Le char d'assaut
Définitions
Introduction:
Le char d’assaut apparut dans le combat moderne durant la Première Guerre mondiale. Historiquement, il est le prolongement direct du duel séculaire entre le projectile et la cuirasse. Mais en 1917, il servit à briser l’impasse créée par les combats de tranchées qui ont figés le front européen depuis l’automne 1914. Mais le char de 1917 n’était pas un instrument très au point. C’était un modèle incon fortable dont la vitesse maximale était de 5 milles à l’heure. Douze soldats parta gaient un espace restreint avec au milieu un moteur Daimler à essence de 75cv. Les gaz d’échappement et la fumée provenant des tirs rendaient l’atmosphère ir respirable ; mais au moins, grâce à ce nouveau véhicule, les soldats pouvaient pro gresser à l’abri des balles et des éclats.
Origine :
Pour la conception du véhicule, le gouvernement britannique s’en remit à la marine pour la conception et l’acheminement de ces engins en sol français. Inter rogés par des passants sur le type d’engins qui s’offraient devant leurs yeux, les marins anglais affirmèrent qu’il s’agissait de réservoirs automoteurs navals ; d’où le surnom de tanks pour ces curieux navires de fer. Les officiers de l’armée britannique de formation conservatrice se méfiaient de cette curieuse mécanique, mais en 1917, l’impasse et les pertes sur le terrain étaient si grandes que le haut- commandement allié était prêt à essayer n’importe quoi.
Emploi :
Les chars d’assaut furent utilisés pour la première fois à Cambrai en Mai 1917 et ils firent une forte impression sur leurs adversaires. Les nids de mitrailleuses et les barbelés furent aisément franchis, et des progressions quotidiennes furent en registrées. C’était un véhicule conçu pour casser des obstacles et pour protéger la progression de l’infanterie. Les deux modèles alliés les plus utilisés furent le Mk1 britannique, surnommé Mother, et le MkA, surnommé Whippet, un peu plus pe tit et agile. Les Français introduisirent également leur premier modèle Renault. L’attaque de chars en petits paquets provoqua initialement une réaction psycholo gique de panique chez les fantassins allemands semblable à celle qu’avaient éprou vé les fantassins vis-à vis une charge de cavalerie. Mais rapidement la panique se par le canon ou la mine. Rapidement, le front occidental se stabilisa de nouveau. De plus, les Allemands introduisirent quelques prototypes de chars en service actif. Le A7V apparut lui-aussi sur le champ de bataille. Bref pour le soldat, le char devint une autre partie du paysage de la guerre moderne.
Concepts et évolution:
A la fin de la Première Guerre mondiale, le char d’assaut partaga le podium des nouveautés militaires avec l’auto-mitrailleuse blindée et l’avion. Durant l’entre-deux guerres, les théoriciens militaires essayèrent de lui trouver une niche tactique bien à lui et à l’intégrer pleinement dans la doctrine de combat des esta blishments militaires, mais sans succès. Comme nouveauté technologique, le char a eu (sans jeu de mots) beaucoup plus de difficultés à percer le mur des préjugés que l’avion de bombardement ou bombardier. Au milieu des années 20, les pays industrialisés s’étaient informellement centrés sur deux modèles: un char léger pour la reconnaissance en force, et un char lourd pour l’appui de l’infanterie. A peu de choses près, ces mêmes armées percevaient le char léger comme un moyen de reproduire, en groupe, les charges de cavalerie d’antan avec moins de risques et de meilleurs résultats que les chevaux. De plus, il étaient surs qu’une fois ébran lés par une attaque de chars légers ou par un pilonnage d’artillerie, le char lourd protégerait la progression de l’infanterie, tout comme en 1917-8. On pensait de cette manière autant à Londres, qu’à Paris, qu’à Tokyo ou à Washington.
