Perspective socio-historique du Travail Social au Québec

par Doris Lavoie, Juin 1996

Table des Matières

INTRODUCTION

CONCLUSION

LISTE DES RÉFÉRENCES

INTRODUCTION

L'accessibilité universelle aux services sociaux n'est pas apparue du jour au lendemain mais a dû franchir plusieurs étapes à mesure que la conscience sociale du pays se développait. De ses débuts à caractère confessionnel, à ses lettres de noblesse professionnelles et même jusqu'à sa déprofessionnalisation, le travail social s'est développé parallèlement aux conjonctures socio-politiques en place. L'évolution rapide qu'a connue la société québécoise a été accompagnée de transformations sociales importantes, dans un laps de temps très court. Ces mutations ont entraîné des répercussions sur la santé et le bien-être de tous. Les responsabilités du secteur privé et celles de l'État ont considérablement varié au cours des époques. Comme le souligne d'ailleurs Bertrand, "l'histoire de l'intervention de l'État dans les services sociaux et les services de santé est composée de tentatives successives faites depuis des décennies pour répondre le plus adéquatement possible aux besoins de la population et décider en conséquence de l'allocution des ressources." (1988, p. 261)

Ce travail débute donc par un historique succinct de l'avènement des politiques sociales au Québec avant la deuxième guerre mondiale, puis pendant la difficile période du règne de Duplessis. Il fait ensuite le point sur les nombreux changements apportés au tissu social québécois avec la révolution tranquille, suivie par le Rapport Boucher, la commission Castonguay-Nepveu et la commission Rochon.

Enfin, parallèlement à cette démarche, j'ai également tenté de raccrocher chacune de ces périodes socio-historiques au développement de la pratique sociale au Québec et à celui de la profession de travailleur social.

1 - Des débuts à 1939

1.1 L'environnement socio-politique et ses acteurs

On peut identifier comme précurseurs à l'émergence d'une préoccupation sociale dans l'Antiquité : les Romains, à qui on doit les premières infirmeries ; les Grecs, qui étaient assujettis à leur Loi de l'hospitalité ; les Juifs et leur Deutéronome qui prônaient assistance aux malades et aux pauvres ; et finalement les premiers Chrétiens qui ont apporté les concepts d'amour et de charité pour leur prochain.

Ce n'est cependant qu'au 19e siècle avec l'avènement des «Poor Laws» au Canada anglais (1830) et la création du Bureau des pauvres au Québec (1834) que les premières interventions de «service social» sont apparues chez nous. La rébellion des Patriotes de 1837-38 et l'avènement de l'urbanisation ont de plus «forcé la main» au gouvernement du bas-Canada à institutionnaliser certaines interventions à caractère social avec l'ouverture des premiers asiles pour aliénés.

Il faut également se rappeler que "l'élite économique montréalaise était à l'époque, en majeure partie, composée de canadiens d'origine anglaise." (ibid. p. 365) L'élite francophone quant à elle était dominée par le clergé et, comme le précise Wallot, leur définition de l'aliénation allait de l'impiété, à l'hérésie ou même à la possession. (1979, p. 103) De plus, "les élites catholiques n'ignoraient pas les notions modernes de réforme sociale, mais dans le domaine de la charité, l'Église avait le monopole de l'initiative." (Copp, 1978, p. 137) Au sortir de la première guerre mondiale, la première intervention significative de l'État québécois fut la Loi de l'assistance publique de 1921 qui venait en aide aux organismes de charité en assurant les frais d'hospitalisation pour les pauvres et les démunis, soutenant ainsi, de façon indirecte, le financement des hôpitaux. Quelques années plus tard la société doit faire face à la crise économique de 1929, "qui provoque la réaction en chaîne d'une série de catastrophes : un taux de chômage très élevé, des faillites d'entreprise, une économie en chute, des migrations forcées vers les villes... La pauvreté frappe à maints endroits, accompagnée des problèmes d'analphabétisme et de mortalité infantile." (Doucet & Favreau, p. 38) Cette crise économique fit ressortir l'ampleur des problèmes sociaux. De fait, La Loi des unités sanitaires fut adoptée en 1933 pour suppléer au manque des ressources des municipalités dans le domaine de la santé publique. Les unités sanitaires furent administrées jusqu'à la fin des années 60 par le ministère de la Santé, lui-même créé en 1936.

