiatique, et ce dernier est évidement au service
de la société de production. Les qualités de vie du
citoyen ne se sont pas améliorées, au contraire, il devient
un esclave de la société marchande, il devient un consommateur
d?illusions. Ce processus d'aliénation de l'individu contribue
à la falsification de la vie sociale, et à ce qu'appel brillamment
Debord : La survie augmentée (ch2, 40).
Les autres chapitres renforceront
cette critique du règne irresponsable de la marchandise et des méthodes
des gouvernements modernes. Les années qui suivront la publication
de La Société du Spectacle verront la naissance d'une fervente
critique contre Debord. Il sera tour à tour insulté,
ses propos repris et dénaturés :
Visiblement Debord est plus à l'aise pour réduire à néant les inepties (prévisibles) de Globe, d'Actuel ou de l'Idiot internationale que pour répondre aux critiques qui lui viennent du milieu radical ; s'il puise sans effort dans ses réserves d'humour et de distance pour ridiculiser sans appel les Grandes Têtes Molles de notre époque, c'est un Debord stressé, sec, sans voix et dépourvu de capacité de réplique que l'on rencontre alors. Plus grave, ces critiques reprises des milieux radicaux sont volontairement mises par Debord sur le même plan que les déformations produites par les médias. (Barthélémy Schartz, Debord aux Galeries Lafayettes, http://www.babelweb.org/ab-irato/debord.htm)Dans bien des cas, Debord est bien à l'aise lorsqu'il s'agit de railler les journalistes de la presse écrite, mais lorsqu'il est question de discuter du devenir de la société, on trouve le prosaïquement silencieux. Il a souvent été considéré regrettable qu'il ait accordé autant d'importance aux critiques médiocres, et semble s'être défilé lorsque confronté à des questions sensées d?intérêt. Il rédigera quelques années après, en 1988, Commentaires sur la société du spectacle aux éditions Gérard Lebovici. Debord ne fait que réactualiser ses théories, commentant sur la modernisation du spectacle et quelques conséquences de son application.
Le 5 mars 1984, son éditeur,
Gérard Lebovici est assassiné. La presse se lance dans
une violente campagne contre Debord, insinuant qu'il pourrait être
le commanditaire de ce meurtre (il existait un diffèrent entre les
deux hommes à cette période la). Debord réplique
par une série de procès en diffamation qu'il remportera.
Suite à ce malheureux incident, il publie Considération
sur l'assassinat de Gérard Lebovici. Mais le mal est déjà
fait, Debord est, et restera jusqu'à sa mort, la bête noir
de la presse parisienne. Il ira jusqu'à publier Cette mauvaise réputation..
livre tentant de répondre aux articles le visant entre 1988 et 1992.
A quelques exceptions près (Panégyrique, 1989), Debord
ne répondra pas aux formidables promesses de continuité qu'avait
annoncée La société du spectacle. L'écrivain-stratège
ayant choisit de répondre aux mièvres accusations de la presse,
plutôt que d'essayer de trouver une cure au mal d'une société
moderne qu'il avait si brillamment mis à nu.