L’approche allemande:
L’armée allemande de l’entre-deux guerres, la Reichwehr, partageait cette ap proche réservée du char d’assaut. Cependant, une fraction très minoritaire de cel le-ci, regroupée autour du colonel Heinz Guderian, percevait le char d’assaut comme un moyen de progresser rapidement pour bousculer une ligne de front en nemie. Il ne voyait pas le char comme un accessoire de nouveau riche ou comme une excentricité à utiliser prudemment, mais comme l’un des deux éléments essen tiels de la réussite d’une attaque, voire même d’une offensive; l’autre élément étant l’avion. Pour les colonels Guderian et Student (ce dernier transféré à la Luftwaffe en 1936), l’utilisation combinée et complémentaire du char d’assaut et de l’avion sera la clé de la victoire sur des adversaires à la fois lourdaux et supé rieurs en nombre: L’aviation pilonne le front, les chars d’assaut bousculent en le perçant, et l’infanterie ne fait que suivre et ramasse les prisonniers. C’est la Blitz krieg, la guerre-éclair. Pour arriver à cette fin, Guderian affirme que le nombre de chars doit l’emporter sur leur poids. Avec le réarmement allemand des années 30, le concept de la Blitzkrieg n’est pas accepté intégralement par le haut-com mandement allemand. Les généraux d’infanterie qui le compose refusent de lais ser le rôle essentiel d’une attaque qu’aux seuls chars et avions. Guderian doit plier au profit d’un concept dit de guerre aéro-terrestre ou le char d’assaut et l’a vion doivent composer avec les exigences d’une armée majoritairement non-mé canisée, et coopérer opérationellement avec elle sur le terrain.
Qu’est-ce qu’un char d’assaut?
En conséquense, le char d’assaut est un véhicule blindé et chenillé conçu pour a gir en masse et loin. C’est une arme essentiellement offensive, destinée à briser une ligne de front ennemie en coopération étroite avec l’aviation, notamment celle dite d’attaque au sol. Sa caractéristique structurelle est sa mobilité. Une com paraison avec les autres véhicules blindés et chenillés s’impose pour vraiment cer ner ce qu’est un char d’assaut en fonction des critères de protection, d’armement et de mobilité :
Char d’assaut : mobilité - protection - armement
Automoteur antichar : protection - armement- mobilité
Obusier automoteur : armement - mobilité - protection
Auto blindée : mobilité - armement - protection
Avec ces critères, il est facile de définir la nature et l’emploi du char d’assaut.
La Seconde Guerre mondiale:
Entre 1939-41, les chars d’assaut avaient un poids variant entre 8 et 25 tonnes. Ils furent responsables des succès allemands durant la période. Ils avaient deux ou trois équipiers, ce qui en faisaient des machines difficiles à maneuvrer au com bat. Avec l’apparition en plus grand nombre des Modèles III et IV allemands, le char d’assaut était opéré par cinq équipiers: chauffeur et le mitrailleur dans le chassis; le cannonier, son servant et le chef de char dans la tourelle. Le travail était mieux réparti, les équipiers étaient moins fatigués, et le char était plus per formant en attaque. Les Américains eux-aussi intégrèrent cinq équipiers à leurs chars Grant et Sherman.
Le véhicule doit être protégé contre les pièces ennemies. Le blindage le plus épais d’un char d’assaut se trouve sur la tourelle et son mantelet. Ensuite, vient le blindage frontal et celui du plancher. En revanche, les côtés, l’arrière et le dessus sont moins protégés afin de sauver du poids et d’équilibrer le véhicule pour une te nue routière acceptable. Il est propulsé soit par un moteur à essence, ou par un moteur diésel plus résistant et fiable, quoique plus lourd et capricieux au froid. La bielle de transmission (sprocket) est située à l’avant. Le chauffeur l’opère ma nuellement par le biais d’un cliquet d’embrayage. Elle a ordinairement huit vi tesses d’avant et quatre arrière.