1.2 Les débuts de la pratique du travail social

"Depuis leurs tout débuts vers la fin du 19e siècle, les services sociaux se sont surtout attaqués aux problèmes les plus flagrants des individus et des familles : la pauvreté, la misère sous toutes ses formes, les handicaps physiques et mentaux sont devenus la cible principale de leurs interventions" (Perron, 1986 p. 34 cité par Mayer & Laforest, 1990, p. 14)

Avec entre autres l'avènement de la Loi des Pauvres et celui des Charity Organization Society (COS) qui procédaient par enquête, fichiers et études de cas, est apparue au Canada anglais une approche plus scientifique à la charité. "L'enquête est revendiquée comme une nouveauté dans le champ de la philanthropie car le secours ne vise plus la sanctification du donateur mais doit être rationalisé, d'où une investigation cas par cas pour déterminer les besoins précis de chacun." (Groulx, 1993, p. 24) Les COS étaient cependant l'objet de critiques, comme en fait foi l'intervention de Copp, "les travailleurs de la COS réussissaient parfois à rassembler des données sur la pauvreté, mais pour plusieurs, les enquêtes fouillées des travailleurs sociaux sur des cas individuels aboutissaient à rechercher surtout qui était «digne» d'assistance plutôt qu'à planifier des réformes positives." (1978, p. 127) D'ailleurs, de professer que les causes profondes de la pauvreté étaient de nature individuelle et qu'il fallait également démasquer les pauvres «non méritants» parmi les «méritants», était un des paradigmes les plus contestés des COS. Cependant, parallèlement aux COS, sont apparus peu de temps après, les «Settlements», qui sont les précurseurs du travail social communautaire où de jeunes travailleurs sociaux bourgeois, issus des premières écoles de travail social (Columbia-1900, McGill-1914, Toronto-1918) prodiguaient leurs services dans les quartiers populaires et défavorisés.

En plus de l'influence exercée par l'Angleterre et la France, le cheminement théorique du travail social au pays n'était pas insensible à ce qui ce faisait aux États-Unis. D'ailleurs les grands mouvements et les modèles théoriques développés chez nos voisins du sud tels le modèle écologique de Chicago (fin années 1920-début années 1930) et le culturalisme (fin années 1930) ont exercés une influence certaine car plusieurs acteurs importants de l'avènement des premières écoles de service social francophones ont été formés aux États-Unis.

Le service social de ce temps était essentiellement féminin. L'esprit de charité et l'omniprésence des valeurs catholiques ont d'ailleurs beaucoup influencé la première école de service social au Canada français qui fut fondée en 1932 par Sr Marie Gérin-Lajoie. "On situait, à cette époque, le service social en continuité avec les oeuvres de miséricorde spirituelle et corporelle. On l'identifiait au samaritanisme moderne." (Groulx, 1993, p. 14) À peu près à la même époque naissait la Fédération canadienne-française d'oeuvres de charité, une sorte de COS québécoise.

2 - La période de 1940 à 1962

2.1 L'environnement socio-politique et ses acteurs

Jusqu'à la Révolution tranquille du début des années 60, la société québécoise était caractérisée par un mode de vie traditionnel et une économie axée sur l'exploitation des ressources naturelles, dont le contrôle échappait en grande partie à la majorité francophone. L'Église occupait toujours une place centrale dans la vie collective. "La structure diocésaine avait force de loi dans les services sociaux, du fait de la puissance des évêques particulièrement jaloux de leur autonomie respective." (Perron, 1984, 3e p.) Cette période fut d'ailleurs caractérisée par son conservatisme avec la réélection de Duplessis en 1944 qui fut Premier ministre jusqu'à sa mort en 1959.

Néanmoins, en 1945, le gouvernement fédéral votait la Loi des allocations familiales et, comme le soulignait le rapport Castonguay-Nepveu, la mise en place de ce régime a probablement servi, à cette époque, "d'incitation à la constitution, sur la majeure partie du territoire du Québec, d'organismes de services sociaux. Cette décision confiait aux agences sociales l'administration des allocations familiales versées pour les enfants placés hors de leur foyer, à condition que ces agences exercent sur eux une certaine surveillance." (p. 57)

En 1951, étape importante en matière de reconnaissance du droit des enfants, la Loi sur la protection de la jeunesse substituait l'autorité juridique à l'autorité paternelle lorsque la protection des enfants, face à des sévices moraux ou physiques, était en jeu. Quant au programme national et universel d'assurance-hospitalisation, il fut mis en place par le fédéral selon le modèle de la Saskatchewan vers la fin des années 1950. Ce programme représente la première véritable politique de services dans le secteur de la Santé, il fut adopté par le Québec en 1961 avec la prise du pouvoir par les libéraux de Jean Lesage. C'est le début de la révolution tranquille à laquelle les services sociaux n'ont pas échappé bien que les réformes n'aient pas apparues aussi rapidement que dans d'autres champs de l'activité gouvernementale. (Vaillancourt, 1991, p. 188)

2.2 La pratique du travail social : de Duplessis jusqu'au début de la Révolution tranquille

Durant les années 40, certaines agences de service social créées par l'Église reçurent reconnaissance et financement par l'État. "De fait, la plupart des services sociaux diocésains ont vu le jour et se sont organisés durant la période 1940-1960." (Perron, 1984, 2e p.) Cette période a également vu s'affirmer les écoles francophones de service social à Montréal et à Québec. On voit donc apparaître la première vague de travailleurs sociaux professionnels sur le marché du travail au Québec. Ainsi,

Néanmoins à cause des facteurs sociaux expliqués plus tôt, l'assujettissement au pouvoir de l'Église s'est poursuivi jusqu'à la fin du régime Duplessis (1959). D'ailleurs Groulx apporte un bémol à cette perception professionnelle des débuts du travail social : On peut constater vers la fin des années 1950 que "l'alliance entre le gouvernement et l'Église catholique ne parvient cependant pas à contenir le développement d'une pensée sociale de plus en plus laïcisante, qui réussit progressivement à ébranler le statu quo pour finalement mettre en place les conditions nécessaires à l'émergence de la Révolution tranquille." (Doucet & Favreau, p. 40) Cette pression vers la laïcisation de la pratique sociale s'est d'ailleurs concrétisée en 1960 avec la naissance et la reconnaissance officielle et légale de la Corporation des travailleurs sociaux du Québec.

3 - La période de 1963 à aujourd'hui

3.1 L'environnement socio-politique et ses acteurs

En 1963, le dépôt du Rapport Boucher sur l'assistance publique marquait le début d'une stratégie beaucoup plus interventionniste de l'État en établissant les limites auxquelles faisaient face les organismes privés. Les recommandations du rapport Boucher amenèrent la création du ministère de la famille et du bien-être social en 1965, lequel a permis de mieux planifier et organiser les interventions de l'État.

Le tissu socio-économique du Québec a connu, pendant les années 1960-1990, des transformations profondes et le peuple a eu à relever plusieurs défis, pendant cette époque qui fut plus tard appelée «Révolution tranquille», pour réussir à secouer le fatras imbu de fatalisme dans lequel la religion catholique, la domination de la classe dirigeante anglophone et le duplessisme se complaisaient à l'y laisser. Néanmoins, on peut affirmer qu'au cours de cette période le Québec a au moins réussi à se sortir d'un certain marasme socio-économique bien reflété par l'intervention du président du Canadien National de l'époque qui, "au début des années soixante, affirmait qu'il était incapable de nommer un canadien-français à son conseil d'administration parce qu'il n'en connaissait pas un d'assez compétent en affaires pour occuper ce poste." (Fréchette, 1992, p. 38).

La Loi de l'aide sociale fut adoptée en 1969 ; elle avait pour but de délaisser l'aspect assistance financière afin de se concentrer sur le professionnalisme des interventions. Le mandat de la commission Castonguay-Nepveu (1966-72), quant à lui, consistait à faire l'examen des différents aspects de la santé et du bien-être social au Québec. Seule une approche holistique pouvait circonvolutionner cette tâche. D'ailleurs, comme le souligne Bertrand :