Le calibre de la pièce a une importance secondaire, étant donné le peu d’épais seur des blindages de l’époque. La rapidité avec laquelle le char ennemi devait être repéré était plus importante que le calibre utilisé. Par contre, la distance d’engagement en 1939-40 n’exédait pas 500 mètres au-dela de laquelle les pro jectiles n’ont plus d’effet sur le blindage. La visée se faisait soit par meurtrières ou par attaches périscopiques. Lorsqu’une formation ennemie est attaquée, les chars des attaquants doivent se préoccuper de foncer sur leurs objectifs assignés sans se laisser distraire outre mesure par des chars ennemis qui essaient de les ac crocher. Les attaquants peuvent disperser ceux-ci sur leurs propres flancs, ha bituellement défendus par des canons anti-chars tractés de 57mm ou de 88mm qui vont achever les ennemis et permettre aux copains de passer. Si un noyau de résistance blindée ou d’infanterie est trop tenace ou menacant, le chef de la formation blindée dirige les avions d’attaque au sol sur la position ennemie. Les Allemands combattirent les Franco-Anglais puis les Soviétiques de cette manière. A partir de l’automne 1943, ce sont les Soviétiques puis les Américains qui utiliser le char d’assaut et l’avion de cette manière. La Seconde Guerre mondiale voit éga lement un accroissement du poids des chars et de leurs armements à partir de 1943. En 1945, le char d’assaut moyen pèse 45 tonnes et certains vont même fri ser les 70 tonnes. Mais déjà, de nouvelles technologies font prévoir le chant du cy gne pour le char d’assaut. Le projectile antichar à sabot et la charge creuse per met à des plateformes aériennes et terrestres même modestes d’affronter le char avec succès: Une arme à charge creuse montée sur Jeep met hors de combat un char à 200 mètres. L’impact brisant d’une bombe d’avion de 150 lbs de TNT peut détruire deux chars Tigre ou JS-2. Le poids d’un char et son blindage, si é pais soit-il, ne suffit tout simplement plus en 1945 pour assurer la pérénité du char d’assaut. Mais, il est le seul outil militaire capable de conquérir et tenir le ter rain.
La Guerre froide:
Entre 1945 et 1980, le poids des chars va se stabiliser maximalement à 40 ton nes. C’est la période ou les munitions de canons de char vont atteindre le zénith de leur puissance; les vitesses vont atteindre et dépasser le 1.8 km/seconde pour un projectile en tungstène sous-calibré genre APDS. Les projectiles à charge creu se HEAT percent 8 pouces de blindage (à 90 degrés) à 1200 mètres. De plus, c’est la période ou de nouveaux systèmes de pointage et de stabilisation de tir en mouve ment permettent de repérer une cible et de la garder en joue sans louper. Le télé mètre électrique et le viseur infrarouge deviennent des standards dans l’inven taire des chars d’assaut.
Les Occidentaux voient leur parc de blindés se réduire après 1945, et optèrent pour un avantage qualitatif. Les chars britanniques Centurion et Chieftain ont été les meilleurs modèles occidentaux durant les années 50 et 60, surclassant leurs rivaux soviétiques en fiabilité mécanique, ergonomie interne, performance des équipiers sous le stress, et rapidité dans la visée. Durant les années 70, les chars allemands Léopard 1 et 2 furent les meilleurs exemplaires occidentaux. Dans le cas du Léopard 2, il s’agit d’un char d’assaut de 70 tonnes de très haute qualité, avec visée rapide, scellés ABC, et qui peut traverser un petit cours d’eau entière ment submergé; son rapport poids/moteur est excellent. Ils sont tous propulsés par des moteurs diésels avec une transmission semi-automatique.
Du côté soviétique, le poids des chars se stabilisa lui-aussi autour des 40 tonnes, mais la conception s’orienta vers la construction de véhicules à silhouette basse pour compliquer la visée du cannonier ennemi. Forts de leurs expériences avec les chars de la série JS et le T-44 expérimental, les Soviétiques mirent au point la sé rie des chars T-54/55 avec une tourelle semi-circulaire suffisamment épaisse pour faire dévier les projectiles HEAT occidentaux. Il porte un canon de 115mm qui a surclassé en pénération tous ceux des occidentaux, sauf les pièces de 120mm du Chieftain (1961) et Léopard 2 (1977). Les Occidentaux ont amélioré la performan ce de leurs munitions de 105mm pour réduire l’écart de performance des 2/3. Mais la faiblesse principale des chars soviétiques demeure toujours la visée médio cre des canons de char. De surcroit, la silhouette basse de ces chars fait en sorte que l’espace habitable est réduit au minimum, et doit être partagée avec les muni tions. La fatigue des équipiers s’accroit, et la performance au combat en est affec tée. Pis encore, la restriction des dimensions internes de ces chars fait en sorte qu’ils ne peuvent transporter suffisamment de carburant: des réservoirs auxiliai res doivent être montés à l’extérieur, sur les côtés et sur l’arrière, sans protection blindée.. L’usure de leurs moteurs s’explique du fait que les chars soviétiques d’après-guerre sont munis de moteurs conçus à la fin des années 30, pour le T-34. Avec l’accroissemement du poids véhiculaire apparait une diminution notable du rapport poids/poussée avec le T-62 et surtout le T-64: le char est incapable de né gocier des pentes très ordinaires. L’Armée égyptienne avait remplacé les moteurs soviétiques de ses T-55 et T-62 par des diésels Ford V-8 beaucoup plus fiables et performants.