Suite à une partie des recommandations de la Commission Castonguay-Nepveu, le gouvernement québécois adopta, en 1970, la Loi et le régime universel d'assurance-maladie afin de réorganiser en profondeur le système de santé et des services sociaux, d'ailleurs appuyé en 1972 par la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Pour faire suite aux autres recommandations du rapport de Castonguay-Nepveu, une réforme syncrétique du système de santé et des services sociaux a été entreprise. Ainsi, le Code des professions, la Loi de la protection de la santé publique et la Loi de la protection du malade mental, furent adoptés de façon univoque entraînant plusieurs changements sociaux importants : De population essentiellement agraire au début du siècle, le Québec s'était rapidement industrialisé et urbanisé depuis. De plus, le visage de la main d'oeuvre québécoise avait commencé à changer au milieu des années 60 avec l'avènement en masse des femmes sur le marché du travail suivi un peu plus tard par celui des premiers «baby boomers». Parallèlement à cette poussée économique, est apparue la montée du concept de l'État-providence. Cette approche interventionniste de l'État se trouvait ainsi justifiée car : Les années de vaches grasses de 1960-1975 ont vu le gouvernement s'impliquer dans toutes les facettes de l'économie, ce qui a engendré la multiplication des ministères et d'importantes augmentations du nombre de fonctionnaires. Le système et le climat politique en place favorisaient ainsi l'augmentation des dépenses publiques. Comme on peut le constater, les réformes énoncées plus haut (Castonguay-Nepveu) représentent encore de nos jours l'essentiel des politiques sociales en place au Québec. De plus, comme le précise Fréchette (1992, p. 269), seules certaines initiatives spécifiques en réaction à des problématiques précises ou visant une clientèle particulière ont été adoptées depuis. En plus du programme d'assurance-médicaments et de celui des soins dentaires, certaines lois telles celles protégeant les droits des handicapés (1978), la protection de la jeunesse (1979), l'assurance-automobile, la santé et la sécurité du travail (1979) et celles des jeunes contrevenants (1984), se sont ajoutées à l'adoption de politiques sociales dans les domaines du maintien à domicile (1979), de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, des femmes victimes de violence, de périnatalité (1973) et dans le secteur de la santé mentale et de la psychiatrie.

Avec les premiers chocs pétroliers de 1973 et 1979, le Québec, comme tout l'Occident, a alors vu sa croissance économique considérablement ralentir et se détériorer au tournant des années 1980. L'État s'est aperçu que ses ressources étaient de plus en plus sollicitées et qu'il se devait de faire le point afin de bien stérer ses besoins et d'évaluer la pertinence et la portée de son intervention.

Avec les années 1980 le marché du travail se transforme également : les impératifs de productivité conduisent à la spécialisation des tâches et à la rationalisation de la main-d'oeuvre au sein des entreprises. Les emplois dits «précaires» (temps partiel, travail occasionnel, à contrat, à la pige) se multiplient et le taux de chômage se maintient au-dessus de 10 p. cent. De nouvelles formes de pauvreté apparaissent, entraînées par les mutations du marché du travail, mais également par la dislocation des familles. C'est pour répondre à ces nouveaux défis que la Commission Rochon (1985-88) fut créée : "Malgré la conjoncture économique des dernières années et la sérieuse crise des finances publiques que celle-ci a contribué à engendrer, le Québec a réussi à maintenir l'essentiel des acquis des deux dernières décennies : un réseau de services de qualité, accessibles et équitables." (Rochon, 1988, p. 398)

Ainsi, sans faire le panégyrique des réalisations de l'État en matière de politiques sociales, la Commission Rochon en dresse tout de même un bilan assez positif, en relevant certaines pistes que l'État se doit d'explorer afin de répondre aux besoins des citoyens. Une de ces pistes est la reconnaissance des organismes communautaires. La réforme Côté qui suivra, y attache d'ailleurs une importance particulière en reconnaissant, par la loi 120, les organismes communautaires comme partenaires. Cependant, comme le souligne Caillouette,

3.2 La pratique du travail social au cours des 35 dernières années

Avec le début des années 1960, le volet communautaire, à travers les animateurs sociaux qui ont développé de nouvelles approches d'intervention dans les milieux populaires et défavorisés, commence à prendre beaucoup plus d'importance. Le thème de la participation des citoyens devient central. En fait, deux stratégies d'intervention se dessinent :

La sortie du Rapport Boucher en 1963 est très importante pour les travailleurs sociaux "parce qu'il fait une large place à la reconnaissance du rôle privilégié des institutions du service social, d'une part, et parce qu'il a comme effet de renforcer l'image professionnelle des travailleurs sociaux et leur statut de «spécialistes» des questions de bien-être." (Renaud cité par Caron-Gaulin, 1985, p. 23) Il recommande également la division des responsabilités d'aide morale (Services sociaux) et d'aide financière (Sécurité du revenu).