L’après-Guerre froide:
A partir du milieu des années 80, le char d’assaut se voit menacé par l’héli coptère et toute une panoplie de nouvelles armes anti-char à charge creuse ou bri sante. Durant cette période, l’accroissement qualitatif occidental se maintient et s’accroit. L’entrée en service du char Abrams américain avec un blindage laminé de 12 pouces d’uranium appauvri marque la poursuite d’un sursaut du char d’as saut amorcé avec le Léopard 2. L’Abrams américain, le Leclerc français, et le T-80 soviétique sont propulsés par une turbine à gaz qui leur donne une tenue tout- terrain impressionnante. De plus, ces blindés possèdent tous un pointage rapide de la tourelle en mouvement et une visée assistée par un télémètre laser informati sé, et des viseurs infrarouges. Mais là où la supériorité occidentale est confirmée, c’est dans la gestion informatisée des formations blindées par le biais d’émetteurs récepteurs informatisés à écran digitaux. Ils donnent aux commandants de chars non seulement la position de leurs véhicules mais ceux de leurs ennemis, ainsi qu’une idée d’ensemble du champ de bataille dans lesquels les belligérants vont o pérer. Du coté des canons de chars en 1990, les performances en pénétration sont équivalentes quoique même légèrement supérieures du coté de la munition russe. Mais la portée de la munition occidentale est supérieure de 1.5 km, et cela fut un facteur déterminant durant la campagne du Golfe persique. Durant l’accrochage de la crête de Médine à l’ouest du Koweit, les chars Abrams ont détruit une tren taine de chars et d’automoteurs d’artillerie avant même que les Iraquiens puis sent ouvrir le feu. Durant cette campagne, l’inventaire iraquien datait de stocks achetés durant la Guerre froide : chars T-55, T-62 et T-72.
A partir de 1996, le duel séculaire entre l’obus et la cuirasse se poursuit toujours. Les chars d’assauts autre que le Abrams sont progressivement munis d’un blinda ge réactif, une cote de mailles capable de faire éclater les charges creuses HEAT avant que celles-ci pénètrent le blindage principal. Pour distraire les têtes cher cheuses antichars guidées par l’infrarouge, les chars T-80 et T-90 sont munis d’un double émetteur-brouilleur Shtora qui étourdit le missile à 100 mètres de sa cible. Pour attaquer un char par sa partie faible, l’obus guidé Copperhead, pro duit par Martin-Marietta peut être guidée sur le toit de la tourelle, là ou le blinda ge est plus mince. Mais la Russie a récemment déployé son système Arena pour contrer des attaques par le haut. Mais même sans ces gadgets, la tourelle semi-cir culaire d’un char russe demeure difficile à détruire: la campagne du Golfe persi que nous a montré des missiles Hellfire frappant par le haut pour ricocher sur la tourelle, et cela à plusieurs reprises sur le même char. Tout cela pour dire que près d’un siècle après son introduction, le char d’assaut demeure encore le roi du champ de bataille, car il peut encore conquérir et tenir le terrain. Les limitations du concept aéro-terrestre représentent beaucoup plus des problèmes de leader ship, d’information et de planification, que des ennuis reliés aux difficultés inhérentes dans l’utilisation du char d’assaut.
Ó JPA Sites, 1999