On ne peut également passer sous silence l'apport au développement social communautaire du BAEQ (Bureau d'aménagement de l'Est du Québec) qui a longtemps servi de modèle de concertation et de partenariat socio-économiques entre les acteurs gouvernementaux, municipaux et la population de cette région. Un autre exemple de développement communautaire est la création du COM (Conseil des Oeuvres de Montréal ), "qui occupe un rôle de premier plan dans l'émergence de l'action sociale comme autre forme d'organisation communautaire" (Doucet & Favreau, p. 44) et la création de comités de citoyens, combinée à l'apparition des premières maisons de quartier. (Caron-Gaulin, 1985, p. 24)

L'État n'est cependant pas laissé pour contre, preuve en est d'ailleurs car une étape importante de l'engagement de l'État : les premiers CLSC, sont implantés en 1972. Initialement,

On peut cependant remarquer aujourd'hui que le climat de travail en CLSC s'est beaucoup institutionnalisé : Les travailleurs sociaux quant à eux, se voient assignés aux CLSC pour faire de l'intervention sociale générale mais se retrouvent surtout dans les CSS, formés suite au regroupement d'anciennes agences, pour se consacrer à l'intervention spécialisée. (Caron-Gaulin, 1985, p. 26) Un autre effet qu'a eu la réforme Castonguay-Nepveu sur la pratique sociale est l'émergence d'orientations quelque peu divergentes telles : une orientation technocratique en réponse à l'étatisation et à l'apparition d'une culture organisationnelle dominante ; une orientation militante, qui s'affirme à travers l'activisme de ses membres ; et une orientation professionnelle qui est le fait des travailleurs sociaux surtout masculins ayant des responsabilités de gestion. (Groulx, 1993, p. 151) "Il serait très intéressant d'étudier l'impact qu'a eu sur le service social, défini et développé en grande partie par des femmes, l'emprise massive des hommes sur l'application d'un modèle de gestion des services sociaux conçus par d'autres hommes qui n'étaient même pas du domaine." (Caron-Gaulin, 1985, p. 26)

Suite aux recommandations de la Commission Rochon, de l'adoption de la loi 120, du désengagement social et financier du gouvernement fédéral avec la loi C-76 sur le TCSPS (Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux) et l'élection du Parti québécois, avec justement le Dr Jean Rochon comme ministre de la santé et des services sociaux, un climat de rationalisation, pour ne pas dire d'austérité, s'impose.

Aujourd'hui, plus de 750 établissements offrent des services de santé et des services sociaux dans quelque 2 000 centres de services. On dénombre cinq formes de centres de services : Les groupes communautaires jouent également un rôle de premier plan auprès de plusieurs clientèles. En 1993-1994, près de 2 000 d'entre eux ont été subventionnés par le Ministère et les régies régionales de la santé et des services sociaux. (Rochon, 1995, p. 4) En réponse à cette nouvelle réalité socio-économique Groulx a identifié trois modèles d'intervention et/ou d'action sociale qui se disputent présentement le terrain : Il semble cependant qu'à la lumière des récents développements socio-économiques, une combinaison des deux derniers (néo-libéral et socio-communautaire) veuille s'imposer lentement mais sûrement. Reste à voir si les travailleurs sociaux (est-ce que la Corporation survivra ?) et la société (les nouveaux co-participants/utilisateurs) sauront s'adapter à ces changements importants.

Conclusion

La situation actuelle n'est donc pas une sinécure car le Québec doit réussir à mobiliser les énergies collectives et à faire converger leurs efforts de façon à maintenir l'essentiel des acquis des dernières décennies. Se doter d'une politique globale de la santé et de services sociaux devient alors rapidement une condition sine qua non au bien-être de tous les Québécois.

"Hier, on a rebaptisé les agences sociales «CSS», les maisons de quartier «CLSC» ; aujourd'hui, on rebaptise les CRSSS «régies régionales», les CSS «centres de protection de la jeunesse» ; on veut revitaliser les mécanismes de participation et de partenariat qui ont échoué sous la réforme Castonguay-Nepveu ; mais jusqu'à présent l'essentiel des réformes s'est résumé dans des changements de structures administratives et des transferts de responsabilités." (Mayer, 1994, p. 1030)

Devant le rigorisme des réformes Harris en Ontario et Klein en Alberta, le Québec saura-t-il se distinguer ou sera-t-il emporté par cette vague de droite ? Est-ce que la labilité de notre système actuel est telle que nous devons nous résigner à faire face à l'émergence d'un système social calqué sur le modèle américain où, au nom des libertés individuelles, la solidarité est oubliée et l'écart entre les très riches et les très pauvres ne cesse d'augmenter ? Ou retournerons-nous aux valeurs "diocésaines" traditionnelles de fraternité et d'entraide mais sans l'aspect religieux ?

Je crois que le Québec est à un tournant des plus importants de son histoire. Des choix politiques et sociaux s'imposent et les Québécois doivent éviter de se perdre en ratiocinations et trouver des solutions concrètes mais humanistes afin de relever les importants défis collectifs qui se présentent à l'aube du prochain millénaire.

LISTE DES RÉFÉRENCES

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